Selon son chef d’état-major, l’armée allemande n’a pas les moyens de déployer une brigade en Lituanie
« Le flanc oriental s’est désormais déplacé vers l’est et il est du devoir de l’Allemagne de le protéger », a fait valoir M. Pistorius, en saluant un « accord historique ».
Cette brigade sera formée par deux unités existantes, à savoir le Panzergrenadierbataillon 122 [122e bataillon d’infanterie blindée] et le Panzerbataillon 203 [203e bataillon blindé], et complétée par un bataillon « tournant ». Ses premiers éléments devraient être envoyés en Lituanie, au plus tôt, en 2025, l’objectif étant qu’elle soit déclarée pleinement opérationnelle deux ans plus tard.
Seulement, le commandant de la Heer, le général Alfons Mais, nourrit des doutes sur les viabilité d’un tel projet. Doutes qu’il a exprimés dans un courrier adressé à l’inspecteur général Carsten Breuer, le chef d’état-major de la Bundeswehr. L’hebdomadaire Der Spiegel vient d’en révéler la teneur.
« La couverture est tout simplement trop petite », a ainsi estimé le général Mais. En clair, déployer la Panzerbrigade 42 en Lituanie l’obligera à déshabiller Pierre pour habiller Paul… Et encore, il n’est pas certain d’avoir un costume entier pour cela.
« Seulement 60% de l’armée est suffisamment équipée. La situation ne fera qu’empirer à mesure que l’Allemagne mettra en oeuvre son projet de déployer une brigade de 5000 hommes en Lituanie d’ici 2027. La création d’une nouvelle grande brigade sans investissement supplémentaire réduirait ce chiffre à 55% », a en effet estimé le général Mais… Et cela alors que la Heer manque de tout, de « A à Z », de « l’artillerie aux tentes » [« Zeltbahn », en allemand].
« Malheureusement, je ne peux m’empêcher de souligner à nouveau que les ressources matérielles de l’armée […] sont actuellement plus que marginales et continueront à être sous-financées à l’avenir, malgré tous les efforts positifs », a encore insisté le commandant de la Heer. Et de souligner que les coûts engendrés par l’implantation de la Panzerbrigade 42 n’ont pas tous été pris en compte. Ainsi, aucun budget n’aurait encore été prévu pour financer les unités de soutien nécessaires à son bon fonctionnement.
Ce n’est pas la première fois que le général Mais tire la sonnette d’alarme. En avril, dans une note interne publiée par le quotidien Bild, il avait prévenu que la Heer n’était pas en mesure de remplir ses obligations à l’égard de l’Otan… Et que, en raison de son sous-équipement, elle ne pourrait pas « soutenir des combats de haute intensité ».
À noter que le chef de la Bundeswehr partage cet avis. « Nous devrons peut-être mener une guerre défensive un jour » mais « l’armée allemande n’est pas encore suffisamment équipée pour cela », a-t-il confié, dans les pages de l’édition dominicale du Frankfurter Allgemeine, le 10 décembre.
Pourtant, en novembre, M. Pistorius a promis de faire de la Bundeswehr la « colonne vertébrale de la défense collective en Europe ». Promoteur de la « Zeitenwende » [changement d’ère], le chancelier allemand, Olaf Scholz, avait peu ou prou dit la même chose, un an plus tôt, préférant l’expression de « pierre angulaire ». Le fonds spécial de 100 milliards d’euros devait y aider. Seulement, pour le moment, la Heer n’en a pas beaucoup vu la couleur, cette enveloppe ayant jusqu’à présent servi à acquérir des chasseurs bombardiers F-35A, des hélicoptères CH-47F Chinook, des avions de patrouille maritime P-8A Poseidon et le système de défense aérienne Arrow 3.