Nexter et Naval Group ont fait voler un essaim de 100 drones lors d’une démonstration organisée avec l’armée de Terre

Nexter et Naval Group ont fait voler un essaim de 100 drones lors d’une démonstration organisée avec l’armée de Terre

https://www.opex360.com/2023/09/29/nexter-et-naval-group-ont-fait-voler-un-essaim-de-100-drones-lors-dune-demonstration-organisee-avec-larmee-de-terre/


 

Ainsi, lors de cette démonstration, organisée avec l’appui de la Section technique de l’armée de Terre [STAT], Nexter et Naval Group ont d’abord insisté sur la fonction « saturation », en faisant voler un essaim de cent mini-drones. Ce qui est autant spectaculaire qu’impressionnant, la scène semblant être tirée d’un épisode de la série télévisée Black Mirror… Disposer d’une telle capacité pourrait permettre d’infliger des dommages « considérables » à « moindre coût » laisse entendre Nexter/KNDS. Tout dépend, en réalité, des contre-mesures mises en place par l’adversaire…

Un autre fonction explorée est la reconnaissance, avec une formation de six micro-drones mis en oeuvre depuis un véhicule blindé multi-rôle léger [VBMR-L] Serval. En fonction de la charge utile emportée, ces appareils peuvent faire de la cartographie en temps réel, détecter des menaces potentielles ou bien encore marquer une cible. Cela étant, la vidéo diffusée par Nexter/KNDS n’évoque pas d’autres capacités intéressantes, comme celles consistant à leurrer une force adverse ou brouiller [ou relayer] les communications.

« Nexter et Naval Group ont pris l’initiative d’expérimenter des solutions afin d’amorcer des études sur ce sujet avec les Armées et la Direction générale de l’armement. Nous avons choisi de présenter différentes fonctions : auto-géolocalisation des véhicules, scan du terrain en temps réel, géolocalisation et agression de cibles. À terme, cela permettra d’augmenter les capacités des systèmes de Nexter et de Naval Group [afin] de donner à nos clients un avantage tactique sur leur adversaire », explique l’industriel.

« Nos essaims continuent de se développer… Nous n’avons pas l’habitude de communiquer sur notre travail mais quand nos clients le font nous en sommes très contents », a commenté Icarus Swarms.

Cela étant, la DGA, via l’Agence de l’innovation de Défense [AID], a déjà lancé, dans ce domaine, le programme TAMOS [pour « Tactical Multi-Objectices Swarming UAVs], confié à Safran Electronics & Defense et Squadrone-System.

Ce « projet prévoit la mise en œuvre d’essaims de drones pour permettre la réalisation d’une ou plusieurs missions, avec la capacité d’adapter et de reconfigurer les flottes dynamiquement, le tout contrôlé par un superviseur intelligent », avait expliqué l’AID, dans son bilan d’activités pour l’année 2022, publié en juin dernier. Si elles sont susceptibles d’être intégrées au Système de combat aérien du futur [SCAF], les solutions développées dans le cadre de TAMOS pourraient aussi avoir des applications terrestres et maritimes… ou même rendre possible la coordination entre des robots de différents types.

Léo Péria-Peigné : “L’armée allemande a une stratégie claire, contrairement à la France”

Léo Péria-Peigné : “L’armée allemande a une stratégie claire, contrairement à la France”

 

par Léo PÉRIA-PEIGNÉ, interviewé par Clément Daniez pour L’Express– IFRI _ publié le 29 septembre 2023

https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/leo-peria-peigne-larmee-allemande-une-strategie-claire-contrairement


La montée en puissance de l’armée allemande rebat les cartes en Europe, explique Léo Péria-Peigné, qui vient de publier une étude sur le sujet pour l’Ifri.

Laissée en déshérence pendant des années, l’armée allemande, la Bundeswehr, remonte en puissance. La décision a été prise juste après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un événement menant, pour l’Allemagne, à un nécessaire “changement d’époque” (“Zeitenwende”), comme l’a qualifié le chancelier Olaf Scholz. Grâce à un fonds de 100 milliards d’euros, Berlin multiplie les commandes, dans le cadre d’un programme de rééquipement destiné à en faire la “première armée d’Europe”.

Dans un rapport invitant la France à mieux appréhender la révolution en cours de l’autre côté du Rhin – “La Bundeswehr face au Zeitenwende” –, Elie Tenenbaum et Léo Péria-Peigné, du centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri), auscultent la transformation de l’outil militaire allemand. “L’Allemagne a un but stratégique unique et clair, quand la France, elle, court trois lièvres à la fois : être une alliée crédible en Europe, ne pas lâcher sa présence en Afrique et être présente dans l’espace indo-pacifique”, explique Léo Péria-Peigné à L’Express. Entretien.

L’Express : Le gouvernement allemand a annoncé qu’il disposerait bientôt de la première armée d’Europe. En prend-elle vraiment le chemin ? 

Oui, mais pas de la façon dont on l’imagine d’un premier abord. La Pologne est l’autre pays qui a l’ambition d’être la première armée de terre d’Europe. Mais elle pense d’abord à elle-même, alors que l’Allemagne ambitionne cela de manière européenne. Elle se dote de moyens de commandements, de communications, de supports logistiques, qui vont permettre à d’autres nations de brancher leur armée sur ce système, pour amplifier les synergies dans le cadre de l’Otan. L’Allemagne pourrait ainsi devenir la première, en devenant la base d’une « armée européenne », pas forcément en nombre de chars. 

Beaucoup d’experts, en Allemagne, soulignent que les 100 milliards du fonds spécial serviront surtout à combler les retards accumulés… 

 Oui, un peu comme l’augmentation du budget pour la France selon sa loi de programmation militaire (LPM, 413 milliards d’euros de 2024 à 2030). Le fonds de 100 milliards est un plan de restauration, pour faire fonctionner ce qui existe et redensifier certaines capacités perdues. Ils ne dureront que quelques années, mais permettront d’atteindre l’objectif de l’équivalent de 2% du PIB consacré à la défense, comme le préconise l’OTAN. L’idée est ensuite qu’en 2027, les 2% seront assurés par le seul budget, sans un fonds complémentaire. Pour le prochain gouvernement allemand, il faudra cependant que ce soit politiquement acceptable. Pour cela, il faudra que le « Zeitenwende » atteigne les consciences. 

Jusqu’à quand la Bundeswehr va-t-elle rester « à sec », avec très peu de disponibilité de matériel, comme la dit le chef de son armée de terre ? 

La situation s’améliore déjà et cela devrait continuer. Par exemple, il y avait un gros problème de disponibilité dans la marine allemande, lié à l’encombrement des chantiers navals civils. En 2017, aucun des six sous-marins allemands n’était disponible. La marine a acheté des infrastructures existantes qui lui sont maintenant dédiées pour résoudre ce problème. Les améliorations vont s’amplifier, mais jusqu’à un certain seuil. Car il faut que les ressources humaines suivent. Il faut des spécialistes et des volontaires pour utiliser les nouveaux équipements. 

L’Allemagne n’ayant plus le service militaire, elle doit attirer des talents, des jeunes, avec des compétences de plus en plus pointues. Dans un pays plus vieillissant – bien plus que la France –, c’est déjà un problème. A cela s’ajoute le fait que le marché du travail civil est plus attractif. Si les Allemands n’arrivent pas attirer de nouveaux soldats, l’effet de la revitalisation restera limité. Il y a un travail à mener pour rendre la fonction militaire plus attirante pour les jeunes. 

Pourquoi ce Zeitenwende renforcent-ils plus le partenariat de l’Allemagne avec les Etats-Unis qu’avec la France ? 

Le Zeitenwende va servir à renforcer non seulement le partenariat avec les USA, très important pour l’Allemagne [achat de nombreux appareils américains, en particulier des avions et des hélicoptères], très attachée à l’Otan. Mais il va aussi lui servir à renforcer son partenariat avec l’Europe, plus qu’avec la France. Pour une raison très importante : si, en Europe, l’Allemagne est le principal partenaire de la France, l’inverse n’est pas vrai. Son principal partenaire, ce sont les Pays-Bas. A l’heure actuelle, les trois brigades qui composent l’armée de terre néerlandaise sont intégrées dans les trois divisions de l’armée allemande.  

L’Allemagne développe des partenariats avec d’autre pays européens pour les intégrer dans son modèle de force et constituer une plateforme commune. D’autres pourraient se monter avec la Hongrie, ou au niveau des différentes armées de la Baltique, en particulier les marines. Celui lui vaut certaines critiques, à Paris, comme quoi l’Allemagne fournit les fonctions non-combattantes pour envoyer les autres Européens sur le front à leur place.   Mais la France pourrait tenter de faire la même chose avec la Belgique, comme elle a commencé à le faire avec son partenariat stratégique sur les capacités motorisées CaMo. Une unité luxembourgeoise pourrait aussi être intégré au sein des divisions françaises. 

En quoi, les deux pays veulent se constituer deux armées différentes ? 

L’armée française se perçoit comme une armée d’emploi, qui peut faire la guerre et intervenir là où on a besoin d’elle, même loin. Après la fin de l’URSS et la réunification, l’Allemagne s’est lancée elle aussi dans une logique d’interventions internationales, comme en Afghanistan, mais cela n’a pas vraiment bien marché. Depuis, elle est revenue à sa culture d’armée d’avant la chute du mur : une armée conventionnelle, qui doit maintenir un niveau de puissance suffisant pour dissuader tout agresseur potentiel, axé sur la haute intensité. La France, elle court trois lièvres à la fois : être un allié crédible en Europe, ne pas lâcher sa présence en Afrique et être présent en Indopacifique, avec un budget en grande partie consacré à la dissuasion nucléaire. La LPM a acté cette absence de choix.  

Peut-on être sûr que les deux grands programmes franco-allemands phare, le SCAF (l’avion du futur) et le MGCS (le char du futur), se feront ? 

Ces projets ont été lancés pour des raisons politiques et avancent lentement et de manière chaotique. Mais ils ont du mal à avancer sur le plan militaire et industriel. Les armées ne veulent pas la même chose. Concernant le SCAF, les Français veulent qu’il puisse atterrir sur un porte-avion et porter les futurs missiles nucléaires ASM4G. Les Allemands ne sont pas forcément prêts à payer pour ces capacités-là, dont ils se fichent. Sur le plan industriel, Airbus et Dassault, en plus d’être rivaux, se détestent, car Airbus a essayé de racheter Dassault au début des années 2000. 

Du côté du MGCS, le projet devait associer le français Nexter, très bon dans la fabrication de canons, et KMW, le concepteur de la caisse du Leopard 2. Mais le Bundestag a exigé qu’on ajoute Rheinmetall, une entreprise de défense beaucoup plus grosse que les deux autres. Or KMW craint de se faire racheter par Rheinmetall, dont le canon de 130 est en concurrence avec celui de 140 de Nexter pour équiper le MGCS…. 

Que faudrait-il faire pour relancer un partenariat franco-allemand dans la défense ? 

Il faudrait que les structures qui existent soient revitalisées et qu’on leur redonne une pertinence. Qu’on sache ce qu’on pourrait faire de la brigade franco-allemande. Pour la Marine, il y avait la Force navale Franco-Allemande (FNFA), une structure d’entrainement commun, tombée en désuétude.

[…]

> Lire l’interview intégrale sur le site de L’Express (réservé aux abonnés)

Un 11e Griffon VOA livré à l’armée de Terre

Un 11e Griffon VOA livré à l’armée de Terre


Un 11e Griffon « véhicule d’observation d’artillerie » (VOA) a été livré le 11 septembre à l’armée de Terre par la Direction générale de l’armement (DGA). Une version dédiée aux régiments d’artillerie et bientôt mobilisée pour l’atteinte d’un jalon majeur du programme SCORPION. 

La spécificité de ce membre de la famille Griffon ? L’intégration « d’un mât d’observation optronique, de moyens de pointage, télémétrie et désignation laser permettant l’observation, la désignation d’artillerie, voire de frappe aérienne avec présence d’un JTAC (Joint Terminal Attack Controller : contrôleur aérien avancé) », rappelle la DGA dans un communiqué diffusé aujourd’hui. 

Cette version embarque également un radar MURIN déployable hors du véhicule, un système de surveillance du champ de bataille conçu par Thales et en service depuis 2019 dans les batteries d’acquisition et de surveillance des régiments d’artillerie. 

Ce Griffon VOA vient s’ajouter aux cinq déjà livrés en 2023 et porte à 11 le nombre de véhicules fournis jusqu’à présent à l’armée de Terre. « Trois autres sont attendus d’ici la fin de l’année », complète la DGA. Ce parc initial équipera la Section technique de l’armée de Terre (STAT) et le 3e régiment d’artillerie de marine (3e RAMa).

Employé en juin lors de l’exercice Royal Black Hawk, le Griffon VOA le sera aussi en fin d’année lors de l’exercice BIA23. Six véhicules du 3e RAMa participeront à cette étape clé dans la constitution d’une première brigade interarmes SCORPION projetable. 

Crédits image : 1er régiment d’artillerie

L’armée de terre française va-t-elle au-devant d’un cataclysme avec le retrait d’Afrique ?

L’armée de terre française va-t-elle au-devant d’un cataclysme avec le retrait d’Afrique ?


Armee de terre afrique

L’armée de terre française va-t-elle au-devant d’un cataclysme avec le retrait d’Afrique ?


Le retrait du Niger et le désengagement français en Afrique, sonne comme le tocsin pour une Armée de Terre jusque-là entièrement tournée vers la projection de puissance et les opérations extérieures. Quelles sont les conséquences prévisibles ou nécessaires sur son organisation, ainsi que sur ses grands programmes d’équipement en cours, alors les perspectives opérationnelles ont radicalement changé en seulement quelques années ?

C’est donc par la petite porte que les forces françaises vont devoir quitter le Niger, et avec lui, réduire considérablement leur présence en Afrique, rompant avec plus d’un siècle de présence ininterrompue l’ayant en grande partie formatée.

Après la Centrafrique en 2015, le Mali en 2022, et le Burkina Faso en 2023, les forces armées françaises quitteront donc le Niger en 2024, comme vient de l’annoncer le Président Macron, a l’issue d’une décennie de lutte intensive contre la menace djihadiste dans la zone sahélo-saharienne.

Au-delà du contexte politique et opérationnel spécifique à ces retraits successifs, ceux-ci marquent également la fin d’une époque durant laquelle les armées françaises avaient développé de grandes compétences pour intervenir sur ce théâtre, tant du point de vue tactique que logistique, leur conférant une aura de forces professionnelle aguerrie et efficace dans le monde, et plus particulièrement en Europe.

L’influence des campagnes africaines sur l’Armée de terre d’aujourd’hui

Toutefois, ces succès militaires, fautes d’avoir été politiques, ne se sont pas faits sans certains renoncements. Ainsi, l’Armée de terre française aujourd’hui disposent d’une force de quatre brigades moyennes ou légères entrainées et spécialement équipées pour ce type de mission, et de seulement deux brigades lourdes, plus adaptées pour des engagements symétriques.

Armée de terre VBMR griffon afrique
L’Armée de terre est structurée pour la projection de puissance, comme le montre son parc blindé composé à 80 % de véhicules de 24 tonnes et moins.

Cette surreprésentation des forces légères, comme l’infanterie de Marine, la Légion, les chasseurs alpins ou les parachutistes, se retrouvent d’ailleurs au sommet de sa hiérarchie.

80 % des chefs de l’Armée de terre depuis 2010 sont issus des forces légères

En effet, sur les neufs Chefs d’état-major et Majors généraux de l’Armée de terre nommés depuis 2010, seuls deux, le général Ract-Madoux (CEMAT 2011-2014) et lé général Margueron (MGAT 2010-2014) n’en étaient pas issus, appartenant respectivement à l’arme blindée cavalerie et à l’artillerie.

Cette spécialisation de fait de l’Armée de terre, très utile lorsqu’il fallut intervenir en Afghanistan, au Levant et en zone sub-saharienne, s’avère désormais un handicap face aux besoins en centre Europe de l’OTAN.

80 % des blindés français en 2030 feront moins de 24 tonnes

Ainsi, si l’Armée de Terre est, et demeurera au-delà de 2030, celle qui disposera du plus grand nombre de véhicules blindés de combat en Europe, avec 200 chars Leclerc, plus de 600 VBCI, et surtout presque 1900 VBMR Griffon, 300 EBRC Jaguar et plus de 2000 Serval, elle sera aussi l’une des plus légères, avec seulement 200 blindés chenillés de plus de 32 tonnes, le Leclerc, alors que l’essentiel de son parc évoluera entre 16 et 24 tonnes.

Or, comme l’ont montré sans surprise les AMX-10RC envoyés en Ukraine, les blindés légers, tout mobiles qu’ils puissent être, s’avèrent aussi sensiblement plus vulnérables que les véhicules plus lourds et mieux protégés dans un engagement de haute intensité.

AMX-10RC ukraine
Les AMX-10RC ont montré qu’ils étaient vulnérables dès lors qu’ils s’approchaient de la ligne d’engagement en Ukraine.

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Le général Schill s’interroge : « Sommes nous collectivement prêts » à supporter le coût d’une guerre?

Le général Schill s’interroge : « Sommes nous collectivement prêts » à supporter le coût d’une guerre?

 

https://www.opex360.com/2023/09/24/le-general-schill-sinterroge-sommes-nous-collectivement-prets-a-supporter-le-cout-dune-guerre/


Puis, la chute du Mur de Berlin et la disparition de l’Union soviétique ouvrirent une ère nouvelle, au point que certains estimèrent que le temps était venu de récolter les « dividendes de la paix ». Mais c’était sans doute aller trop vite en besogne, comme le montrèrent par la suite les interventions militaires menées en ex-Yougoslavie [Bosnie, Kosovo], en Afrique ou encore en Irak et en Afghanistan.

Cela étant, le spectre d’une guerre entre adversaires à parité s’était éloigné… Mais pas pour longtemps, puisqu’il est de retour depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Et, désormais, la question qui se pose est de savoir si les sociétés occidentales sont prêtes à affronter cette réalité.

Un article [.pdf] récemment publié par l’US Army War College en doute… notamment en raison des difficultés que rencontre l’armée américaine pour recruter. « Chaque soldat que nous ne recrutons pas aujourd’hui est un atout de mobilisation que nous n’aurons pas en 2031 », avance-t-il. D’autant plus que, au regard des pertes subies par les belligérants en Ukraine, elle pourrait perdre jusqu’à 3600 hommes [tués ou blessés] par jour dans un engagement ayant le même niveau d’intensité. D’où les interrogations sur sa capacité à se régénérer…

« Le concept d’une force composée exclusivement de volontaires […] ne correspond pas à l’environnement opérationnel actuel. […] Les besoins en troupes pour les opérations de combat à grande échelle pourraient bien nécessiter […] une évolution vers une conscription partielle », explique cet article… qui a été repris par le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], sur Linkedin.

L’article de l’US Army War College « trace des parallèles entre le conflit en Ukraine et un potentiel engagement similaire de l’US Army, évoquant des niveaux de pertes allant jusqu’à 3600 tués ou blessés par jour », résume d’abord le général Schill, qui, visiblement, entend lancer un débat sur son contenu.

« On peut, certes, discuter des modalités d’un engagement qui verrait l’armée française opposée à un ennemi à parité ou quasi-parité, notamment sous la protection du parapluie nucléaire », poursuit le CEMAT. Or, selon lui, malgré la dissuasion, une telle « occurrence reste possible, sans que les intérêts vitaux de la Nation soient directement menacés ».

Aussi, le niveau des pertes avancé par l’article de l’US Army War College l’interpelle. « Ce chiffre interroge la résilience de notre outil de défense ainsi que sa capacité de régénération » et « pose surtout une question ancienne mais pourtant terriblement actuelle : sommes-nous collectivement prêts à un tel sacrifice? », demande le général Schill.

« Nos sociétés occidentales, dont les dernières générations n’envisageaient jusqu’à récemment la guerre qu’au travers des livres d’Histoire, sont-elles prêtes à voir leurs fils et filles mourir en nombre pour un plus grand bien? Et en élargissant encore la focale, conçoit-on encore la guerre et ce qu’elle implique? », s’interroge encore le CEMAT, pour qui il s’agit « simplement d’ouvrir le débat sur ce qu’on attend d’un soldat français aujourd’hui, ce que la Nation exige de lui et ce qu’elle est prête à faire pour que cette exigence, librement formulée, soit comprise et endossée ».

Des militaires japonais s’entraînent pour la première fois sur le sol français

Des militaires japonais s’entraînent pour la première fois sur le sol français

– Forces opérations Blog – publié le

Depuis dix jours, l’armée de Terre et son homologue japonaise s’entraînent conjointement en Nouvelle-Calédonie dans le cadre de l’exercice Brunet-Takamori 23. Une première sur le sol français pour la Force terrestre d’autodéfense japonaise (JGSDF).

Du 10 au 30 septembre, Brunet-Takamori 23 mobilise environ 400 militaires français et japonais autour de Nouméa, Plum et Prony. Pour les deux pays, cet exercice de niveau compagnie constitue une opportunité rare « d’accroître leur interopérabilité afin d’être en mesure d’intervenir ensemble » et « illustre le souhait commun de consolider, développer et d’enrichir ce partenariat », indiquait ce matin l’état-major des armées.

Une soixantaine de soldats du 5e régiment d’infanterie japonais ont été insérés au sein du régiment d’infanterie de marine du Pacifique Nouvelle-Calédonie (RIMaP-NC), soit une section accompagnée d’éléments de commandement et de soutien. L’ensemble est appuyé par la base aérienne 186 de La Tontouta et la direction interarmées du service de santé des forces armées (DIASS).  

« Nous avons développé nos compétences de combat individuel et amélioré la compréhension mutuelle entre le Japon et la France grâce à des exercices préparatoires », déclarait hier la JGSDF. Après un stage commando et une phase d’intégration dans la compagnie motorisée du RIMaP-NC, Brunet-Takamori 23 s’apprête maintenant à basculer dans l’exercice de synthèse interarmes et interarmées. 

Ce rendez-vous organisé pour la première fois au coeur du Pacifique sud vient s’ajouter à une coopération bilatérale jusqu’alors essentiellement orientée vers le domaine aéronaval, comme le démontrait encore l’exercice Oguri-Verny réalisé en août dernier. 

Crédits image : RIMaP-NC

Général Schill : L’armée de Terre attire « à peine plus d’un candidat pour un poste » de militaire du rang

Général Schill : L’armée de Terre attire « à peine plus d’un candidat pour un poste » de militaire du rang

 


Selon la dernière revue publiée par le Haut comité d’évaluation de la condition militaire, la sélectivité du recrutement des militaires du rang s’est améliorée en 2021, avec une moyenne de 1,5 candidat pour un poste. « Cette amélioration est commune à toutes les armées [+ 0,2 point pour l’armée de Terre, + 0,4 point pour la marine nationale et + 0,2 point pour l’armée de l’Air et de l’Espace]. Elle résulte de la hausse de 13 % du nombre de postulants au recrutement associée à une baisse de 3,4 % du volume de recrutés », est-il avancé dans ce document.

Seulement, cette amélioration est loin d’être suffisante… En tout cas, ce taux de sélectivité n’a pas retrouvé le niveau qui était le sien en 2015 [2,2 candidats pour un poste]. Dans un avis budgétaire publié 2020, les sénateurs Joël Guerriau et Marie-Arlette Carlotti avaient même avancé qu’il s’approchait des « planchers […] constatés au début des années 2000, au moment de la professionnalisation ». Et cela d’autant plus que le « vivier » des recrues tend à s’amenuiser, avec une baisse du nombre de candidats médicalement aptes, en raison d’un « mode de vie de plus en plus sédentaire » et d’une « surconsommation d’écrans susceptible de favoriser surpoids et myopie ». Enfin, les aspects démographiques sont aussi à prendre en considération.

Or, pour qu’un recrutement soit optimal, il faut réunir au moins deux conditions : un taux de sélectivité élevé [ce qui suppose d’être attractif] et un taux de dénonciation de contrat durant la période probatoire le plus bas possible. Pour l’armée de Terre, celui-ci s’élève en moyenne à environ 30% par an.

Quoi qu’il en soit, recruter sera un défi pour l’armée de Terre au cours des prochaines années. C’est en effet ce qu’a admis le général Schill, son chef d’état-major, lors d’une audition au Sénat dont le compte rendu vient d’être publié [soit plus de trois mois après!]. Et, s’agissant des militaires du rang, le taux de sélectivité s’est effondré.

« Le recrutement de nos militaires du rang est correct. Nous avons fini l’année 2022 à l’effectif qui nous était accordé. Il n’empêche qu’il existe une vraie difficulté de recrutement et de fidélisation, avec à peine plus d’un candidat pour un poste. Nous devons donc renforcer notre attractivité pour recruter davantage de militaires du rang mais aussi de sous-officiers », a en effet déclaré le général Schill.

Et encore, en 2024, l’armée de Terre ne bénéficiera pas de postes supplémentaires.

« Dans la loi de programmation militaire qui s’achève, nous avions un certain nombre de créations de postes. Nous avions choisi de les cibler sur les postes à plus haute valeur ajoutée. Nous voulions notamment créer des postes dans les nouvelles capacités cyber et du renseignement. Nous avons créé ces postes par transfert depuis d’autres fonctions opérationnelles », a expliqué le CEMAT.

Quoi qu’il en soit, pour le général Schill, « l’impératif de jeunesse doit être conservé » car « nous avons besoin d’une armée jeune ». Actuellement, a-t-il précisé, les régiments ont une moyenne d’âge de 28 ans, « cadres compris ».

« Nos jeunes s’engagent à 20 ans en moyenne. Ils passent 6 à 7 ans dans les armées. Nos militaires du rang ont une moyenne d’âge de 26 ans. C’est un atout, même si j’aimerais que la moyenne d’âge des militaires du rang soit un peu plus élevée. Cette réalité globale doit être maintenue », a ajouté le général Schill.

Par ailleurs, commentant, via Linkedin, la récente note de Bruno Tertrais sur l’évolution de la démographie en France, publiée par l’Institut Montaigne, le CEMAT a estimé que « l’adaptation » du recrutement de l’armée de Terre « doit être poursuivie afin de prendre en compte le vieillissement de la population », par exemple « en changeant les critères d’âge pour servir sous l’uniforme ou en modifiant les conditions d’accès à la réserve ».

Le général Schill a aussi considéré que la « chute de la natalité impacte directement le volume des classes d’âge, et donc le vivier de recrutement de 14’000 jeunes que l’armée de Terre accueille annuellement ». Or, a-t-il ajouté, si celle-ci « demeure un vecteur dynamique d’insertion de la jeunesse, sa capacité opérationnelle dépendra demain de l’attractivité du métier des armes ». Enfin, elle aura également à renforcer « rôle de creuset intégrateur » à l’heure « où le seuil symbolique des 10% de Français d’origine immigrée a été relevé par l’INSEE ».

Un nouveau standard du blindé de reconnaissance et de combat « Jaguar » sera livré à l’armée de Terre en 2024

Un nouveau standard du blindé de reconnaissance et de combat « Jaguar » sera livré à l’armée de Terre en 2024

 

https://www.opex360.com/2023/09/19/un-nouveau-standard-du-blinde-de-reconnaissance-et-de-combat-jaguar-sera-livre-a-larmee-de-terre-en-2024/


 

Pourtant, quelques semaines plutôt, lors de l’examen de la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 à l’Assemblée nationale, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait confié être « inquiet pour la livraisons des Jaguar », après avoir évoqué, sans donner de détails, des aléas affectant ce programme. « Ce n’est pas une critique, c’est la réalité : il va falloir qu’on mette les bouts pour tenir les délais », avait-il dit.

Cela étant, le magazine spécialisé DSI avait expliqué, en mars, que la tourelle du Jaguar n’était « pas stabilisée ». D’où des « retards importants » pour équiper le Régiment d’Infanterie Chars de Marine [RICM] afin de lui permettre de remplacer ses AMX-10RC, à l’instar du 1er Régiment Étranger de Cavalerie [REC].

Mais lors d’une audition au Sénat [dont le compte rendu s’est fait attendre durant plus de trois mois], le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, a livré quelques détails sur ces « aléas » évoqués par le ministre.

« Concernant le Jaguar, je suis convaincu qu’il est un très bon équipement. […] Des ajustements sont encore nécessaires pour qu’il soit pleinement opérationnel. Les industriels ont bien intégré cet aspect », a fit le général Schill. Et d’annoncer qu’un « nouveau standard du Jaguar, doté d’un nouveau logiciel, sera livré par l’industriel mi-2024 ».

Pour rappel, le Jaguar est équipé d’une tourelle dotée d’un canon de 40 mm télescopé, d’une mitrailleuse téléopérée de 7,62 mm et de missiles Akeron MP [ex-MMP, fournis par MBDA, ndlr] qui, actuellement associés au viseur PASEO d’Optrolead, sont susceptibles de lui donner une capacité de tir au-delà de la vue directe, leur portée pouvant atteindre les 5 km. Mais celle-ci ne sera pas encore disponible sur le prochain standard de cet engin.

« Il ne fera pas encore du tir au-delà de la vue directe, mais il fera du tir en mouvement sur des cibles en mouvement. Si cette conduite de tir est performante, nous poursuivrons la transformation des régiments », a en effet expliqué le CEMAT.

Photo : armée de Terre

De quelques évolutions de l’armée de Terre dite de combat…

De quelques évolutions de l’armée de Terre dite de combat…

Mars attaque – publié le 12 septembre 2023

Quelques points (évidemment non exhaustifs) transparaissent peu à peu sur des évolutions capacitaires significatives à venir de l’armée de Terre de demain (dite “de combat“), pour densifier la bulle aéroterrestre (en termes de létalité, de transparence, et de protection).


Par exemple, à terme, il est recherché 3 gammes différentes de munitions télé opérées (MTO / MUNTOP) :

  • MUNTOP – AD (appui direct) pour la zone 0-30 km, soit celle de la brigade interarmes (BIA), dans la zone du radar Murin, du Griffon VOA d’observation, du Griffon MEPAC de mortier embarqué, du drone SMDR… ;
  • MUNTOP – AE (action d’ensemble) dans la zone 0-80 km, soit celle de la division (dans la zone des tirs de Caesar, ou de la roquette LRU, qu’elle soit non souveraine, aujourd’hui, ou demain potentiellement souverraine…) ;
  • Puis, à terme, MUNTOP – FLP (feux longue portée), dans la zone des 0-150 km.

Cela s’ajoutera à de nouvelles capacités acquisition/feux :

  • Radars Cobra ou équivalents pour passer de 40 km à 100 km en acquisition ;
  • Un SDT pleinement opérationnel, dans les 0-150 km ;
  • Des drones MALE/MAME dédiés aux feux dans les 0-150 km ;
  • Le retour des Détachements d’appui dans la profondeur (DAP)…

En parallèle, il est poursuivi l’ambition de faire de l’armée de Terre le 1er opérateur de systèmes automatisés en Europe (un peu comme l’ALAT est depuis quelques temps déjà le 1er opérateur d’Europe en nombre d’hélicoptères détenus) :

  • Dès 2025, il devrait y avoir un peu moins de de 900 systèmes militarisés (un système + plusieurs drones) et plus ou moins 600 drones civils, plus les MTO FS (environ 100 exemplaires) ;
  • Vers 2026, le SDT (armé ?) et le drone MAME FT (cf. ci-dessus), plus l’automatisation des nano et micro drones et intégration dans la bulle Scorpion de l’ensemble, avec en parallèle la mise en œuvre de MTO souveraines de courte portée en développement rapide actuellement (pour une commande de l’ordre de 1.000 exemplaires – projet Colibri) ;
  • Vers 2028, des MTO souveraines de moyenne portée en développement rapide (projet Larinae), de l’ordre de plus de 250 exemplaires ;
  • Pour au final en 2030 : 2 type de MTO souveraines à plus de 1.250 exemplaires + environ 1.100 systèmes militaires + de l’ordre de 800 drones civils.

A noter que ces chiffres ne sont pas forcément des volumes de commandes, mais plutôt des parcs détenus à l’instant t (grâce à une petite agilité contractuelle (enfin possible…) pour pouvoir recompléter rapidement et facilement les stocks au fil du temps, malgré les pertes, leur utilisation, etc.).

En parallèle toujours, la feuille de route robotique progressera, avec des plateformes polyvalentes terrestres de combat pour 2030, après des premiers prototypes en 2027, plus les MTO en phase de généralisation progressive pour 2026, plus l’école des drones pleinement opérationnelle (qui passera à terme du Commandement du renseignement COMRENS à la brigade d’Artillerie BART).

Pour les capacités émergentes et/ou critiques (drones armés, défense sol-air – DSA, feux dans la profondeur, cyber, influence et champs immatériels), un phasage sera mené… parce que ce n’est pas si simpliste de faire de la remontée en puissance et du capacitaire… Avec en plus un rééquilibrage des fonctions opérationnelles au profit des capacités C2, intégration des effets, appui et soutien, une remontée des stocks de munitions et de rechanges, et l’accompagnement à la montée en compétences et masse d’une BITD MCO terrestre.

  • D’ici 2025, comblement progressif des ruptures de capacité prioritaires en artillerie moyenne portée et drone tactique ;
  • D’ici 2027, efforts sur les soutiens tactiques et opératifs (notamment sur les flottes tactiques et logistiques) et comblement des faiblesses en artillerie moyenne portée, drone tactique, contre-minage, transport d’engins blindés… ;
  • D’ici 2030, montée en puissance des flottes logistiques, efforts sur la décontamination de l’avant et d’ensemble, le ravitaillement carburant et transport médian, la défense sol-air d’accompagnement…
Pour les effets dans les champs immatériels, un “bataillon de leurragedevrait prochainement voir le jour (à Lyon), rattaché au CIAE (Centre interarmées des actions sur l’environnement), en plus de l’École de l’influence qui y sera opérationnelle et de la 1ère Unité multi-capacités (UMC) pour opérer en LID (lutte informatique défensive), LIO (lutte information offensive) et L2I (lutte informatique d’influence).

Enfin, un effort sera mené sur la consolidation et la modernisation des forces de souveraineté, notamment dans les capacités de protection, de prévention et d’influence, via des stocks prépositionnés, un renforcement de capacités notamment C2/renseignement/influence/cyber/réserves/formation des partenaires…, les capacités d’accueil de renforts… Cela ira notamment de paire avec la régionalisation géographique des divisions et la sectorisation des brigades (changeants à intervalles réguliers), pour une meilleure connaissance des zones d’opérations potentielles.

Une vision encore partielle, non exhaustive, et non définitive, à compléter.

Général Jon Cresswell : « Une relation bilatérale nécessite un travail constant »

Général Jon Cresswell : « Une relation bilatérale nécessite un travail constant »

Cet officier britannique sert en ce moment dans l’armée française, dans le cadre d’une coopération de défense unique. A l’occasion de la visite cette semaine du roi Charles III, il en explique les avantages concrets.
Général Jon Cresswell : « Une relation bilatérale nécessite un travail constant »

 

Depuis l’été 2021, le général de brigade Jon Cresswell est général adjoint « opérations » à l’état-major de la 1ère division de l’armée de Terre française, basé à Besançon ; dans le cadre des échanges d’officiers renforcés depuis le traité d’Amiens, en 2016, un général français est en même temps général adjoint de la 1ère division britannique, à York. Après sa formation initiale à l’Académie royale militaire de Sandhurst, Jon Cresswell a surtout servi dans l’artillerie de marine, en Afghanistan, dans les Balkans ou en Norvège, mais aussi dans les blindés en Irak, puis au Sahel dans le cadre de la Force multinationale mixte déployée contre Boko Haram.

C’est en France que ce francophone a suivi sa formation supérieure, à l’École de guerre puis au Collège des hautes études militaires (CHEM), en parallèle de la 72e session de l’IHEDN dont il a été auditeur dans la majeure « politique de défense ». Ce passionné d’histoire, titulaire d’un master dans cette discipline, est aussi président de la Société historique de l’artillerie royale.

– QU’EST-CE QUI VOUS A MOTIVÉ POUR PRENDRE CE COMMANDEMENT ADJOINT DE DIVISION DANS LE PAYS PARTENAIRE ?

Même si j’ai suivi toute ma formation militaire supérieure en France et ai été engagé dans des opérations en Afrique francophone, je n’avais en fait jamais servi en France même. C’est donc tout naturellement que j’ai souhaité faire cet échange au sein des forces armées françaises. En soi, ce poste offrait aussi une excellente opportunité pour exercer au niveau divisionnaire. J’avais auparavant servi au niveau d’une brigade et dans le champ des politiques de défense, mais jamais au niveau d’une division ou d’un corps d’armée. Après mon parcours spécialisé dans le ciblage (effets, renseignement, feux), ce poste de commandant adjoint opérations inclut la responsabilité de la bataille profonde de division, un domaine dans lequel je souhaitais développer mes compétences. Et pour le soldat que je suis, il y a aussi un réel plaisir à me trouver au niveau tactique.

– QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES CULTURELLES ENTRE L’ARMÉE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET CELLE DE LA MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE BRITANNIQUE ?

Je trouve fascinant de comparer les deux systèmes démocratiques, parce qu’à mon sens, la constitution de votre Ve République est monarchique, avec son exécutif fort mandaté de manière claire par une élection à deux tours. Le Royaume-Uni, lui, est une démocratie parlementaire dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle. Dans les deux cas, les armées acceptent leur subordination au pouvoir civil démocratiquement élu, bien que pour la française ce soit au nom de la France, alors que pour la britannique c’est au nom du souverain. On peut considérer que ce dernier système permet efficacement aux armées de montrer leur caractère apolitique.

Plus largement, la question culturelle me fascine parce que nos deux armées sont le résultat de l’histoire de leur nation respective, la France étant un pouvoir à la fois terrestre et maritime, alors que la Grande-Bretagne était avant tout un pouvoir maritime. Par ailleurs, les caractéristiques sociales des deux nations ont aussi modelé leurs relations avec leurs armées respectives. Enfin, il est intéressant de noter les différences entre nos deux formations au haut commandement : au Higher Command and Staff Course (HCSC), les Britanniques préparent leurs officiers supérieurs à commander en opérations, alors qu’au Centre des hautes études militaires (CHEM), la France forme ses futurs généraux à être des acteurs politico-stratégiques au service du gouvernement.

– QUELS SONT SELON VOUS LES AVANTAGES D’UNE TELLE COOPÉRATION D’UN POINT DE VUE OPÉRATIONNEL ?

Il a souvent été dit que le Royaume-Uni et la France ont des vues et intérêts similaires au niveau mondial, ainsi que des responsabilités sécuritaires en Europe. Comme l’a remarqué votre Président dernièrement pendant la visite de notre Premier ministre, nos deux nations sont « dotées » en matière de dissuasion nucléaire. Il y a donc d’utiles synergies à exploiter, sous l’égide de différentes initiatives comme celle de Lancaster House en 2010, qui n’est sans doute pas la dernière. Notre relation bilatérale fonctionne ainsi depuis l’Entente cordiale de 1904, d’ailleurs des officiers britanniques ont commencé à étudier à l’École de guerre peu après, et des rencontres annuelles d’états-majors ont été initiées.

Cependant, pour en revenir à la question culturelle, nous demeurons très différents, et donc travailler ensemble implique une interopérabilité technique, conceptuelle et humaine. Les fonctions comme la mienne permettent d’améliorer cette dernière, tout en soutenant les deux premières. Une relation bilatérale nécessite un travail constant pour atteindre la confiance, assurer la compréhension, et aussi pour trouver des domaines de coopération future.

– EN QUOI CETTE EXPÉRIENCE VOUS SERA-T-ELLE UTILE POUR LA SUITE DE VOTRE CARRIÈRE ?

Elle l’est déjà, puisque mon travail avec la 1ère division à Besançon m’a permis d’améliorer ma formation tactique, particulièrement en termes de bataille profonde, ainsi qu’au niveau opérationnel plus large. Elle m’apporte aussi une réelle profondeur en combat défensif, avec la France évidemment, mais aussi avec les partenaires américains, belges, hollandais et allemands, comme le veut ma fonction. Plus important encore, je pense que des expériences comme celle-ci ouvrent nos horizons intellectuels, en nous permettant de voir les choses sous un angle différent. Et ça, c’est précieux dans n’importe quel domaine professionnel.