Haute intensité : un choc avec les Titan aurait un coût très élevé
Par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 12 juillet 2021
http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/
Après 20 ans de lutte anti-insurrectionnelle, tant en Afghanistan qu’au Sahel, les forces françaises sont-elles en mesure de relever le défi de la haute intensité (photo ci-dessus armée de Terre) ?
« L’armée de Terre n’a jamais abandonné la haute intensité », rappelle le chef de la 2e brigade blindée, le général Giraud (photos ci-dessous PH. CH.).
« Le choix de nos matériels le prouve : regardez nos chars Leclerc ou nos hélicoptères Tigre, par exemple. Par ailleurs, dans nos centres d’entraînement du CENTAC (le Centre d’entraînement au combat) et du CENZUB (le centre d’entraînement aux actions en zone urbaine), nous sommes toujours restés sur la préparation à la haute intensité. Les fondamentaux sont là mais il va falloir durcir, par exemple, nos capacités sol-air parce que nous n’aurons pas toujours la supériorité aérienne. Et il faut aussi durcir l’entraînement ».
Ce durcissement de l’entraînement est déjà en cours. Ainsi, les soldats de la 2e brigade blindée ont récemment participé à deux exercices majeurs : Springstorm en Estonie (voir mes différents post dont celui-ci et celui-ci) et Dompaire dans l’est de la France.
En attendant Orion
Dompaire n’est qu’une petite commune des Vosges mais en septembre 1944, la 2e DB et la 112e Panzerbrigade, s’y sont affrontées dans le cadre de la plus grande bataille de chars de la campagne de France.
Dompaire, c’est aussi un millier d’hommes et 300 véhicules qui ont manœuvré pendant 15 jours début juillet, « dont la moitié du temps en terrain libre », comme le précise le général Giraud. L’autre moitié de Dompaire a été jouée en simulation, à partir de Saumur où est installé le Centre de Simulation Opérationnelle (CSO) SOULT.
« Il est toujours complexe pour les unités de s’intégrer dans un environnement interarmes. Ce que l’on réussit à faire au niveau des groupements tactiques (de 800 à 1 500 hommes) au Sahel, il faut désormais qu’on le réalise au niveau des brigades (7 000 hommes) puis des divisions (25 000 hommes) », explique Vincent Giraud.
Dompaire (« un préambule à Orion », l’exercice de niveau division qui aura lieu en 2023) s’inscrit dans la préparation au combat de haute intensité où les belligérants disposent d’armement et d’effectifs équivalents, de techniques et de tactiques similaires. L’ennemi est alors dit de type « Mercure » (armée étatique de haut niveau et du haut de spectre) ou « Titan » (armée étatique de 2e rang/dissymétrique), par opposition à « Tantale » (force armée non étatique, guérilla très consistante) et « Deimos » (ennemi non conventionnel, GAT).
Outre la complexité à faire manœuvrer des forces importantes dans un environnement non permissif, ce type de combat se caractérise par sa létalité. « Les unités de mêlée (infanterie et cavalerie) subiront de lourdes pertes », comme le montre la simulation. Pendant Dompaire, l’action de l’artillerie et de l’aviation ennemies a coûté aux forces amies « entre 75 % et 85 % de leurs capacités » humaines et matérielles.
« Pertes élevées donc, mais aussi grande consommation de munitions, ce qui pose un enjeu logistique pour approvisionner les combattants et régénérer hommes et matériels. Et enfin, vulnérabilité des postes de commandement, leur neutralisation obligeant à disposer aussi de moyens dégradés« , énumère le général Giraud, avant de poursuivre avec « l’accélération du tempo ».
En effet, les troupes évoluent en permanence en zone d’insécurité, souvent sous le feu ennemi, tout en étant menacées par des infiltrations de l’adversaire. Ce qui induit de la fatigue et a un impact négatif sur les capacités de décision.
Malgré tout, rassure le général Giraud, « on est encore capable de faire parce qu’on n’a jamais lâché ». Et le cavalier de conclure : « On se remet en selle mais on n’est pas tombé de la selle« .