5 000 militaires à Paris au soir du second tour des législatives
Les forces de l’ordre sont en effectif limité. Des soldats prépositionnés en vue des Jeux olympiques craignent d’être réquisitionnés le 7 juillet à Paris.
Quels que soient les résultats des élections législatives, la situation sera explosive au soir du second tour dimanche 7 juillet, en particulier à Paris. Et, situation inédite, 5 000 des 18 000 soldats prévus dans le dispositif de sécurisation des Jeux olympiques, qui doivent commencer le 26 juillet, seront déjà présents en région parisienne, le reste devant rejoindre la capitale après le défilé du 14 Juillet.
« Les militaires ne feront pas de maintien de l’ordre, ce n’est pas leur métier et c’est absolument hors de question », assure-t-on au ministère de l’Intérieur. « Des militaires seront déployés dans le cadre habituel de la prévention et de la lutte antiterroriste, ils n’auront aucune mission liée de près ou de loin au maintien de l’ordre », précise-t-on à la préfecture de police de Paris.
« La tentation serait forte… »
En cas de flambée de violence au soir du 7 juillet, seules les forces de l’ordre seront en première ligne. « Les militaires n’ont jamais fait de maintien de l’ordre sur le territoire national, cela ne s’est jamais vu », insiste-t-on à la préfecture de police. « Le métier des policiers est de ne pas tirer, celui des militaires est de tirer », résume un officier de l’armée de terre. Faire appel aux militaires pour maintenir l’ordre n’est donc pas à l’ordre du jour.
Mais « en cas d’émeutes s’étendant dans la durée, après l’installation d’un nouveau gouvernement et à l’approche de la date d’ouverture des Jeux olympiques, la tentation serait forte pour le pouvoir politique d’avoir recours aux milliers de militaires déjà sur place, surtout s’il est dans la démarche d’asseoir son autorité », ajoute cet officier, haut placé dans le dispositif des JO. À situation inédite, réponse inédite…
Des « missions de police » pour les militaires
Pour ajouter à la complexité de la situation, plus de 1 500 gendarmes mobiles, initialement affectés au maintien de l’ordre en métropole cet été, ont été envoyés en Nouvelle-Calédonie pour affronter la situation insurrectionnelle. De plus, de nombreux policiers et gendarmes seront en repos ou en congés durant la première quinzaine de juillet, leur hiérarchie leur ayant ordonné d’être disponibles durant les JO. « Tous ces enjeux de disponibilité des effectifs ont été anticipés », balaie-t-on au ministère de l’Intérieur.
L’inquiétude exprimée par certains militaires est renforcée par le fait que leur mission sort temporairement du cadre habituel de Vigipirate. Un autre officier de l’armée de terre nous assure par exemple qu’il doit désormais mener des missions de sécurisation en région parisienne sans l’assistance d’un officier de police judiciaire (OPJ). Or, la présence d’un OPJ, policier ou gendarme expérimenté, est impérative pour constater les délits et les crimes. « Je dois envoyer mes hommes assurer une mission de police, sans le pouvoir de police », regrette-t-il. « Les patrouilles se font toujours dans le cadre légal de Sentinelle, pourtant la mission n’est plus l’antiterrorisme, c’est de la sécurité sur la voie publique », lance-t-il, amer.
Des superpouvoirs pour le préfet de police
« Le ministère de l’Intérieur est drogué à notre présence sur la voie publique, mais la singularité militaire n’est pas d’agir en supplétif des forces de l’ordre sur le territoire national », assure encore un officier. De leur côté, les forces de l’ordre sont exténuées par des années de sollicitation intense et permanente depuis 2015 avec une série d’attentats, la mobilisation des Gilets jaunes ou encore la crise du Covid.
Ce n’est pas cet été que les choses vont évoluer en faveur des militaires. Habituellement, les soldats peuvent prêter main-forte aux préfets qui formulent des « effets à obtenir », en cas de crise ou de catastrophe naturelle par exemple. Charge ensuite aux militaires de choisir les moyens qu’ils allouent. Mais compte tenu du caractère exceptionnel de la mission de sécurisation des JO, les personnels militaires sont durant l’été réquisitionnables par le préfet de police, via le gouverneur militaire de Paris.
Ministère de l’Intérieur parallèle
En plus de ce pouvoir partiel sur les forces armées, le préfet de police de Paris a aussi autorité du 1er juillet au 15 septembre 2024 sur les préfets des départements de la petite couronne, normalement sous l’autorité exclusive du ministre de l’Intérieur. Et la préfecture de police a aussi temporairement autorité sur la régulation des aéronefs et des drones, sur le brouillage, sur la vidéosurveillance ou encore sur les missions des sociétés de sécurité privées.
De quoi mériter un peu plus son surnom de « ministère de l’Intérieur parallèle » pendant les JO… et donc aussi durant la phase politique et sociale explosive qui s’annonce à l’issue des élections législatives.