COLIBRI et LARINAE, deux projets pour doter les armées françaises de munitions téléopérées

COLIBRI et LARINAE, deux projets pour doter les armées françaises de munitions téléopérées


Jusqu’alors spectateur, le ministère des Armées semble désormais vouloir rattraper son retard dans le segment des munitions téléopérées. Deux appels à projets viennent d’être lancés par l’Agence de l’innovation de défense (AID) et la Direction générale de l’armement (DGA) afin d’évaluer au plus vite des solutions à bas coût.

La France à la traîne

Entre la guerre au Haut-Karabagh et l’invasion de l’Ukraine, les conflits récents ne font que confirmer l’intérêt pour ces munitions. Aussi faciles à mettre en œuvre que difficiles à neutraliser, elles sont aussi peu chères et peuvent donc être acquises et déployées en masse. Avec coût minimum estimé à 5000 € l’unité, les munitions rôdeuses seraient soit dix fois moins chères que le plus « accessible » des missiles antichars ou des bombes guidées laser. Malgré ces atouts, elles restent totalement absentes de l’inventaire des forces armées françaises.

Ce retard, l’AID et la DGA cherchent désormais à le résorber en lançant les appels à projets COLIBRI et LARINAE. « Le ministère des Armées conduit et prépare plusieurs opérations d’armement dans le domaine des drones de contact et des drones tactiques », explique l’AID, qui justifie la manœuvre par un besoin « d’accompagner ces actions, d’approfondir la connaissance du domaine, d’explorer les cas d’usages, tout en stimulant l’écosystème pour la proposition de concepts innovants ».

La cible de COLIBRI ? « Un système bas coût de neutralisation de cibles, dans la zone de contact, soit au-delà de 5km à partir de son point de mise en œuvre ». LARINAE conserve la contrainte de coût et y ajoute une capacité de « longue élongation » en portant le rayon d’action au-delà de 50 km.

Neutraliser un véhicule pour moins de 20 000€

À première vue, la DGA et l’AID ne ferment aucune porte. La recherche est en effet « volontairement laissée ouverte, pour faciliter la proposition de solutions originales et innovantes » et s’intéresse autant à une munition téléopérée opérant seule qu’à des munitions œuvrant en meute, entre autres. De même, détourner l’usage des technologies existantes est encouragé.

Les appels à projets comprennent néanmoins plusieurs critères clefs, dont la rapidité de mise à disposition, la facilité d’emploi par n’importe quel opérateur et, bien entendu, un panel de performances et de fonctionnalités. L’effet terminal recherché sera la neutralisation d’un véhicule léger avec une précision métrique et dans un rayon d’au moins 5 km dans le cas de COLIBRI, d’un véhicule blindé par impact direct du système ou en délivrant une munition à une distance minimale de 50 km dans celui de LARINAE. La munition présentera une autonomie minimale sur zone d’intérêt de 30 min pour le premier et de 60 min pour le second.

La munition rôdeuse Hero-30 d’UVision, l’une des nombreuses solutions conçues en Israël, pays à la pointe sur le sujet Crédits : UVision

Facile à mettre en œuvre par un opérateur non spécialisé et depuis un terrain on préparé, la solution devra aussi être suffisamment compacte et légère que pour être transportée par un seul combattant. Derrière ce premier échelon, le ministère des Armées mise aussi sur des « extensions fonctionnelles » comme la capacité de frapper du personnel ou un navire ; la neutralisation d’une cible évoluant à 50 km/h ; l’intégration sur porteur ou encore la résistance au brouillage des liaisons de données ou du système de positionnement. Détail important, l’automatisation du vecteur ne fait visiblement pas partie des desiderata.

Enfin, le ministère des Armées insiste sur la maîtrise des coûts, celui-ci devant être « significativement inférieur aux armements disposant de performances comparables actuellement utilisés (principalement des missiles) ». Traduit en chiffres, le coût récurrent de la partie consommable se doit d’être inférieur à 20 000€.

Des démonstrations pour fin 2023

Le calendrier traduit ce qui semble être une volonté d’avancer à marché forcée. Après une présentation fixée fin mai à la DGA, les candidats ont jusqu’au 6 juillet pour soumettre leur proposition. Un speed-meeting et une préselection auront lieu dans la foulée afin de pouvoir contractualiser le ou les marché(s) à compter de décembre 2022.

Un ou plusieurs projets pourront être retenus sur bases de critères de pertinence, de crédibilité et de viabilité. Leur sélection débouchera sur la notification d’un marché de R&D de 18 mois pour COLIBRI et de 24 mois pour LARINAE. Chaque programme sera entrecoupé d’une phase de démonstration de plusieurs mois réalisée à mi-parcours et dont l’enjeu sera d’ « objectiver le niveau de couverture atteint sur l’ensemble du besoin ».

L’attention portera en priorité sur « le bon fonctionnement de la chaîne de mise à feu de la charge militaire en vol, ainsi que l’ensemble des sécurités associées », éventuellement sur base d’une charge non létale. Une réussite pourrait mener à une nouvelle contractualisation afin de parvenir à une évaluation avec la charge militaire envisagée. Le tout mené en coordination étroite avec les opérationnels, essentiels pour détailler les modes opératoires et les scénarios d’emploi visés.

Ces démonstrations devraient avoir lieu vers la fin 2023 pour COLIBRI et début 2024 pour LARINAE. Pour ensuite déboucher sur une acquisition, voire une mise en service avant la fin de la loi de programmation militaire en cours ?