La DGA souhaite accélérer « un peu » sur les canons électromagnétiques

La DGA souhaite accélérer « un peu » sur les canons électromagnétiques


Les affrontements en Ukraine le rappellent presque quotidiennement : un effort quantitatif et qualitatif sur les feux longue portée est devenu inévitable. Le développement de canons électromagnétiques reste l’une des réponses envisagées, un sujet pour lequel la Direction générale de l’armement souhaite maintenant accélérer le tempo.

Le principe du canon électromagnétique, le délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, le résumait mieux que personne lors d’une récente audition parlementaire relative aux RETEX du conflit russo-ukrainien. « Il s’agit d’envoyer un projectile entre deux rails dans lesquels on fait circuler une différence de potentiel électrique très importante. La charge n’est pas explosive mais elle va tellement vite qu’elle ionise l’atmosphère ». Résultat : jusqu’à 200 km de portée, une vitesse hypersonique donc une réduction du temps de vol, et une énergie cinétique à l’impact plus importante. Sans parler de l’absence de tête militaire et de poudre propulsive contribuant à la sécurité du lanceur et du personnel.

Avec de tels arguments, cette technologie reste « une arme extrêmement intéressante » pour combler le trou entre l’artillerie conventionnelle, dont la portée est limitée à 70-80 km, et les missiles, capables de frapper à plusieurs centaines de kilomètres mais très coûteux donc réservés à certaines cibles. Seul hic : les quelques initiatives européennes n’ont pas encore quitté l’enceinte du laboratoire. Et PILUM, seule solution européenne visible actuellement, a fixé l’horizon du premier démonstrateur à taille réelle à 2028. Trop loin si l’on en croit le DGA.

« Nous aimerions accélérer un peu la feuille de route en la matière », souligne-t-il. Pour lui, le canon électromagnétique relève en effet des « démonstrateurs ‘signants’ ». Autrement dit, des dispositifs qu’il souhaite introduire dans une future loi de programmation militaire pour 2024-2030 « qui a certes pour objet de permettre la remontée en puissance de nos armées, mais aussi d’éclairer l’avenir : il s’agit de préparer les guerres du futur avec du matériel de demain et non d’hier ou d’aujourd’hui ».

« Le défi, s’agissant de l’avenir de cette technologie, réside dans le passage à l’échelle ». La traduction en applications se heurte en effet à plusieurs obstacles. Parmi ceux-ci, l’énergie. Chaque tir en requiert une très grande quantité durant un laps de temps très court. « Lorsqu’on a besoin d’un mur entier de condensateurs pour pouvoir stocker et libérer une grande quantité d’énergie de manière quasi instantanée – comme c’est le cas, d’une façon générale, pour les armes à énergie dirigée, qu’il s’agisse de lasers ou de systèmes électromagnétiques – cela suppose des infrastructures adaptées », souligne Emmanuel Chiva.

Alors, en l’état actuel des choses, l’intégration sur plateforme navale reste la plus à même d’émerger en premier. Toute application terrestre, sur un camion par exemple, nécessitera de progresser sur la miniaturisation des sources d’énergie. « Toutes les pistes sont à l’étude, y compris celle du nouveau nucléaire », mentionne à ce titre le DGA.

La voie électromagnétique, seuls quelques pays sont en mesure de la poursuivre aujourd’hui. Ce sont, par exemple, les États-Unis, bien qu’en retrait au profit des missiles hypersoniques, le Japon, mais aussi la France. Les deux derniers ont d’ailleurs décidé de coopérer sur le sujet, signale le DGA. Paris mise pour sa part sur les travaux de PILUM, consortium mené depuis avril 2021 par l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) et financé via le dispositif d’action préparatoire sur la recherche en matière de défense (PADR). Il doit s’achever cette année. Le Fonds européen de la défense (FEDef) prendra le relais via un appel à projets lancé à l’été dernier et clôturé en novembre.

La finalité recherchée par l’Europe ? Un canon de moyen calibre pour des applications navales et terrestres. Sa mission principale relèvera de la défense antiaérienne et en particulier face aux missiles et menaces de type RAM, l’artillerie venant dans un second temps. La masse du projectile est pour l’instant évaluée à entre 3 et 5 kg pour une vitesse de bouche de 2000 m/s (ou 7200 km/h). Deux modèles sont envisagés : un pénétrateur cinétique et une charge à fragmentation/airburst. L’apport en énergie sera modulaire et reposera sur une technologie XRAM maîtrisée, entre autres, par l’ISL. Aux futurs acteurs retenus de plancher sur deux modules différents en optimisant leurs taille, poids et performances.

L’Europe en est consciente, la recherche dans ce domaine s’inscrit dans le temps long. La démonstration d’un système complet annoncée par PILUM dépasse le champ d’un appel à projets dont l’objet est surtout de faire progresser en maturité les composants critiques et tout particulièrement le volet énergétique. Les moyens alloués doivent néanmoins permettre un changement d’échelle. Quand le PADR avait octroyé 1,5 M€ sur deux ans aux neuf partenaires de PILUM, le FEDef prévoit une enveloppe de 15 M€. Une preuve parmi d’autres que le sujet reste pertinent. Reste à voir si la volonté d’accélération sera partagée par tous ou si la France devra faire cavalier seul, effort financier supplémentaire à la clef.