Le ministère des Armées et EDF vont coopérer pour produire le tritium indispensable à la dissuasion nucléaire
Dans les années 1960, la Direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables [DAM/CEA] fit construire deux réacteurs spécifiques, appelés Célestin I et Célestin II, pour irradier du lithium afin de produire du tritium. Un unité de production dédiée [l’Atelier Tritium de Marcoule] entra en service en 1967.
Comme le rappelle le ministère des Armées, ces installations ont fonctionné jusqu’en 2009, année de leur démantèlement. Aussi, des travaux furent lancés dès la décennie 1990 pour les remplacer. Et l’une des pistes consistait à recourir à des réacteurs nucléaires civils – en l’occurrence ceux d’EDF – pour irradier du lithium afin de produire ensuite du tritium grâce aux moyens de la DAM.
Ce projet a mis du temps pour se concrétiser. En effet, le 18 mars, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, s’est rendu à la centrale nucléaire de Civaux [Vienne] où un « service d’irradiation » sera installé afin d’irradier le lithium pour les besoins de la dissuasion nucléaire. Une convention avec EDF sera signée à cette fin.
« Les réacteurs de la centrale continueront de produire comme d’habitude de l’électricité […] et cela restera leur activité principale. De manière annexe, la puissance des cœurs de ces réacteurs, les plus récents du parc national, est mise à profit pour y irradier des composés contenant du lithium. Ces matériaux seront embarqués dans le cœur comme passagers, en quelque sorte, pendant le cycle de fonctionnement de la centrale et une fois irradiés, ils seront déchargés comme du combustible en fin de cycle puis transportés vers les installations du CEA et ainsi restitués à la Défense », explique le ministère des Armées.
Cette solution présente plusieurs avantages. D’abord, elle ne change rien à la mission première de la centrale nucléaire de Civaux puisque l’irradiation du lithium se fera dans le cours normal de son fonctionnement. Ensuite, elle permet une redondance avec les moyens d’irradiation du CEA pour un « coût raisonnable » et de s’affranchir des investissements lourds qu’aurait engendré la construction de successeurs aux réacteurs Célestin I et II.
Cependant, il reste une inconnue. La matière à irradier devant être introduite à l’occasion d’un arrêt programmé de la centrale de Civaux en 2025, les paramètres des réacteurs seront légèrement modifiés. « Il faudra donc réaliser une notification de la sûreté et l’Autorité de Sûreté Nucléaire donnera – ou non – l’autorisation de réaliser cette opération », a ainsi confié Étienne Dutheil, le directeur de la production nucléaire d’EDF, au Figaro.