Pourquoi l’augmentation de 150 % du budget de la défense turc est-elle si inquiétante ?

Pourquoi l’augmentation de 150 % du budget de la défense turc est-elle si inquiétante ?


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Pourquoi l’augmentation de 150 % du budget de la défense turc est-elle si inquiétante ?


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Le vice-président turc Cevdet Yilmaz a annoncé, le 17 octobre, que le budget de la défense turc atteindrait 40 Md$ en 2024, soit une hausse de 150 % par rapport à 2023. En l’absence d’explication concernant les raisons de cette hausse sans précédant, ni l’utilisation qui sera faite des crédits supplémentaires, cette annonce suscite de nombreuses inquiétudes tant au sujet des ambitions régionales d’Ankara, que des programmes militaires qui pourraient être prochainement annoncés par le président Erdogan fraichement réélu.

Si le pari de l’argument défense n’aura pas souri au PiS et au président polonais lors des récentes élections législatives, il s’est montré payant pour le président turc R.T Erdogan et l’AKP. La coalition islamo-conservatrice Alliance Populaire, dont il est le principal parti, conserve la majorité au Parlement avec 323 des 600 sièges, et rate de peu la majorité absolue des voix, avec 49,47 % des votes exprimés.

En effet, pour compenser une situation économique désastreuse, avec une Livre turque qui a perdu 80 % de sa valeur ces 5 dernières années, et une inflation dépassant les 50 %, ainsi que la gestion du séisme de mars 2023, le président Erdogan s’est appuyé sur les progrès réalisés par l’industrie de défense turque ces dernières années, et l’objectif de l’autonomie stratégique qui était désormais à portée de main.

Ces mauvais résultats économiques avaient d’ailleurs lourdement handicapé les armées ces trois dernières années. Ainsi, après 15 ans de hausse interrompue ayant amené les dépenses militaires de 10 Md$ en 2003 et l’arrivée de l’AKP au pouvoir, à plus de 20 Md$ en 2021, ce budget n’avait cessé de faire d’immenses variations, pour prendre en compte les effets de l’inflation galopante, pour s’établir à 16 Md$ en 2023.

Il n’y a donc pas surprenant, dans ce contexte, que le budget de la défense turc ait été réévalué à la hausse pour 2024. Mais personne n’avait anticipé une hausse aussi marquée.

Une hausse du budget de la défense turc sans équivalent de 150 % en un an

En effet, à l’occasion d’une conférence de presse donnée par le vide-président Cevdet Yilmaz, celui-ci a annoncé que le budget de la défense turc serait porté, en 2024, à 40 Md$, soit une hausse de 150 % vis-à-vis de celui de 2023.

Erdogan sous-marin classe reis type 214
Le soutien de R.T Erdogan à l’industrie de défense turque, permit à celle-ci de faire d’immenses progrès en 20 ans, et au pays de se rapprocher de l’autonomie stratégique.

Une telle hausse est sans précédant pour un pays n’étant pas en situation de guerre ces dernières années. Même la Pologne, particulièrement volontaire dans ce domaine, n’envisageait qu’une hausse de 50 % entre 2023 et 2024, afin de financer l’ensemble des programmes de modernisation des armées.

Le vice-président turc a indiqué que le pays atteindra, en 2024, un taux d’acquisition domestique de 85 %, et que les exportations de la BITD turque atteindront 11 Md$ en 2024, en hausse de 83 % par rapport à 2023 et ses 6 Md$ exportés.

En revanche, il n’a nullement donné le détail de la ventilation qui sera faite de cette hausse spectaculaire, qui amènera l’effort de défense du pays au-delà des 4 % de son PIB, ni les raisons ayant amené les autorités turques à arbitrer en faveur d’une telle hausse.

On ne peut, dès lors, qu’émettre des hypothèses à ces sujets, aucune d’entre elles n’étant, par ailleurs, particulièrement rassurante.

Des gages donnés aux armées et à l’industrie de défense turques ?

Les ressources supplémentaires ne pourront, dans les faits, qu’être ventilés vers deux grandes entités : les armées turques, et la BITD nationale. L’AKP et l’Alliance Populaire savent devoir beaucoup au soutien sans faille de cette dernière lors de la campagne. Il est alors plus que probable que les entreprises de défense turques seront les premières bénéficiaires de ces crédits.

Vers une hausse des soldes pour compenser l’inflation ?

Les relations entre les autorités et les armées du pays sont sensiblement plus tendues, même si, ces dernières années, de vastes purges ont permis au président Erdogan de position des militaires proches de l’AKP, aux fonctions clés des armées.

Forces spéciales turques
Une hausse sensible des soldes et traitement des militaires turcs pourrait, pour Erdogan, finir de s’assurer de leur parfait soutien.

Il est donc très probable, en premier lieu, que cette hausse serve à donner des gages aux armées turques, en permettant une modernisation rapide de ses équipements, mais aussi la hausse des soldes et des traitements, afin de s’aligner sur l’inflation du pays.

Toutefois, on notera que le budget étant exprimé en dollar américain, et non en livre turque, une hausse aussi spectaculaires n’était en rien nécessaire pour revaloriser les soldes sur la base de l’inflation, celle-ci étant, en grande partie, répercutée par la déflation de la monnaie nationale face au dollar.

Il est aussi possible que cette hausse permette d’anticiper une augmentation à venir du format des armées, et particulièrement des militaires sous contrat, même si rien n’indique qu’Ankara veuille se diriger dans cette direction.

Un effort accru pour atteindre l’autonomie stratégique ?

L’un des objectifs déclarés de cette hausse, serait de permettre d’accroitre encore davantage le taux d’équipement domestique des armées, qui doit passer de 80 % en 2023, à 85 % en 2024.

Un tel effort est aligné sur la stratégie mise en œuvre par R.T Erdogan depuis qu’il arriva au poste de premier ministre en 2003, en soutenant très activement le développement d’une puissante industrie de défense turque, susceptible d’amener, à terme, le pays vers l’autonomie stratégique.

Le fait est, la BITD turque produit aujourd’hui l’immense majorité des nouveaux équipements acquis par les armées, et le recours à des technologies importées, ne concerne désormais que quelques domaines précis et particulièrement ardus, comme les turboréacteurs des avions, les turbines des hélicoptères et des navires, ou encore les moteurs et transmissions des blindés.

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La Turquie n’est plus qu’à quelques encablures de l’autonomie stratégique concernant les technologies de défense. Mais les dernières compétences sont aussi les plus difficiles à acquérir, comme la conception des moteurs d’avions.

L’industrie turque a toujours également quelques lacunes en termes de métallurgie, d’optique ou de composant électronique de pointe. Les ressources supplémentaires libérées par cette hausse pourraient, dès lors, permettre d’entamer le développement et l’acquisition technologique nécessaire pour atteindre l’autonomie stratégique convoitée.

Rappelons à ce titre qu’aujourd’hui, de nombreux programmes majeurs de la BITD turque, sont handicapés par les sanctions plus ou moins officielles décrétées par les Etats-Unis, mais aussi la France, l’Allemagne, le Canada et la Suède, contre Ankara suite aux interventions des armées turques en Syrie, dans le nord de l’Irak, et en Libye.

Atteindre une réelle autonomie stratégique permettrait à Ankara de mener une politique internationale entièrement autonome, ne pouvant être entravée par les sanctions américaines ou européennes, en particulier dans le domaine des armements.

Des programmes d’acquisitions exceptionnelles planifiées ?

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Le char Altay pourrait enfin débuter sa production en série, avec l’aide de la Corée du sud pour le moteur et la transmission.

Il est aussi très possible qu’Ankara anticipe, par cette hausse massive de crédits, le lancement simultané de plusieurs programmes d’acquisition exceptionnels, planifiés de longue date.


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