“Oreille d’or dans un sous-marin, j’analyse les bruits sous la mer”

Oreille d’or dans un sous-marin, j’analyse les bruits sous la mer

Par Clément, 25 ans – Les Echos.fr – Publié le 
Lors d’un entrainement systèmes terre Marine Nationale, Clément, 25 ans, Second Maitre (son grade) exerce métier d’analyste guerre acoustique. En carrière, déjà savoir distinguer bruits d\'un bateau commerce d’un navire guerre, d’un sous-marin. En déterminer nation, classe nom bâtiment.
Lors d’un entrainement sur les systèmes à terre de la Marine Nationale, Clément, 25 ans, Second Maitre (son grade) exerce le métier d’analyste en guerre acoustique. En début de carrière, il doit déjà savoir distinguer les bruits d’un bateau de commerce d’un navire de guerre, ou encore d’un sous-marin. En déterminer la nation, la classe ou encore le nom du bâtiment. @Marine Nationale

TÉMOIGNAGE // Clément, 25 ans, est analyste en guerre acoustique, ou “oreille d’or”, rôle clé dans les sous-marins militaires notamment, comme l’a incarné le comédien français François Civil dans le film Le chant du Loup, avec Omar Sy et Mathieu Kassovitz. Il nous dit comment il est arrivé à ce métier, et à quoi ressemble son quotidien.


J’ai grandi dans le Sud-est de la France et en Bretagne. J’ai passé mon enfance à observer la mer… et à me demander ce qu’elle cachait. J’étais intrigué par le fait que quelque chose puisse nous voir et nous entendre sans que l’on sache ce dont il s’agissait. A l’âge de 18 ans, après mon bac, j’ai décidé de m’engager dans la Marine Nationale et de devenir détecteur anti sous-marins !

Pendant deux ans, j’ai appris le métier de marin à l’école de Maistrance, qui forme les officiers mariniers de la Marine nationale française. J’ai ensuite été formé à dissocier et reconnaître les bruits sous l’eau : un rêve se réalisait ! En amont, j’ai suivi une formation de pompier, car nous sommes les seuls habilités à pouvoir agir sur un sinistre si un incendie se déclare à bord.

La première fois

Je dois avouer que rentrer pour la première fois à bord d’un sous-marin est un moment tout aussi excitant que terrifiant ! De nombreuses interrogations m’ont traversées l’esprit avant mon premier départ : est-ce que je vais réussir à tenir autant de temps sous l’eau sans donner de nouvelles ? Comment vais-je gérer le fait d’être loin de ma famille, de mes amis et de ma copine ? Est-ce que ces quelques jours vont passer vite ?

Quelques heures après ces petites inquiétudes, je suis sous l’eau. A des profondeurs que je n’aurais jamais imaginé pouvoir atteindre un jour . Durant les premiers jours, l’ambiance n’était pas au beau fixe : tout le monde venait de quitter ses proches, il fallait un petit temps d’adaptation.

Mon quotidien en sous-marin

Une fois par semaine, nous recevions des familis : des lettres de 40 mots écrites par l’un de nos proches. Le plus difficile était que nous ne pouvions malheureusement pas y répondre. Ce moment (le plus attendu de la semaine !) est le seul moyen pour nous d’avoir des nouvelles d’eux et de s’isoler un peu, penser à autre chose.

Le quart des mes journées était occupée par mon rôle d’opérateur : je devais écouter et détecter avec mon casque tous les bruits qui nous entouraient. Il pouvait s’agir de navires de commerce, de voiliers, de pêcheurs, de biologistes qui circulent autour du sous-marin ou encore de phénomènes naturels, comme la pluie et les tremblements de terre.

Désormais dans un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA)

Après ces trois cycles de navigation, j’ai postulé au Brevet Supérieur d’Analyste en guerre acoustique. Deux années plus tard, le temps d’effectuer les démarches et de suivre un cours très exigeant, me voilà enfin analyste, plus communément appelé “Oreille d’Or”.

J’ai effectué ma première mission sur un SNA (Sous-marin Nucléaire d’Attaque) à peine 2 mois après ma sortie de cours. Autre sous-marin, autre ambiance. Plus rustique, moins d’espace, mais plus convivial et une mission totalement différente. Les missions peuvent durer jusqu’à 45 jours. A ce stade d’expertise dans l’interprétation et la reconnaissance des phénomènes acoustiques, je suis capable, dans un premier temps, de distinguer un bateau de commerce d’un navire de guerre, ou encore d’un sous-marin.

Ensuite, en utilisant certains critères acoustiques, je peux déterminer la nation, la classe ou encore le nom du bâtiment. A tout moment, on peut me demander de remonter au Central Opération lorsque les opérateurs ont un doute sur la classification d’un bâtiment.

Stress et concentration

C’est dans ces moments que le métier d’analyste prend tout son sens : le stress et la concentration ne me quittent pas ! Je sais que tout le monde à bord compte sur moi et attend une réponse précise de ma part pour agir. Je donne le maximum de moi-même à chaque classification, mais ce n’est pas une science exacte.

C’est aussi pour cet aspect que j’aime mon métier : il faut tout le temps être capable de se remettre en cause, entraîner son oreille et découvrir constamment de nouveaux navires de toutes les nations du monde. C’est un métier très intéressant dont on ne peut pas se lasser rapidement, tant il y a de nouvelles choses à découvrir à chaque escapade”.


La bande-annonce du film Le Chant du Loup, sorti en février 2019