L’histoire oubliée d’Albert Roche, le soldat français le plus décoré de la Première Guerre mondiale !

L’histoire oubliée d’Albert Roche, le soldat français le plus décoré de la Première Guerre mondiale !

Albert Roche est un véritable héros, un soldat modèle et un exemple de dévouement à sa patrie : réformé puis finalement engagé volontaire, blessé à neuf reprises au combat, déployé lors de la bataille du Chemin des Dames, il va capturer près de 1200 soldats allemands pendant la guerre ! Surnommé « le premier soldat de France » par le maréchal Ferdinand Foch, chef des forces alliées à l’Ouest, Albert est le soldat français le plus décoré de la Première Guerre mondiale !
Pourtant, il est aujourd’hui totalement oublié 

Albert naît le 5 mars 1895 à Réauville (Drôme) dans une famille de cultivateurs. À 19 ans, il se porte volontaire pour la guerre, à l’été 1914. De nature chétive (il ne mesure 1m58), il est immédiatement renvoyé de l’armée. Peu importe : Albert sera soldat, il se l’est juré ! Il se présente de lui-même au 30e bataillon de chasseurs à Grenoble, où il est finalement jugé apte au service.
Après un entraînement difficile et peu apprécié de ses supérieurs, Roche sait qu’il ne sera jamais envoyé au front. Il décide de déserter et se laisser attraper sciemment : les déserteurs sont invariablement envoyés au front comme punition ! Devant l’officier qui lui demande les raisons de sa désertion, il tient ce discours : « Les mauvais soldats, on les expédie là-haut [au front], et moi je veux aller où l’on se bat.»
Il est muté au 27e bataillon de chasseurs alpins, combattant dans les Vosges. Ils sont surnommés les « diables bleus » par les Allemands à cause de leur pugnacité au combat dans leurs uniformes bleu nuit. Et la légende de Roche va débuter presque immédiatement. Un soir d’été 1915, un capitaine se présente dans sa section et demande 15 volontaires pour aller réduire un nid de mitrailleuses ennemi. Albert Roche se lève et se porte volontaire en demandant d’y aller avec seulement deux camarades, ce que l’officier accepte.
Roche, armé d’un revolver et de quelques grenades, s’approche de la tranchée allemande sans faire le moindre bruit : il fait exploser un poêle avec l’une des grenades, tuant plusieurs soldats ennemis. Effrayés, les autres soldats jettent leurs armes à terre ! Roche descend dans la tranchée, fait aligner les huit soldats allemands et leur intime de prendre la direction de la ligne française … en récupérant les mitrailleuses au passage !
Ce type d’opérations, Roche va le répéter des dizaines de fois pendant la guerre ! Ses officiers prennent l’habitude de lui laisser toute latitude. Alors Roche disparait, seul ou avec quelques camarades. Et revient avec des prisonniers.
À CHACUNE DE SES SORTIES NOCTURNES !

Toutes ces actions lui valent bientôt les honneurs et le grade de soldat de 1ère classe le 15 octobre 1915. Fin 1915, il réalise un exploit qui le fait entrer dans l’Histoire, alors que l’artillerie allemande dévaste sa tranchée : il ramasse et installe les fusils de ses camarades morts, et les actionne tous, tour à tour, suffisamment rapidement pour que les Allemands, qui attaquaient, se replient, persuadés que les Français n’ont pas été tués par le feu roulant ! Roche vient de sauver des milliers de vies françaises en conservant la tranchée !!!
Mais la chance le quitte parfois : Roche est notamment capturé avec son lieutenant qui l’accompagne dans l’une de ses balades nocturnes ! Mais Roche n’est pas impressionné : il se saisit du pistolet de l’officier allemand qui l’interroge, l’abat à bout portant et charge son lieutenant sur ses épaules. Sortant de l’abri, il prend totalement à dépourvu les soldats allemands de la tranchée et les fait tous avancer. Roche retourne aux lignes françaises, l’officier sur l’épaule … et 42 Allemands prisonniers !
En 1917, durant la bataille du Chemin des Dames, Roche brille encore : alors qu’une attaque française est repoussée, le chasseur Roche se précipite dans le no man’s land. Il va ramper près de six heures pour atteindre son capitaine, blessé. Les deux hommes mettent quatre heures pour rentrer sous les tirs allemands. Mais Roche, lorsque l’officier est évacué sur des brancards, s’effondre de sommeil dans un trou d’obus. Une patrouille le découvre : il est considéré comme déserteur ! C’est le peloton qui l’attend !
Roche est envoyé en prison. Au petit matin, alors que les hommes du peloton d’exécution se préparent, une estafette arrive : le capitaine a repris ses esprits et le propose pour la médaille militaire ! Son témoignage disculpe ainsi Roche, qui est innocenté. Et le 3 septembre 1918, Albert Roche reçoit la Légion d’honneur pour héroïsme.

Le 27 novembre 1918, Strasbourg accueille le maréchal Foch, qui présente Albert Roche au balcon de l’hôtel de ville : « Alsaciens, je vous présente votre libérateur Albert Roche. C’est le premier soldat de France ! […] Il a fait tout cela, et il n’a pas le moindre galon de laine ! ». Roche est ensuite l’un des huit Braves qui portent le cercueil du Soldat Inconnu vers l’Arc de Triomphe en 1920 puis assiste aux obsèques de French, le commandant du corps expéditionnaire britannique durant la guerre … pour finir attablé avec le roi George V !
Libéré en 1925, Roche devient pompier à la poudrière de Sorgues, près d’Avignon. Mais le 13 avril 1939, alors qu’il descend de l’autobus, il est renversé par une voiture. Son état est si grave qu’il est transporté à l’hôpital où il décède le lendemain, à l’âge de 44 ans.
Roche recevra pendant la guerre les plus hautes distinctions : officier de la Légion d’honneur, médaille militaire, croix de guerre 1914-1918 avec palme de bronze, quatre citations à l’ordre de l’armée, insigne des blessés militaires pour ses neufs blessures, médaille commémorative de la Victoire, médaille interalliée, croix du combattant et croix du combattant volontaire 1914-1918. Ce qui fait de lui le soldat français le plus décoré de toute la guerre !

Aujourd’hui, seul un monument dans sa ville natale célèbre Albert Séverin Roche en tant que soldat, et sa tombe est toujours visible au cimetière Saint-Véran d’Avignon. Il a autrement presque disparu de nos mémoires.