Les sénateurs peu convaincus par le SNU

Les sénateurs peu convaincus par le SNU

Réformer la JDC et/ou le service civique au lieu d’instaurer un SNU coûteux et potentiellement redondant ? (Crédit photo: SGA/DSNJ/ESN NE)

À quelques mois d’une première phase pilote, le Service national universel « peine à nous convaincre », estimait le sénateur Christan Cambon le 3 décembre lors d’une audition du général Daniel Ménaouine, directeur du Service national et de la jeunesse et ancien rapporteur du groupe de travail du SNU, dissout le 19 novembre.

Après les partis d’opposition, les associations de jeunesse et une partie non négligeable de la presse, c’est au tour des membres de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat d’exprimer leur inquiétude concernant le SNU. « Hasardeux », « coûteux », « peu consistant »: les sénateurs, « oubliés » des consultations préliminaires, n’ont pas caché leur inquiétude vis à vis d’un projet nécessitant d’urgence un effort de clarté. Parce qu’il nous est impossible de traiter la salve de questions dans son ensemble, penchons-nous sur celle, immuable et amplifiée par un contexte budgétaire tendu, du financement.

L’enjeu est d’autant plus important qu’une expérimentation du SNU est prévue pour juin 2019 dans dix départements avec quelques centaines ou milliers de jeunes, sans que ce dispositif ne soit budgétisé dans le PLF 2019. Plus encore, c’est la facture  globale du dispositif qui reste sans destinataire. Dans un rapport publié le 20 novembre, l’ancien groupe de travail du SNU estime à 1,7Md€ l’investissement initial, puis à 1,6Md€ le budget de fonctionnement annuel.

Un chiffre qui s’avère inférieur à ceux annoncés par le Sénat en 2015 (3Mds€) et en avril par le ministère des Armées, à savoir une fourchette d’ « un à dix milliards » par an en fonction des options retenues. Rappelons, en outre, que le président de la République avait quant à lui évoqué un budget de « 15 à 20 milliards d’euros » pour les infrastructures et de « 2 à 3 milliards d’euros par an en régime de croisière ». Il faudra maintenant attendre les derniers arbitrages du gouvernement, en janvier prochain, pour espérer obtenir un chiffre précis.

Mais si l’attente d’un montant définitif est une chose, déterminer qui, in fine, passera à la caisse en est une autre. Face au flou en vigueur, la Commission défense du Sénat à, elle, déjà voté un article de la LPM 2019-2025 excluant que celle-ci finance le SNU. In fine, les finances publiques dans leur globalité peuvent-elles supporter un tel coût dans un contexte budgétaire conflictuel ? « Pas sûr que l’on ait les moyens », a résumé la sénatrice LR Joëlle Garriaud-Maylam.

De son côté, le général Ménaouine a bien concédé que ce coût « sera certes important » mais a également invité à faire preuve de patience en évoquant « une mise en place qui prendrait du temps ». Confronté à l’insistance de l’auditoire, il a par ailleurs rappelé que « le coût évité d’un jeune en service militaire volontaire est estimé à 73.000 euros ». Autrement dit, un jeune « formé » au travers du SNU pourrait à son tour réduire son empreinte sur la collectivité. Sauf que… le SMV dure de 6 à 12 mois sans interruption et se veut avant tout être un tremplin vers l’emploi, quand le SNU est un service obligatoire à caractère civique et dont la durée est limitée à un mois par an. Difficile, dès lors, de comparer l’impact sociétal d’un dispositif long, professionnalisant et, surtout, basé sur l’engagement et la motivation, à celui d’un service universel contraignant, à l’épaisseur temporelle limitée et dont les objectifs restent confus*.

Avec la dissolution du groupe de travail du SNU se pose maintenant la question de définir l’interlocuteur légitime susceptible d’harmoniser la cacophonie ambiante pour qu’elle puisse accoucher d’une budgétisation solide et cohérente. Sera-ce le nouveau secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation, Gabriel Attal ? L’Élysée ? Attendue initialement pour décembre, l’annonce présidentielle relative au rapport sur le SNU devrait encore glisser au vu du contexte actuel. En attendant une clarification présidentielle, ne reste qu’une seule alternative pour les 800.000 jeunes potentiellement concernés : ronger son frein sans gâcher les fêtes de fin d’année.

 

*Pour dépasser le simple volet budgétaire et comprendre au mieux les aspects sociétaux du SNU, nous vous renvoyons vers l’excellent travail de Bénédicte Chéron, historienne et chercheuse spécialisée des relations armées-société. Cfr., entre autres, la note de recherche n°53 de l’IRSEM (ici).