Voiture électrique : une transition à 110 milliards d’euros pour la France

Voiture électrique : une transition à 110 milliards d’euros pour la France

Le site de la gigafactory d’ACC à Billy-Berclau, Pas-de-Calais – Credits: (c) ACC


par Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, cité par Guillaume Guichard dans Les Echos. Article sur l’étude de l’Ifri – publié le 8 novembre 2023

https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/voiture-electrique-une-transition-110-milliards-deuros-france


Pour réduire sa dépendance aux importations, la France devrait investir dans les mines de lithium, les matériaux pour batterie et les bornes de recharge, liste l’Ifri dans une étude. L’Etat doit aussi sortir le chéquier.

Les usines de batteries, c’est bien, mais cela ne suffit pas. La France compte déjà quatre projets dans ce domaine sur son sol, mais doit continuer d’investir pour réduire sa dépendance aux importations, prévient l’Institut français des relations internationales (Ifri) dans un rapport présenté mercredi.

« Les gigafactories jouent un rôle crucial, bien qu’elles ne soient pas suffisantes pour assurer la résilience et la croissance industrielle de ce secteur en plein bouleversement », écrivent les auteurs, emmenés par Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre Energie & Climat du think tank. L’amont de la chaîne de valeur est le talon d’Achille de l’industrie automobile électrique française et européenne. »

Des mines de lithium aux bornes de recharges pour les usagers , les investissements nécessaires pour constituer une filière se montent à environ 113 milliards d’euros d’ici 2035. Les industriels ne réussiront pas seuls. « Le soutien budgétaire est indispensable pour aider à l’investissement, dans un contexte de concurrence en Europe pour attirer les industries, et de concurrence internationale sur les technologies et les soutiens aux industries », prévient l’Ifri.

La prépondérance chinoise

Toute la chaîne de valeur en amont de la fabrication des cellules de batteries, qui relève de la chimie, est à constituer. Aujourd’hui, « la domination de la Chine au niveau mondial dans le segment de la transformation des matières premières critiques est écrasante », alerte l’Ifri.Par exemple, Stellantis, d’après la documentation officielle du groupe, ne se fournit qu’auprès de raffineurs de lithium de l’empire du Milieu – faute de concurrence.

De même, les chimistes spécialisés dans la fabrication de matériaux pour cathodes et anodes (deux des trois éléments constitutifs des batteries avec l’électrolyte), sont presque tous asiatiques (chinois ou coréens). Pour mettre fin à une dépendance sur cette étape cruciale de la chaîne de valeur (le matériau de cathode actif, dit « CAM », compte pour 40 % du coût d’une batterie), la France devrait construire quatre usines, d’un coût unitaire de 1,5 milliard d’euros, soit 6 milliards au total.

A cette heure, le pays ne compte que deux projets dans ce domaine requérant des savoir-faire peu répandus. L’un réunit Orano et le chinois XTC à Dunkerque, et représentera un investissement d’un milliard d’euros. L’autre est porté par une ETI de la chimie, le groupe Axens (filiale de l’IFP Energies nouvelles), allié, là encore, à un chinois, Hunan Changyuan Lico. Il nécessite un investissement 500 millions d’euros d’investissement environ, d’après « L’Usine nouvelle ». C’est un début.

Aujourd’hui, « la domination de la Chine au niveau mondial dans le segment ransformation des matières premières critiques est écrasante », alerte l’Ifri. Par exemple, Stellantis, d’après la documentation officielle du groupe, ne se fournit qu’auprès de raffineurs de lithium de l’empire du Milieu – faute de concurrence.

Une facture salée pour l’État

Tout au long de la chaîne de valeur, l’État devra participer au financement, pour un coût total d’une vingtaine de milliards d’euros d’ici 2035, a calculé l’Ifri. L’Europe a d’ailleurs assoupli ses règles sur les aides publiques afin de permettre un tel soutien. A cela, il faut ajouter les aides à l’achat de voitures électriques (35 milliards sur les douze prochaines années), pour une facture totale comprise entre « 55 et 60 milliards sur un peu plus de dix ans ».

 

Une facture salée pour le secteur privé comme pour le public. Mais, rappelle l’Ifri, « cela sera en partie compensé par la réduction de la facture pétrolière extérieure qui revêt un enjeu économique et stratégique majeur, compte tenu de son montant de 58 milliards d’euros en 2022 ».

 

> Article à lire dans Les Echos 

Conséquences du conflit israélo-palestinien sur les litiges maritimes israélo-libanais concernant les hydrocarbures

Conséquences du conflit israélo-palestinien sur les litiges maritimes israélo-libanais concernant les hydrocarbures

par Giuseppe Gagliano – CF2R – publié le 5 novembre 2023

https://cf2r.org/actualite/consequences-du-conflit-israelo-palestinien-sur-les-litiges-maritimes-israelo-libanais-concernant-les-hydrocarbures/

Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.

 

Comme nous le savons, Israël se positionne comme un acteur clé dans le secteur énergétique de la Méditerranée orientale, grâce à la découverte et à l’exploitation d’importants gisements de gaz naturel tels que Leviathan et Tamar. Ces gisements ont transformé le pays, auparavant importateur de gaz, en un exportateur émergent, avec des implications économiques et politiques significatives.

Jusqu’en 2008, Israël dépendait fortement des importations de gaz de l’Égypte, mais la situation a changé avec la découverte des gisements mentionnés. En particulier, Leviathan, avec des réserves estimées à environ 450 milliards de mètres cubes de gaz, a commencé sa production à la fin de 2019. Tamar, plus petit mais néanmoins significatif, est entré en production depuis quelques années déjà. Ces gisements promettent non seulement de satisfaire les besoins intérieurs d’Israël, mais également son potentiel d’exportation, changeant la dynamique énergétique de la région.

Cependant, la transition énergétique de l’État hébreu a été confronté à un défi e, en raison d’un différend maritime sur les droits d’exploitation des ressources naturelles avec son voisin, le Liban. Celui-ci a délimité sa propre zone économique exclusive, la subdivisant en blocs et en attribuant des licences pour l’exploration d’hydrocarbures. Le bloc numéro 9 fait l’objet d’un conflit avec Israël. Tel Aviv a revendiqué une portion de ce bloc en se basant sur un accord maritime avec Chypre, tandis que Beyrouth a établi ses propres délimitations, donnant lieu à une question ouverte concernant les droits d’exploration et d’exploitation.

Les tensions entre les deux pays ont été constantes, le Liban accusant Israël de prendre des actions unilatérales et d’expansionnisme. Toutefois, sous l’administration Biden, un accord a été conclu en 2021 qui pourrait atténuer ces tensions. L’accord prévoit une médiation qui offre à Israël une sécurité économique grâce à la possibilité d’exploiter le gisement de Leviathan, tandis qu’il est permis au Liban d’explorer et de développer le controversé bloc 9, en échange d’une compensation pour le gaz extrait à l’intérieur de sa propre zone maritime.

Malgré cette avancée, la question de la « ligne bleue », la frontière terrestre temporairement tracée par les Nations Unies, reste un point en suspens. Cela montre que les différends territoriaux et les ressources naturelles continuent d’être des facteurs critiques dans les relations internationales en Méditerranée orientale. La situation reste tendue, car le potentiel économique des gisements gaziers pourrait à la fois servir de catalyseur pour la coopération régionale, mais aussi accentuer les tensions existantes entre les pays voisins.

En effet, le conflit persistant entre Israël et la Palestine a le potentiel de modifier considérablement l’équilibre géopolitique au Moyen-Orient, en particulier en ce qui concerne la dynamique énergétique impliquant Israël et le Liban. La dispute sur les hydrocarbures dans l’est de la Méditerranée, notamment en ce qui concerne le gisement de Leviathan et les différends sur les droits d’exploration du bloc 9, pourrait être influencée de diverses manières par la prolongation des hostilités israélo-palestiniennes.

D’abord, l’instabilité croissante pourrait compromettre la sécurité des infrastructures énergétiques en Israël, posant un risque pour la production et l’exportation de gaz naturel. Cela pourrait entraîner une réduction de la confiance des investisseurs et un impact économique conséquent pour Tel Aviv, ce qui pourrait affaiblir sa position de négociation avec le Liban.

D’autre part, l’intensification du conflit israélo-palestinien pourrait mener à un renforcement des alliances régionales. Le Liban, confronté à ses propres défis internes, pourrait être incité à rechercher une résolution rapide du différend énergétique avec Israël, surtout si cela impliquait des bénéfices économiques immédiats pour alléger ses tensions financières.

Cependant, une escalade pourrait aussi avoir l’effet contraire, intensifiant le nationalisme et la rhétorique anti-israélienne, ce qui compliquerait davantage les pourparlers. Les factions opposées à Israël au sein du Liban pourraient utiliser la guerre actuelle comme prétexte pour interrompre les négociations ou pour exercer une pression afin d’adopter des positions plus fermes.

Il est également plausible que la guerre israélo-palestinienne détourne l’attention internationale de la dispute énergétique entre Israël et le Liban, retardant une résolution tandis que les puissances mondiales se concentrent sur le conflit plus immédiat et ses ramifications.

Enfin, une plus grande instabilité pourrait conduire à une intervention internationale plus décidée, avec des acteurs tels que les États-Unis qui pourraient jouer un rôle plus actif pour stabiliser la région à travers des accords énergétiques favorisant la coopération économique, pouvant être perçus comme antidote aux tensions croissantes.

En conclusion, la guerre israélo-palestinienne n’est pas un conflit isolé mais une pièce d’un puzzle beaucoup plus vaste comprenant la sécurité énergétique, la diplomatie et la stabilité régionale au Moyen-Orient. Ses répercussions se font sentir au-delà des frontières nationales et la dispute concernant les gisements gaziers entre Israël et le Liban n’est que l’une des nombreuses questions qui pourraient être façonnées par l’issue de ce conflit.

Thalassopolitique des fonds marins, théâtre d’une nouvelle conflictualité inter-étatique ?

Thalassopolitique des fonds marins, théâtre d’une nouvelle conflictualité inter-étatique ?

Par Florian Manet – Diploweb – publié le 5 novembre 2023 

https://www.diploweb.com/Thalassopolitique-des-fonds-marins-theatre-d-une-nouvelle-conflictualite-inter-etatique.html


L’auteur s’exprime à titre personnel. Colonel de la gendarmerie nationale, expert en sûreté globale, chercheur associé à la Chaire de géopolitique de Rennes School of Business. Auteur de Florian Manet, “Le crime en bleu. Essai de thalassopolitique“, préfaces du général d’armée Richard Lizurey et de l’amiral Christophe Prazuck, ed. Nuvis.

Matérialisée par le conflit russo-ukrainien et ré-affirmée au Proche-Orient depuis l’attaque par le Hamas d’Israël, la nouvelle donne stratégique a des incidences directes et immédiates sur les politiques de défense des États, contraints d’adapter la protection de leurs intérêts majeurs. La maritimisation des modes de vie conjuguées à la digitalisation des économies et aux objectifs de transition énergétique ont dessiné, notamment, une géopolitique énergétique et numérique qui est questionnée aujourd’hui. En effet, ces dynamiques reposent sur des réalisations industrielles à l’image des câbles sous-marins (énergie, télécommunication), des plates-formes d’extraction de matières premières (hydrocarbures, terres rares…) mais aussi les projets d’envergure des îles énergétiques artificielles. Ces infrastructures critiques sous-marines et maritimes sont devenues des centres de gravité stratégiques qui conditionnent la résilience des États. Transparentes pour l’usager, elles constituent, néanmoins, selon les points de vue, soit des vulnérabilités soit des cibles d’intérêt dans la perspective d’une guerre totale ou guerre d’attrition. Florian Manet se fait pédagogue pour expliquer les ressorts de ces nouveaux risques majeurs et met les États devant leurs responsabilités.

4 illustrations : deux photos et deux cartes.

LES ESPACES OCEANIQUES font, actuellement, l’objet d’une cristallisation des intérêts des nations. L’une des illustrations les plus criantes demeure le conflit russo-ukrainien et, notamment, les opérations militaires engendrées à la suite de l’invasion du Donbass le 24 février 2022. Le théâtre des opérations s’est, progressivement, dilué vers les espaces maritimes stratégiques encadrant le théâtre européen aéro-terrestre. L’attaque portée au Moskowa, vaisseau amiral de la flotte russe de la mer Noire, le 14 avril 2022, n’était que le premier épisode d’opérations aéronavales. Le contrôle de la navigation dans cette mer presque fermée, ce cul de sac maritime à la frontière de l’Europe et du Moyen-Orient, constitue l’un des enjeux majeurs au plan militaire comme économique. La pose de mines maritimes, les attaques répétées à base de navires autonomes comme le tir de missiles mer-mer, terre-mer et air-mer visant des installations portuaires comme les flottes de combat ont contraint à une réorganisation des chaines d’approvisionnement internationales. Ce volet d’opérations navales s’avère finalement tout à fait conventionnel dans la perspective d’un conflit armé inter-étatique de haute intensité.

Cependant, une révolution aux conséquences durables s’est jouée, simultanément, sur une mer adjacente au théâtre des opérations aéro-terrestres, la mer Baltique. Les actes de sabotage portés à quatre reprises sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont banni durablement la croyance universelle en l’inviolabilité des infrastructures flottantes ou posées au fond des océans dans un contexte de dépendance accrue aux espaces maritimes. Quand bien même fussent-elles situées hors des eaux territoriales.

De fait, alors que les acteurs étatiques se polarisent nettement et que les opérations militaires multi-champs et multi-milieux éprouvent la résilience des parties prenantes, les infrastructures critiques maritimes constituent, plus que jamais, des centres de gravité des conflits inter-étatiques. Des modes d’action qualifiés d’hybrides mettent, désormais, en risque la capacité d’opérateurs de services essentiels à assumer la fourniture de communication, d’énergie et de transport par voie maritime.

Ainsi, après avoir décrit les enjeux de l’« infrastructuration » des espaces océaniques (I), les menaces et des scénarii envisageables d’expression des conflits hybrides dans les espaces maritimes seront présentés (II). Enfin, cette nouvelle donne stratégique invite les États à développer une thalassopolitique conforme à leurs responsabilités et à la défense de leurs propres intérêts (III).

I. L’infrastructuration des espaces océaniques

Les espaces océaniques connaissent un mouvement universel d’exploitation de leurs potentialités ce qui se traduit par l’implantation d’installations artificielles offshore très variées. Cette dynamique est qualifiée par le néologisme d’« infrastructuration » (A). Néanmoins, le droit international a précédé, accompagné et s’est adapté à ces évolutions, s’efforçant de réguler les activités humaines en mer en combinant les principes de souveraineté des États et de protection de l’environnement naturel maritime (B).

A. Une variété et une complexité croissante d’installations posées ou flottantes

Le progrès technologique a accompagné la dynamique de mondialisation économique fondée sur un rapport de dépendance accru aux espaces maritimes. Pour décrire cette réalité irréfragable, on évoque alors le concept de « maritimisation » des économies et des modes de vie. Initiés au XIX ème siècle, ce mouvement de travaux maritimes a affecté initialement les télécommunications avec la pose du premier câble en Manche le 28 août 1850 [1]. Puis, à compter des années 1920, les pionniers de l’exploration pétrolière offshore ont exploité des nappes pétrolifères du golfe du Mexique, rendant possible in fine une production industrielle en 1947. Dès lors, ces infrastructures se développent et se multiplient, de plus en plus loin des côtes et de plus en plus profondément. L’offshore profond se développe entre 1 500 et 3 000 mètres de profondeur.

L’exploitation minière et pétrolière sous-marine

Recouvrant près de 64 % de la surface du globe, ces espaces singuliers regorgent, en effet, de matières premières. Le potentiel minier des fonds et grands fonds marins est très prometteur, notamment dans le contexte de production d’énergies alternatives sans émission de gaz à effet de serre. Les gisement de terres rares ou de modules polymétalliques [2] constituent des défis, certes, technologiques mais aussi économiques.

Par ailleurs, les fonds marins servent de support à des réseaux de tuyaux ou pipe-line [3] alimentant en gaz ou en hydrocarbures les économies énergivores depuis des plates-formes de forage offshore. L’Organisation Maritime Internationale [4] considère que le fret pétrolier, brut ou raffiné, représente un tiers du commerce maritime international. Le stockage comme la distribution des hydrocarbures nécessitent des installations dédiées de plus en plus souvent localisées offshore. Pour des gains de productivité, les navires citerne délivrent les hydrocarbures non plus à quai dans un port mais au large à partir de bouées d’amarrage offshore situées sur le plateau continental. Les bouées d’amarrage par point unique sont utilisées pour immobiliser les pétroliers navettes pendant les opérations de chargement et de déchargement. Attachée à une structure sous-marine à l’aide de tuyaux flexibles, la bouée est maintenue en place par des ancres.

Enfin, se développent, pour des raisons d’autonomie stratégique et de sécurité énergétique, des solutions de stockage de gaz liquéfié. L’exemple lituanien est très illustratif. Il s’agissait, pour cet état balte, d’opter pour une alternative au gazoduc russe et de diversifier ses approvisionnements. Amarré à l’embouchure du port lituanien de Klaipéda, un navire-citerne, INDEPENDANCE, joue le rôle de terminal flottant de gaz naturel liquéfié (GNL).

Un navire-citerne opérant à une bouée d’amarrage par point unique
Copyright : Louis du Plessix/Diploweb.com
du Plessix/Diploweb.com

La mer, remède circonstanciel à la transition énergétique ?

De même, les enjeux environnementaux favorisant des productions d’énergies décarbonnées invitent à la conception et à la réalisation de parcs éoliens, soit posés, soit flottants ou encore à celle de plateformes produisant de l’énergie hydrolienne ou marémotrice promouvant ainsi des Énergies Marines Renouvelables (EMR).

Témoignant, désormais, d’une réelle maturité, ce mouvement connaît actuellement des développements sans précédent comme le démontrent des projets scandinaves en mer du Nord. Il s’agit de la construction d’îles énergétiques [5] (« energy island  ») situées au large des côtes qui fourniront de l’hydrogène et de l’électricité aux pays riverains dans une logique d’intégration européenne. Ainsi, un complexe d’envergure, Princess Elizabeth, est en cours de construction à 45 kilomètres des côtes belges, entre La Panne et Ostende. Dotée d’un port, d’un héliport et d’équipements haute tension (transformateur, sous-station), elle s’étendra sur 6 hectares et sera reliée à des parcs éoliens offshore et disposera d’une capacité totale de production de 3,5 gigawatts (GW). Elle alimentera en électricité la Belgique, le Danemark et le Royaume-Uni. Ce premier projet ouvre la voie à des réalisations encore plus importante comme le suggère l’appel d’offre lancé au Danemark pour une île de 20 à 40 hectares. Elle sera implantée à une centaine de kilomètres des côtes occidentales du Jutland, en mer du Nord. Réparties en 10 fermes, les installations composées de 670 turbines offshore seront ancrées à 30 mètres de profondeur. Lors de sa mise en service en 2030, elles produiront nominalement une puissance de 10 GW soit l’alimentation électrique de 10 millions de foyers ou encore la production de 6 réacteurs EPR. Cette île artificielle accueillera, aussi, une capacité de production d’hydrogène et de stockage d’énergie qui sera, ensuite, convoyée par un réseau de câbles d’alimentation à destination du continent. L’hydrogène apporte plus de souplesse dans le stockage et le transport de l’électricité. Ce défi technologique réside aussi dans sa capacité d’intégration dans un environnement naturel particulièrement exigeant.

Les perspectives de transport par voie maritime d’énergie électrique produite offshore mais aussi onshore s’avèrent très dynamique à l’échelle internationale. L’Australie s’impose par une politique très volontariste de production d’énergie électrique au sein du Pacifique sud. Ainsi, le Japon est dépendant de l’énergie produite par l’Australie à hauteur de 15 % de ses importations totales. Une des sources principales provient des champs d’exploitation gazier offshore de IMPEX ICHTHYS [6] implantés sur la côte nord-ouest de l’Australie. De même, le projet sous-marin « Sun Cable » ambitionne de transporter l’électricité produite par des fermes solaires à proximité de Darwin à destination de Jakarta (Indonésie) et de la cité-État de Singapour. Cette géopolitique énergétique constitue l’un des volets conditionnant les relations internationales dans la zone Indo-Pacifique.

Vingt milles câbles sous les mers

Enfin, les espaces océaniques constituent des traits d’union entre les hommes, les peuples et les continents. Ainsi, dès le XIX ème siècle, des câbles de communication ont été déployés en Atlantique nord, reliant la France aux États-Unis d’Amérique. Dès lors, stimulés par la brutale numérisation des économies, les réseaux de câbles sous-marin se sont développés à tel point qu’il est estimé que 97 % des data échangées dans le monde empruntent les fonds marins selon de multiples combinaisons géographiques. Le montant global des transactions financières empruntant les câbles est estimé, en valeur, à 10 trillions de dollar US par jour. Ainsi, sous forme d’impulsions lumineuses circulant à très grande vitesse, ils véhiculent dans les fibres optiques, c’est-à-dire un long fil de verre de l’épaisseur d’un cheveu, des informations de toutes natures. Ordres de bourse, messageries personnelles comme professionnelles, renseignement militaire, etc.

 
Carte. Planisphère des réseaux de câbles sous-marins
Copyright : TeleGeography (Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA4.0)

Les câbles maillent les fonds marins. D’un continent à l’autre. D’un rivage à l’autre. Concentrés en leur point d’atterrissement (ou d’attérage), ils s’immergent en faisceau qui, au fur et à mesure, gagnent leurs destinations finales. En 2023, 485 systèmes opérationnels étaient dénombrés pour un réseau fort de 1,2 million de kilomètres. La France, métropolitaine ainsi que les outre-mers en dénombrent une cinquantaine. D’une longueur de 6800 kilomètres, le câble dénommé « Amitié » a été mis en service le 18 octobre 2023 : il relie Boston aux États-Unis d’Amérique à Porge (département de la Gironde) en France ainsi qu’à Bude (Cornouaille) au Royaume-Uni. De même, dans le cadre d’un programme de résilience numérique opéré en Pacifique sud, deux câbles sous-marins transpacifiques « Honomoana » et « Tabua » seront prochainement exploités par Google. Ils visent à améliorer la connectivité et la fiabilité sur les routes transpacifiques entre les États-Unis, l’Australie, la Polynésie française et les Fidji. C’est un premier pas dans la construction de réseaux numériques alimentant et désenclavant les nombreuses îles et archipels du Sud-pacifique. C’est aussi une démarche, certes, technologique et économique Mais, cette démarche est aussi porteuse de conséquences géopolitiques dans une région à forts enjeux.

Or, chacun peut imaginer les difficultés et les obstacles qui compliquent l’entretien d’un tel réseau peu accessible et transparent aux yeux de nombre d’utilisateurs. Ces opérations de maintenance exigent des moyens considérables et un savoir-faire à haute valeur ajoutée maitrisé par peu d’acteurs.

L’une des spécificités majeure repose dans le statut juridique de ces infrastructures qui relève d’acteurs privés et, notamment, des champions de l’Internet. Résumés dans deux acronymes GAFAM (ou plus exactement GAMAM) et BATX [7], ils reflètent, à leur manière, une nouvelle réalité géopolitique d’un monde pivotant sur deux orbites culturelles concurrentielles. Ces partenaires économiques agissent de fait comme des acteurs géopolitiques de dimension internationale dotés d’un pouvoir qui, à bien des égards, égale voire surpasse celui des États tant leur raison sociale – permettre la communication – est déterminante.

B. Une exploitation des espaces maritimes régie par des conventions internationales

Cette exploitation des espaces océaniques s’inscrit effectivement dans le cadre juridique de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) signé à Montégo Bay, en Jamaïque, en 10 décembre 1982. Suite à la ratification préalable par un nombre suffisant d’États, ce texte fondateur est entré en vigueur en 16 novembre 1994. Son apport est fondamental à de multiples titres.

Tout d’abord, cette « constitution de la mer » structure l’espace maritime selon une double perspective, sécuritaire et économique. Ainsi, l’espace de 12 milles nautiques courant depuis la laisse de basse mer vers le large est qualifiée de « mer territoriale ». C’est le prolongement maritime de l’État-côtier. En conséquence, ce dernier exerce, pleinement, des pouvoirs de police à la fois sur le milieu comme sur les vecteurs qui y évoluent librement. Cette garantie constitutionnelle contribue à l’expression pleine et entière de la souveraineté de l’État-côtier exercée sur ses approches maritimes. Ainsi, la pose d’installations (câble ou tuyaux) comme les opérations de recherche scientifique marine sont soumis à un régime d’autorisation préalable.

Par ailleurs, au-delà de cette ligne symbolique des 12 milles nautiques (soit 22 km), s’étend la Zone Économique Exclusive (ZEE) jusqu’aux 200 milles (soit 370 km). La CNUDM [8] attribue de fait à l’État-côtier le monopole de « l’exploration et de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques, et non biologiques des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques , telles la production d’énergie électrique à partir de l’eau, des vents et des courants [9] ». Il est, ainsi, libre de réguler les activités économiques telles la pêche maritime et la gestion des ressources halieutiques ou encore la construction d’îles artificielles, d’ouvrages et d’installations. Enfin les 64 % des espaces océaniques restants constituent la haute mer, patrimoine commun de l’humanité. Selon la formulation latine “res nullius, res communis“, la mer relève du patrimoine commun de l’humanité. Les autres puissances étatiques ont la possibilité de poser et d’entretenir des réseaux sous-marins immergés dans la ZEE relevant de la souveraineté de l’État côtier [10].

Enfin, l’État-côtier peut encore valoriser davantage les potentialités offertes par l’espace sous-marin en sollicitant l’extension de son propre plateau continental, auprès de la Commission des Limites du Plateau Continental, organe spécialisé des Nations unies. Déterminée par des conditions géophysiques, cette extension au sol et au sous-sol marin s’inscrit dans le prolongement naturel des terres émergées du rebord jusqu’à une distance de 350 milles nautiques. A la différence de la ZEE, l’État-côtier ne peut revendiquer des droits sur la colonne d’eau surjacente des fonds marins. Il s’agit, en effet, d’eaux à statut international. A titre d’illustration, le 10 juin 2020, la France [11] a obtenu une telle dérogation, notamment, dans l’océan Indien. Cette décision lui a permis d’étendre le domaine sous-marin français de 151 323 kilomètre carré au large de l’ile de la Réunion (58 121 Km2) et de Saint Paul et Amsterdam (93 202 Km2).

De fait, le bouillonnement actuel de projets d’implantation de parcs éoliens ou encore de pose de câbles s’inscrivent en parfaite cohérence avec les dispositions des normes internationales en vigueur. Ces projets d’envergure déployés en mer posent des défis non seulement technologiques mais aussi sécuritaires dont la perception a été renouvelée avec gravité depuis les événements du Nord Stream 1 et 2 en 2022. Les conventions internationales ont envisagé des événements affectant la sécurité des installations offshore à l’image de la convention MARPOL [12] et de ses différentes annexes.

La convention internationale mise en œuvre par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) dite de Rome est dédiée à la suppression des actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime [13] et des plates-formes situées sur le plateau continental. Elle envisage la commission d’actes de malveillance de nature terroriste ou en lien avec la prolifération de matières nucléaires mettant en péril la sécurité de la navigation maritime.

II. Les infrastructures critiques maritimes, nouveau champs de bataille ?

L’Union européenne définit les infrastructures critiques maritimes comme « des actifs ou un système qui est essentiel pour la maintenance des fonctions vitales de la société ». Elles incluent non seulement les réseaux d’énergie et de communication sous-marins mais encore les installations portuaires, les rails de navigation, les plates-formes offshore et les réseaux afférents. Elles jouent un rôle central dans les chaines d’approvisionnement globalisées et dans la souveraineté des États à l’image de la liberté de manœuvre des forces armées par exemple [14].

Ces infrastructures posées sur les fonds marins ou flottantes sont l’objet de menaces protéiformes qui retrouvent une acuité singulière au regard d’une polarisation croissante des relations internationales. Elles cristallisent, désormais, l’attention des États qui ont une parfaite conscience de l’importance de ces installations qualifiées, à juste titre, de critiques. Ces risques sont d’ordre accidentels (A) mais aussi volontaires et intentionnelles (B). Ainsi, il convient de distinguer le concept de « sécurité » avec celui de « sûreté ». La sécurité ou safety désigne « la prise en charge des risques d’origine naturelle ou provoqués par la navigation maritime [15] ». Par différence, la sûreté maritime ou security est « la combinaison des mesures préventives visant à protéger le transport maritime et les installations portuaires contre les menaces d’actions illicites conventionnelles [16] ».

A. Les atteintes accidentelles aux infrastructures critiques maritimes

Les infrastructures maritimes sont exposées aux aléas d’un environnement naturel et industriel particulièrement exigeant.

Ainsi, la météorologie spécifique en mer peut se traduire par des tempêtes, raz de marée et courants susceptibles d’endommager les installations. Ainsi, des conflits d’usage entre les vecteurs maritimes et les infrastructures localisées en mer peuvent être provoqués par des éléments naturels conjugués à des problèmes d’ordre mécanique. Un cargo, le PETRA L [17], a heurté une turbine de la ferme éolienne offshore Gode Wind 1 situé en mer du Nord à environ 45 kilomètres des côtes allemandes et à 33 km au large des îles de Juist et de Norderney. Mettant hors service une turbine, cette perte de contrôle serait consécutive à une avarie dans une situation de forts vents.

Par ailleurs, le risque industriel encouru par l’exploitation offshore est une réalité omniprésente, notamment, au regard de la complexité d’infrastructures toujours plus sophistiquées. Ces plates-formes opérées en haute mer concentrent une multitude d’aléas liés à l’activité elle-même d’extraction à forte profondeur et au stockage d’un produit hautement inflammable ainsi qu’au milieu maritime particulièrement exigeant. Le contexte actuel est marqué par une recherche accrue de gisements. Aussi, les frontières du possible sont sans cesse repoussées : des forages toujours plus profonds exposent à des températures et des pressions de plus en plus fortes. Garantir un niveau élevé de sécurité est un enjeu fondamental pour l’industrie pétrolière. Le risque financier encouru est, aussi, susceptible de contribuer à la faillite de l’entrepreneur tant les coûts liés à la gestion d’une crise et les pénalités peuvent être importants.

Exemples non exhaustifs d’accidents majeurs depuis 30 ans

Ixtoc 1 (golfe du Mexique), 3 juin 1979. La plateforme Ixtoc 1, exploitée par le pétrolier Perforaciones Marinas del Golfo, est soufflée par une éruption de pétrole. Neuf mois sont nécessaires pour stopper la marée noire de plus 500 000 tonnes de pétrole. Coût : 1,5 milliard de dollars US.

• Piper Alpha (mer du Nord), 6 juillet 1988. La plateforme Piper Alfa, opérée par Occidental Petroleum en mer du Nord britannique, explose. Faisant 167 morts, l’accident est celui qui a le plus profondément marqué l’industrie pétrolière en mer. Coût : 3,5 milliards de dollars US.

• Deepwater Horizon (golfe du Mexique), 20 avril 2010. La plateforme de forage Deepwater Horizon de Transocean, opérée par BP, explose, causant 11 morts. BP met trois mois à stopper la fuite à – 1 500 mètres sous l’eau. 4,9 millions de barils de brut se sont échappés. Coût : 40 milliards de dollars.

• Elgin (mer du Nord), 25 mars 2012. Une fuite de gaz de 200 000 m 3 par jour survient sur une plateforme exploitée par Total au large de l’Écosse. Malgré les efforts, les opérations engagées par le pétrolier français pourraient prendre jusqu’à six mois. Coût : 2,5 millions de dollars par jour.

En matière de réseaux de communication, les câbles posés sont vulnérables aux mouvements géologiques du sous-sol marin [18]. Ainsi, parmi les risques les plus fréquents, se trouvent les opérations de pêche et d’ancrage [19] de navire. Si elles sont fort heureusement rares, ces pannes engendrent des effets domino observés parfois très loin de leur centre de gravité au regard du degré d’interconnexion et d’inter-dépendance des économies aux réseaux. Plus récemment, le 8 octobre 2023, le gazoduc Balticconnector [20] et deux câbles de télécommunications ont été victimes de dommages liés à des opérations d’ancrage selon les premiers éléments communiqués par les autorités finlandaises. L’origine accidentelle comme intentionnelle n’est pas encore déterminée [21].

Dans notre perspective, ces atteintes à la sécurité sont à prendre en considération non pas pour elles-mêmes. Mais véritablement comme les conséquences possibles d’un acte de malveillance perpétré sur des infrastructures critiques. Notons que l’environnement maritime démultiplie l’impact d’une crise qui est sans commune mesure avec celle des autres milieux. La maritimisation contemporaine témoigne du gigantisme de la construction navale qui met en circulation des navires citerne longs de 400 mètres transportant plus de 300 000 tonnes de brut. La perte d’un navire génère des conséquences démultipliées dans l’espace maritime et côtier mais aussi dans le temps, car, tant que l’épave n’a pas rendu l’intégralité du fret transporté, du produit s’échappe inexorablement. D’autant plus que l’intervention humaine semble bien dérisoire au milieu des océans, quand les éléments se déchaînent.

Nord Stream 2 ou la révolution de l’évaluation de la malveillance maritime

La maritimisation s’est trouvée renforcée par la dépendance croissante des économies aux richesses des océans mais aussi par le rôle majeur joué par les vecteurs maritimes dans les approvisionnements stratégiques en matières premières. Stimulés par le croissance de l’industrie, les acteurs publics et privés ont massivement investi les océans pour implanter des infrastructures. Conjointement, la notion de risque a été atténuée par cet enthousiasme collectif.

Ces actes malveillants [22] nécessitent la conception d’une manœuvre particulièrement audacieuse visant à interrompre ou à détourner le flux de données transitant par ces tuyaux. Ils supposent des modes opératoires hybrides produisant des effets asymétriques sur le camp adverse : quelques milliers d’euros d’investissement pour l’acquisition, par exemple, d’un drone maritime peuvent causer des dommages de plusieurs millions d’euros. Observé en 1898, lors de la guerre américano-espagnole, les Américains coupèrent les fils télégraphiques entre l’Espagne et ses possessions transatlantiques. Autre scénario possible qui expose moins les auteurs : « écouter » le flux de données qui empruntent ce canal en installant des mouchards aux points clés du réseau. Reste, cependant, à déchiffrer et à exploiter cette masse considérable de données frauduleusement collectées. Enfin, nous assistons à une privatisation progressive de ces infrastructures vitales qui irriguent l’ensemble de nos vies. Jadis réseau étatique, les opérateurs comme les GAFAM en prennent progressivement le contrôle. Ce qui ne laisse pas d’interroger sur les enjeux de souveraineté attachés aux données et aux garanties apportées à la liberté d’expression.

Toutefois, les actes de sabotage portés aux pipeline Nord Stream 1 et 2 ont matérialisé une menace pensée comme théorique. Ce trait d’union maritime gazier reliant la Russie à l’Allemagne est victime d’un acte de malveillance constaté les 26 et 27 septembre 2022. A cette occasion, la communauté internationale s’étonne d’un bouillonnement inhabituel à la surface de la mer Baltique et, ce, en deux endroits différents. Gisant dans les fonds de la Baltique, en Zone Économique Exclusive du Danemark et de la Finlande, le pipeline rallie Vyborg en Russie à Lubmin en Allemagne, soit une distance de 1224 kilomètres. Ce défi technologique permettait d’alimenter l’économie allemande en matières premières bon marché. Les différentes enquêtes sont encore actives afin d’élucider ces actes de malveillance et d’en établir les responsabilités. Néanmoins, il convient de souligner la grande complexité de la conception et de l’exécution d’une telle opération à haut risque. L’expédition sous-marine a été conduite par des plongeurs missionnés pour positionner à différentes reprises des charges explosives sur des installations posées au fond de la mer Baltique.

Cet acte de sabotage a généré un séisme au sein des sociétés hyperconnectées et tributaires de la mer pour l’équilibre de leurs chaines d’approvisionnement. Ces menaces hybrides sont issues d’une zone grise évoluant entre la criminalité organisée et les organisations para-étatiques voire étatiques. Elles s’inscrivent dans un cadre juridique indéterminé entre le régime normal de la paix et le droit des conflits armés. Cyberattaque, subversion politique, coercition économique, opération de déstabilisation, … . tels en sont les modes d’action privilégiés. L’immensité océanique, la multiplicité et la complexité des réseaux posées ou encore des infrastructures offshore constituent autant d’effets multiplicateurs impactant la résilience de sociétés interdépendantes. D’autant plus que ces infrastructures critiques sont véritablement transparentes aux yeux des citoyens peu au fait de ces réalités. Ce rapport distant aux choses de la mer rend souvent inaudible ces enjeux lointains et technologiques. Or, le contexte géostratégique actuel est caractérisé par un recours décomplexé à la force armée comme outil de règlement des conflits, la conception d’une guerre totale incluant les infrastructures critiques et les chaines d’approvisionnement ainsi que par la polarisation des acteurs étatiques. Cette guerre des fonds marins («  seabed warefare ») est devenue une réalité comme le souligne sans ambages les conclusions du Sommet de l’OTAN des 11-12 juillet 2023. : « La menace qui pèse sur les infrastructures sous-marines critiques est réelle, et elle s’accroît. Nous sommes déterminés à déceler et à atténuer les vulnérabilités et dépendances stratégiques de nos infrastructures critiques, ainsi qu’à assurer la préparation, la dissuasion et la défense face à l’instrumentalisation de l’énergie et au recours à tout autre procédé hybride par des acteurs étatiques ou non étatiques à des fins coercitives. Toute attaque délibérée contre les infrastructures critiques de pays de l’Alliance se verra opposer une réponse unie et déterminée, et cela vaut aussi pour les infrastructures sous-marines critiques. La protection des infrastructures sous-marines critiques se trouvant sur le territoire des Alliés demeure une prérogative nationale et un engagement collectif [23]. ».

L’émergence de technologies de rupture duales menace la résilience de nos sociétés interconnectées

Le conflit russo-ukrainien a démocratisé l’emploi des drones non seulement lors des opérations terrestres mais aussi maritimes. Facilement disponible et bon marché, le drone impose une stratégie du faible au fort démultiplié par l’immensité du domaine sous-marin. Il exerce, ainsi, une menace diffuse sur les infrastructures critiques sous-marines et les lignes de communication.

Les drones sous-marins sont des véhicules capables de fonctionner sans être humain à bord voire sans contrôle à distance ou opéré par un humain.

Plusieurs scénarii [24] de perturbation voire d’interruption d’activités humaines en mer peuvent être identifiés par l’emploi de ce moyen :

. Attaque physique coordonnée de drone (s) sur les infrastructures critiques et lignes de communication.

L’engin sous-marin effectuerait des poses de mines réelles ou fictives en surface, en sous-marin ou dans les ports. Il pourrait, en outre, véhiculer des charges explosives (notamment des charges nucléaires) ou disséminer des agents chimiques et / ou biologiques. Au vu du faible coût d’acquisition ou de conception, ce cas d’usage pourrait être mis en œuvre par des acteurs para-étatiques ou issus de la criminalité organisée en qualité de sous-traitant au bénéfice d’autres organisations hybrides. Ce scénario est évalué comme probable.

. Cyber-attaque ciblant les infrastructures critiques sous-marines, maritimes et portuaires.

Ce mode opératoire complexe chercherait à porter une atteinte à la disponibilité et à l’intégrité de la donnée, notamment, en lien avec les systèmes de sécurité maritime (positionnement géographique des navires, cartographie maritime, communication, etc..). Par ses capacités cybernétiques, il pourrait prendre part à des manœuvres élaborées visant à leurrer ou à dupliquer des communications maritimes et portuaires entre des vecteurs entre eux mais aussi entre des vecteurs et des infrastructures (dispositif de Command and Control, sous-stations électriques). Pour accroitre encore les effets sur un théâtre d’opération maritime ou sous-marin, une attaque massive et coordonnée pourrait être envisagée par le recours à un ou des essaim(s) de drones. Furtif par construction, il présente l’avantage d’être difficilement « attribuable » à son commanditaire. Nécessitant encore des développements technologiques important, ce scénario est perçu comme peu probable en 2023.

. Menace physique portée à la sécurité des routes maritimes [25] et des ports

Ce mode opératoire conçoit l’emploi des drones télé-opérés comme des sous-marins ou des navires de surface. Dans cette perspective, ces engins pourraient être dotés d’armes de bord conventionnelles, poser des mines sous-marines pré-programmées voire emporteraient des matières fissiles dans un cas très extrême. Quelle que soit la nature des équipements embarqués, un tel cas d’usage avéré exerce par lui-même une très forte menace psychologique à l’égard des gens de mer, qu’ils relèvent de la navigation marchande ou des flottes militaires. Ce scénario est perçu comme probable.

. Ces technologies évolutives connaissent actuellement des développements par le recours aux apports de l’Intelligence Artificielle ou encore du Machine Learning. Ils posent, néanmoins, de nombreuses questions majeures, notamment en terme d’éthique de la décision ultime. Est-ce que la décision d’emploi de telles armes peut être confiée à des algorithmes ? Cette « démocratisation » d’emploi des drones sous-marins à usage dual interroge aussi sur les perspectives de prolifération vers des acteurs hybrides, voire relevant de la criminalité organisée. Une telle extension d’usage des drones nécessitera, à l’avenir, des mesures de coordination internationale, susceptibles d’impacter les principes du droit maritime international.

Face à ces questions en suspens, ces engins télé-opérés doivent gagner en maturité. En l’état actuel de l’art, les drones connaissent des limitations en termes d’autonomie de navigation et de liaisons entre le pilote et son véhicule sous-marin, notamment, Internet dont la portée se trouve ralentie en milieu marin.

La mer, pare-feu numérique des infrastructures énergétiques et informationnelles [26] ?

Les infrastructures maritimes constituent, bien souvent, des sites industriels complexes dont le principe de fonctionnement et, partant, l’efficacité reposent sur des connexions internes mais aussi externes établies avec des centres distants de Command and Control (C2). Ces interconnexions sont donc consubstantielles à la conception de ces systèmes. En plein développement, elles s’inscrivent graduellement dans le sillage de l’industrie du futur, l’industrie 4.0 [27], qui accélère l’ouverture numérique des ensembles industriels.

Cette menace s’est déjà exprimée récemment au travers un chantage par déni de service avec un opérateur énergétique. Ainsi, en octobre 2015, immergée dans le raz de Sein, l’hydrolienne opérée par l’entreprise finistérienne Sabella est victime d’un rançongiciel [28] infectant l’ordinateur de contrôle de la production. Encore en phase de test, cet incident se traduit, néanmoins, par un arrêt de la production durant 15 jours, privant ainsi l’île voisine d’Ouessant d’électricité. Cet exemple symbolique permet d’envisager l’impact socio-économique sur l’activité humaine en le transposant au cas des îles énergétiques. Ce bilan étant accru par l’insularité.

De plus, les vecteurs maritimes affichent aussi des vulnérabilités susceptibles d’être exploitées par des acteurs hybrides malveillants. La société israélienne a illustré l’acuité de cette menace cybernétique en organisant une cyberattaque visant un navire porte-conteneurs. En décembre 2017 [29], l’équipe d’ingénieurs de Naval Dome est parvenue à prendre le contrôle du ZIM GENOVA à la fois lors d’une escale que lors d’une navigation transatlantique, en compromettant le système de navigation, les radars comme la gestion de la salle des machines. Les effets de cette intrusion numérique opérée à distance démontrent les champs nouveaux d’une action hybride impactant le commerce international et la viabilité des routes maritimes. Au total, l’analyse des risques de la navigation peut se résumer de manière synthétique comme suit :

. usurpation et brouillage des systèmes de positionnement ou de communication ciblant le vecteur ou son environnement,

. dérèglements ou perte de disponibilité des systèmes cartographiques,

. diffusion de fausses informations de sécurité vers le navire,

. intrusion des systèmes industriels à bord,

. chiffrement des systèmes d’information en tout ou partie.

Ce panorama du risque permet d’identifier les modes opératoires hybrides susceptibles d’impacter les activités humaines en mer et, partant, la résilience des sociétés et des États.

Des plates-formes pétrolières sont ancrées au cœur des ZEE comme ici en Irak, au large de Bassorah
Copyright : Louis du Plessix/Diploweb.com
du Plessix/Diploweb.com

III. Le défi de la protection des infrastructures critiques maritimes dans le contexte de guerre haute intensité ou retour en force de la thalassopolitique ?

Le contexte géo-stratégique semble s’orienter durablement sur une polarisation des relations internationales, laissant peu d’espace à une troisième voie. De manière très concrète, cela se traduit par un recours à la force armée comme outil de résolution des conflit et une militarisation multi-champs, multi-domaines. A ce titre, et dans le contexte de maritimisation des économies, les infrastructures critiques maritimes apparaissent comme des centres de gravité stratégiques qui conditionnent la résilience d’un État ou d’une alliance. Elles font l’objet d’un regain d’intérêt des États comme en témoigne un foisonnement doctrinal inédit (A). De plus, cette situation nouvelle recentre l’État sur sa mission de protection de ses propres intérêts dans une thalassopolitique renouvelée, miroir de ses ambitions et de ses moyens (B).

A. Un foisonnement inédit de doctrines en lien avec les fonds marins et de développements technologiques

La période actuelle est fertile en multiples réflexions et propose de nombreuses mesures destinées à diminuer le risque d’atteintes aux infrastructures critiques maritimes. Des études et recherches scientifiques préparent des efforts doctrinaires et invitent au développement de technologies de rupture afin de sécuriser ces infrastructures, certes, difficiles d’accès mais, ô combien, vitales.

La France a rendu public la stratégie ministérielle de maitrise des grands fonds marins [30] en février 2022, combinant une dimension militaire et économique. Cette stratégie se fonde sur un double constat :

. les activités étatiques et économiques se développent dans les fonds marins,

. la protection de nos intérêts stratégiques et la liberté d’action de nos forces pourraient être contestées.

Désireuse de consolider l’autonomie stratégique tout en saisissant les opportunités liées à cet espace de compétition, la France développe une feuille de route dont les éléments principaux sont énoncés ci-après :

. intégrer la maitrise des fonds dans la stratégie de défense au travers des Opérations de Maitrise des Fonds Marins (OMFM) [31],

. définir une gouvernance interministérielle basée sur un groupe de travail multidisciplinaire,

. préparer les capacités de maitrise des fonds marins en cohérence avec les programmes d’armement existants ou prévus [32],

. intégrer cette stratégie au sein d’une dynamique interministérielle portée par la Stratégie nationale d’exploration et d’exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins de 2020 et l’objectif 10 du plan d’investissement « France 2030 ».

Le Royaume-Uni renforce sa flotte hydrographique par la mise en service de deux frégates multi-rôles en janvier 2023 et par des projets d’acquisition de drones sous-marins. Les missions opérationnelles sont axées, principalement, sur la surveillance des infrastructures critiques sous-marines, scellant simultanément un partenariat stratégique avec la Norvège.

Par ailleurs, les États-Unis d’Amérique investissent massivement le champs de la recherche scientifique et du développement de technologies de rupture ou émergentes telles le positionnement géographique ainsi qu’un réseau de senseurs et de capteurs dédiés aux grandes profondeurs associés à une flotte de navires autonomes pilotée à base d’intelligence artificielle.

Les organisations internationales se sont aussi saisies des enjeux des infrastructures critiques.

Avant le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, l’Union européenne s’est emparée de ce sujet au travers d’un rapport publié par le Parlement européen en juin 2022. Il est intitulé « Conséquences pour l’UE des atteintes à la sécurité des câbles de communication et infrastructures sous-marines [33] ». Ce document suggère une meilleure coordination dans la protection et la surveillance des réseaux immergés et le développement de solutions technologiques. En mars 2023, la Stratégie européenne de sûreté maritime [34] est réévaluée à la lumière des dernières attaques en mer Baltique. Des partenariats stratégiques [35] sont alors noués avec l’OTAN en matière de protection d’infrastructures critiques, sans se limiter exclusivement au domaine maritime.

De plus, l’OTAN a renforcé ses missions de surveillance des espaces maritimes de la mer du Nord et de la mer Baltique sans négliger la mer Méditerranée. La coordination générale est confiée au commandement maritime de l’OTAN ou MARCOM [36] basé à Northwood au Royaume-Uni. Un centre dédié à la sécurité des infrastructures critiques sous-marines a été, en outre, intégré à MARCOM à la suite du sommet l’OTAN organisé à Vilnius les 11 et 12 juillet 2023. Des nations alliées prêtent leur concours à l’image du Corps d’auto-défense japonais et de l’Australie qui ont pris part à l’opération de l’OTAN Sea Guardian en octobre 2022. De même, l’OTAN encourage le partenariat public-privé en créant « un réseau rassemblant l’OTAN, les Alliés, le secteur privé et d’autres acteurs concernés qui permettra d’améliorer le partage de l’information et l’échange de bonnes pratiques » [37].

B. Les États recentrés sur la mission organique de protection des intérêts vitaux ?

Les infrastructures critiques maritimes délivrant des services essentiels relatifs aux communications, à l’énergie, à la fourniture de matières premières… relèvent d’acteurs privés qui assument in fine une mission de service public et concourent activement à la résilience de l’État et des populations. C’est précisément un point commun majeur qui les relient toutes entre elles. Cette situation singulière oblige l’État à assurer la protection de ces activités essentielles. Car ces dernières garantissent directement la défense de ses propres intérêts.

Cette tendance lourde semble irréversible tant la numérisation croissante de l’économie associée aux exigences de la transition climatique se traduisent par une exploitation accrue des potentialités offertes par les espaces maritimes. Néanmoins, au vue du contexte géo-stratégique actuel qui désigne ces infrastructures critiques comme des objectifs militaires, les projets de création de nouvelles connexions numériques sous-marines ou d’installations offshore produisant des énergies marines renouvelables sont susceptibles d’être réévalués. S’inscrivant sur des cycles de conception et de production supérieure à 25 ans, ces projets de grande envergure supposent des investissements conséquents, des autorisations préalables d’acteurs étatiques variés et des défis technologiques. Ainsi, l’exemple du projet Xlinks opéré par des acteurs privés britanniques est illustratif des enjeux. Il s’agit de fournir de l’électricité sûre, fiable et durable à 8 % des foyers britanniques. Conforme aux engagements du gouvernement en matière de développement durable, cette électricité verte sera produite au Maroc [38] à la fois mixant des énergies éoliennes comme solaires. Avant d’être distribuée, elle sera transportée par câbles sous-marins sur plus de 3800 kilomètres à travers l’océan Atlantique.

L’enjeu de protection et de surveillance de ce réseau de transport d’énergie posé connaît une acuité renouvelée depuis la relance le 24 février 2022 du conflit russo-ukrainien. Quels en seront les impacts ? Comment anticiper les évolutions géo-stratégiques dans un projet intercontinental à proximité de chokepoints internationaux ? Les investissements particulièrement conséquents sont très régulièrement assumés par des consortiums internationaux à l’image du câble « Amitié ». Celui-ci est constitué de Facebook, Microsoft, Aqua Comms et Vodaphone avec lequel Orange a signé un partenariat.

 
Carte des réseaux de câbles sous-marins dans l’espace Balte et ses abords
Copyright : TeleGeography (Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA4.0)

Pour ce faire, les organisations internationales comme les États émettent des normes, des obligations afin de sécuriser ces activités essentielles. Le maritime donne, à ce titre, une illustration concrète des efforts déployés. Véritable clé de voute, le code ISPS (International Ship and Port Facility Security) est l’instrument réglementaire en matière de sûreté maritime. Il dispose que « l’évaluation de la sûreté du navire devrait porter sur (…) les systèmes de radio et télécommunications, y compris les systèmes et réseaux informatiques ». Il impose, néanmoins, un plan de sûreté du navire comportant une cartographie logicielle et matérielle du navire, la définition des éléments sensibles et la gestion des vulnérabilités du système. En 2017, l’Organisation Maritime Internationale émet des directives [39] sur la gestion des cyber-risques maritimes dans le sens d’une meilleure protection du transport maritime. Elle impose sous échéance la mise en conformité des systèmes de gestion de la sécurité [40] aux cyber-menaces. Enfin, la directive européenne NIS [41] prévoit la mise en œuvre de mesures destinées à assurer un niveau élevé et commun de sécurité des réseaux et systèmes d’information au sein de l’UE. Transposée en 2018 en droit français, elle identifie comme Opérateur de Services Essentiels les compagnies de transports maritimes et les gestionnaires de ports soumis à des mesures techniques et organisationnelles contre les cyber-risques.

*

En conclusion, matérialisée par le conflit russo-ukrainien et ré-affirmée au Proche-Orient depuis l’attaque par le Hamas d’Israël, la nouvelle donne stratégique a des incidences directes et immédiates sur les politiques de défense des États, contraints d’adapter la protection de leurs intérêts majeurs. La maritimisation des modes de vie conjuguées à la digitalisation des économies et aux objectifs de transition énergétique ont dessiné, notamment, une géopolitique énergétique et numérique qui est questionnée aujourd’hui. En effet, ces dynamiques reposent sur des réalisations industrielles à l’image des câbles sous-marins (énergie, télécommunication), des plates-formes d’extraction de matières premières (hydrocarbures, terres rares…) mais aussi les projets d’envergure des îles énergétiques artificielles. Ces infrastructures critiques sous-marines et maritimes sont devenues des centres de gravité stratégiques qui conditionnent la résilience des États. Transparentes pour l’usager, elles constituent, néanmoins, selon les points de vue, soit des vulnérabilités soit des cibles d’intérêt dans la perspective d’une guerre totale ou guerre d’attrition.

Le sabotage de Nord Stream 1 et 2 a remis en cause l’ordre international existant. Parmi d’autres enseignements, il a placé au centre des débats notre organisation socio-économique et, singulièrement, notre rapport à la mer. En ce sens, cet acte de sabotage renforce l’État dans sa fonction première de protection de ses intérêts vitaux et de disponibilité des fonctions et services essentiels. Qui sont en très grande partie tributaires des espaces océaniques. La thalassopolitique offre ainsi aux observateurs comme aux décideurs une opportunité d’adopter un point de vue fertile pour mieux appréhender la complexité du monde et des relations internationales.

Copyright Novembre 2023-Manet/Diploweb.com


[1] John Watkins BRETT, à bord du remorqueur GOLIATH, pose le premier câble entre le cap Gris nez, en France, et la cap Southerland au Royaume-Uni. L’émission dura 11 minutes avant que le câble ne se rompt en divers endroits.

[2] La réalisation des batteries de stockage d’énergie réclame du magnésium, du cobalt ou encore du nickel. Ces matières sont présentes dans des enrochements. Ainsi, la zone de Clarion-Clipperton – allant du Mexique à Hawaï- regorgerait de 6 fois plus de cobalt et de trois fois plus de nickel que l’ensemble des réserves connues au monde.

[3] Le gazoduc Franpipe fonctionne depuis 1988. Long de 840 kilomètres, il relie la plate-forme de Draupner dans les eaux territoriales de la Suède au terminal gazier de Dunkerque.

[4] Thalassocratie criminelle et sécurisation des approvisionnements stratégiques, Florian MANET, in Sécurisation des infrastructures vitales, Mare et Martin, novembre 2020

[5] https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/en-mer-du-nord-des-iles-energetiques-pour-sauver-la-planete-1948932, consulté le 29/10/23

[6] Le FPSO (Floating Production Storage and Offloding) ICHTYS VENTURER est amarré à 250 mètres de profondeur et à plus de 220 kilomètres des côtes, dans la Zone Économique Exclusive australienne. https://www.offshore-mag.com/field-development/article/16799853/ichthys-lng-fpso-in-place-offshore-australia

[7] Cet acronyme désigne les quatre grandes entreprises du web chinois, à savoir Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi.

[8] Article 55 et suivants de la CNUDM

[9] Article 56 de la CNUDM

[10] Articles 58 et 112, CNUDM

[11] Voir décision de la Commission des limites du plateau continental, consulté le 23/10/24, 2020_03_04_COM_SUMREC_FRA2.pdf

[12] Cette convention est dédiée à la prévention et à la répression des rejets volontaires en mer par des navires ou des plates-formes offshore, que la cause soit accidentelle ou liée à l’exploitation. Elle a été adoptée en 1973 et enrichie de protocoles additionnels (en 1978 et 1997) , https://www.imo.org/fr/about/Conventions/Pages/International-Convention-for-the-Prevention-of-Pollution-from-Ships-(MARPOL).aspx

[13] Ou Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Navigation (dite SUA). Elle a été signée le 10 mars 1988 et ratifiée le 1 er mars 1992. Elle fait suite à un acte de terrorisme commis à bord du navire à passagers ACHILLE LAURO 1985 au large d’Alexandrie. Ce navire a été détourné et un passager de nationalité américaine a été tué sur fonds du conflit israélo-palestinien. Elle a été enrichie par le protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates formes fixes situées sur le plateau continental.

[14] Protecting critical maritime infrastructure – the role of technology, 032 STC 23 E rev.2 fin – 7 octobre 2023

[15] POLÉRE, Pascal « Sûreté maritime : bilan et perspectives du code ISPS », DMF, 2006, p.66

[16] Règlement européen n° 725/2004 reprenant le Code ISPS

[17] .https://www.offshore-energy.biz/cargo-ship-strikes-orsteds-gode-wind-1-offshore-wind-farm-suffers-massive-damage_gl=1*7wn26z*_ga*OTA1ODIyMjM5LjE2OTg1ODk0MjY.*_ga_R07LJ1W79Y*MTY5ODU4OTQyOC4xLjAuMTY5ODU4OTQyOC42MC4wLjA

[18] Le 26 décembre 2006, un tremblement de terre de magnitude 7 sur l’échelle de Richter secoue Taïwan. L’épicentre est localisé dans le détroit de Luçon par lequel transitent l’ensemble du réseau de câbles qui relie l’île et une partie de l’Asie du Sud-Est avec le reste du monde. L’ensemble des communications ont été très perturbés, 50 jours ayant été nécessaires pour rendre opérant cette infrastructure.

[19] En juillet 2017, la Somalie a été isolée du reste du monde après qu’un porte-conteneurs coupe l’Eastern Africa Submarine System (EASSy), unique câble du pays. Les pertes quotidiennes ont été évaluées à 9 millions d’euros par jour soit la moitié du PIB journalier de la Somalie.

[20] Ouvert le 11 décembre 2019, le gazoduc BALTICCONNECTOR approvisionne en gaz la Finlande depuis l’Estonie. Il permet à la Finlande d’accéder au stockage de gaz naturel d’Incukalns en Lettonie. Le gazoduc comprend trois tronçons : 22 km sur le sol finlandais, 80 km en mer et 50 km sur le sol estonien. Dans le même temps, un câble de communication a été endommagé entre la Suède et l’Estonie.

[21] Voir https://www.reuters.com/world/europe/finland-retrieves-anchor-seabed-near-broken-gas-pipeline-2023-10-24/, consulté le 23/10/23

[22] Voir Security Threats to undersea communications cables and infrastructure- conséquences for the EU, DG for External Policies, juin 2022,

[23] Communiqué du sommet de l’OTAN de VILNIUS, https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_217320.htm, consulté le 26/10/23.

[24] Voir Australia’s Trade and the Threat of Autonomous Uncrewed Underwater Vehicles, RMIT University, disponible https://www.rmit.edu.au/research/centres-collaborations/cyber-security-research-innovation/autonomous-uncrewed-underwater-vehicles, consulté le 26/10/2023

[25] Pourraient être visé en priorité les chokepoint. L’agence américaine pour l’énergie (EIA) définit ainsi le chokepoint : «  narrow channels along widely used global sea routes  ». Voir MANET, Florian, 17/09/21,https://www.diploweb.com/Pourquoi-le-detroit-d-Ormuz-est-il-un-symbole-des-enjeux-contemporains-de-la-maritimisation-de-nos.html

[26] La marétique, un enjeu essentiel pour l’humanité ? Florian MANET, in Cybercercle Collection, décembre 2020

[27] Industrie 4.0, cheval de Troie de la cybersécurité intégrée au sein de l’aéronautique ? Une opportunité historique à saisir, Florian MANET, in Cybercercle Collection, juillet 2022

[28] Technique d’attaque courante de la cybercriminalité, le rançongiciel ou ransomware consiste en l’envoi à la victime d’un logiciel malveillant qui chiffre l’ensemble de ses données et lui demande une rançon en échange du mot de passe de déchiffrement. https://www.ssi.gouv.fr/entreprise/principales-menaces/cybercriminalite/rancongiciel/

[29] Consultation du site de Naval Dome, http:// navaldome.com/

[30] https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwi2vaH_mZOCAxUrT6QEHfhjAnYQFnoECBkQAQ&url=https%253A%252F%252Fwww.defense.gouv.fr%252Fsites%252Fdefault%252Ffiles%252Fministere-armees%252F20220210_LANCEMENT%2525, consulté le 26/10/23

[31] Ces OMFM se définissent comme « l’ensemble des opérations conduites vers, depuis et sur les fonds marins et associant des systèmes pouvant opérer de manière autonome ou en réseau. Le spectre des OMFM s’étend des opérations hydro-océanograhiques à des opérations d’intervention et d’action sous la mer, en passant par des missions de surveillance.

[32] Comme les Capacités hydrographique et océaniques du Futur (CHOF), Système de Lutte Anti-mines du Futur (SLAMF) ou encore les premiers drones (AUV) et robots (ROV) pouvant opérer jusqu’à 6 000 mètres.

[33] BUEGER, Christian, LIEBTRAU, Tobias et FRANKEN, Jonas, http://europarl.europa.eu/Regdata/etudes/IDAN/2022/702557/EXPO_IDA(2022)702557_EN.pdf

[34] http://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/ocean/blue-economy/other-sectors/maritime-security-strategy_en

[35] Une Task Force UE – OTAN dédiée à la résilience des infrastructures critiques est créée le 16 mars 2023.

[36] http://mc.nato.int/media-centre/news/2023/nato-maritime-assets-play-key-role-in-offshore-critical-infrastructure-security

[37] Communiqué du sommet de l’OTAN de VILNIUS, https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_217320.htm, consulté le 26/10/23

[38] Les installations seront localisées dans la région de Guelmin Oued Noun au Maroc. La connexion au réseau britannique est envisagée dans le Devon à Alverdiscott. La production théorique est évaluée à 10,5 gigawatts dont 7 GW proviendraient de l’énergie solaire et 3,5 GW de l’énergie éolienne. Le Maroc apporte une prévisibilité et une constance dans la production d’énergie, contrairement à l’éolien britannique, instable et irrégulier. La première phase du projet sera opérationnelle en 2029, la deuxième phase étant prévue en 2031.

[39] MSC – FAL 1/Circ.3

[40] http://www.imo.org/fr/OurWork/Security/Guide_to_Maritime_Security/Documents/MSC%2098-23-Add.1.pdf

[41] Ou Network and Information System Security n° 2016/ 1148

Le livret A pour financer la défense : trois députés relancent l’idée

Le livret A pour financer la défense : trois députés relancent l’idée


Trois mois après la censure par le Conseil constitutionnel d’un article de la loi de programmation militaire fléchant une partie de la collecte du livret A vers les industries de défense, trois députés déposent un nouvel amendement pour pousser le projet.

Des canons Caesar dans l'usine de Nexter/KNDS à Roanne

Des canons Caesar dans l’usine de Nexter/KNDS à Roanne (Loire)

Vincent Lamigeon / Challenges

Une partie de la collecte du livret A va-t-elle financer l’industrie de défense ? Éjecté par la porte, le projet revient par la fenêtre. Le 28 juillet dernier, le Conseil constitutionnel avait censuré un article de la loi de programmation militaire 2024-2030, l’article 52, qui prévoyait de consacrer à l’industrie militaire une partie des fonds de l’épargne réglementée. Motif du rejet : l’article, rajouté lors de la commission mixte paritaire sur le projet de LPM sous pression du Sénat, était considéré comme un « cavalier législatif », en clair une mesure hors sujet par rapport au projet de loi.

Trois mois plus tard, trois députés repartent au front sur ce dossier sensible. Le président de la commission de la défense Thomas Gassilloud (Renaissance), le député Horizons Christophe Plassard et le député LR Jean-Louis Thiériot, ont déposé le 24 octobre un amendement au projet de loi de finances 2024, qui propose d’assigner à l’industrie de défense une partie des fonds du livret A et du livret de développement durable et solidaire « aux entreprises, notamment petites et moyennes », de notre « Base industrielle et technologique de défense (BITD) ».

Frilosité bancaire

Pourquoi ce projet ? Les députés justifient l’amendement par les difficultés d’accès aux financements privés des entreprises de défense, notamment les PME. Cette frilosité bancaire avait été mise en évidence dès 2020 par le GICAT (Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres), l’association professionnelle des industriels de la défense terrestre. Elle avait été confirmée par deux rapports de l’Assemblée, l’un des députés Jean-Louis Thiériot et Françoise Ballet-Blu sur le financement de la BITD, publié en février 2021, l’autre du député Christophe Plassard sur l’économie de guerre, publié en mars dernier.

L’idée de piocher dans l’épargne réglementée pour soutenir les industries de souveraineté est un serpent de mer depuis des années. C’était une des pistes suggérées par Christophe Plassard dans son rapport de mars. Celui-ci évoquait plusieurs scénarios : le fléchage de fonds du livret A ou du LDDS vers l’industrie de défense ; la création d’un livret dédié à la défense ; la création d’un plan d’épargne défense ; ou encore un emprunt d’Etat. Le Sénat avait également poussé l’idée d’un « livret d’épargne souveraineté », un livret d’épargne réglementée dédié, qu’il avait intégré au projet de LPM.

Les montants ont, de fait, de quoi faire rêver : l’encours cumulé des Livrets A et des LDDS atteint le niveau record de 551,1 milliards d’euros, un chiffre en hausse de 41,4 milliards d’euros depuis le début de l’année. Une petite partie de ces encours suffirait à combler les besoins de financement de la BITD. Mais un obstacle de taille se dresse toujours devant le projet : Bercy, qui n’a jamais caché son manque d’enthousiasme sur le sujet.

Objectif : obtenir la neutralité de Bercy

L’objectif des députés est d’obtenir, sinon un soutien du ministère de l’Economie, du moins une neutralité, un « ni oui ni non » qui permettait à l’amendement de passer la rampe. Si, comme c’est probable, un 49.3 du gouvernement sur le PLF empêche l’examen de l’amendement, les trois députés poussent à une reprise du sujet en réunion ministérielle, pour que le texte figure bien dans la loi de finances définitive. Un pari encore loin d’être gagné.

Conflit israélo-palestinien : quel impact sur le marché du pétrole ?

Conflit israélo-palestinien : quel impact sur le marché du pétrole ?

ANALYSE. Les investisseurs semblent aujourd’hui dans l’expectative sur le marché du Brendt, dans l’attente de connaître l’ampleur d’une éventuelle contagion géopolitique du conflit israélo-palestinien. Par Eszter Wirth, Universidad Pontificia Comillas

                                                                                 (Crédits : CHINA STRINGER NETWORK)

 

Le conflit entre Israël et le Hamas n’est pas resté sans conséquence sur le marché du pétrole. Lundi dernier, le baril de Brent a augmenté de 4,2 % pour atteindre 88,15 dollars et celui de West Texas Intermediate (WTI) de 4,3 % pour atteindre 86,38 dollars. En ce milieu de semaine, il évolue au-dessus des 90 dollars.

Cette évolution peut surprendre dans la mesure où aucun des deux territoires directement concernés n’est un producteur important d’hydrocarbures et que, contrairement au schéma observé en 1973 au moment du premier choc pétrolier, les attentats sont restés pratiquement sans impact sur l’offre mondiale de pétrole. À l’époque, les pays pétroliers avaient décidé de réduire leur production pour sanctionner les alliés d’Israël, pris dans la guerre du Kippour l’opposant notamment à l’Égypte de Sadate et à la Syrie d’Assad.

Ces derniers jours, le plus grand gisement offshore d’Israël, Leviathan, n’a pas cessé de produire, bien que la production ait été interrompue dans le gisement de gaz de Tamar.

La crainte d’une contagion géopolitique

Les mouvements haussiers des premiers jours semblent plutôt dus au fait que les investisseurs ont été poussés par la peur. Ils craignent que le conflit militaire ne s’étende à la géopolitique d’autres États du Moyen-Orient et évaluent le risque géopolitique. Plusieurs pays producteurs de pétrole ont en effet apporté leur soutien au Hamas.

L’Iran, notamment, reconnaît avoir offert des armes et un entraînement à l’organisation paramilitaire palestinienne dans le passé, mais nie toute implication dans les derniers événements. Par ailleurs, l’organisation militaire libanaise Hezbollah s’est déjà jointe aux attaques dans le nord de l’État hébreu.

Les États-Unis imposeront-ils par ailleurs de nouvelles sanctions économiques à l’Iran, d’où est né le Second choc pétrolier en 1979, si le régime des ayatollahs continue à soutenir le Hamas ? Ils pourraient notamment durcir les sanctions sur le pétrole brut iranien après une période d’assouplissement voulu par l’administration Biden pour calmer les marchés pétroliers et contribuer à augmenter l’offre mondiale de pétrole à la suite de l’invasion de l’Ukraine.

Bien qu’il soit le quatrième producteur de pétrole au sein de l’OPEP, l’influence de l’Iran sur le marché international du pétrole demeure néanmoins limitée, précisément en raison des sanctions imposées en 2018 par l’administration Trump sur ses exportations. Quoiqu’il est également possible que le conflit israélo-palestinien déborde sur le détroit d’Ormuz, une étroite bande de mer au sud de l’Iran et au nord d’Oman, par laquelle transite quotidiennement 37 % du transport maritime de pétrole dans le monde. Une intervention iranienne dans les attaques pourrait perturber le trafic maritime dans cette région, ce qui augmenterait considérablement les prix du pétrole. Et, dans le pire des cas, même l’Arabie saoudite pourrait s’impliquer – en soutenant le Hamas – malgré ses efforts pour normaliser ses relations avec Israël.

Une demande qui ne fléchit pas

Ce qui peut inquiéter également, c’est que ce choc intervient après l’accord de septembre au sein de l’OPEP+ pour réduire la production de pétrole jusqu’à la fin de 2023, une décision portée par la Russie et l’Arabie saoudite. Le 2 avril, ils avaient déjà annoncé une baisse volontaire de plus d’un million de barils par jour de mai à septembre de cette année.

La raison de ces réductions est que les pays producteurs ont besoin de prix élevés pour couvrir les pertes causées par le Covid-19 et pour équilibrer leurs comptes fiscaux et étrangers. Ils n’ont pas hésité à afficher leur puissance internationale en agissant comme un cartel.

Par ailleurs, la crise immobilière et le ralentissement de la consommation privée chinoise à la suite de l’abandon de la politique du Covid zéro n’ont pas contribué à la diminution de la demande de pétrole brut sur le marché mondial, son industrie restant demandeuse d’énergie. Aux États-Unis, l’économie aussi reste demandeuse, en croissance malgré les hausses successives des taux d’intérêt. Même le Japon et la zone euro parviendront à croître légèrement en 2023 et à éviter la récession, selon les prévisions récemment publiées par le FMI.

Le fait est que le conflit entre Israël et le Hamas reste encore localisé et qu’il est encore loin de devenir une bataille régionale. Après une hausse les premiers jours, les marchés se sont calmés et le prix du pétrole brut Brent a baissé dès le mardi à 87,15 dollars le baril et le WTI à 85,33 dollars le baril. Les prix ont ensuite réaugmenté face à de nouvelles incertitudes quant aux évolutions du conflit.

La résistance de la demande mondiale de pétrole et les réductions stratégiques de l’OPEP+ semblent déterminer l’évolution des prix du pétrole pour le reste de l’année. À condition que le conflit israélo-palestinien ne s’étende pas à l’Iran et à l’Arabie saoudite.

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Par Eszter Wirth, Profesora de Economía Internacional (ICADE), Universidad Pontificia Comillas

La version originale de cet article a été publiée en espagnol

Nexter/KNDS est sur le point d’avoir la capacité de quadrupler sa production de CAESAr par rapport à 2022

Nexter/KNDS est sur le point d’avoir la capacité de quadrupler sa production de CAESAr par rapport à 2022

https://www.opex360.com/2023/10/17/nexter-knds-est-sur-le-point-davoir-la-capacite-de-quadrupler-sa-production-de-caesar-par-rapport-a-2022/


 

Ainsi, devant la députés de la commission de la Défense, la semaine passée, le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] a annoncé que le premier des dix-huit CAESAr [Camions équipés d’un système d’artillerie] commandés en juillet 2022 pour remplacer ceux cédés aux forces ukrainiennes allait être prochainement livré par Nexter/KNDS.

Et le CEMAT d’ajouter qu’il avait bon espoir que cinq autres suivraient avant la fin de cette année. En tout cas, la commande devrait être honorée dans le courant 2024, ce qui permettrait aux unités d’artillerie de retrouver la dotation qui était la leur avant la guerre en Ukraine.

Cela a été rendu possible par la réduction des délais de livraison : en 2022, fabriquer un CAESAr prenait trente mois. Il n’en faut plus maintenant que quinze. Mais Nexter/KNDS a également revu son organisation pour augmenter ses cadences de production. Avant la guerre en Ukraine, seulement deux CAESAr sortaient d’usine tous les mois. Ce chiffre a été muliplié par trois.

« Ce triplement de la capacité de production permettra à la France de remplacer, à l’horizon du début 2024, les 18 Caesar cédés à l’Ukraine pour l’aider à se défendre face à la Russie. Soit une reconstitution des stocks avec un an d’avance sur le calendrier initial! », a souligné le ministère des Armées, ce 17 octobre, après une visite du ministre, Sébastien Lecornu, au site de Nexter/KNDS établi à Roanne.

« Cette nouvelle capacité de production permettra aussi de continuer à fournir l’ensemble des partenaires de la France qui font le choix de se tourner vers KNDS pour équiper leurs forces terrestres », a d’ailleurs fait valoir ce dernier.

D’autant plus que Nexter/KNDS entend encore accroître ses cadences de production, avec 8 CAESAr assemblés par mois « dès le début de l’année prochaine ».

Pour réduire ses délais de livraison et accélérer ses cadences de production, l’industriel s’est inspiré des processus mis en oeuvre par les constructeurs automobiles, en mettant en places des lignes d’assemblage. En clair, un CAESAr n’est plus assemblé par une même équipe sur un emplacement fixe mais lors de plusieurs « stations » successives. En outre, Nexter/KNDS a constitué des stocks auprès de ses fournisseurs [Arquus pour le châssis, Aubert & Duval pour le canon, etc.] afin de se prémunir contre d’éventuelles ruptures d’approvisionnement.

Évidemment, un tel modèle n’est viable que si le carnet de commandes est plein. Ce qui est le cas pour le CAESAr, au regard des contrats signés au cours de ces deux dernières années. Par ailleurs, la réduction des délais de livraison pourra aussi être un argument commercial susceptible de favoriser de nouvelles commandes.

Selon le ministère des Armées, la production d’obus [de 155 mm] a également été augmentée assez significativement, celle-ci étant passée de 1000 munitions produites par mois en janvier 2023 à 3000 près d’un an plus tard.

« Le même effort a été engagé sur les munitions de défense aérienne », a souligné M. Lecornu. C’est notamment le cas du missile Mistral, MBDA ayant doublé sa production mensuelle [40 actuellement contre 20 en 2022].

Comme SCAF, MGCS redevient le programme politique qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être

Comme SCAF, MGCS redevient le programme politique qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être


mgcs illustration rheinmetall

Depuis plusieurs mois, l’avenir du programme franco-allemand Main Ground Combat System, ou MGCS, était dépeint très sombrement des deux cotés du Rhin. Il ne s’agissait alors pas uniquement d’extrapolations de presse teintées d’une certaine rivalité entre les deux pays et leur industrie de défense, mais également de sérieuses réserves exprimées à mots couverts par des sources industrielles, militaires et politiques, proches du dossier.

Après une première rencontre en juillet entre les deux ministres de tutelle qui n’aboutit qu’à la demande, aux états-majors de l’Armée de terre et de la Bundeswehr, de la rédaction d’un HLCORD (High Level Common Operational Requirements Document), une expression de besoins commune pour encadrer le programme à venir.

Une rencontre critique pour l’avenir de MGCS entre Sébastien Lecornu et Boris Pistorius

De fait, la pression était grande sur Sébastien Lecornu et Boris Pistorius, concernant le succès de leur nouvelle rencontre qui s’est déroulée sur la base aérienne d’Evreux ce 21 septembre.

Il s’agissait, en effet, de sortir le programme MGCS de l’état de stase dans lequel il se trouve depuis son lancement en 2017, et ainsi garantir sa pérennité, avec elle, celle du programme SCAF qui lui est intimement lié.

MGCS lecornu pistorius juillet 2023
Sébastien Lecornu et Boris Pistorius à Berlin pour discuter du programme MGCS en juillet 2023

De nombreuses pistes avaient été évoquées ces dernières semaines à ce sujet, allant de l’abandon pur et simple de la coopération franco-allemande entamée en 2017, à l’arrivée de l’Italie dans le programme imposée par la France.

Les deux hommes sont, semble-t-il, parvenus à trouver un terrain d’entente, en appliquant la même approche que celle qui permit au programme SCAF, lui aussi empêtré dans des luttes industrielles autour du partage industriel, de sortir de l’ornière mortifère dans lequel il se trouvait.

Reprise en main politique et leadership des agences de l’armement

Comme pour SCAF, le programme MGCS, qui est avant tout un programme d’essence politique visant à consolider les coopérations industrielles et milliaires entre Paris et Berlin, sera donc piloté par le Politique, plus précisément par les agences de l’armement des deux pays, la DGA française et le BWD allemand.

Il s’agit, par cette approche, de mettre fin aux disputes qui ont bloqué le programme depuis 7 ans, notamment depuis l’arrivée de Rheinmetall aux côtés de KNDS en 2019.

armin papperger rheinmetall KF51 Panther
Le CEO de Rheinmetall, Armin Papperger, n’a pas caché ses ambitions divergentes vis-à-vis du programme MGCS

On notera que cette reprise en main politique est loin d’être mal reçue par certains industriels. Ainsi, il y a quelques semaines, le CEO de KNDS, Frank Haun, appelait expressément à cela pour sortir le programme de l’ornière dans laquelle il était.

Il en ira autrement pour Rheinmetall, qui avait fait de son potentiel de nuisance au sein du programme, une stratégie industrielle et commerciale au service de la promotion de son char de génération intermédiaire KF51 Panther.

Un programme à parité budgétaire et industrielle, construit sur des piliers, comme SCAF

Bien que relativement concises, les déclarations de Sébastien Lecornu et Boris Pistorius à l’issue de la rencontre d’Evreux, permettent de tracer une cartographique de l’avenir du programme MGCS et de la coopération industrielle en son sein.

Strictement équilibré à son lancement, tant du point de vue industriel que budgétaire, lorsque attribué à la coentreprise KNDS, le programme fut grandement déstabilisé en 2019 avec l’arrivée de Rheinmetall imposée par le Bundestag.

Nexter canon ASCALON
Nexter developper le canon de 150 mm ASCALON pour équiper le char lourd du programme MGCS

En effet, le groupe de Düsseldorf exigeait d’obtenir un tiers des sous-programmes, notamment pour ce qui concernait l’armement principal avec le canon de 130 mm L/55, jusque-là visé par Nexter au sein de KNDS, avec le canon ASCALON de 140 mm.

Il fallait donc aux pilotes du programme de résoudre une équation sans solution, avec un partage industriel à parité reflétant la parité de l’investissement budgétaire des deux pays et des industriels allemands qui restaient inflexibles sur l’obtention d’un tiers des travaux chacun.

Pour répondre à ce blocage, MGCS sera désormais piloté par pilier, à l’instar du programme de SCAF. Chacun d’eux sera lui-même piloté par un industriel, avec la participation d’autres industriels appartenant aux deux pays.

Cette approche propose une plus grande flexibilité en matière de partage industriel. En effet, les piliers sont eux-mêmes scalaires, pour qu’il soit ainsi possible de répartir objectivement les attributions et participations de sorte à respecter une parité industrielle stricte reflétant la parité budgétaire.

KF51 Panther Rheinmetall
Le KF51 Panther est présenté par Rheinmetall comme une alternative efficace et économique au programme franco-allemand

Le pilotage ultime étant politique, il sera bien plus difficile aux industriels, et notamment à Rheinmetall, de jouer l’obstruction tactique pour venir handicaper le programme. Il sera donc très probablement bien plus pertinent pour le groupe allemand de rentrer dans le rang afin d’obtenir la meilleure participation industrielle.

Pas d’Italie avant la fin de la première phase

Il s’agit là incontestablement d’une avancée majeure, et d’une certaine manière, d’une victoire de KNDS sur Rheinmetall. C’était d’ailleurs pour parvenir à un résultat similaire que la France avait laissé fuiter l’hypothèse de l’arrivée imposée de l’Italie au sein du programme.

Il s’agissait alors, par cela, d’amener à une réorganisation du programme et de son partage industriel, en venant minimiser mécaniquement la part de Rheinmetall et en forçant à une redéfinition complète de l’organisation industrielle en son sein.

L’accord obtenu entre Paris et Berlin ce 21 septembre rend évidemment cette stratégie, aux fondements en partie contestable par la proximité commerciale et industrielle de l’Allemagne et de l’Italie, obsolète.

Chaine de production Krauss Maffei Wegmann Leopard 2
Chaine de production de Krauss-Maffei-Wegmann pour le Leopard 2

Ce n’est pas pour autant que l’arrivée de Rome, et d’autres européens, au sein de MGCS a été rejetée. Au contraire, elle est désormais encadrée d’une procédure, et d’un calendrier.

Ainsi, à l’issue de la première phase d’organisation et de rédaction du cahier des charges industriel qui demeurera dans les semaines à venir, d’autres pays européens pourront rejoindre le programme courant 2024.

Ils auront d’abord la qualité d’observateur, comme c’est le cas aujourd’hui de la Belgique dans le programme SCAF, et pourront par la suite intégrer le programme industriel lui-même.

Cette approche, raisonnable au demeurant, permet de limiter le nombre d’avis et d’expressions de besoins lors de la phase de conception initiale, pour conserver une trajectoire technologique, industrielle et opérationnelle maitrisée, et ainsi éviter les dérives que l’on a pus observer autour du programme NH90, par exemple, avec presque autant de version de l’appareil qu’il n’y avait de partenaires.

Une échéance ramenée à 2040-2045

Si Berlin a accepté des compromis concernant l’organisation industrielle, c’est aussi le cas de Paris, sur le tout aussi sensible sujet du calendrier. En effet, contrairement à l’Allemagne qui dispose des évolutions du Leopard 2 et, éventuellement, du KF51 Panther, pour assurer l’intérim opérationnel et commercial dans les années à venir, ce n’est pas, pour l’heure tout au moins, le cas de la France avec le Leclerc.

Évolution du Leopard 2
Les évolutions du Leopard 2 voient leur marché s’étendre par le report de 10 ans du programme MGCS

Dès lors, le calendrier initial du programme MGCS, qui visait une entrée en service en 2035, était crucial pour le remplacement des Leclerc de l’Armée de Terre. En revanche, pour les industriels allemands participant au Leopard 2A8, au KF51 ou au futur et mystérieux Leopard 2AX, cette échéance posait d’importants problèmes de chevauchement des marchés.

Dès lors, de nombreuses voix, industrielles, politiques et même militaires, s’étaient élevées outre-Rhin, pour appeler à un glissement de MGCS au-delà de 2040, et même de 2045, afin d’éteindre la période de commercialisation des dernières versions du Léopard 2, et du KF51.

L’échéance de 2035 était aussi remise en cause en France, en particulier par l’État-Major de l’Armée de terre, pour qui les délais nécessaires au développement et à la maturation des technologies clés de MGCS, notamment dans le domaine robotique, de l’intelligence artificielle et de l’engagement coopératif, n’étaient pas suffisants.

De fait, en acceptant publiquement une échéance à 2045 (2040 n’étant citée que pour atténuer l’effet d’échelon perçu), Sébastien Lecornu fait preuve de réalisme. Il donne aussi des gages aux industriels allemands, et particulièrement à Rheinmetall, pour obtenir un changement de posture.

Le problème de l’obsolescence des chars Leclerc français

Pour autant, cette échéance pose un important problème en France. En effet, La modernisation en cours du char Leclerc, est déjà jugée insuffisante par nombre de spécialistes du sujet, en particulier au regard des enseignements de la guerre en Ukraine.

char Leclerc Azur
Le char Leclerc, dans sa version AZUR comme MLU, sera certainement dépassé pour un engagement de haute intensité au-delà de 2030.

De fait, d’ici à 2030, l’Armée de terre disposera non seulement d’un parc de chars lourds particulièrement réduit avec uniquement 200 blindés, mais également de chars sensiblement dépassés dans certains domaines, pour pouvoir les engager efficacement en zone de combat de haute ou très haute intensité.

En outre, la nouvelle Loi de Programmation Militaire 2024-2030, qui vient d’être votée, n’offre à ce jour aucune marge de manœuvre budgétaire pour répondre à ce problème dans les années à venir.

De fait, la situation des capacités blindées lourdes de l’Armée de terre, au-delà de 2030, pourraient être particulièrement problématique, et ce, pendant une quinzaine d’années jusqu’à l’arrivée du MGCS. Il s’agit précisément la période de 2030 à 2045 qui, aujourd’hui, est perçue par les spécialistes du sujet, comme le pic des tensions internationales à venir.

L’hypothèse d’un partenariat avec les EAU pour développer une évolution du Leclerc

La solution pour Paris pourrait venir de l’unique client à l’exportation du char Leclerc, les Émirats arabes unis. En effet, des négociations seraient en cours avec Abu Dhabi, en vue de développer une évolution du char Leclerc dont 354 exemplaires sont en service au sein des armées émirati.

Chars Leclerc Émirats arabes unis
Les chars Leclerc des Émirats arabes unis doivent être modernisés ou remplacer dans les années à venir.

Cette approche permettrait à Paris de participer à ce programme conjoint avec les Émirats, et ainsi développer une version bien plus adaptée aux exigences opérationnelles de 2030, que ne le sera le Leclerc MLU, en le dotant, par exemple, d’un système de défense hard kill APS comme ceux qui équiperont les Leopard 2A8, les Challenger 3 ou encore les M1A2 Abrams.

Ce programme permettrait par ailleurs de renforcer la coopération industrielle militaire entre la France et les Émirats arabes unis, très en demande de ce type de partenariat, et ainsi éviter de perdre ce partenaire clé au profit d’autres acteurs émergents comme la Corée du Sud avec le K2 Black Panther, la Turquie avec l’Altay ou encore la Chine avec le VT4.

Conclusion

On le voit, les arbitrages menés par Paris et Berlin ces derniers jours, et exprimés par Boris Pistorius et Sébastien Lecornu à Evreux, ont le potentiel de sauver et de relancer le programme MGCS, si tant est que « relancer » soit effectivement le bon terme.

La nouvelle trajectoire présentée par les deux ministres est non seulement pertinente, elle est aussi, très probablement, la seule qui permette effectivement de préserver la pérennité de ce programme victime des ambitions industrielles et politiques depuis plusieurs années.

tourelle EMBT KNDS Nexter
La tourelle EMBT de KNDS pourrait représenter une évolution appréciable pour le char Leclerc

En d’autres termes, MGCS est désormais redevenu le programme politique qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être pour avancer. En effet, ni les industriels, ni les militaires, de part et d’autres du Rhin, n’avaient jusque-là dû collaborer pour avancer, ni n’avaient exprimé le besoin de le faire.

Toutefois, si le programme franco-allemand est dorénavant sur de bons rails et sur un calendrier réaliste, il impose à présent à la France, et au ministère des Armées, de concevoir rapidement une alternative intérimaire au Leclerc MLU pour maintenir les capacités opérationnelles de l’Armée de terre et industrielles de la BITD, jusqu’en 2045.

Dans ce domaine, la solution la prometteuse réside incontestablement dans un partenariat industriel et technologique avec les Émirats arabes unis, pour le développement d’une évolution du Leclerc, peut-être à partir de la tourelle EMBT, comme évoquée dans un précédent article.

Il faudra cependant faire preuve, avec Abu Dhabi qui sait désormais à quel point le sujet est critique pour Paris, d’une bonne dose de persuasion et d’une souplesse industrielle bien plus importante que celle dont ont fait preuve les négociateurs d’Airbus Helicopters, pour y parvenir.

Les petits réacteurs nucléaires modulaires joueront un rôle central dans la transition énergétique

Les petits réacteurs nucléaires modulaires joueront un rôle central dans la transition énergétique

OPINION. Les petites centrales nucléaires, également connues sous le nom de réacteurs modulaires de petite taille (Small Modular Reactors ou SMR en anglais), sont des installations nucléaires de production d’électricité de taille réduite par rapport aux réacteurs conventionnels. Ils sont conçus pour être plus compacts et plus modulaires, ce qui les rend plus facilement transportables et déployables dans différentes applications et environnements.

(Crédits : DR)

Les SMR sont encore en phase de développement et d’évaluation, et différentes approches et conceptions sont explorées par les concepteurs et les fabricants pour répondre aux besoins spécifiques de chaque projet.

Le marché des petits réacteurs modulaires (SMR) devrait connaître une croissance significative dans les années à venir. Les SMR sont plus petits, à la fois en termes de puissance et de taille physique, que les réacteurs nucléaires conventionnels à l’échelle du gigawatt. En règle générale, les SMR ont une puissance de sortie inférieure à 300 mégawatts électriques (MWe), certains pouvant atteindre 1 à 10 MWe.

La technologie SMR en est encore à ses premiers stades de développement, mais elle a le potentiel de révolutionner l’industrie de l’énergie nucléaire. Les SMR offrent un certain nombre d’avantages par rapport aux réacteurs nucléaires traditionnels, notamment :

Le marché mondial des SMR devrait atteindre 18,8 milliards de dollars d’ici 2030, avec une croissance annuelle composée (TCAC) de 15,8 %.

Voici quelques caractéristiques et avantages associés aux petites centrales nucléaires :

  • Taille et modularité :
    • Les SMR sont conçus pour être de taille réduite, ce qui facilite leur fabrication en usine et leur transport vers le site d’installation. Leur modularité permet d’ajouter ou de retirer des modules en fonction des besoins de la demande en électricité, offrant une certaine flexibilité.
  • Coûts de construction réduits :
    • Étant donné leur taille plus petite et leur construction modulaire, les SMR peuvent potentiellement réduire les coûts de construction comparativement aux réacteurs de grande taille. Les économies d’échelle peuvent être réalisées grâce à la production en série des modules.
  • Flexibilité d’utilisation :
    • Les petites centrales nucléaires peuvent être utilisées dans différents contextes, tels que la fourniture d’électricité à des communautés éloignées, des industries spécifiques, des zones côtières, ou pour des applications de désalinisation de l’eau. Elles peuvent également être utilisées comme sources d’énergie pour des projets miniers, des plates-formes offshore ou des missions spatiales.
  • Sécurité et gestion des déchets :
    • Les SMR sont conçus avec des mesures de sûreté intégrées pour minimiser les risques liés à la sûreté nucléaire. Certains SMR utilisent des conceptions passives qui ne nécessitent pas d’intervention humaine ou de sources d’alimentation externes pour assurer le refroidissement du réacteur en cas d’incident. De plus, les SMR peuvent être équipés de systèmes de gestion des déchets intégrés pour minimiser l’accumulation de déchets radioactifs.
  • Durabilité et émissions réduites :
    • Les SMR peuvent contribuer à la transition énergétique en fournissant une source d’énergie bas-carbone et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux centrales à combustibles fossiles. Ils peuvent être intégrés aux réseaux électriques existants ou utilisés pour fournir une énergie décentralisée et résiliente.
  • Déploiement dans des environnements divers :
    • Les SMR sont conçus pour être déployés dans différents environnements, tels que des communautés éloignées, des zones côtières, des sites industriels, des plates-formes offshore ou des installations militaires. Leur taille réduite et leur modularité permettent une plus grande adaptabilité aux conditions locales et une meilleure intégration dans des infrastructures existantes.
  • Gestion des déchets :
    • Certains modèles de SMR sont conçus pour réduire la production de déchets nucléaires grâce à une meilleure utilisation du combustible ou à des cycles de retraitement. Ils peuvent également intégrer des systèmes de gestion des déchets avancés pour minimiser les risques liés aux déchets radioactifs et améliorer la sécurité à long terme.

Voici quelques-uns des principaux acteurs du marché SMR :

  • NuScale Power (États-Unis)
  • GE Hitachi Nuclear Energy (États-Unis/Japon)
  • X-énergie (États-Unis)
  • Natrium (États-Unis)
  • TerraPower (États-Unis)
  • Moltex Énergie (Canada)
  • Oklo (États-Unis)
  • Rolls-Royce (Royaume-Uni)
  • CNNC (Chine)
  • Rosatom (Russie)

Parmi les projets les plus intéressants, il y a le XAMR® de NAAREA est un micro générateur nucléaire de 4e génération à sels fondus et neutrons rapides où se produit une réaction de fission intrinsèquement régulée. De petite taille et produits en série dans des usines industrielles, ces SMR seront transportables pour assurer une production décentralisée d’électricité et de chaleur.

Ces entreprises développent diverses technologies SMR, chacune présentant ses propres avantages et inconvénients. Il est probable que plusieurs technologies SMR seront commercialisées dans les années à venir et que le marché finira par se contenter de quelques conceptions dominantes.

De premiers points d’appui en Ukraine pour la filière défense française

De premiers points d’appui en Ukraine pour la filière défense française

– Forces opérations Blog – publié le

Mission accomplie pour la vingtaine d’entreprises de défense française conduite cette semaine à Kyiv par le GICAT. Accompagnée du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, cette délégation y a jeté les bases d’une coopération de long terme avec la filière industrielle ukrainienne. Autant de partenariats bilatéraux officialisés en marge d’un premier Forum international des entreprises de défense et dont l’objectif commun sera d’ancrer l’appui aux force ukrainiennes dans la durée.

« Il n’y a pas de défense sans industrie de défense », rappelait le secrétaire général de l’OTAN, le Norvégien Jens Stoltenberg, lors d’un forum qui aura attiré plus de 160 entreprises de 26 nationalités différentes dans la capitale ukrainienne. L’enjeu partagé par tous ? Participer à l’émergence d’une base industrielle et technologique de défense robuste, innovante et dimensionnée pour appuyer une armée engagée dans un conflit appeler à durer. 

En amorçant cette démarche, la France souhaite miser autant, voire davantage, sur les acquisitions et le partage des savoir-faire que sur les dons de matériels. « Nous allons passer d’une logique de cessions à partir de nos stocks, à celle de partenariats industriels », affirmait le ministre des Armées. « Nous avons une grande industrie de défense, qui peut aider les Ukrainiens à être endurants pour assurer des livraisons dans la durée. Ce n’est pas une question de profits, mais bien d’assurer une aide directe et durable », complétait-il lors d’un entretien accordé au Parisien

Si elle implique de rivaliser avec des mastodontes mieux implantés comme les États-Unis et l’Allemagne, l’initiative se concluait par une première salve de succès. « Près de 16 accords ont été signés entre les industriels français et les industriels ukrainiens », annonçait hier le ministère des Armées. 

Nexter décrochait ainsi une commande pour six CAESAR supplémentaires, en plus des 18 donnés par les armées françaises et des 12 acquis auparavant par l’Ukraine. La maison-mère, KNDS, a quant à elle signé un accord pour l’intégration en territoire ukrainien d’armements sur les véhicules des forces armées. Déjà mobilisé pour la fourniture de 150 drones, le toulousain Delair remportait un nouveau contrat pour la livraison d’exemplaires supplémentaires.

D’autres partenariats relèvent du soutien d’équipements en service et de perspectives de productions locales. Ainsi, si Nexter et de Delair assureront la maintenance des CAESAR, AMX-10 RC et drones en service au travers de sociétés ukrainiennes, Arquus fera de même pour les VAB cédés par la France via la production par un partenaire local de pièces de rechange. Le groupe français et son nouvel associé se sont également engagés à étudier la perspective d’une production de VAB neufs en Ukraine. 

Spécialiste de l’impression 3D, Vistory s’est rapproché d’une société ukrainienne pour déployer des ateliers mobiles de fabrication de pièces de rechange sur le théâtre d’opérations, contribuant par là à accélérer et à rapprocher du front certaines opérations de maintenance. Enfin, Thales et Turgis & Gaillard ont chacun signé un accord avec un acteur ukrainien « pour co-développer des drones, avec comme perspective de les fabriquer localement ».

Cette approche au cas par cas s’entoure par ailleurs de deux accords ratifiés par la Direction générale de l’armement (DGA) et le GICAT, tous deux visant à renforcer la coopération franco-ukrainienne en matière d’armement. Pour perdurer, elle devra également trouver une base financière solide. « Il y aura, pour accompagner cela, des fonds français, européens et des fonds souverains ukrainiens », indiquait Sébastien Lecornu à ce titre dans Le Parisien.

Crédits image : Forces armées ukrainiennes

Caesar, EFA et robots de déminage: victoire commerciale française en Ukraine mais la guerre n’est pas gagnée

Caesar, EFA et robots de déminage: victoire commerciale française en Ukraine mais la guerre n’est pas gagnée

 

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 30 septembre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


La visite à Kiev de Sébastien Lecornu et d’une délégation d’industriels de la Défense français, jeudi, s’est soldée par la signature de plusieurs contrats et accords. A Kiev, le ministre français venu défendre des partenariats avec des industriels ukrainiens, a rencontré le ministre Oleksandr Kamychine, chargé des industries stratégiques (photo ci-dessus. Les photos de ce post sont de moi), et Rustem Umerov, le nouveau ministre de la Défense. 

Sa visite a précédé l’ouverture par le président Zelensky du premier forum international consacré à l’industrie de la défense, qui veut attirer des fabricants étrangers capables de produire des armes en Ukraine et de lui “construire un arsenal” face à la Russie. “Nous sommes intéressés par la localisation de la production des équipements nécessaires à notre défense et des systèmes de défense avancés utilisés par nos soldats”, a résumé Zelensky dans son discours d’introduction, diffusé ce samedi.

Voici la liste  des accords et contrats signés vendredi (c’est moi qui souligne):
Coopération DGA / DPA
La direction générale pour l’armement (DGA) et son homologue ukrainienne, la Defense Procurement Agency (DPA) ont signé un accord pour favoriser la coopération en matière d’armement entre les deux pays.

Coopération industrielle
Le GICAT a signé deux accords, avec les Ministère de la Défense et Ministères de l’Industrie Stratégique ukrainiens sur le développement de la coopération en matière d’industrie de défense entre la France et l’Ukraine.

Artillerie
Fourniture de 6 systèmes d’artillerie supplémentaires. Au-delà des canons Caesar déjà fournis, que ce soit au titre des cessions par l’armée françaises (18) ou au titre des acquisitions par le ministère ukrainien directement auprès de KNDS (12), KNDS va fournir 6 canons Caesar supplémentaires.
MCO (maintien en conditions opérationnelles) des systèmes Caesar fournis. Le MCO des systèmes CAESAR est d’ores et déjà assuré par KNDS via un flux de pièces de rechanges. Par ailleurs, KNDS a signé un accord avec une société ukrainienne pour assurer le MCO des Caesar dans la durée sur le territoire ukrainien, comprenant la production de pièces localement. Cet accord prend également en compte le MCO des AMX 10 cédés par l’Armée de Terre.

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Véhicules terrestres
Intégration d’armements : La société KNDS a signé un accord avec une société industrielle ukrainienne pour l’intégration en Ukraine d’armements sur les véhicules des Forces Armées Ukrainiennes.
MCO des véhicules fournis : ARQUUS, fabriquant de VAB (Véhicules de l’avant blindé), s’est engagé, au travers d’un accord signé avec une société ukrainienne, à soutenir les véhicules cédés par les Armées françaises – notamment à travers de la production locale de pièces – et à étudier la mise en place d’un partenariat avec des entreprises ukrainiennes afin de produire des VAB neufs dans le pays.
Fabrication additive : La société Vistory a signé un accord avec une société ukrainienne pour des solutions de fabrication additive de pièces de rechange. Ce sujet est très prometteur pour autonomiser les Ukrainiens, y compris potentiellement pour déployer des solutions mobiles de fabrication de pièces de rechange sur le théâtre d’opérations.
Fourniture d’engins amphibie : La société CEFA va fournir 8 engins amphibie qui permettent le franchissement de cours d’eau.

Drones
Drones Delair : Au-delà du premier contrat de drones, et dont les premiers exemplaires sont en cours de livraison auprès des Ukrainiens, la société Delair a signé un nouveau contrat avec le MOD ukrainien pour la fourniture de drones supplémentaires, ainsi qu’un accord portant sur la maintenance des drones livrés et ouvrant la voie à une production locale.
Partenariats industriels : les sociétés Thales d’une part et Turgis & Gaillard d’autre part ont chacune signé un accord avec des sociétés ukrainiennes pour co-développer des drones, avec comme perspective une fabrication locale de drones.

Déminage
L’entreprise CEFA a signé un contrat pour la fourniture de 8 premiers robots SDZ de déminage. C’est un moins qu’espéré (10 unités) mais le résultat témoigne de la confiance des Ukrainiens dans ce matériel. 

Quelques remarques personnelles:

Ces bons résultats et ses bonnes perspectives sont dus aux efforts conjoints des équipementiers français, du ministère des Armées et du GICAT qui a organisé du 18 au 20 septembre, à Kiev, un premier séminaire de coopération industrielle franco-ukrainien. 

En termes de fournitures, on notera les drones Delair (type non spécifié), les 6 Caesar supplémentaires mais surtout les 8 robots de déminage SDZ de l’entreprise CEFA (deux livrables à l’armée de Terre française pourraient être déviés vers l’Ukraine). En matière de déminage, la France s’avère malgré tout en retrait d’autres pays dont les entreprises spécialisées ont capté une partie du marché il y a déjà plusieurs mois (je reviendrai sur ce sujet dans un prochain post).

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Cette même entreprise va aussi livrer 8 EFA (engins de franchissement de l’avant. Photo ci-dessus prise lors d’Orion 4); ces systèmes d’occasion issus de l’ex-parc du génie pourront être livrés très rapidement.