“Les silences du projet de LPM” : L’œil de l’ASAF du mois de mai 2023

Les silences du projet de LPM” : L’œil de l’ASAF du mois de mai 2023

 

Le projet de Loi de Programmation Militaire 2024-2030 a été rendu public le 5 avril 2023. Ce projet qui a vocation à être discuté et approuvé par le parlement avant le 14 juillet présente de nombreuses innovations par rapport à la loi précédente (LPM 2019-2025), tout en conservant une structure similaire.

"Les silences du projet de LPM" : L’œil de l’ASAF du mois de mai 2023

“Les silences du projet de LPM”

 

Le projet de Loi de Programmation Militaire 2024-2030 a été rendu public le 5 avril 2023. Ce projet qui a vocation à être discuté et approuvé par le parlement avant le 14 juillet présente de nombreuses innovations par rapport à la loi précédente (LPM 2019-2025), tout en conservant une structure similaire.

Le volume financier de la loi, 413,3 Md €, est très supérieur à celui figurant dans la loi précédente (295 Md €). Cependant, seuls 400 Md € figureront dans les budgets, les 13,3 Md € restant provenant de diverses ressources extrabudgétaires (cessions, redevances…) dont la certitude est loin d’être assurée. Par ailleurs, il s’agit, comme dans la loi précédente, d’euros courants, sans qu’il soit prévu d’actualisation en fonction de l’inflation (à l’exception d’une clause de sauvegarde qui ne concerne que les hausses de prix durables des carburants opérationnels). Or, nous sommes entrés depuis 2021 dans une période inflationniste, qui fausse les comparaisons et conduit à dépenser une partie du budget à couvrir des hausses inéluctables des prix et des salaires. Cela a conduit le Ministère des Armées à augmenter considérablement le reste à payer en fin d’année. La Cour des Comptes, dans son rapport public de mai 2022 sur l’exécution de la LPM 2019-2025, s’en inquiète et l’évalue à un montant inégalé de près de 100 Md € en fin 2025. Il est certain que la hausse réelle du budget en euros constants, sera bien inférieure à l’écart apparent, et qu’une part non précisée des crédits sera consacrée à rétablir la situation financière des armées, d’autant que le gouvernement veut diminuer les déficits publics à l’horizon 2027.

Enfin, les hausses les plus importantes auront lieu après 2027. La hausse annuelle en euros courants est fixée à 3 Md € de 2024 à 2027, et à 4,3 Md € en 2028, 2029 et 2030, avec une clause de réexamen en fin 2027. En effet, il est stipulé que la loi de programmation fera l’objet d’une actualisation avant la fin de l’année 2027. Or, ce projet de LPM contient sur certains points des innovations importantes, qu’il faut financer. Le rapport annexé à la LPM 2024- 2030, bien que nettement moins détaillé que celui annexé à la loi précédente, permet d’en estimer certains.

D’après la communication officielle du Ministre des Armés, la LPM permettra de :

• Maintenir la crédibilité de notre dissuasion ;
• Renforcer la résilience sur le territoire national, notamment les Outre-mer, et l’affirmation de notre souveraineté ;
• Anticiper la haute intensité et un engagement majeur en veillant à renforcer notre réactivité et notre capacité à soutenir un effort dans la durée ;
• Défendre les espaces communs, nouveaux lieux de conflictualité ;
• Repenser et diversifier les partenariats stratégiques pour renforcer nos capacités d’influence, de prévention et d’intervention au-delà de nos frontières.

Dans les faits, cela conduit à lancer de nouvelles actions (renseignement, cyber, forces spéciales, espace…) ou à sérieusement palier des insuffisances actuelles (sol-air, entraînement, munitions, MCO…) qui nécessitent une réorientation partielle des budgets, ce qui n’est possible, suivant une recette éprouvée, que par des étalements de programme.

Les effectifs d’active restent pratiquement inchangés, et le nombre de matériels majeurs aussi, mais leur renouvellement est ralenti. Le rapport annexé à la LPM 2024-2030, bien que nettement moins détaillé que celui annexé à la loi précédente, permet d’en estimer certains tout en laissant dans l’ombre beaucoup de sujets.

Par exemple, pour l’aviation de combat : le « tout Rafale » n’est pas pour 2030, mais pour 2035, ce qui signifie que des Mirage 2000 devront continuer à voler jusqu’à cette date.
L’armée de l’Air et de l’Espace disposera de 35 avions de transport A400-M en 2030. Pour les 15 autres appareils prévus initialement, rien n’est indiqué.
La Marine semble à première vue moins touchée, puisque le nombre des bâtiments de combat est maintenu, avec des livraisons de nouveaux bâtiments et que le lancement des travaux du futur porte-avions est confirmé, ce qui n’exclut aucunement des retards dans les calendriers, s’il est nécessaire d’étaler les paiements.
L’armée de Terre aura des livraisons décalées de blindés modernes Jaguar, Serval et Griffon, ce qui conduira probablement à maintenir en service au delà de 2030 les VAB et les AMX-10RC qui sont encore en état de marche. Beaucoup d’incertitudes pèsent également sur le remplacement des hélicoptères les plus anciens, pour lequel le rapport annexé ne donne aucun détail.

Enfin, le rôle des volontaires de la réserve opérationnelle (105 000 personnels prévus en 2035 avec des limites d’âges portées à 70 ans, voire 72 ans pour certaines spécialités) reste peu clair.

En résumé, les silences du projet de LPM ne permettent pas de se faire une idée précise de ce que seront nos armées dans les 10 ans qui viennent, d’autant que les ressources budgétaires devront être confirmées chaque année par le budget annuel des armées.


GA Louis-Alain ROCHE

AdministrateurASAF
www.asafrance.fr

https://www.asafrance.fr/item/les-silences-du-projet-de-lpm.html

Combien couterait aux contribuables français un alignement des capacités haute intensité de l’Armée de Terre sur la Pologne ?

Combien couterait aux contribuables français un alignement des capacités haute intensité de l’Armée de Terre sur la Pologne ?

Combien couterait aux contribuables français un alignement des capacités haute intensité de l’Armée de Terre sur la Pologne ?


Depuis quelques mois, en lien à la guerre en Ukraine et à la montée généralisée du risque d’engagement majeur en Europe et ailleurs, la question des capacités des armées à faire face à un conflit dit de « haute intensité » est devenue un thème récurrent tant dans l’hémicycle du parlement que dans la communication gouvernementale, les médias et les réseaux sociaux. Très souvent, la Pologne, qui a annoncé un effort colossale pour moderniser et étendre ses capacités terrestres dans ce domaine dans les années à venir, est citée en référence, faisant de Varsovie l’exemple à suivre. La Loi de Programmation Militaire 2024-2030 en cours de finalisation semble ne pas avoir suivi cette voie, en conservant un format de la Force Opérationnel Terrestre, le bras armé de l’Armée de Terre, sensiblement identique à ce qu’il est aujourd’hui, et en ne procédant qu’à une augmentation sectorielle de certaines capacités, comme dans le domaine du Renseignement, de la défense anti-aérienne ou encore des frappes dans la profondeur et des drones. Pour autant, en 2030, selon ce schéma, l’Armée de terre conservera une force opérationnelle limitée en terme de haute intensité, avec seulement 200 chars lourds modernisés Leclerc, 650 véhicules de combat d’infanterie VBCI sur roues relativement légers et faiblement armés, moins de 120 tubes de 155 mm et une poignée de Lance roquettes unitaires, potentiellement remplacés par des HIMARS américains.

De fait, en 2030, l’Armée de terre sera effectivement plus performante, notamment avec la poursuite du programme SCORPION et la livraison des VBMR Griffon et Serval pour remplacer les VAB, et des EBRC Jaguar pour le remplacement des AMX-10RC et des ERC-90 Sagaie, et disposera de réserves considérablement accrues en terme de munitions, mais aussi de personnels avec la montée en puissance de la Garde nationale. Toutefois, pour ce qui est de la haute intensité, elle sera très loin des 6 divisions lourdes polonaises alignant 1250 chars de combat modernes M1A2 Abrams SEPv3 et K2PL Black Panther, 1400 véhicules de combat d’infanterie Borsuk, 700 canons automoteurs K9 Thunder et 500 lance-roquettes mobiles K239 et HIMARS. Si dans de nombreux domaines, comme en matière de forces aériennes, navales et évidemment en terme de dissuasion, Varsovie devra s’appuyer sur ses alliés, elle disposera incontestablement de la plus importante force terrestre conventionnelle en Europe, sensiblement supérieure à la somme des forces terrestres françaises, allemandes, britanniques, italiennes et espagnoles réunies, soit les 5 économies les plus fortes du vieux continent.

Les premiers chars K-2 Black Panther ont été livrés par la Corée du Sud à la Pologne a la fin de l’année 2022

Si l’on ne peut que se féliciter de voir un allier s’équiper aussi efficacement dans ce domaine, force est de constater que dans de nombreux domaines, les positions et postures polonaises sont loin d’être alignées avec celles des européens de l’Ouest. En outre, Varsovie entend, de toute évidence, prendre une position politique centrale en Europe de l’Est précisément pour contrer l’influence des puissances d’Europe occidentale au sein de l’UE, en s’appuyant sur l’aura que lui conférera cet outil militaire face à la menace russe. Pour équilibrer les rapports de force politiques, que ce soit face aux menaces militaires russes ou autre (Turquie..), ou au sein de l’Union Européenne et de l’OTAN, il serait naturellement bienvenue, pour la France, de doter son Armée de Terre d’une puissance comparable, comme de nombreux anciens officiers supérieurs et généraux ne cessent de le répéter sur les réseaux sociaux et dans les médias. Toutefois, au delà du besoin lui-même, il convient d’évaluer les couts et les contraintes qu’engendrerait une telle transformation, de sorte à en déterminer la soutenabilité budgétaire mais également sociale. Et comme nous le verrons, l’effort budgétaire d’une telle ambition serait loin d’être hors de portée, puisqu’il serait sous la barre des 0,25% du PIB français aujourd’hui.

L’objectif de cet article n’étant pas de disserter sur l’organigramme optimisé de l’Armée de Terre pour répondre à ces menaces, nous prendrons comme base de travail un format souvent évoqué par les spécialistes du sujet, avec une FOT portée à 90.000 hommes (contre 77.000 aujourd’hui) pour armer 2 divisions lourdes dédiées à la haute intensité, et 1 division de projection de puissance et d’appui rassemblant les multiplicateurs de force et troupes spécialisées que sont les Troupes de Marine, les Troupes de montagne, les forces parachutistes, la composante d’aéromobilité (ALAT) et la Légion Etrangère. En terme de matériels, nous considérerons l’acquisition de 1000 chars de combat modernes, épaulés de 1000 véhicules de combat d’infanterie lourds chenillés, de 500 systèmes d’artillerie automoteurs de 155 et 105 mm, de 300 lance-roquettes à longue portée, ainsi que de 200 EBRC jaguar supplémentaires, 120 systèmes de défense anti-aérienne autotractés SHORAD et 500 véhicules blindés spécialisés (Génie, récupérateurs de blindés, Ravitaillement des systèmes d’artillerie etc..). Les autres programmes en cours, notamment dans le cadre du programme SCORPION, sont considérés inchangés, tout comme le format de l’Aviation légère de l’Armée de terre, qui serait toutefois bien avisée de se pencher sur la possible re-acquisition des Tigre et NH90 TTH australiens pour densifier son format. L’enveloppe budgétaire pour acquérir ces équipements s’établie autour de 50 Md€, en tenant compte des couts de conception et de fabrication.

L’Armée de Terre semble se diriger vers l’acquisition sur étagère de systèmes HMARS américains pour remplacer ses LRU et densifier ses capacités de frappe dans la profondeur

Au delà de ces couts initiaux, il convient d’évaluer les couts récurrents. En premier lieu, le parc matériel couterait 2 Md€ par an pour la maintenance et les pièces détachées, soit 4% du prix d’acquisition par an. Il conviendrait aussi d’augmenter les effectifs professionnels de l’armée de terre de 15.000 hommes et femmes, soit un cout annuel de 1,5 Md€, auxquels il faudrait ajouter 0,5 Md€ pour les quelques 45.000 réservistes supplémentaires qui devront être recrutés pour consolider les forces. Au total, donc, sur une période de 15 ans, la montée en puissance ici envisagée couterait donc 3,2 Md€ par an pour l’acquisition de matériels, alors que l’extension des effectifs couterait en moyenne 2 Md€ par an. L’installation des nouvelles unités, quant à elles, est estimée à 300 m€ pour 3 nouvelles unités par an. Sur les 15 premières années, donc, ce programme couterait aux finances publiques 5,5 Md€, soit 0,22% du PIB 2023. Au delà des 15 années d’acquisition, les couts récurrents s’établiraient à 4 Md€ pour les effectifs et la maintenance, auxquels il conviendra d’ajouter 2,5 Md€ pour le financement des modernisation de parc, soit un total de 6,5 Md€ par an (exprimés en Euro 2023) et 0,26% du PIB 2023. Sur la seule prochaine LPM à venir, il serait donc nécessaire d’augmenter la dotation de 30 Md€ sur 7 ans pour financer la mesure. On notera que pour atteindre un résultat sensiblement équivalent, Varsovie va consacrer plus de 1% de son PIB sur une période équivalente.

Pour autant, et comme à chaque fois qu’il est question d’investissements de défense il convient également de considérer les recettes fiscales et sociales supplémentaires pour l’Etat consécutives à l’investissement. En effet, ce n’est pas tant l’investissement lui-même qui importe dans ce type de planification, mais son impact sur les déficits publics et par conséquent sur la dette souveraine française. En l’occurrence, les investissements industriels génèrent un retour budgétaire supérieur à 50%. En effet, tous les équipements et prestations de service industrielles sont soumis à la TVA immédiatement récupérée par l’État, alors que les industries de défense sont très faiblement exposées à l’importation. De fait, les investissent de l’état se dissipent dans l’économie essentiellement en salaires qui, rappelons le, sont soumis à un taux de prélèvement supérieur à 42%. Dès lors, considérer un retour budgétaire à 50% est une valeur par défaut, prenant en considération la somme des recettes directes et indirectes, sociales et fiscales pour l’état. Pour les investissements salariaux, un retour de 30% sera considéré, la encore par défaut. Appliqués à ce modèle, l’impact effectif du programme sur les équilibres budgétaires serait rapporté à 3,15 Md€ en moyenne sur la phase de montée en puissance, soit 0,125% du PIB, et à 3,4 Md€ au delà, soit 0,136% du PIB exprimé en euro constant 2023. A titre de comparaison, un tel montant est relativement proche de ce que dépenses les français chaque année en abonnements sur les plateforme de streaming.

Il serait bien évidemment possible d’optimiser le modèle pour en réduire l’impact budgétaire, par exemple en appliquant les mesures préconisées dans l’article « Comment l’évolution de la doctrine de possession des équipements peut permettre d’étendre le format des armées ?« , ou en approfondissant les effets potentiels de l’effort industriel notamment en terme d’exportations, ce qui tendrait à en réduire le cout budgétaire effectif, et donc d’en accroitre la soutenabilité. Quoiqu’il en soit, deux questions demeureraient. En premier lieu, il conviendrait d’établir que cet investissement serait le plus à-même de répondre aux besoins de la France et de ses armées aujourd’hui et demain. En effet, avec une Pologne aussi forte militairement, et le renforcement sensible des forces terrestres en Europe de l’Est et du nord, il est évident que la menace militaire russe sur l’OTAN et son flanc oriental sera contenue pour de nombreuses années. Dit autrement, quitte à devoir investir 100 Md€ supplémentaires sur 15 ans, ne serait-il pas plus efficace de renforcer la composante chasse de l’Armée de l’Air, ou la composante sous-marine de la Marine Nationale, sachant que l’une comme l’autre offriraient des caractéristiques de retour budgétaire et donc d’impact budgétaire similaires ?

En second lieu, il convient de prendre en considération l’ensemble des contraintes qui s’appliqueront à la montée en puissance des armées. En l’occurrence, l’une des plus importantes, peut-être au delà des contraintes budgétaires elles-mêmes, n’est autre que la contrainte de recrutement, sachant que même si la situation s’est sensiblement améliorée ces dernières années du fait des évolutions de la condition militaire dans la LPM 2019-2025, il est loin d’être acquis que l’Armée de terre puisse effectivement recruter 15.000 militaires professionnels supplémentaires ainsi que 45.000 garde nationaux, au-delà des trajectoires déjà établies dans la LPM 2024-2030. Certes, la constitution de nouvelles unités de haute intensité équipées de matériels modernes ajoutera à l’attractivité des armées, mais il n’en demeure pas moins vrai que cette hypothèse de croissance aura sans le moindre doute fait sourciller les officiers s’étant confrontés aux difficultés RH de l’Armée de Terre ces dernières années.

L’extension des effectifs demeure un sujet difficile pour les Armées françaises

Quoiqu’il en soit, il est désormais établi qu’il est loin d’être inconcevable de doter l’Armée de terre d’une capacité d’engagement comparable à celle en constitution en Pologne en matière de Haute Intensité, tout en conservant les capacités exclusives de ses unités en matière de projection et d’appui. D’un point de vue budgétaire, cet effort serait relativement limité en terme d’impact sur les déficits, et pourrait même être sensiblement optimisé vis-à-vis du modèle ici abordé. Une chose est certaine, cependant, un tel effort ferait de la France le pivot central de toute la défense européenne, et donnerait une légitimité incontestable à Paris pour soutenir l’autonomie stratégique européenne, puisqu’avec un tel modèle, le soutien militaire des États-Unis dans le domaine conventionnel face, par exemple, à la Russie, serait tout simplement superfétatoire. Eu égard à la sensibilité de l’exécutif français aujourd’hui, c’est probablement cet argument, conjointement aux couts réels de la mesure détaillés dans cet article, qu’il conviendrait de mettre en avant dans les médias et au parlement pour espérer obtenir une altération positive de la trajectoire.

Ces jalons capacitaires qui n’ont pu être franchis en 2022

Ces jalons capacitaires qui n’ont pu être franchis en 2022

 – Forces opérations Blog – publié le 

Le bilan de l’exercice budgétaire 2022 est sorti, et avec lui un état des lieux des principales concrétisations ministère par ministère. Ainsi, si l’année dernière aura permis la « poursuite de l’effort de réalisation de la LPM [loi de programmation militaire 2019-2025] », certains jalons n’auront pu être franchis dans le domaine des équipements militaires. 

Le ministère des Armées aura consacré 16 Md€ d’engagements et 14,6 Md€ de paiements au profit de ses équipements. De quoi progresser dans « un calendrier de commandes/livraisons qui tient ses objectifs majeurs dans un contexte de durcissement de la compétition ». De fait, « les effets de la crise sanitaire sont absorbés », estime le document, mais de nouveaux paramètres « ont motivé l’amorce de nouveaux axes d’effort » : le soutien à l’Ukraine et les perspectives d’une économie de guerre. 

La progression dans la réalisation des programmes d’équipements atteignait 73,8% l’an dernier. En hausse par rapport à 2021 et 2020, le résultat reste cependant en deçà de l’objectif de 85% fixé. Idem pour les livraisons, 24 points en dessous de la cible et en forte baisse par rapport aux deux exercices précédents. 

Plusieurs jalons n’ont pas été atteints en 2022, un phénomène qui n’a rien d’exceptionnel et qui, depuis lors, a peut-être déjà été partiellement résorbé. Ce sont, entre autres, les commandes de trois hélicoptères à usage gouvernemental (HUG), quatre hélicoptères de manoeuvre de nouvelle génération en remplacement des Puma de l’armée de l’Air et de l’Espace, 36 véhicules Serval, ou encore de 1250 équipements radio portatifs CONTACT. De même, la commande de 80 PLFS et est reportée à 2023 « du fait de la révision en cours du planning de livraison des véhicules commandés au lancement de la réalisation ».

Ce sont en outre les livraisons de deux hélicoptères Caïman, 10 postes de tir MMP, 10 drones Patroller ou de 65 postes portatifs CONTACT. Le dossier des fardiers accusait lui aussi un léger décalage. Seuls cinq ont été perçus sur les 60 attendus. Aucune remorque pour fardier n’a pu être livrée en raison de « besoins d’évolution mis au jour lors des essais de qualification ».

Parmi les principales causes avancées, des retards, des non-conformités ou des « négociations complexes », mais aussi des tensions parmi les chaînes d’approvisionnement. La pénurie de composants électroniques aura empêché la réception d’un lot de 100 VLTP NP en décembre dernier. Un écueil qui explique également le décalage touchant CONTACT et influe sur le programme de système d’information des armées (SIA), pour lequel la livraison de neuf modules projetables a été décalée à cette année. 

Plusieurs phénomènes viennent parfois se superposer. L’opération d’intégration de la radio CONTACT (PIC) sur des véhicules non-SCORPION, entre autres, est autant affectée par la crise des composants que par « des priorités de mise à disposition des véhicules pour leur modification ». Même logique pour le VBL Ultima, dont seuls 45 ont pu être fournis sur les 120 attendus suite à « des retards de mise à disposition de véhicules à régénérer et des difficultés avérées d’Arquus à produire à la cadence prévue ». Pas de quoi contrecarrer la notification, l’an dernier, d’une nouvelle tranche pour 120 exemplaires. 

Ce bilan annonce par ailleurs au moins un renoncement potentiel. Les cibles de PLFS et VLFS semblent bel bien réduites respectivement de 51 et 35 exemplaires, confirmant un scénario évoqué plus tôt

L’éventail de reports ne doit pas complètement occulter les bonnes nouvelles. C’est le cas notamment pour la trame missiles-roquettes de l’armée de Terre. Côté MMP, la livraison du 1750e exemplaire est désormais prévue pour 2024 et non plus 2025, « conformément à la commande réalisée en 2022 ». Les opérationnels profiteront aussi de l’investissement consenti pour le développement et la qualification de l’interfaçage du système d’information du combat SCORPION (SICS) avec le poste de tir MMP. À l’autre bout de la trame, le budget 2022 aura permis d’enfin acter la commande de 4226 roquettes AT4 F2. 

Crédits image : armée de Terre

« Un hiatus de 13,3 milliards d’euros » dans la LPM 2024-2030

« Un hiatus de 13,3 milliards d’euros » dans la LPM 2024-2030

 – Forces opérations Blog – publié le 

Le flou persiste quant à la provenance des 13,3 Md€ de ressources supplémentaires qui permettront à la prochaine loi de programmation militaire de répondre à l’ensemble des besoins. Un point d’attention parmi d’autres relevés hier au Sénat par le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. 

Si les 400 Md€ de ressources budgétaires demandés pour 2024-2030 ne suscitent pas d’objection, l’impact des besoins programmés, rehaussée à 413,3 Md€, reste « affecté d’incertitudes ». En cause, le flou subsistant sur l’origine des 13,3 Md€ de dépenses supplémentaires, un sujet en grande partie éludé dans le projet de LPM 2024-2030. 

Il ressort, selon le président du HCFP, que le ministère des Armées envisage d’abonder cette enveloppe de quatre manières. L’une a été détaillée depuis longtemps. Ce sont les ressources issues des cessions immobilières et de matériels et des recettes du Service de santé des armées. Total pour la période : 5,9 Md€. S’appuyer sur les seules cessions immobilières « n’est pas réaliste » selon le HCFP, celles-ci n’ayant représenté que 101 M€ en 2022. À première vue, l’essentiel de l’effort proviendrait du SSA, « ce qui, compte tenu de la taille du service, n’est pas négligeable », relève l’ancien ministre de l’Économie. Et même si ce service génère en moyenne 500 M€ par an, cet objectif « ne nous paraît pas inatteignable », complète-t-il.

Derrière, 7,4 Md€ ne sont jusqu’à présent pas documentés. Ils seraient, toujours d’après le ministère des Armées, financés la par solidarité interministérielle, par les moindres dépenses observées dans le budget des armées et par le report de charges. Bien que réaffirmée dans la précédente LPM, la solidarité interministérielle n’est jamais parvenue à s’imposer lorsqu’il a fallu régler les factures des surcoûts occasionnés par les OPEX et MISSINT. 

Quant aux moindres dépenses et au report de charges, la seconde option ne rendrait que plus difficile l’atteinte des objectifs fixés. L’inflation fera grimper le seuil établi pour 2023 de trois points, soit 15% des crédits hors masse salariale. L’enjeu de maîtrise de cette courbe et d’un retour au niveau incompressible de 10% est cependant absent du rapport annexé à la future LPM.

Ce « hiatus de 13,3 Md€ », équivalent à deux porte-avions de nouvelle génération et demi, n’est pas sans susciter des craintes dans les rangs parlementaires. « Cette loi de programmation militaire ne va pas être un long fleuve tranquille », soulignait le sénateur LR Dominique de Legge. « Peut-être que le budget ne peut pas être qualifié d’insincère, mais c’est une incertitude quand même très forte », complète le rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de défense. 

Même son de cloche du côté du sénateur LR Cédric Perrin, selon qui « il y a une vraie question à poser ». « Est-il normal de compter dès à présent sur la solidarité interministérielle ou sur de supposées marche frictionnelles ? », questionnait-il. Bien que minime, cette tranche « n’est pas une paille compte tenu de l’augmentation annuelle du budget jusqu’en 2030, puisqu’on est quasiment à 2 Md€ par an ». Un bas de laine incertain mais dont les armées ne peuvent se passer pour poursuivre leur transformation. 

Crédits image : EMA

La loi de programmation militaire 2024-2030, une LPM adaptée à la réalité de la guerre ?

La loi de programmation militaire 2024-2030, une LPM adaptée à la réalité de la guerre ?


Jaguar, Engin blindé de reconnaissance et de combat

 

La LPM 2024-2030 a été présentée en conseil des ministres. Je publie cette troisième et dernière partie de mon article achevé au 12 mars. Je mettais en doute la réalité de la prise en compte des enseignements de la guerre en Ukraine dans la LPM. Je n’ai pas à modifier mon analyse. Bref, « on fait comme avant » et j’ai le sentiment profond qu’il s’agit avant tout de privilégier le complexe militaro-industriel notamment dans le domaine nucléaire. Or, « Il n’y a de richesse que d’hommes ». Ce sont eux qui font la guerre sur le terrain comme en témoigne le conflit en Ukraine. La technologie est à leur service à la fois pour préserver leur vie et assurer leur efficacité mais seuls les effectifs et les équipements en nombre suffisant permettent d’envisager le succès militaire.

En préalable, je rappelle la structure générale de l’article. La première partie sur les enseignements géopolitiques de la guerre en Ukraine, réflexion non exhaustive sur une guerre inachevée, traitait du contexte général de la situation géopolitique mondiale en trois points : « Le désarmement européen (I.1.) » (Cf. Billet du lundi 13 mars 2023), « La fin de la mondialisation heureuse (I.2.) » (Cf. Billet du mercredi 15 mars 2023) et « Une guerre (en Ukraine) aux enjeux vitaux pour l’occident (I.3.) » (Cf. Billet du vendredi 17 mars 2023).

La seconde partie était consacrée aux conséquences militaires de l’aveuglement européen. Après avoir posé brièvement la question du droit international dans les conflits d’aujourd’hui (II.1 cf. Billet du vendredi 24 mars 2023), elle abordait la guerre de haute intensité depuis sa « redécouverte » dans cette guerre russo-ukrainienne et la stratégie hybride (II.2 et II.3, cf. Billet du lundi 3 avril 2023).

La troisième partie aborde donc la LPM dont je rappelle les derniers chiffres connus cette semaine. On peut certes se louer de cet effort financier majeur mais l’objet n’est pas de financer des programmes mais de donner les moyens aux armées de gagner une guerre conventionnelle, certes dans le cadre d’une alliance. Connaître les chiffres est important.

La LPM 2024-2030 table sur 413 milliards mais quelque 30 milliards devraient disparaître en raison de l’inflation. De 32 milliards d’euros en 2017, le budget des armées Il est de 43,9 milliards d’euros en 2023 et sera abondé de 1,5 milliard supplémentaire d’ici à la fin de l’année. Il devrait atteindre 56 milliards en 2027, 69 milliards d’euros en 2030 si le prochain chef de l’État respecte cette LPM. Comme sur la précédente LPM, les investissements les plus coûteux interviendront après l’élection de 2027.

Plus de la moitié des dépenses (autour de 60 %, selon Le Monde du 5 avril 2023) est dédiée au renouvellement de la dissuasion nucléaire. Son efficacité dans le non-emploi reste cependant posée dans le cadre des conflits tels qu’ils apparaissent à travers la guerre en Ukraine d’autant que celle-ci a montré les limites opérationnelles de la haute technologie et le retour aux armements conventionnels utilisés par les hommes sur le terrain. Or les armées ne sont pas renforcées par cette LPM.

Pour notamment donner les effectifs au « cyber », l’armée de terre perdra encore des régiments de mêlée (chars, infanterie) au profit de ce domaine. La capacité blindée et le besoin en fantassins qui, pourtant, ont été montrés comme essentiels en Ukraine dans le combat terrestre, ne suscitent pas d’effectifs supplémentaires et sont donc encore amoindris. Notamment une « centaine » de Jaguar sur les 300 prévus est annulée. Or, il s’agit du successeur de l’AMX10RC dont une partie a été généreusement remise aux forces ukrainiennes. L’AMX10RC restera donc en service quelques années de plus. Ce dégraissage de quelques centaines d’exemplaires s’appliquera aussi aux blindés Griffon et Serval, dont la cible à l’horizon 2030 était de respectivement 1 872 et 978 unités.

Pour l’armée de l’air, les livraisons de quarante-deux avions de chasse Rafale, initialement prévues entre 2027 et 2030, s’étendront désormais jusqu’à 2032. En 2030, l’armée de l’air disposera de 137 Rafale au lieu de 185 prévus au départ. Certes les livraisons de 20 avions de transport stratégique A400M seront accélérées pour atteindre 35 en 2030 sans précision sur la cible finale qui est de 50 appareils.

Quant à la marine, le successeur du porte-avions Charles-de-Gaulle est prévu pour 2038 mais, à l’horizon 2030, la marine n’aura que trois bâtiments ravitailleurs de forces au lieu de quatre, trois frégates de défense et d’intervention au lieu de cinq, sept patrouilleurs hauturiers au lieu de dix. Pourtant il semble que la France doit assurer sa souveraineté sur la seconde surface maritime mondiale, soit 11 millions de km² notamment dans le Pacifique. A l’heure où la Chine construit tous les trois à quatre ans l’équivalent de la flotte française, le questionnement de la pertinence de cette LPM peut se poser.

Certes, 16 milliards seront consacrés aux munitions et 49 milliards au maintien en condition opérationnelle, soit une hausse de 49 %. 13 milliards d’euros seront consacrés à l’outre-mer, 10 milliards aux technologies de rupture, comme l’hypervélocité ou le quantique, 6 milliards au spatial, 5 milliards à la contre-ingérence et au renseignement, 5 milliards aux drones, 5 milliards à la défense surface-air, 4 milliards au cyber, 2 milliards aux forces spéciales.

Cependant, qui peut croire que la France pourra réellement répondre à la réalité des guerres de demain ? N’a-t-on pas à nouveau préféré le soutien au complexe militaro-industriel notamment nucléaire au détriment de l’efficacité opérationnelle sur le terrain ?

François Chauvancy*

Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Il est expert des questions de doctrine sur l’emploi des forces, sur les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, à la contre-insurrection et aux opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d’influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Depuis mars 2022, il est consultant en géopolitique sur LCI notamment sur la guerre en Ukraine. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde depuis août 2011, il a rejoint depuis mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.

LPM 2024-30 : Les chars légers AMX-10RC et les VAB Ultima devront durer au-delà de 2030

LPM 2024-30 : Les chars légers AMX-10RC et les VAB Ultima devront durer au-delà de 2030

par Laurent Lagneau – Zone militaire – publié le 4 avril 2023

https://www.opex360.com/2023/04/04/lpm-2024-30-les-chars-legers-amx-10rc-et-les-vab-ultima-devront-durer-au-dela-de-2030/


 

La future Loi de programmation militaire [LPM], qui sera présentée lors du Conseil des ministres de ce 4 avril, va confirmer une hausse « sans précédent » du budget des armées, avec une enveloppe de 413 milliards d’euros [dont 13 milliards de recettes exceptionnelles] sur la période 2024-30.

D’un montant de 43,9 milliards en 2023 [voire plus, une rallonge de 1,5 milliard ayant été demandée par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées], le budget de la mission « Défense » devrait augmenter d’environ 3 milliards d’euros à partir de 2024. Puis la hausse maintiendra ce rythme jusqu’en 2027. Puis, il reviendra à la prochaine majorité d’accentuer cet effort, avec des « marches » de 4,3 milliards à partir de 2028.

Selon l’entourage de M. Lecornu, cette trajectoire financière ne sera pas gravée dans le marbre dans la mesure où « il faudra éventuellement prévoir des compléments » en fonction de l’évolution des menaces. Cependant, la portée de cette hausse des dépenses militaires pourrait être amoindrie par les effets de l’inflation, évaluée à 30 milliards d’euros pour les sept années à venir, selon l’hypothèse la plus pessimiste.

Aussi, paradoxalement, des choix ont dû être faits. Seront-ils pertinents? L’avenir le dira… En tout cas, plusieurs annonces faites par M. Lecornu durant ces dernières semaines devraient être confirmée; comme les efforts en faveur de la défense sol-air [5 milliards d’euros], des drones [5 milliards], des forces spéciales [2 milliards] et du renseignement [5 milliards].

La lutte informatique, qu’elle soit défensive, offensive et d’influence, devrait bénéficier d’un nouveau coup de pouce de 4 milliards d’euros. De même que le spatial, avec une enveloppe de 6 milliards. À noter que la LPM va acter l’annulation du troisième satellite de télécommunication de type Syracuse IV, au profit d’une « constellation » dont les détails restent à préciser.

Comme l’avait suggéré le président Macron lors de ses voeux aux Armées, le 20 janvier, les forces de souveraineté, implantées dans les départements et territoires d’outre-Mer, devraient voir leurs moyens augmenter de 13 milliards d’euros. Et un effort significatif – 10 millards – est annoncé en faveur du soutien à l’innovation, afin de financer les recherches sur les « technologies de rupture », comme les armes hypersoniques et le quantique.

Enfin, le montant des crédits alloués au Maintien en condition opérationnelle [MCO] des équipements devrait progresser de 40% pour atteindre les 49 milliards d’euros. Et ce ne sera sans pas de trop… puisque certains équipements appelés à être remplacés d’ici 2030 ne le seront finalement pas… Ou, du moins, ils le seront plus tard.

Ce sera en effet le cas des chars légers AMX-10RC et des Véhicules de l’avant blindé [VAB] Ultima, le programme SCORPION devant être « décalé » de quelques années. Ainsi, 100 engins blindés de reconnaissance et de combat [EBRC] Jaguar – sur les 300 attendus – seront livrés à l’armée de Terre après 2030. Même chose pour « quelques centaines » de véhicules blindés multi-rôles Griffon et Serval.

Cette décision d’étaler le programme SCORPION entraînera inévitablement des surcoûts. « Cela soulève des difficultés de gestion des lignes et de stockage des composants. Quant au surcoût du MCO, plus les matériels sont anciens, plus l’obsolescence augmente : rien n’est impossible, mais cela a un prix », a récemment expliqué Emmanuel Levacher, le Pdg d’Arquus, lors d’une audition au Sénat.

Cela étant, l’armée de Terre, qui sera appelée à se « transformer », devrait pouvoir remplacer ses Lance-roquettes unitaires [LRU], dont deux exemplaires ont été livrés à l’Ukraine, et renforcer ses capacités en matière d’artillerie avec de nouveaux CAESAr. En outre, elle disposera de plus de 3000 drones, dont des munitions téléopérées.

Quant à la Marine nationale, si elle n’avait pas de souci à se faire pour ses futurs sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de 3e génération, indispensables à la dissuasion nucléaire, elle obtiendra un nouveau porte-avions nucléaire à l’horizon 2038… Mais elle devra patienter pour aligner ses cinq frégates de défense et d’intervention [FDI], la livraison de deux unités étant désormais prévues après 2030. Et elle devra se passer de trois patrouilleurs océaniques, sur les dix attendus.

Enfin, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] ne passera pas au « tout Rafale » dans les années à venir… étant donné que les livraisons de 42 avions Rafale, prévues entre 2027 et 2030, devraient finalement s’étaler jusqu’en 2032. Ce qui fait qu’elle ne disposera que de 137 Rafale en 2030, alors qu’elle devait en aligner 185. Quant à ses capacités de transport, et à la fin de la LPM, elles reposeront en partie sur 35 A400M [contre 21 actuellement] sur les 50 initialement envisagés.

In $ We Trust

In $ We Trust

Geopragma – Billet du Lundi de Jean-Philippe Duranthon, membre du CA de Géopragma – publié le 3 avril 2023

https://geopragma.fr/in-we-trust/


Nota : Certains sujets abordés mériteraient de plus amples développements ou suscitent des questions qu’il n’était pas possible de traiter dans la présente note.

1/ Le dollar US est de loin la devise la plus utilisée dans les transactions internationales. Il est actuellement impliqué dans 88 % des transactions de change, contre seulement 31 % pour l’Euro et 7 % pour le Yuan[1]. Il représente 60 % des réserves de change au niveau mondial. C’est la devise utilisée pour la quasi-totalité des mécanismes financiers internationaux, en particulier le système de règlement de paiements internationaux SWIFT[2]. C’est vers le dollar que les investisseurs inquiets de la fragilité des établissements bancaires se sont récemment tournés, ce qui a obligé la banque centrale américaine à accélérer et amplifier ses procédures de swap de devises. Les cours mondiaux des matières premières sont évaluées en dollars. La liste n’est pas exhaustive.

Cette prépondérance a historiquement deux causes principales : l’écrasante supériorité économique de l’économie américaine après la seconde guerre mondiale et l’accord conclu entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite en 1979[3], après les chocs pétroliers de 1973 et1979 : l’Arabie s’est en effet engagée alors à ne vendre son pétrole qu’en dollars US – d’où le concept de « pétrodollars » – et à réinvestir ses dollars excédentaires en titres du Trésor américain ou d’entreprises américaines, en échange de quoi les Etats-Unis s’engageaient à protéger militairement le pays.

 

2/ Utiliser le dollar US pour ses transactions avec l’étranger[4] présente, pour un pays dont ce n’est pas la monnaie nationale, l’avantage essentiel de pouvoir participer facilement aux échanges internationaux, puisque le dollar est actuellement accepté par tous les pays, et de disposer de liquidités extrêmement abondantes et d’éviter ainsi quasiment tout risque de crise de liquidité. En contrepartie de ces avantages considérables cette façon de procéder présente des inconvénients non négligeables :

  • elle fait supporter par les agents économiques du pays utilisateur le risque de change entraîné par la conversion, dans les deux sens, entre le dollar et la monnaie nationale, ce qui les rend dépendants de la politique économique et financière menée par le gouvernement américain et peut déstabiliser le pays dans son ensemble ;
  • elle soumet, en raison de l’extraterritorialité du droit américain[5], les entreprises de ces pays aux décisions américaines restreignant ou interdisant le commerce avec certains pays (sanctions) ; elle permet aux juridictions américaines de juger les violations, réelles ou supposées, du droit américain commises par ces entreprises et, en cas de condamnation, de les obliger à accepter la présence en leur sein d’un représentant des institutions américaines chargé de contrôler le respect de ce droit.

L’utilisation du dollar US restreint donc fortement la souveraineté de l’utilisateur étranger et influe fortement sur le rapport de forces géopolitique.

A l’inverse, le mécanisme libère les Américains de la contrainte des déficits puisque ceux-ci sont pris en charge par les pays tiers qui ont besoin de placer les dollars que le mécanisme les oblige à détenir. Aussi ne faut-il pas s’étonner que le déficit du budget des Etats-Unis ait toujours été important (le projet de budget pour 2024 affiche une prévision de 6,8 %), que le déficit de la balance des paiements américaine soit sans douleur passé de 7,5 Md$ en 1973 à 948 Md$ en 2022 ni que la dette publique américaine ait connu une croissance exponentielle, atteigne aujourd’hui 30 000 Md$ et trouve malgré cela sans difficulté sur les marchés mondiaux le financement nécessaire :

[1] Une même transaction impliquant par définition deux monnaies, le total est de 200 %.

[2] Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication. Ce réseau de télécommunication permet aux institutions financières de tous les pays d’envoyer et de recevoir des ordres de paiement. L’essentiel des transactions est fait en dollar.

[3] Il serait même possible de faire remonter l’origine de ces liens au pacte scellé en février 1945 entre le président Roosevelt et Abdelaziz Ibn Saoud sur le cuirassé Quincy.

[4] On exclut de la présente analyse les pays qui, parce que leur économie s’effondre ou qu’ils sont la proie d’une inflation non maîtrisée, recourent au dollar pour leurs transactions internes afin de rétablir un élément de stabilité.

[5] Les lois américaines prévoient que tout agent économique, américain ou étranger, relève des juridictions américaines s’il a utilisé le dollar américain pour tout ou partie des actes contestés.

Dette fédérale américaine de 1940 à 2015 – wikipedia

 

3/ Il est donc logique que des pays expriment régulièrement leur souhait de sortir de leur dépendance au dollar. La revendication n’est pas récente[1] mais s’est renforcée ces dernières années pour trois principales raisons :

  • – la crise des subprimes de 2008 a montré qu’une crise financière américaine pouvait se transformer en crise mondiale ;
  • – le nombre croissant de mesures de sanction décidées par les Etats-Unis et s’imposant de fait aux autres pays comme on l’a vu, perturbe de plus en plus l’activité économique ;
  • – la formalisation des liens que les BRICS[2] veulent nouer entre eux et la fragmentation géopolitique du monde poussent à la constitution d’entités revendiquant des intérêts communs ; la guerre en Ukraine a amplifié et accéléré ce phénomène.

Certains économistes considèrent que l’ampleur de la dette américaine et la succession des crises financières à dimension mondiale depuis une vingtaine d’années font désormais peser sur l’économie américaine et sur le dollar une menace non négligeable qui doit être prise en compte par ceux qui détiennent cette devise. Aussi considèrent-ils que « le dollar joue un rôle beaucoup trop important dans la finance mondiale » et appellent-ils les pays à diversifier leurs réserves. Un affaiblissement du rôle international du dollar répond donc à une logique technique de prudence financière.

La contestation de la suprématie du dollar s’est accompagnée d’une contestation du faible poids des économies émergentes dans les mécanismes financiers internationaux. Ainsi, les Etats-Unis disposent de 16,75 % des droits de vote au Fonds monétaire international (FMI)[3] mais la Chine de seulement 3,81 %. A la Banque asiatique de développement, le poids de la Chine (6,47 %) est très inférieur à celui du Japon (15,67 %).

La Chine, qui a pris la place du Japon comme premier détenteur de bons du Trésor américains, est logiquement à la pointe de cette contestation et cherche à développer les transactions en Renminbi (aussi appelé Yuan), qui n’est aujourd’hui utilisé que dans 2,7 % des transactions mondiales alors que le PIB chinois représente 14 % du PIB mondial.

Dès mars 2009 le gouverneur de la banque centrale chinoise a préconisé la création d’une monnaie souveraine pour remplacer le dollar et, dans son discours d’ouverture du 14ème sommet des BRICS qui s’est tenu en juin 2022, Xi Jinping a rappelé son souhait de développer la coopération en matière de paiements transfrontaliers.

La Chine a également pris l’initiative de créer en 2014 la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII ou AIIB), dont l’objectif est de renforcer la coopération financière entre les pays membres et de constituer une instance financière internationale contournant celles, créées après la seconde guerre mondiale (FMI, Banque mondiale…), qui sont sous domination américaine. A l’exception du Japon, tous les pays de la zone et tous les BRICS ont adhéré à cette organisation[4]. Le projet de monnaie numérique que la Chine cherche à développer et qui faciliterait les échanges financiers internationaux peut aussi être analysé dans cette perspective.

La Chine a trouvé des alliés – au sein des BRICS, mais pas seulement – pour mener cette stratégie, que renforcent les nouvelles fragmentations nées du conflit en Ukraine. Les « routes de la soie », qui placent les pays bénéficiaires de l’aide chinoise dans la dépendance financière de Pékin, sont un autre moyen d’accroître le rôle du Renminbi, des lignes de swap ayant été créées par la banque centrale chinoise pour faciliter le règlement en Renminbi des opérations effectuées en exécution des contrats signés.

        La Russie, soucieuse, dans le contexte ukrainien, de consolider son alliance géopolitique avec la Chine et qui, dès 2018, a limité les paiements à l’étranger et accentué ses paiements en monnaies alternatives, soutient bien sûr ces initiatives. Se substituant aux pays européens, la Chine a accru fortement ses achats d’hydrocarbures russes, qu’elle règle en Renminbis. Vladimir Poutine s’est clairement prononcé, lors du dernier sommet des BRICS, en faveur de la création d’une monnaie de réserve et, lors de la visite que Xi Jinping a faite à Moscou la semaine dernière, s’est engagé à adopter le Renminbi pour les « paiements entre la Russie et les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ».

Désireux de renforcer son influence au Moyen-Orient, Xi Jinping a effectué en décembre 2022 un déplacement de trois jours en Arabie saoudite au cours duquel il a déclaré que la Chine s’efforcera d’acheter davantage de pétrole[5] au Moyen Orient et qu’elle souhaitait régler ce pétrole en Renminbis, ce à quoi le gouvernement saoudien a répondu qu’il allait commencer à facturer certaines exportations de pétrole vers la Chine en cette devise.

La Chine a franchi un nouveau pas important au Moyen-Orient en parrainant le 10 mars 2023 à Pékin la réconciliation de l’Arabie saoudite et de l’Iran. Le contenu de l’accord conclu à cette occasion n’est pas connu mais il serait étonnant que la Chine, qui soutient l’économie iranienne pénalisée par les sanctions américaines, n’en profite pas pour inclure l’Iran dans sa stratégie de promotion du Renminbi, d’autant que, compte tenu des sanctions américaines, ce pays n’aurait pas grand-chose à y perdre.

        L’Inde – dont environ 85 % des importations et des exportations sont aujourd’hui facturées en dollars US – partage le même souci mais aimerait développer le rôle international de sa propre monnaie : ses achats de pétrole russe – qui, comme ceux de la Chine, ont fortement cru en 2022, les deux pays assurant à eux deux 70 % des exportations de pétrole russe – sont réglés en Roupies et le gouvernement indien a mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir aux pays avec lesquels l’Inde pourrait commercer en Roupies.

         L’Afrique du Sud utilise de plus en plus le Renminbi et l’a incorporé dans ses réserves de change. L’Argentine et le Brésil (dont 90 % des exportations sont libellées en dollar) ont récemment annoncé leur intention de créer une monnaie unifiée destinée à être utilisée dans les transactions commerciales bilatérales en Amérique latine et le Brésil a dès à présent adopté le Renminbi pour une partie de ses échanges avec la Chine. La situation économique et financière de ces pays rend ces initiatives anecdotiques mais celles-ci n’en sont pas moins significatives d’un état d’esprit qui se répand.

La volonté de diminuer l’influence du dollar et de « dédollariser » les échanges internationaux est donc claire et le processus engagé par la Chine est sans doute irrémédiable et susceptible de modifier sensiblement les relations financières internationales.

 

4/ Mais la réalisation de ce processus demandera du temps. Si la volonté ne fait pas doute, le processus se heurtera à de nombreuses contraintes.

La supériorité du dollar US est tellement écrasante que la réduire oblige à modifier fondamentalement l’organisation d’une économie mondialisée, ce qui ne peut pas être fait rapidement. Le « détricotage » des liens financiers et bancaires dont dépendent les échanges physiques ou financiers internationaux ne peut être que progressif.

Le système actuel a jusqu’ici présenté bien des avantages pour les États-Unis et pour la Chine puisqu’il permet aux Chinois de vendre aux Américains les produits de leurs usines, en récupérant au passage des dollars bien utiles pour investir en Europe, et aux Américains d’acheter ces produits sans avoir à se soucier de leur balance des paiements. Mais cet avantage va diminuer peu à peu pour la Chine avec le développement du marché intérieur chinois, corollaire de l’augmentation du niveau de vie de la population.

La difficulté vient surtout de ce que le Renminbi/Yuan ne présente pas les caractéristiques d’une monnaie internationale. Alors que les parités du dollar et de l’Euro sont fixées par le marché, c’est-à-dire dépendent le l’efficacité des différents agents économiques et de celle de leurs politiques publiques, le Renminbi/Yuan demeure une devise administrée, dont le cours est fixé par le gouvernement chinois et dépend donc davantage de considérations politiques que de constats économiques. De surcroît, en Chine les prix des biens ne sont pas tous fixés librement par le marché, la sécurité juridique des investissements est aléatoire et les conversions entre devises sont incertaines. Pour un pays tiers, abandonner le dollar au profit du Renminbi signifie donc se mettre entre les mains des dirigeants de Pékin.

En outre, le dollar constitue l’essentiel des réserves détenues par les banques centrales de tous les pays, si bien qu’aucun d’eux n’a intérêt à provoquer une chute de la devise qui diminuerait la valeur de ses propres actifs.

Il est d’ailleurs frappant de constater que, si la part du dollar dans les réserves des banques centrales a baissé ces dernières années – elle est passée d’environ 70 % dans les années 2000 à environ 60 % aujourd’hui -, elle demeure sans commune mesure avec celle de toutes les autres devises :

[1] Voir les critiques exprimées lors de la crise financière asiatique de 1997 par le gouverneur de la Banque populaire de Chine (PBoC).

[2] Groupe de cinq pays qui se réunissent depuis 2011 en sommets annuels : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Ils représentent 41 % de la population mondiale, 24 % du PIB mondial et 16 % du commerce mondial.

[3] Les pourcentages sont respectivement de 16,21 et 4,85 à la Banque Mondiale. Un projet de réforme du FMI avait été signé par Barack Obama en 2010 mais le Congrès a refusé de ratifier en 2014.

[4] Taiwan a demandé à adhérer mais sa candidature a été refusée. Presque tous les pays européens ont fini par adhérer à la BAII mais pas les Etats-Unis, le Canada ni le Mexique.

[5] La Chine est le premier acheteur mondial de pétrole avec 204 Md$ et l’Arabie Saoudite le premier exportateur mondial de pétrole avec 145 Md$ (données de 2019).

En fait la diversification des réserves des banques centrales ne s’est pas faite par recours à des devises autres que le dollar mais par un recours accru à l’or : le changement de politique date de 2010 mais s’est accru en 2022, année pendant laquelle les banques centrales ont acquis 1 136 tonnes d’or contre environ 500 tonnes les années précédentes :

Divers éléments laissent penser que la Chine et la Russie, dont les réserves en or sont déjà d’un niveau notable, sont responsables d’une partie très importante des achats effectués en 2022 :

Les 30 premières banques centrales détentrices d’or en juillet 2018 (en tonnes) – Source : World Gold Council.

 

5/ La « dédollarisation » du système financier européen serait particulièrement malaisée. L’existence d’une monnaie commune constitue un atout indéniable car l’Euro est l’expression d’une économie jusqu’ici puissante et prospère. Mais l’espoir de voir l’Euro jouer un rôle important au niveau mondial a été largement déçu puisque la part de l’Euro dans les transactions internationales n’est pas plus élevée que celle que les devises qui le constituent avaient avant sa création et que sa part dans les réserves des banques centrales n’augmente pas. L’Euro n’est donc ni une monnaie d’échange, ni une monnaie de réserve du même niveau que le dollar et ne semble pas pouvoir le devenir.

C’est que le système financier européen est très imbriqué dans le système financier américain, comme l’ont montré la crise des subprimes et tout récemment les incidents bancaires aux Etats-Unis et en Suisse, et sa « désimbrification », à supposer qu’elle soit souhaitable, serait longue à réaliser et difficile à maîtriser. Les incertitudes en résultant conduiraient les investisseurs internationaux à s’écarter de l’Euro, donc à l’affaiblir.

S’ils se détournaient du dollar au profit de l’Euro, les pays tiers ne se « débrancheraient » pas pour autant du dollar et des risques économiques et politiques qu’il représente.

Il est peu probable que cette situation change à brève échéance et les évolutions récentes ne vont pas dans le sens d’une autonomisation de l’Euro, qu’il s’agisse du fait que les Européens ont remplacé le gaz russe par du gaz américain ou des transferts aux Etats-Unis d’entités industrielles européennes que la loi américaine dite IRA va entraîner.

 

6/ L’affaiblissement du rôle du dollar dans la vie financière internationale est donc enclenché. Le contexte actuel favorise une telle évolution : le conflit en Ukraine entraîne la rupture des liens financiers existant entre les deux camps antagonistes ; la dégradation des relations entre la Chine et les États-Unis et les obstacles mis à l’expansion des entreprises chinoises perturbent les relations économiques entre les deux pays ; les difficultés économiques résultant des tensions inflationnistes et de l’abondance des liquidités créées par la politique de quantitative easing[1] des banques centrales fragilisent le système financier occidental et incitent à moins lui faire confiance. La fracturation géopolitique du monde se traduira certainement par une fracturation de l’usage des devises.

Mais il n’existe pas aujourd’hui de véritable alternative au dollar US qui, avec l’or, reste l’actif refuge en cas de crise. La remise en cause de la place du dollar sera un élément de la fragmentation du monde mais ne sera vraisemblablement significative qu’au sein des entités qui, pour des raisons géopolitiques, souhaitent ou doivent limiter leurs interactions économiques avec le bloc occidental : Chine/Russie, zones du Pacifique passées sous obédience chinoise, pays du Moyen-Orient voulant résister aux influences américaines ou israélienne, etc. Il est au contraire probable que le dollar US maintiendra, voire accentuera sa place dans les pays dominés politiquement et économiquement aux Etats-Unis : Europe, Amérique du Nord et, en grande partie, Amérique centrale et du Sud. Les autres pays chercheront à conserver un équilibre entre les différents blocs.

Pour l’instant le dollar se porte bien et investir en dollar demeure une bonne affaire financière :

[1] Achat par les banques centrales de créances que détenaient les établissements financiers, en particulier d’emprunts d’Etat, afin que ces établissements disposent de davantage de liquidités.

Ainsi qu’un journaliste du Financial Times l’a écrit récemment[1] : « le dollar ne mérite peut-être pas de gagner un concours de beauté en ce moment… mais de nombreux investisseurs le considèrent toujours comme l’option la moins laide dans un monde très laid ». Les propos que John Connally, alors secrétaire au Trésor américain, avait tenus aux Européens en 1972 demeureront donc valables encore longtemps : « le dollar c’est notre monnaie et votre problème ».

[1] Gillian Tett – FT – 30 mars 2023.

Une LPM « plancher » entre continuité, nouveaux efforts et décalages capacitaires

Une LPM « plancher » entre continuité, nouveaux efforts et décalages capacitaires

par – Forces opérations Blog – publié le

Le projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030 sera présenté demain en Conseil des ministres. Un projet « à 413 Mds€ » qui actera les évolutions capacitaires nécessaires au vu du contexte et de l’apparition de nouvelles menaces. Et si le document ne contient aucun renoncement, il entérine par contre certains décalages, notamment au détriment du programme SCORPION. 

Un socle plutôt qu’un plafond

Après une année de travaux, une dizaine de réunions de haut niveau à l’Élysée et deux grands discours présidentiels de cadrage, la 14e loi de programmation militaire française est prête à entamer le processus d’adoption parlementaire qui devrait l’amener à être proclamée d’ici au 14 juillet prochain. 

L’effort s’articulera autour de quatre axes : consolider le cœur de souveraineté, faire face à un conflit majeur, s’adapter aux nouveaux espaces de conflictualité et repenser et diversifier les partenariats stratégiques. Ceux-ci ont été déclinés en une vingtaine de « patchs », des « focus spécifiques dans différents domaines », précise l’entourage du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Ce sont des pointes d’effort sur l’innovation, le spatial, les drones, la défense sol-air, le renseignement, ou encore le modèle RH et le renforcement des soutiens. 

Créditée d’une enveloppe de 413 Mds€, cette LPM « va constituer une augmentation du budget des armées sans précédent », souligne le cabinet ministériel. Les marches successives sont connues : + 3,1 Mds€ l’an prochain, puis des paliers à 3 Mds€ entre 2025 et 2027 et de 4,3 Mds€ à compter de 2028. En fin de LPM, les dépenses militaires françaises atteindront 69 Mds€, près du double de celles allouées en début d’exercice précédent. 

« Cette trajectoire budgétaire est véritablement conçue désormais comme une trajectoire plancher ». Hors de question de rogner les annuités, il s’agira plutôt de maintenir l’exemplarité de la LPM en voie d’achèvement. Voire, parfois, de faire mieux en cours d’exécution en fonction des aléas et besoins. Ce sera déjà le cas cette année, avec une marche à 3 Mds€ que le ministre proposera de rehausser d’1,5 Md€. L’encre n’est pas tout à fait sèche, mais ce premier bonus devrait servir à appuyer le durcissement des armées, notamment par de nouveaux achats de munitions

Plusieurs grands chapitres se précisent. L’innovation, par exemple, sera créditée d’environ 10 Mds€ sur la période. Une enveloppe de 100 Md€ sera fléchée vers les ressources humaines. Si les armées augmenteront légèrement leurs effectifs, c’est bien « la bataille des compétences et la fidélisation » qu’il faudra gagner. Celle de la réserve aussi, avec 40 000 réservistes à engager pour atteindre l’objectif de dédoublement du dispositif. Dernier exemple, une volonté de recomplétion des stocks de munitions créditée de 16 Mds€ sur la période. 

L’investissement financier, sur fonds d’inflation et de crise sociale, n’est pas mince. « Le ministère a parfaitement conscience de l’effort considérable que la nation fait » et entend veiller à ce que cette manne soit « la mieux employée possible ». Le ministre l’a plusieurs fois répété : les industriels devront participer à la dynamique globale pour « que tout cela soit au bon prix et dans des calendriers les plus raisonnables ».

L’artillerie renouvelée, SCORPION décalé

Si l’enveloppe capacitaire n’a pas été détaillés, ce volet majeur sera marqué par « le retour de menaces que l’on a cru un certain temps disparues et, à travers ces menaces, l’apparition de très nombreux sauts technologiques dans certains domaines. Ces sauts technologiques ont malheureusement un coût ».

Côté terrestre, la prévalence porte en grande partie sur le segment de décision. Les travaux relatifs au programme MGCS, potentiel successeur au char Leclerc, se poursuivront. Il s’agira ensuite de muscler et de moderniser « rapidement » l’artillerie grâce à la prochaine génération de canons CAESAR et au renouvellement des feux longue portée. Différents scénarios restent à l’étude pour remplacer des lance-roquettes unitaires (LRU) dont l’obsolescence interviendra en 2027. Aucun scénario n’est écarté, que ce soit l’achat de systèmes HIMARS américain ou la recherche d’une solution souveraine. « Nous faisons travailler nos industriels », explique le cabinet.

La prochaine LPM entérinera par ailleurs l’accélération de la feuille de route « lutte anti-drones », la consolidation du bouclier antiaérien, le développement de la « dronisation » et la poursuite du renouvellement des parcs d’hélicoptères. L’armée de Terre bénéficiera ainsi de 12 Serval LAD en complément des 12 VAB ARLAD déjà en service. S’y ajouteront 24 Serval Mistral pour reconstituer un embryon de défense sol-air terrestre d’accompagnement. En interarmées, le programme PARADE débouchera sur la fourniture de 15 systèmes, soit neuf de plus qu’en fin d’année 2023. Des 5 Mds€ consacrés au renseignement, une partie participera à accélérer le plan d’équipement de l’armée de Terre et à doter le système de drone tactique (SDT) Patroller d’une charge de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM). Toujours dans les airs, l’Aviation légère de l’armée de Terre disposera « de nouveaux Tigre, NH90 et HIL ».

« Même si on abandonne rien, on priorise certains sujets », relève cependant le cabinet ministériel. Pas de renoncements donc, mais « des révisions de cadencement ». Si les cibles restent « quasiment » à l’identique, certaines d’entre elles vont donc s’étaler dans le temps. Comme pressenti, le programme SCORPION de l’armée de Terre n’est pas épargné. Sur les 300 Jaguar attendus, une centaine ne seront pas livrés dans les délais fixés au lancement du programme. Idem pour quelques centaines de Griffon et de Serval dont la livraison est au mieux repoussée à la prochaine LPM. Pour réaliser la soudure, l’armée de Terre devra miser sur l’infovalorisation et l’entrée dans la bulle SCORPION de certains AMX-10RC et VAB Ultima. 

Le futur Véhicule blindé d’aide à l’engagement de l’armée de Terre sera-t-il confirmé par la LPM 2024-30?

Le futur Véhicule blindé d’aide à l’engagement de l’armée de Terre sera-t-il confirmé par la LPM 2024-30?

https://www.opex360.com/2023/03/26/le-futur-vehicule-blinde-daide-a-lengagement-de-larmee-de-terre-sera-t-il-confirme-par-la-lpm-2024-30/


 

En effet, selon La Tribune, la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne plaiderait pour des hausses de 3 milliards d’euros par an jusqu’en 2027, ce qui porterait le montant du budget des armées à 55,9 milliards à cette échéance, alors que l’annuité moyenne de la future LPM devrait s’élever à 59 milliards d’euros [recettes extra-budgétaires comprises]. En clair, le gros de l’effort serait à faire après la prochaine élection présidentielle.

D’où les bruits de coursive au sujet de certains projets d’armement, qui pourraient être moins ambitieux que prévu [comme l’hélicoptère d’attaque Tigre Mk3] ou étalés dans le temps [il en serait question au sujet du programme SCORPION].

« Je suis étonné de voir qu’il y a parfois plus d’émotions quand les budgets augmentent que lorsqu’ils diminuaient jadis… J’appelle au sérieux. Ce qui compte est d’avoir une armée efficace où chaque euro soit correctement dépensé. Cette future LPM avec ses 413 milliards d’euros sur sept ans sera tenue, comme nous avons tenu la précédente depuis 2017, à l’euro près, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Mais il faut aussi qu’elle soit soutenable budgétairement, et donc crédible militairement », a toutefois fait valoir Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, dans les pages du quotidien Les Échos [édition du 24 mars, ndlr].

Quoi qu’il en soit, certaines rumeurs sont récurrentes. Et le sénateur [LR] Cédric Perrin s’en est fait l’écho lors de l’audition d’Emmanuel Levacher, le Pdg d’Arquus, cette semaine.

« La LPM actuelle marque une remontée en puissance jusqu’ici respectée. Il serait peu compréhensible d’allonger les délais pour un certain nombre de matériels particulièrement performants, mais nous entendons des échos peu rassurants quant au segment terrestre. Si les programmes tels que SCORPION, ou le remplacement des camions, devaient être réduits, il faudrait compenser en prolongeant le matériel existant, et donc amputer […] le programme 146 ‘Équipement des forces’ au profit du programme 178 ‘Préparation et emploi des forces’, pour permettre à l’armée de Terre de conserver ses capacités et à l’industrie de maintenir son activité », a en effet affirmé le parlementaire.

A priori, M. Levacher s’attend aussi à un éventuel étalement du programme SCORPION, et donc à un report des livraisons de blindés Griffon, Serval et Jaguar. En tout cas, il a laissé entendre qu’il envisageait un tel scénario en évoquant le programme CAMO [Capacité Motorisée], mené dans le cadre d’une coopération entre la France et la Belgique.

« Le programme CaMo est un excellent montage. […] C’est un exemple de coopération européenne qui fonctionne. […] La production ne sera pas décalée par rapport aux plans initiaux. Les premières productions de Griffon démarreront en 2024 et se réaliseront en 2025. Nous commençons, comme prévu, à intercaler les productions CaMo dans les productions Scorpion pour la France. Si le programme Scorpion France est étalé, cela laisserait de la place pour CaMo », a en effet affirmé le Pdg d’Arquus.

En outre, relancé par M. Perrin, il a précisé que « l’élongation du programme Scorpion entraînera un surcoût, du fait de la baisse de volume ». Et d’expliquer : « La production serait amenée à être étalée sur des durées longues, au-delà de 2030 : cela soulève des difficultés de gestion des lignes et de stockage des composants. Quant au surcoût du MCO, plus les matériels sont anciens, plus l’obsolescence augmente : rien n’est impossible, mais cela a un prix. Ainsi, les camions GBC 180 ont plus de quarante ans. S’ils sont prolongés encore 10-15 ans, alors qu’ils ne sont plus fabriqués, la hausse des coûts de réparation est inévitable ».

Très souvent, l’étalement d’un programme d’armement dans le temps conduit à une réduction des commandes, justement afin de compenser la hausse de prix ainsi générée.

Quoi qu’il en soit, M. Levacher s’est interrogé sur d’autres projets liés au programme SCORPION, comme le VBAE [Véhicule blindé d’aide à l’engagement], dont le contrat de pré-conception aurait dû être notifié à l’automne 2022, ou encore comme l’engin du génie de combat.

« Ces programmes seront-ils maintenus dans la future LPM, dans des délais nous permettant d’envisager rapidement des activités de développement et de production? », a-t-il en effet demandé. « C’est la source de certaines inquiétudes, dans un contexte géopolitique où on peut comprendre que certains autres secteurs soient remontés en haut des priorités », a-t-il ensuite commenté.

Appelé à remplacer le Véhicule blindé léger [VBL], le VBAE, qui bénéfie de financements européens pour le développement de briques technologiques, fait l’objet d’une attention particulière chez Arquus, qui, en vue de ce programme, a mis au point le démonstrateur technologique Scarabee, dévoilé en 2018. Nativement hybride et bardé de capteurs, cet engin est un concentré d’innovations qui, pour le moment, n’a pas trouvé preneur. « Nous y travaillons », a assuré M. Levacher.

« Est-ce qu’un jour il [le Scarabee] sera adopté tel quel par la France? Je ne crois pas. En revanche, c’est clairement une base sur laquelle on peut s’appuyer et tester un certain nombre d’idées, de technologies et de concepts que l’on reprendra en partie pour le VBAE. Mais le VBAE sera très certainement différent de Scarabee », a expliqué le Pdg d’Arquus.

En attendant, lors du salon de l’armement IDEX 2023 de Dubaï, en février, l’industriel a surtout mis l’accent sur une nouvelle version du… VBL, doté d’un tourelleau téléopéré Hornet, lui-même muni de missiles antichars AKERON MP…

La Chine augmente son budget de la Défense de 7,2% (actualisé)

La Chine augmente son budget de la Défense de 7,2% (actualisé)

chine2.jpg

 

par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 7 mars 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Dimanche, la Chine a annoncé une hausse de 7,2% du budget de la Défense pour 2023 7,1% en 2022), soit l’augmentation la plus forte depuis 2019. Les dépenses militaires s’élèveront à 1 553,7 milliards de yuans (225 milliards de dollars ou 211 milliards d’euros). 

Petit rappel des hausses du budget chinois de la Défense:

chine budget.jpg

PS: l’inflation chinoise après avoir officiellement (chiffres du National Bureau of Statistics of China) atteint 5,4% en 2011 tourne autour de 2% par an (2,24% en ce début d’année 2023).