Pour gagner de la masse, l’armée de Terre annonce une « profonde mutation » de sa réserve opérationnelle

Pour gagner de la masse, l’armée de Terre annonce une « profonde mutation » de sa réserve opérationnelle

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Lors de son allocution prononcée à l’Hôtel de Brienne, le 13 juillet, le président Macron a insisté sur la notion de « force morale », à laquelle il a consacré la moitié de son intervention. Et à cette occasion, il a fait une brève allusion à la réserve opérationnelle, appelée à se développer dans les mois à venir.

« Je vous demande de faire davantage, en donnant à nos réserves une nouvelle ambition, en doublant le volume des réserves opérationnelles des armées », a en effet déclaré M. Macron, avant d’enchaîner sur la nécessité pour les armées d’investir « plus et mieux dans le grand projet de Service national universel ».

Actuellement, et selon des chiffres de 2019, les armées, directions et services comptent un peu plus de 38’500 réservistes, dont environ 60% ont souscrit un contrat d’engagement à servir dans la réserve [CESR] de l’armée de Terre. Et d’après celle-ci, 2’700 d’entre eux sont mobilisés quotidiennement, dont 500 dans des « missions de sécurité ».

À noter qu’il ne s’agit-là que la Réserve opérationnelle de niveau 1 [RO1]. Pour rappel, la Réserve opérationnelle de niveau 2 [RO2] peut mobiliser – théoriquement – jusqu’à 30’000 anciens militaires d’active soumis à une obligation de disponibilité pendant cinq ans.

Quoi qu’il en soit, dans la Vision stratégique [appelée « Supériorité opérationnelle 2030] qu’il avait élaborée à l’époque où il était à la tête de l’armée de Terre avant d’être nommé chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard avait fait du développement de la Réserve opérationnelle une de ses priorités.

Ainsi, soulignant la nécessité de gagner de la « masse », ce document précisait que les réservistes opérationnels de l’armée de Terre allaient être davantage sollicités pour la « contribution terrestre aux missions de protection du territoire national ». Et, lors d’une audition parlementaire, le général Burkhard était allé plus loin en rappelant le concept de « Défense opérationnelle du territoire » [DOT].

La réserve opérationnelle pourrait assurer des « missions de sécurisation du territoire » ou « faire quelque chose du type de la défense opérationnelle du territoire – ce qui nécessiterait de la former à d’autres missions, comme se battre contre un ennemi infiltré […] ou défendre des points sensible [ou] être intégrée pour partie dans la relève des unités engagées dans un combat de haute intensité », avait expliqué le général Burkhard, en juillet 2020.

Depuis, la guerre en Ukraine a conforté cette réflexion. D’où la brève allusion faite par M. Macron au sujet des réservistes… Allusion qui, en réalité, annonce de vastes changements. Ou, plutôt, une « profonde mutation », comme l’a indiqué le général Patrick Poitou, le commandant « Terre » pour le Territoire national [TN], dans éditorial publié dans le dernier numéro de Terre Information Magazine [TIM].

« Face à l’extension des champs de conflictualité et dans la perspective d’affrontements plus durs, la transformation du modèle de nos réserves est aujourd’hui nécessaire pour consolider davantage sa réactivité et sa crédibilité. Cette évolution est aussi portée par le besoin de disposer d’un volume de forces plus conséquent », écrit ainsi le général Poitou.

L’hypothèse d’un engagement majeur [ou de haute intensité] n’étant désormais plus à écarter, cela « appelle un changement d’appréciation dans la place accordés aux réservistes dans notre société : reconnaissance de son rôle clé dans la protection et la résilience du territoire national, légitimation de son investissement dans les dispositifs dédiés à la jeunesse, valorisation et attractivité de son engagement citoyen, consolidation – y compris par voie légale – de sa disponibilité au service de la France, attribution de ressource budgétaire dédié », détaille le commandant « Terre » pour le TN.

Et cela suppose donc un « changement culturel concernant leur rôle dans la défense de la nation », continue-t-il. Ainsi, le niveau de formation des réservistes opérationnels devra être adapté aux exigences des missions qui leur seront désormais confiées. De même que leurs équipements. Le modèle d’organisation de cette réserve opérationnelle devrait aussi évoluer afin de renforcer son autonomie et sa disponibilité ainsi que sa préparation en vue d’une « mobilisation massive en cas de crise majeure ».

« Véritable défi assujetti à un effort significatif de la Nation, cette ambition repensée pour nos réserves se situe à la convergence des objectifs de cohésion nationale et de supériorité opérationnelle de l’armée de Terre », conclut le général Poitou.

Doubler le nombre de réservistes opérationnels de niveau 1 comme l’y invite le président Macron ne sera pas forcément simple, ne serait-ce que pour des raisons de disponibilité… Aussi, l’armée de Terre entend adapter son offre d’engagement en fonction des publics concernés [urbains, ruraux, étudiants, salariés, etc].

Cela suffira-t-il, sachant que le « taux d’attrition » des réservistes opérationnels [de niveau 1, ndlr] de l’armée de Terre serait de l’ordre de 20 à 22%, selon un rapport parlementaire publié en mars 2021?

« À horizon 2030, l’armée de Terre devra disposer d’une réserve mieux formée, susceptible de réaliser des missions plus complexes pour répondre à des besoins opérationnels sur le territoire national dans le cadre d’un potentiel conflit de haute intensité. Dans cette optique, l’armée de Terre ne doit pas décourager les réservistes qui le souhaitent de participer à des opérations extérieures, sur le modèle de ce que fait l’armée britannique [entre 10 et 30 % des réservistes opérationnels de l’Army partiraient en OPEX] », avait par ailleurs souligné les députés Christophe Blanchet et Jean-Français Parigi, les auteurs de ce documen [.pdf].

Et d’ajouter : « Un juste équilibre doit être trouvé entre l’objectif de s’appuyer sur une réserve mieux formée et l’objectif d’ouverture, avec, au besoin, les moyens budgétaires afférents. Il n’est pas exclu qu’une hausse du budget d’activité n’améliore par ailleurs la fidélisation des réservistes. Corrélativement, il faudra consentir des investissements pour équiper et véhiculer cette RO1 rénovée. »