Manticore : un raid à l’accent belge et une expérimentation pour le 1er RH
Quand l’exercice Manticore s’est achevé la semaine dernière pour certains, d’autres ont continué le combat au-delà. C’est le cas du 1er régiment de hussards parachutistes (1er RHP), qui a conduit un ultime raid avec une compagnie belge dans ses rangs et tout en continuant à expérimenter une nouvelle capacité de reconnaissance.
Prendre conscience du tempo de la guerre
Installé dans une forêt en bordure de Rignac (Aveyron), le poste de commandement du 1er RHP est en effervescence ce matin-là. Après deux semaines de manœuvres, le groupement tactique interarmes (GTIA) Bercheny qu’il arme avec ses appuis de la 11e brigade parachutistes s’apprête à mener un raid dans la profondeur avec pour principal objectif la capture d’une usine électrique à Saint Chély d’Apcher (Lozère).
Délicate, la manœuvre doit l’emmener à une centaine de kilomètres au nord-est de sa position, de l’autre côté du plateau de l’Aubrac et bien au-delà des lignes tenues par son voisin direct, le 2e régiment étranger de parachutistes. Pour l’occasion, le GTIA Bercheny a basculé sous les ordres de la 4e brigade d’aérocombat, une imbrication que le régiment aura été le seul à jouer au sein de la 11e brigade parachutiste. Pour les parachutistes, le rapprochement se traduit aussi par l’appui d’un sous-groupement aéromobile, soit huit hélicoptères Gazelle.
« Nous sommes totalement dans le travail dans la profondeur, parce que l’ALAT nous apporte la capacité à aller loin et vite, quand notre rôle est d’apporter l’empreinte au sol. Les enjeux d’articulation sont passionnants », nous explique le colonel Christophe de Ligniville, commandant le 1er RHP depuis l’été.
« Manticore est important, car il nous permet de travailler une dimension peu commune », ajoute-t-il. Avec 3000 militaires français et étrangers engagés durant trois semaines face à un ennemi à parité, « vous jouez réellement la friction de la guerre. Nous ressentons le terrain, la durée et la rusticité ».
La durée permet de « prendre conscience du tempo de la guerre, avec ses phases obligatoires d’arrêt, de préparation de l’action future, de recomplétion et de repos entre deux séquences », relève le commandant du 1er RHP. Cet enchaînement rend complexe les actions de commandement et de régénération de forces et « permet de toucher du doigt notre capacité à agir dans la profondeur ». « Jusqu’où pouvons nous aller et à partir de quand la poursuite de l’action n’est plus à notre portée ? », questionne-t-il.
Une manœuvre à l’accent belge
Parmi les treillis Centre-Europe des armées françaises, quelques « intrus » à l’accent et au bariolage caractéristiques. Pour mener ce raid, le GTIA Bercheny intégrait en effet une compagnie de parachutistes du Special Operations Regiment (SO Regt) belge. Une unité formée autour des 17e et 22e compagnies du 3e bataillon de parachutistes (3 PARA) et de détachements, entre autres, du 2e bataillon de commandos, du 6e groupe CIS et du 14e bataillon médical. Et un format binational peu courant pour lequel la partie belge se préparait depuis février.
La démarche est intéressante pour le 1er RHP, qui ajoute un élément d’infanterie légère dans son dispositif. « Finalement, les paras belges travaillent dans le même espace-temps. Nous sommes très interopérables dans nos procédures », souligne le commandant de la 17e Cie et du détachement belge, le capitaine Dieter. L’une des rares contraintes majeures relèvait finalement de la différence des systèmes d’information et de communication, qui oblige à basculer sur une fréquence fixe analogique.
La barrière de la langue – le 3 PARA est essentiellement néerlandophone -, les systèmes de communication et les modes opératoires diffèrent parfois, mais l’exercice s’avère bénéfique des deux côtés. « Notre approche en tant qu’infanterie légère est différente de nos camarades français, alors l’un apprend forcément de l’autre. Nos radios, par exemple, ne sont pas compatibles, ce qui nous oblige à être créatifs », explique le capitaine Dieter.
Pour lui, un exercice conjoint d’une telle ampleur est une première. « Notre spécialité, c’est de travailler derrière les lignes, dans la discrétion et avec des moyens légers. Notre plus-value, c’est la force de frappe ciblée au contact ». Un effet « coup de poing » que les paras belges grâce à leur armement, dont des mortiers de 60 mm et mitrailleuses Minimi, et leur mobilité, grâce à leurs véhicules légers FOX RRV et Unimog.
La montée en puissance du SGRC
Manticore, c’était également le cadre idéal pour faire travailler un sous-groupement de renseignement au contact (SGRC), « une capacité en train de monter en puissance », rappelle le chef de corps du 1er RHP. Capacité ad-hoc plutôt que structure organique, le SGRC est généré par le regroupement d’une section ou d’un escadron de reconnaissance régimentaire et de capteurs spécialisés fournis par d’autres unités. « Le niveau d’emploi de l’ERR n’est alors plus le même, car le capitaine est alors aussi en mesure de travailler au profit de la brigade ».
Expérimenté l’an dernier par les troupes de montagne, le SGRC constitué pour Manticore reposait cette fois sur l’ERR du 1er RHP, des pelotons sur VBL auxquels viennent s’agréger les radars Murin et nano et micro-drones du 35e régiment d’artillerie parachutistes et des moyens de guerre électronique apportés par le 54e régiment de transmissions (COMRENS).
« L’idée de ce SGRC, c’est d’apporter de la profondeur au brigadier et d’identifier l’axe d’effort ennemi, voire de le modeler. Le gros de son effet est de l’ordre du renseignement, mais il peut réaliser de la destruction d’opportunité ou de modelage grâce à ses missiles antichars MMP. Autrement dit, contre une cible à haute valeur ajoutée présente dans son dispositif ou pour canaliser l’ennemi vers une zone où l’attend le reste de nos éléments ». Ce second scénario aura d’ailleurs été joué par le SGRC, avec le 2e REP pour force d’arrêt.
« Maintenant que l’on a testé cela, on en voit tous les bénéfices ». Parmi les pistes étudiées pour le futur, il serait question d’intégrer au sein du régiment les volets radar et drone. Des capacités moins spécialisées, plus « accessibles » et dont l’internalisation permettrait aux radars Murin du 35e RAP de se reconcentrer sur leurs cœurs de mission, la localisation de cibles mobiles et l’aide aux tirs de l’artillerie.