Le chef de l’Agence européenne de défense met en garde contre la mainmise américaine sur les équipements militaires
Lors d’une audition à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, le Pdg de Dassault Aviation, Éric Trappier, s’était emporté contre la tendance des industriels américains de l’armement à imposer leurs standards technologiques au lieu de rechercher l’interopérabilité avec l’Otan.
« Le modèle américain du F-35 casse ces codes et vous dit : ‘il n’y a plus d’interopérabilité, il y a intégration avec le F-35’. C’est à dire que vous êtes Américains ou vous n’êtes pas. C’est proprement scandaleux que l’Otan accepte ça. Normalement, c’est l’interopérabilité et on est train de passer à l’uniformisation et à l’intégration dans les armées américaines »,
avait ainsi expliqué M. Trappier.
Lors d’une conférence sur la cohérences des capacités [militaires] européennes, donnée à l’occasion du salon de l’armement terrestre Eurosatory, le chef de l’Agence européenne de défense [AED], Jorge Domecq, n’a pas dit autre chose, en estimant que l’Europe devrait se passer des équipements militaires américains de haute technologie afin d’obtenir une plus grande « autonomie stratégique. »
« Voulons-nous continuer à entretenir une relation d’affaire, avec l’autre côté de l’Atlantique, qui est indubitablement déséquilibrée mais malsaine en termes de défense de l’Europe? » a ainsi demandé M. Domecq, selon ses propos rapportés par Defense News.
« La tendance des nations qui achètent des capacités [militaires] américaines devrait cesser si l’Europe veut se débrouiller militairement », a plaidé le chef de l’AED.
« Si vous avez des capacités sans avoir les moyens industriels de les entretenir, alors cela revient à demander à votre voisin de vous donner un tuyau chaque fois que vous voulez arroser des plantes. À la longue, vous n’aurez plus de jardin. Vous aurez un terrain sec », a plaidé M. Domecq.
Reste que ces propos risquent de n’avoir aucun effet sur certains pays européens. Ceux d’Europe de l’Est, s’est plu à rappeler Defense News, « continuent de privilégier les équipements américains » par rapport aux offres européennes étant donné qu’ils les considérent comme une « sorte de police d’assurance politique contre Moscou. » Ce ne sont pas les seuls d’ailleurs : même la Suède, qui ne fait pas partie de l’Otan, a choisi le système Patriot aux dépens du SAMP/T d’Eurosam.
Cependant, le Fonds européen de défense [FED], qui, censé permettre de développer les capacités militaires des États membres, sera présenté le 13 juin, va marquer une rupture. En effet, pour y être éligibles, les « entreprises devront être basées dans l’Union européenne, avoir leurs infrastructures dans l’Union européenne et surtout, les prises de décisions ne pourront pas être contrôlées par une entité installée hors de l’Union européenne. » Ce qui exclurera les industriels américains et… britanniques après le Brexit.