Gilets jaunes: quelles conséquences sur les armées ?
Maintien de l’ordre, malaise social et budget des armées : le mouvement contestataire change la donne.
La crise des gilets jaunes ne sera sans doute pas sans conséquences sur les armées. On peut déjà en lister trois.
1. L’emploi des militaires pour le maintien de l’ordre.
Certains syndicats de police le demandent, comme Alliance, le plus important d’entre eux, qui réclame « le renfort de l’armée pour garder les lieux institutionnels », afin de soulager les forces mobiles d’intervention (CRS et « moblots »). Ce lundi matin, l’ASAF (association de soutien à l’armée française) qui rassemble de nombreux anciens officiers, « suggère que, si les forces de sécurité ne sont pas en mesure » de protéger l’Arc de Triomphe, « le détachement Sentinelle se voit confier la mission d’en assurer la protection au sens militaire du terme ».
La semaine dernière, les propos du président Macron évoquant l’envoi de « militaires » en renfort sur l’île de La Réunion avaient déjà suscité un certain malaise, même si le chef de l’Etat évoquait, semble-t-il, plutôt les gendarmes.
Quoi qu’il en soit, cette situation inquiète la haute hiérarchie militaire, qui redoute de se voir les armées impliquées dans de telles missions.
A la fin des années 90 et dans les années 2000, l’armée de terre avait développé tout un savoir-faire en matière de « contrôle de foules » selon le terme alors choisi pour éviter celui plus problématique de maintien de l’ordre. Au Kosovo, et notamment sur le pont de Mitrovica, des fantassins ont été engagés dans de telles opérations. Ils étaient alors formés et équipés pour cela. Ce type de mode d’action est aujourd’hui abandonné, explique-t-on dans l’armée de terre « C’était un mode d’action utilisé essentiellement dans les Balkans. Pas de mélange des genres : maintien de l’ordre et contrôle de foule sont des missions des forces de sécurité intérieure », donc pas des armées.
L’idée de déployer des militaires en protection statique, comme le demandent les syndicats de police, ne résiste guère à une analyse tactique sérieuse : que se passerait-il en effet si des groupes de manifestants violents parvenaient à franchir des barrages de policiers et de gendarmes, et venaient au contact direct des militaires, par exemple aux abords de l’Élysée ? Quel serait le mode opératoire des militaires ?
2. Des militaires proches des gilets jaunes
Sociologiquement, de nombreux militaires sont proches des gilets jaunes. Un général le reconnaît : « Nos caporaux-chefs ont les mêmes problèmes » que les manifestants. Souvent provinciaux, issus des classes populaires ou moyennes, les EVAT ont eux aussi des problèmes de fin de mois. Souvent célibataires géographiques, les militaires sont confrontés à la hausse du prix du carburant.
Les rares analyses électorales disponibles ont par ailleurs montré que, lors des dernières élections, les militaires votaient plus que la moyenne nationale, pour l’extrême-droite – un terreau favorable à la contestation.
Le mécontentement social latent existe dans les armées et les chefs militaires ne cessent de répéter que leurs troupes doivent voir rapidement les effets concrets de l’augmentation du budget des armées. L’insistance du ministère sur son « plan familles » témoigne aussi de cette préoccupation en haut lieu.
3. Le budget des armées menacé
Quelle que soit l’issue de la crise (et quel que soit le gouvernement qui sera aux commandes) une chose est claire : la réponse ne pourra être que plus de social à destination des catégories populaires et moyennes. Cela aura un coût, partiellement supporté par le budget de l’État, dans un contexte déjà très tendu et alors que la croissance économique n’est pas au rendez-vous. Le tour de passe-passe sur le financement des opex dans le budget 2018 n’est sans doute qu’un petit avant-goût de ce qu’il pourrait advenir.