Le recrutement prévu de 20000 réservistes de la Gendarmerie n’est pas financé pour le moment
Selon les conclusions du « Beauveau de la sécurité », la Gendarmerie nationale devrait voir le nombre de ses réservistes opérationnels passer de 30’000 à 50’000 dans les mois à venir. Cette montée en puissance s’explique en grande partie par l’organisation de grands évènements, comme la coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Mais pas seulement.
En effet, il est aussi question de confier de nouvelles missions aux réservistes de la gendarmerie, comme le rappelle un rapport récemment publié par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense. Ainsi, ces derniers pourraient être des « primo-arrivants » auprès des maires en cas d’évènement imprévu sur le territoire d’une commune, tenir un rôle plus important dans la gestion des violences intrafamiliales ou encore renforcer la brigade numérique de Rennes.
Outre cette hausse significative de l’effectif de la réserve opérationnelle de la Gendarmerie, il est aussi envisagé de porter à 30 jours [contre 24 en moyenne actuellement] le nombre de jours de service par réserviste et par an.
Évidemment, cela a un coût. Et l’habitude a été prise d’utiliser la dotation prévue pour la réserve comme variable d’ajustement. Du moins, est-ce le sentiment que laisse la pratique consistant à reporter au début du prochain exercice la mise en paiement des soldes dues aux réservistes quand l’année est sur le point de se terminer.
« Les engagements opérationnels effectués en fin d’année voient régulièrement leur mise en paiement réalisées en début d’année suivante, entraînant des reports de rémunérations. 5,3 millions d’euros ont ainsi été reportés de 2019 sur 2020, 21,9 millions d’euros de 2020 sur 2021 [pic dû à un emploi élevé de la réserve sur le dernier bimestre 2020 en raison de la forte menace terroriste, du contrôle du confinement et du renforcement du dispositif de lutte contre l’immigration clandestine sur les frontières], et 10,7 millions d’euros seront sans doute reportés de 2021 sur 2022 », note en effet le rapport du Sénat.
Quoi qu’il en soit, la question est de savoir si la Gendarmerie aura les moyens financiers pour assurer la montée en puissance de sa réserve opérationnelle. Cette année, les 70,7 millions d’euros de crédits ouverts au titre de la Loi de finances initiale 2021 ont permis de « maintenir le format de la réserve opérationnelle, avec une ’empreinte au sol’ moyenne de 1’800 réservistes par jour au premier semestre 2021 », note le rapport du Sénat.
Or, le projet de loi de finances [PLF] 2022 a reconduit une dotation identique pour l’an prochain. Seulement, selon le Sénat, « pour passer à 50’000 réservistes et 30 jours de mission par an, il faudrait au moins doubler l’enveloppe budgétaire prévue pour 2022. Pour le moment, la montée en puissance prévue n’est donc pas engagée sur le plan budgétaire ». Soit environ 140 millions d’euros.
A priori, le Directeur de la Gendarmerie nationale [DGGN], le général Christian Rodriguez, n’est pas inquiet. « Le ministre a bien précisé à deux reprises que l’augmentation du volume des réservistes nécessitera un accompagnement budgétaire », a-t-il rappelé, lors de son audition par les sénateurs, le mois dernier. Aussi, le montant des crédits nécessaires devraient donc être inscrits dans la future « Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » [LOPSSI]. « La commission sera vigilante sur l’inscription des crédits correspondants dans les prochaines lois de finances », ont prévenu les auteurs du rapport.
Pour rappel, le prochain budget alloué à la Gendarmerie s’élèvera à 9,3 milliards d’euros en crédits de paiement [soit +2,44%], dont 1,2 milliard pour les dépenses de fonctionnement [+14%] et 284 millions pour les dépenses d’investissement [+46%]. « Comme les dépenses de personnel n’augmenteront pour leur part que de 1,1%, la proportion des dépenses de fonctionnement et d’équipement augmente pour la première fois depuis longtemps par rapport aux dépenses de personnel, ce qui est une bonne chose », ont fait valoir les rapporteurs.