Niger : La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest évoque à nouveau l’option militaire
Puis, quelques heures avant l’échéance de cet ultimatum, le commissaire de la Cédéao chargé des affaires politiques et de la sécurité, Abdel-Fatau Musah, assura que « tous les éléments d’une éventuelle intervention » avaient été « élaborés, y compris les ressources nécessaires mais aussi la manière et le moment où nous allons déployer la force ».
Le Niger étant clé pour son dispositif militaire au Sahel, la France a dit appuyer les initiatives de la Cédéao. Les putschistes nigériens « feraient bien de prendre la menace d’intervention militaire par une force régionale très au sérieux », a ainsi affirmé Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères. Les États-Unis, également engagés militairement dans ce pays, ont dit également appuyer les initiatives du bloc ouest-africain, mais en insistant, toutefois, sur le recherche d’une solution « pacifique ».
Cependant, promettre est une chose. Et tenir ses promesses en est une autre. Ainsi, faute d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies [comme cela fut le cas lors de l’opération militaire menée par la Cédéao en Gambie, en janvier 2017, avec la résolution 2337], une telle intervention ne pouvait pas être imminente.
En outre, son éventualité ne fait pas l’unanimité. Ainsi, au Nigeria, dont les forces armées pourraient y tenir un rôle prépondérant, le Sénat s’est opposé à toute opération au Niger… alors que son accord est nécessaire pour envoyer des troupes sur un théâtre extérieur [cela étant, par le passé, il est arrivé à l’exécutif nigérian de s’en affranchir, comme lors de l’affaire en Gambie]. Par ailleurs, l’Algérie, qui partage une frontière de 1000 km avec le Niger, a fait part de son opposition. Et, sans surprise, le Mali et le Burkina Faso, dirigés par des putschistes, ont témoigné de leur soutien à la junte nigérienne, allant jusqu’à considérer toute intervention militaire à Niamey comme une « déclaration de guerre ».
Quoi qu’il en soit, l’ultimatum a expiré, la menace d’intervention militaire n’a pas été suivie d’effet et l’ordre constitutionnel n’a évidemment pas été rétabli au Niger. Mieux : les putschistes ont assis leur pouvoir en nommant un gouvernement à leur main… Et en continuant à s’en prendre à la France, en lançant des accusations tellement ubuesques qu’on se demande bien pourquoi le Quai d’Orsay s’est senti obligé d’y répondre… Et quant aux nouvelles tentatives de médiation de la Cédéao, des Nations unies et de l’Union africaine [UA], elles sont restées vaines.
Pour autant, lors d’un nouveau sommet convoqué à Abuja, le 10 août, la Cédéao a remis l’option militaire sur la table, en évoquant le « déploiement » de sa « force en attente » [ex-ECOMOG] pour « rétablir l’ordre constitutionnel au Niger ». Plus tard, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a confirmé auprès de l’AFP que les chefs d’État du bloc avaient donné leur « feu vert » pour qu’une telle opération soit menée.
« Les chefs d’état-major auront d’autres conférences pour finaliser les choses mais ils ont l’accord de la conférence des chefs d’État pour que l’opération démarre dans les plus brefs délais », a en effet affirmé M. Ouatarra, depuis Abidjan. Et de préciser que la Côte d’Ivoire mobiliserait l’équivalent d’un bataillon [soit environ 1000 soldats] et que « d’autres pays » devraient en faire autant. « Les putschistes peuvent décider de partir dès demain matin et il n’y aura pas d’intervention militaire, tout dépend d’eux » et « nous sommes déterminés à réinstaller le président Bazoum dans ses fonctions », a-t-il martelé.
Pour le moment, les modalités de cette possible intervention militaire n’ont pas été précisées. Quant à savoir si elle pourrait être soutenue par la France et les États-Unis, des responsables ont indiqué qu’aucune demande de la Cédéao n’avait été pour le moment formulée. Mais selon l’AFP, à Paris, « on laisse entendre que toute demande serait étudiée de près ».
En attendant, la France a réaffirmé son « plein soutien » aux décisions de la Cédéao ainsi que sa « ferme condamnation de la tentative de putsch en cours au Niger, ainsi que de la séquestration du président [Mohamed] Bazoum et de sa famille ». Aux États-Unis, la position est presque la même. Si le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a affirmé que Washington soutient le « leadership et le travail de la Cédéao » pour le « retour à l’ordre constitutionnel » au Niger, il a ensuite souligné la détermination du bloc à « explorer toutes les options pour une résolution pacifique de la crise ».
Photo : Ministère ivoirien de la Défense