L’armée de Terre se fait déjà la main sur les munitions téléopérées
L’armée de Terre a tiré sa première munition téléopérée cet après-midi, à l’occasion de sa 2e journée de la robotique et en présence de son chef d’état-major, le général Pierre Schill. Une munition inerte et d’origine étrangère, mais qui symbolise l’inflexion capacitaire inscrite dans la prochaine loi de programmation militaire.
C’était sans doute le point d’orgue d’une démonstration menée de main de maître par la section exploratoire Vulcain, en pointe depuis 2021 sur les questions de robotisation de l’armée de Terre : la destruction d’un point d’appui ennemi par une munition téléopérée FireFly acquise auprès de l’entreprise israélienne Rafael. Et si l’explosion était factice pour d’évidentes questions de sécurité, la séquence n’en reste pas moins une première en France.
Cette démonstration pionnière, c’est le fruit d’une réflexion engagée il y a plus de deux ans au sein de la Section technique de l’armée de Terre (STAT). Dès fin 2020, celle-ci cherche à progresser sur une capacité absente du portfolio français et encore très peu développée en Europe. Lancé sur fond de conflit au Haut-Karabagh, le projet aura pris du temps pour se concrétiser.
Convaincre n’est pas toujours chose aisée et l’arrivée annoncée d’une seconde version aura encore un peu repoussé l’échéance, mais deux systèmes à trois munitions sont finalement acquis et livrés début 2022. Juste à temps pour former deux opérateurs en Israël au cours de l’été, puis de réaliser une série d’entraînements en France afin d’être à l’heure pour cette journée dédiée à la robotique.
Le FireFly emporte une charge de 420 grammes d’explosif, l’équivalent de deux grenades défensives. C’est peu mais suffisant pour neutraliser un véhicule non protégé ou un petit groupe de combattants éventuellement retranchés dans un bâtiment. Pulvérisé, le système porteur ajoute son lot de « shrapnels ». L’opérateur conserve la main tout au long de la manœuvre. Une fois la charge armée électroniquement, le processus devient par contre irrémédiable. Faute d’objectif ou en cas d’annulation, la munition doit donc être « sacrifiée ».
L’autonomie atteint les 15 minutes, la portée 1 km en milieu ouvert et jusqu’à 500 mètres en environnement urbain. « Très facile à prendre en main et intuitif », le système est piloté à partir d’une tablette durcie embarquant aussi une quinzaine de scénarios d’exercice de simulation.
Les essais vont se poursuivre, toujours sous la houlette du groupement innovation de la STAT. Celui-ci n’exclut pas de se rapprocher de certains régiments pour plancher conjointement sur l’emploi de cet armement. De quoi continuer à défricher le sujet, poser des jalons et emmagasiner de l’expérience en attendant la concrétisation du projet Colibri, dont les premières démonstrations sont attendues d’ici au printemps 2024.
Le CEMAT l’a encore répété aujourd’hui en marge de la démonstration, les munitions téléopérées (MTO) entreront rapidement dans l’arsenal de l’armée de Terre, d’abord via des solutions disponibles sur étagère puis par la construction d’une filière souveraine. Environ 300 M€ seront investis dans ce but sur la période 2024-2030, notamment pour permettre l’acquisition de 2000 MTO en plusieurs versions au profit des régiments de mêlée et d’artillerie.