Grâce à l’innovation participative, l’armée de Terre gagne en efficacité
En février, l’US Air Force a mis en place une nouvelle politique visant à favoriser l’innovation au niveau de ses escadrons, estimant que seuls les commandants de ces derniers « savent ce que leurs unités ont besoin de tester, d’expérimenter et d’affiner. » Une telle démarche existe depuis 1988 en France, avec la Mission pour le développement de l’innovation participative (MIP).
Ce dispositif, qui se veut simple pour être réactif, accompagne les militaires ayant des projets innovants visant à améliorer l’efficacité opérationnelle et/ou le fonctionnement de leur unité. En 30 ans, la MIP a ainsi soutenu 1.400 projets, dont certains sont devenus incontournables, comme le poste Auxylium, qui équipe les soldats de l’opération Sentinelle. Ce smartphone 4G crypté, qui en fait probablement le système 4G tactique militaire du monde, permet de se passer des radios tactiques en milieu urbain.
Chaque année, la Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque s’associe à la MIP pour décerner le prix de l’Audace afin de « récompenser les femmes et hommes inventifs qui osent passer à l’acte pour donner vie à leurs idées. » Et le choix peut être compliqué…
Lors de l’édition 2018 de ce prix de l’Audace, le projet du lieutenant-colonel « Charles », du 13e Régiment de Dragons Parachutistes (RDP), a réuni les suffrages du jury pour la catégorie « armée de Terre ».
Appelé SPOTAL (Portatif d’Observation des Tirs aux Armes Légères), le système imaginé par cet officier permet, lors des séances de tirs de moyenne et longue distance, à un tireur de visualiser ses impacts en direct depuis le pas de tir, grâce à une tablette.
Ce système, qui, totalement autonome, se passe de réseaux GSM et WIFI externe, se compose également de deux boîtiers (l’un pour l’émission, l’autre pour la réception) et donc d’une tablette munie d’un logiciel dédiée. SPOTAL « offre également la possibilité au tireur d’améliorer ses performances, de faire de la détection automatique des impacts et de calibrer tout type de cible », précise la MIP. Mieux encore : il est également utilisable comme un « capteur abandonné de surveillance d’un point d’intérêt ou de zone. »
Une autre innovation qui intéresse l’armée de Terre est celle présenté par l’ingénieur « Pierre-Henri », de la Direction générale de l’armement [DGA]. Et c’est d’ailleurs au titre de cette dernière que son projet, NUMESIM, a été primé.
En parteriat avec le Groupement aéromobilité de la section technique de l’armée de Terre (GAMSTAT), cet ingénieur a développé une solution simple qui permet de connecter, de manière sécurisée, un hélicoptère à la chaîne de commandement numérisée de l’armée de Terre.
« La solution permet d’équiper rapidement et à moindre coût un maximum d’aéronefs, en complément des hélicoptères disposant de solutions existantes intégrées. Elle permet en effet de multiplier par deux le nombre d’appareils numérisés au regard de la flotte disposant du ‘SITALAT intégré’ et de ne laisser aucun type d’appareil hors de la bulle numérisée », explique la MIP.
L’idée de NUMESIM repose sur la modernisation de la boîte de commande du poste radio PR4G, dont sont dotés tous les hélicoptères de l’ALAT. « En plus de la connectique et des fonctionnalités d’origine, le nouveau boîtier radio permet de connecter en Bluetooth ou par câble USB une tablette tactique durcie équipée du logiciel SITALAT », résume la MIP, avant de préciser que l’ingénieur « injecté de l’innovation à toutes les étapes, de la conception à la fabrication », notamment en ayant recours à l’impression et l’usinage 3D.
Cette solution est actuellement en cours de qualification et elle pourrait être livrée au début de l’année 2019. Désormais, tous les équipages d’hélicoptères pourront exploiter des données définies dans l’outil de préparation de mission de l’ALAT et disposer du positionnement sur une cartographie 2D/3D, du partage en temps réel des positions amies (Blue Force Tracking – BFT) ou encore de la mise à jour de la situation tactique,
Une autre projet aurait mérité d’être distingué : celui d’un sous-officier du 17e Régiment du Génie Parachutiste (RGP). Ce dernier est parti d’un constat : actuellement, les capteurs optroniques et autres détecteurs de mines qui équipent les sapeurs du régiment montalbanais, sont parachutés indépendamment, dans une « gaine aérolargable collective ». Ce n’est qu’une fois au sol qu’ils récupèrent leurs équipements, ce qui présente deux inconvénients : cela fait perdre du temps lors d’une phase où l’on n’en jamais de trop et il y a risque de casse, étant donné que les matériels en question, même « durcis », sont relativement fragiles.
D’où l’idée du sergent-chef « Éric », qui a imaginé une nouvelle gaine aérolargable qui permet à un sapeur-parachutiste de sauter de l’avion avec ses propres équipements. Pour cela, il a conçu un « système utilisant le container logistique actuel des détecteurs », en l’adaptant sur « une gaine aérolargable standard type EL110 grâce à fourreau en tissu résistant et des sangles de pourtour », relève la MIP, qui précise que « l’intérieur de la caisse est composé de mousse prédécoupée et permet ainsi de transporter tout type d’équipement. »
Ce système de protection et d’accroche est compatible avec les techniques de saut à ouverture automatique. Et son autorisation d’emploi a été prononcée en juin 2017. Depuis, 90 gaines de ce type sont opérationnelles au sein de l’armée de Terre.
Photos : Ministère des Armées