Que faire de la cinquantaine de bombes nucléaires US stockées en Turquie depuis 60 ans?

Que faire de la cinquantaine de bombes nucléaires US stockées en Turquie depuis 60 ans?

Par Philippe Chapleau – Lignes de défense – Publié le 22 octobre 2019

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/

 

Alors que certains experts et politiciens américains s’interrogent sur le maintien ou le retrait de la cinquantaine de bombes nucléaires stockées sur la base d’Incirlik (voir plus bas la vue aérienne), en Turquie, on fête cette année le 60e anniversaire du déploiement d’armes atomiques américaines sur le territoire turc. 

Si l’on reprend les données du livre History of the Custody and Deployment of Nuclear Weapons: July 1945 through September 1977 (cité dans un Bulletin of the Atomic Scientists de 1999), les premières bombes ont été acheminées en février 1959 puis des missiles Honest John en mai de la même année.

 

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Au début des années 2000, selon FAS (Federation of American Scientists), le site turc abritait environ 90 engins nucléaires pour une capacité de stockage maximale de 100 (en 1986, la capacité totale était de 120 engins). Le stock de quelque 50 bombes de type B61 actuellement emmagasinées sur place devrait être renforcés par les nouvelles B61-12. Sauf si…

Un retrait de Turquie de ces armes est souvent avancé, voire souhaité, mais rien n’a encore été fait (même en 2016 quand les relations se sont dégradés après le putsch avorté et les accusations d’Ankara contre Washington). Les tensions avec la Turquie depuis l’invasion du nord de la Syrie ont relancé le projet, selon le New York Times du 14 octobre.

Le problème n’est pas logistique. Une partie des stocks d’armes nucléaires US de Grèce et du Royaume-Uni a été évacuée en 2001 et 2006 sans problème. Les C-17 du 4th Airlift Squadron de la 62nd Airlift Wing pourraient facilement exfiltrer toutes les armes nucléaires d’Incirlik.

Le problème semble plutôt politique. Pour Hans M. Kristensen, le directeur du Nuclear Information Project de la Federation of American Scientists, un tel retrait signifierait la fin de la relation particulière entre Turcs et Américains, voire un éclatement de l’alliance qui pourrait conduire les Turcs à totalement fermer leurs bases aux Américains.

Si ces armes devaient quitter le sol turc mais rester en Europe pour des questions de dissuasion, elles pourraient facilement être réparties dans les zones de stockage de Belgique, Pays-Bas, Allemagne et Italie où une centaine de places sont disponibles dans les sites de stockage. Une centaine de bombes pourraient aussi être accueillies sur la base de la RAF, à Lakenheath.

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Les installations de stockage d’Incirlik sont protégées par le 39th Security Force Squadron. Le 29 septembre, le sous-chef d’état-major de l’USAF, le général Wilson, s’est rendu sur place et a rencontré les soldats de cette unité, les exhortant à poursuivre leur mission.

Cette unité aurait été renforcée il y a quelques semaines par des effectifs prélevés dans le 31st Security Forces Squadron basé à Aviano, en Italie.