La France bonne élève d’une NATO Response Force en pleine évolution

La France bonne élève d’une NATO Response Force en pleine évolution

 

– Forces opérations blog – publié le

Une année d’effort exceptionnel au profit de la NATO Response Force (NRF) s’achève pour la France. L’engagement a été tenu à la lettre dans un contexte marqué par le conflit russo-ukranien et alors que s’amorce une évolution profonde du principal instrument militaire de l’Alliance.

La France, « bonne élève » de la NRF

Contrat rempli pour les plus de 8000 militaires mobilisés cette année par la France au profit de la NRF. Cette contribution française « était particulièrement élevée par l’effet du cycle rotationnel », déclarait ce jeudi le général François-Marie Gougeon, chargé de mission auprès du chef d’état-major des Armées (CEMA). Au moment où le conflit en Ukraine éclate, elle commande en effet les piliers terrestre et aérien de la NRF et arme l’essentiel de la Very High Readiness Joint Task Force (VJTF) et de la Task Force NRBC. Activée pour la première fois depuis sa création, la NRF est alors la seule force opérationnelle dont dispose le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), le général américain Tod D. Wolters.

« Fiable, crédible et solidaire », le partenaire français actuellement près de 3000 militaires à terre, en mer et dans les airs pour renforcer la façade orientale de l’Europe. Les premiers, des éléments belges et français du bataillon fer de lance de la NRF, sont arrivés en Roumanie moins de quatre jours après le déclenchement du conflit russo-ukrainien. En parallèle, la France actait d’autres décisions, à l’instar du maintien d’une présence dans les États baltes plutôt que de poursuivre l’alternance avec d’autres armées alliées.

Le sommet de Madrid de juin dernier aura ensuite renforcé la posture en engageant les États à renforcer « leur » bataillon jusqu’au niveau de la brigade en cas de détérioration de la situation. Depuis, un élément avancé de poste de commandement de brigade a été envoyé en Roumanie, détachement préfigurateur renforçable sur très court préavis et dont la mise en place s’est terminée il y a peu.

La force de ce bataillon multinational désormais installé dans la durée ? Le choix d’une structure qui s’appuie d’abord sur des partenaires belge et néerlandais « avec lesquels on s’entraîne et que nous connaissons », relevait le général Gougeon. L’interopérabilité est dès lors particulièrement élevée, au bénéfice de l’efficacité opérationnelle. « D’autres partenaires sont étudiés, en fonction des contributions qu’ils souhaitent amener », complétait-il lors d’un point presse du ministère des Armées, le premier consacré à l’OTAN depuis mars.

Loin des classements sur l’aide matérielle apportée à l’Ukraine, la France aura assumé ses responsabilités à la lettre vis-à-vis de la NRF. Comparaison n’est pas raison, mais « toutes les nations armant la VJTF n’ont pas fait l’effort qu’a réalisé la France pour armer l’intégralité des composantes de cette VJTF », ajoutait le général Gougeon, celui précisant que  « par volonté délibérée de la France, le taux d’armement de la NRF a été particulièrement élevé ». De l’ordre de 95%, un résultat certainement dicté par le contexte sécuritaire dégradé mais néanmoins « salué par SACEUR parce qu’il était inhabituellement haut par rapport aux années précédentes ».

« L’objectif pour le chef d’état-major des Armées était d’être certain de pouvoir disposer d’une force qui soit opérationnellement crédible et fiable ». Objectif à première vue atteint. Cette contribution française se poursuivra en 2023. Elle conservera une prise d’alerte mais avec un délai différé, cédant son rôle de premier plan dans la VJTF à une brigade sous commandement allemand. Un engagement réaffirmé, à l’heure où se poursuit la construction d’un nouveau modèle de force au sein de l’OTAN.  

La France maintient un SGTIA de 300 militaires sur le sol estonien, dont une partie a été engagée sur l’exercice ORKAAN 16 (Crédits : EMA)

De l’expéditionnaire à la défense collective

« Comme cela a été démontré en début d’année, faire reposer la réponse de l’Alliance sur une force unique face à une menace venant potentiellement de plusieurs directions et ne prenant pas en compte les forces nationales alors que ce sont elles qui sont sensées absorber le premier choc était un non-sens stratégique », relevait le général Gougeon. Après s’être focalisé depuis deux décennies sur la contre-insurrection et la lutte contre le terrorisme, le dispositif militaire de l’OTAN a été revu en profondeur lors des réunions de Bruxelles et de Madrid.

« Le pilier opérationnel de l’Alliance est aujourd’hui engagé dans une phase de transition vers un nouveau modèle consacré par le sommet de Madrid en juin dernier », explique le chargé de mission. « L’idée générale, c’est de prendre en compte non plus seulement une force de réaction – la NRF – mais aussi l’ensemble des forces disponibles dans les nations » pour concevoir un nouveau modèle « plus adapté à la défense collective et à la haute intensité ». Quand cette NRF permettait de mobiliser jusqu’à 40 000 militaires, le modèle en construction – particulièrement ambitieux – entreprend de porter le réservoir de force à 800 000 soldats.

Ce réservoir sera structuré selon trois échelons progressifs de réactivité, en misant en particulier sur les armées « qui seraient amener à encaisser le premier choc en cas d’attaque russe ». Les deux échelons initiaux, les Tier 1 et Tier 2, activeraient environ 300 000 soldats en 30 jours, dont 100 000 en moins de 10 jours issus des pays frontaliers de la Russie et des forces de l’OTAN qui y sont présentes. Un bataillon comme celui dirigé par la France en Roumanie devra donc être en mesure de réagir en moins de 10 jours. « Avec des implications sur leur autonomie opérationnelle et sur leur réactivité », garanties au travers d’une préparation continue et conjointe.

Le Tier 3, grosso modo « le reste des forces disponibles dans l’Alliance » et « en particulier celles qui pourraient venir du continent américain », gonflerait le volume d’au moins 500 000 soldats supplémentaires en l’espace de six mois. Des forces qui viendront « soit défendre, soit restaurer la souveraineté des pays de l’OTAN sur leur territoire ». À terme, l’OTAN aura évolué d’un modèle dit de régénération de force à celui d’une « mobilisation différenciée ».

Les bataillons multinationaux établis dans huit pays de la façade orientale de l’Europe, des structures préfiguratrices du nouveau modèle de force de l’OTAN (Crédits : EMA)

Réponses à la mi-2023

Cette transition est « la plus importante transformation militaire engagée par l’Alliance depuis 1949 », relevait le président du comité militaire de l’OTAN, l’amiral néerlandais Rob Bauer, cet été à Madrid. L’enjeu dans les prochains mois sera de parvenir à convaincre, toute capacité de réponse continuant de dépendre de la bonne volonté des États membres à y contribuer. « C’est l’objet des discussions qui ont lieu actuellement entre les nations au SHAPE et au siège de l’OTAN »et dont l’aboutissement sera détaillé via des déclarations nationales volontaires. Ce faisant, les armées « s’engageront à tenir les délais et s’exerceront, s’entraîneront sur ces dispositifs ».

Cette posture renforcée aura forcément des conséquences sur les attentes de l’OTAN vis-à-vis de ses membres « en termes de capacité, de réactivité, de posture ou de responsabilités ». Le défi est notamment logistique. Ce futur dispositif repose autant sur une réponse initiale robuste que sur un renforcement rapide depuis la « profondeur européenne ». Il exige donc « une organisation dont nous avions perdu l’habitude qui est celle de la mobilité opérative à l’intérieur du territoire européen », rappelait le général Gougeon.

Renforcer la mobilité militaire, l’Europe s’y est engagée dans le cadre du projet « Military Mobility » de la Coopération structurée permanente (CSP). Un projet visant à moderniser les infrastructures et à faciliter les procédures interétatiques, et d’emblée ouvert aux États tiers. Les États-Unis, la Norvège, le Canada l’ont déjà rejoint. Le Royaume-Uni a reçu l’aval récemment, tandis que la candidature de la Turquie progresse dans la bonne direction. Le sursaut est également financier, avec 292 M€ investis l’an prochain et près de 1,7 Md€ sur la période 2021-2027.

Ces travaux portant sur l’organisation, les processus et les modèles auront par ailleurs des conséquences sur la transformation capacitaire de l’Alliance, « puisque va s’ouvrir en 2023 un nouveau cycle capacitaire ». Soit, des décisions qui se traduiront par de nouvelles cibles capacitaires attribuées à chaque nation, elles mêmes fonctions d’une directive politique en théorie validée en juin lors d’une ministérielle OTAN. Avec, à la clef, l’identification de carences et de rééquilibrages qui, côté français, pourraient influencer l’écriture de la prochaine loi de programmation militaire.

Quelle part y prendra la France ? Cette transition d’une logique expéditionnaire à celle d’une défense collective devrait être achevée en 2023, annonçait l’OTAN en juin. « Il y a encore beaucoup de travail en cours », indique le général Gougeon, et il est donc trop tôt pour préjuger de l’ampleur de la contribution française. Des décisions importantes sont attendues au premier semestre de l’année prochaine. Elles culmineront avec le sommet de l’OTAN organisé les 11 et 12 juillet 2023 à Vilnius, en Lituanie. D’ici là, le dispositif renforcé tel qu’il se présente aujourd’hui est finalement « un assez bon préfigurateur des décisions qui seront prises ». Il met en tout cas « le doigt sur un certain nombre de sujets qui seront traités par ces décisions ».