La DGA commande les sept premiers patrouilleurs hauturiers

La DGA commande les sept premiers patrouilleurs hauturiers

Visuel Patrouilleur Hauturier_Naval Group.png

par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 24 novembre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


La Direction générale de l’armement (DGA) a commandé le 17 novembre 2023 sept patrouilleurs hauturiers (ex-patrouilleurs océaniques) destinés à la Marine Nationale pour remplacer les patrouilleurs de haute mer (PHM).

Cette commande fait l’objet de trois marchés pour un montant total de 900 millions d’euros :
– Le marché de production a été notifié au groupement momentané d’entreprises composé de CMN, PIRIOU et SOCARENAM.
– Un marché d’assistance à la maîtrise d’ouvrage et de réalisation du système de direction de combat a été attribué à NAVAL GROUP.
– THALES s’est par ailleurs vu notifier un marché pour équiper les sept premiers patrouilleurs hauturiers de la dernière génération d’équipements de surveillance maritime (sonar de coque Bluewatcher, radar de surveillance compact multimissions et IFF – système d’identification ami/ennemi).

Dix patrouilleurs hauturiers sont attendus en service à l’horizon 2035, avec une première livraison prévue en 2026. Ils sont destinés à remplacer les patrouilleurs de haute mer (PHM) basés à Brest et Toulon, ainsi que les patrouilleurs de service public cherbourgeois.

Ces navires de la classe 2400t accueilleront 84 personnes (équipage et passagers) avec une autonomie de 6000 MN. Ils sont dotés d’excellentes capacités d’intervention permettant d’embarquer les futures EDO 4G et ETRACO NG ainsi que le futur Guépard Marine.

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au delà ? Partie 2/2

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au delà ? Partie 2/2



Si le Rafale F5 pourra s’appuyer sur de nouvelles capacités et performances propres à l’appareil, il bénéficiera également d’un environnement opérationnel, industriel et commercial renouvelé, pour lui donner potentiellement l’ascendant sur les offres concurrentes, et notamment le Lockheed-Martin F-35 Lightning II, à partir de 2030.

Depuis près de deux décennies maintenant, les compétitions internationales entre le chasseur Rafale du Français Dassault Aviation, et le F-35 de l’américain Lockheed-Martin, ont systématiquement tourné à la faveur de ce dernier, au point que l’appareil américain devient aujourd’hui un véritable standard pour les forces aériennes européennes, au grand damne des avionneurs du vieux continent.

Mais la nouvelle version du Rafale, désignée F5, qui doit entrer en service à partir de 2030, pourrait bien profondément changer le rapport de force opérationnel et commercial entre ces deux appareils pour les années et décennies à venir.

Dans la première partie de cet article, nous avons étudié deux critères de cette évolution, la transformation du Rafale en Système de combat aérien avec la version F5 d’une part, et l’arrivée des drones de combat Neuron et Remote Carrier de l’autre, venant gommer les atouts du F-35A tout en exacerbant ceux du chasseur français.

Rafale Francais et F35A Americain au point dattente

Dans cette seconde partie, nous aborderons 3 autres domaines majeurs venant infléchir ce rapport de force : les nouvelles capacités et les nouvelles munitions du Rafale F5; l’apparition du Club Rafale et l’émergence d’une nouvelle stratégie commerciale et industrielle française, et enfin l’influence de la hausse des couts de possession du F-35 sur les compétions à venir.

3- Les nouvelles capacités et de nouvelles munitions du Rafale F5

Outre les drones eux-mêmes, le Rafale F5 sera doté de nouvelles munitions et de nouvelles capacités, qui lui permettront de combler certaines faiblesses relatives vis-à-vis du F-35. C’est notamment le cas dans le domaine de la suppression des défenses anti-aériennes adverses, à laquelle il est commun de faire référence par l’acronyme SEAD qui, comme nous nous en étions plusieurs fois fait l’écho depuis 2018, représentait un manque important dans la panoplie opérationnelle du Rafale jusqu’ici.

Si la composition de cette capacité dont sera dotée le Rafale F5 n’a pas encore été officiellement présentée, on peut supposer qu’elle reposera sur l’utilisation conjointe de brouilleurs radar venant s’ajouter aux systèmes d’autodéfense de l’appareil, pour lui donner la possibilité d’englober d’autres appareils dans sa bulle de protection, ainsi qu’une ou plusieurs munitions anti-radiations, conçues pour remonter le faisceau radar de l’adversaire pour venir le détruire.

Le Rafale F5 disposera de nouvelles munitions
Le FMC doit remplacer le missile croisière SCALP qui équipe les Rafale de l’Armée de l’Air et de l’espace et de l’Aéronautique navale aujourd’hui

Le Rafale F5 sera également conçu pour mettre en œuvre les nouveaux missiles franco-britanniques FMC (Futur Missile de Croisière) et FMAN (Futur Missile Anti-Navire) qui devront respectivement remplacer les missiles de croisière SCALP/Storm Shadow d’une part, et AM39 Exocet de l’autre.

Ces deux munitions de précision à longue portée, en cours de conception, seront dotées de caractéristiques évoluées, comme la furtivité ou une vitesse hypersonique, pour défier les systèmes de défense anti-aériens modernes comme des systèmes de brouillage et de leurrage, et conféreront à l’appareil des capacités de frappe à longue distance très avancées dans les décennies à venir.

L’appareil se verra également doté d’un pod fusionnant les capacités des nacelles de désignation de cible Talios et de la nacelle de reconnaissance RECO NG en un unique équipement, conférant au chasseur une vision tactique air-sol, air-surface et même air-air d’une grande précision, et ainsi de multiples options opérationnelles tout en restant en mode non-émitif.

Enfin, le Rafale F5 sera conçu pour mettre en œuvre le nouveau missile de croisière hypersonique ASN4G à charge nucléaire, qui doit remplacer l’ASMPA au sein des deux escadrons de l’Armée de l’Air et de l’Espace et des flottilles de la Marine nationale formant la composante aérienne de la dissuasion française. Toutefois, cette capacité, bien que critique pour la défense française, n’aura probablement que très peu d’influence sur le marché international.

BAT 120LG e1686663176399
La BAT-120LG est une bombe légère planante de précision adaptée aux théâtres de moindre intensité pour éviter les dégâts collatéraux, mais également aux engagements de haute intensité pour saturer les défenses adverses

D’autres munitions et capacités pourraient être intégrées au Rafale F5 d’ici à 2030. On pense notamment à des munitions air-sol de précision légères comme la BAT-120 LG de Thales, ainsi que des munitions rôdeuses à moyenne portée, d’autant que ces armes légères trouveraient naturellement leur place à bord des drones de combat épaulant l’appareil, y compris des Remote Carrier.

En outre, il bénéficiera de l’arsenal actuel du Rafale F4, à savoir les missiles air-air Meteor et MICA NG, ou encore des bombes planantes propulsées ASSM particulièrement efficaces.

Dès lors, en 2030, le Rafale F5 disposera d’une panoplie opérationnelle globale et très moderne, parfaitement à niveau voire supérieure en certains points de celle proposée par le F-35, privant ce dernier d’un des atouts clés sur lequel il battit son succès commercial.

4- La révolution du Club Rafale

Le Rafale F5 sera donc un système de combat aérien à la fois très moderne, performant et exceptionnellement bien doté pour lever les défis des décennies à venir. Pour autant, le Rafale F3 pouvait se targuer d’avantages comparables vis-à-vis du F-35A lors de nombreuses compétitions récentes, qui pourtant ont toutes tourné en faveur de l’avion américain.

De toute évidence, Dassault Aviation et le Ministère des Armées ont parfaitement pris en compte les causes de ces échecs, et entendent les corriger avec le Rafale F5, en dotant l’appareil d’un discours et d’un environnement commercial conçus pour s’imposer face à l’avion américain.

En premier lieu, il était nécessaire de poser un discours commercial renouvelé face au F-35. Lockheed-Martin a en effet développé une stratégie commerciale extrêmement efficace ces dernières années, en présentant non pas les performances actuelles de l’appareil proposé, mais les performances et capacités à venir.

Et même si le calendrier et les capacités promises ont été, de toute évidence, bien trop optimistes jusqu’ici, force est de constater que cette approche s’est révélée des plus efficaces.

RAfale grece e1631441818448
Plusieurs opérateurs du Rafale, comme la Grèce, dispose d’une industrie aéronautique qui pourrait participer au développement de l’appareil

Ainsi, lors de la compétition néerlandaise, le Rafale F3 a dû faire la démonstration effective de ses capacités opérationnelles face à de simples promesses techniques et commerciales de Lockheed-Martin, dont un bon tiers n’a pas été respecté depuis. De même, la Suisse a basé sa décision sur des promesses à venir de Lockheed-Martin, tant en termes de budget que de performances.

Jusqu’à présent, la France s’était contenté de protester contre la stratégie américaine dans ce domaine, sans grand succès. Dans le cadre du Rafale F5, elle prend la position inverse.

Non seulement promet-elle, elle aussi, des performances et capacités à venir, mais elle pourra mettre en avant le respect des trajectoires d’évolutions suivies par le Rafale depuis sont entrées en service, y compris pour ses clients. En d’autres termes, le Rafale F5 va se battre avec les mêmes armes, mais des arguments plus affutés contre le F-35A dans les années à venir.

Surtout, simultanément à l’annonce du nouveau calendrier du Rafale F5 visant une entrée en service en 2030, le Ministère des Armées à annoncer la création d’un “Club Rafale”, c’est-à-dire d’une initiative visant à rassembler les utilisateurs tant pour régler les questions de maintenance et d’évolutivité, que pour peser, voire participer, au développement des nouvelles capacités, voire des nouveaux standard du Rafale. Cette stratégie n’est pas nouvelle, le succès du char Leopard 2 reposant en grande partie sur une approche similaire.

Atelier Rafale e1636467534801
la création d’un Club Rafale est révélatrice d’un profond changement de la stratégie commerciale défense de la part de Paris

Mais elle constitue une révolution conceptuelle profonde de l’approche française dans ce domaine, faisant passer chaque utilisateur, présent ou potentiel, au statut de partenaire et d’acteur du devenir de l’appareil et de ses capacités.

Cette nouvelle stratégie va permettre d’intégrer bien plus efficacement les capacités aéronautiques industrielles des utilisateurs du Rafale dans l’écosystème de l’appareil, et constitue de fait un argument de poids en faveur du chasseur français vis-à-vis du F-35A et de son environnement excessivement fermé aux mains de Lockheed-Martin et de Washington.

5- L’argument du prix

Le Rafale F5 pourra, enfin, d’appuyer sur un dernier argument de poids face au F-35A dans les années à venir : son prix. Non pas que l’appareil français sera moins onéreux à l’acquisition que le chasseur de Lockheed-Martin.

Depuis le début de ce bras de fer entre Lockheed-Martin et Dassault, les deux appareils ont systématiquement évolué dans une gamme de prix similaire pour acquérir les appareils ainsi que les systèmes, munitions et l’ensemble des services nécessaires à leur mise en œuvre.

Toutefois, depuis de nombreuses années, il apparait que les couts de possession du F-35A, non seulement ne parviennent pas à baisser pour atteindre les objectifs fixés par l’US Air Force initialement, mais au contraire, ne cessent de croitre, bien au-delà de la seule inflation.

F35 factory e1631106027989
En dépit des engagements de Lockheed-Martin, les couts de possession du F-35 demeurent très élevés, et tendent même à croitre plus vite que l’inflation

Jusqu’à présent, cette dérive a été ignorée dans les compétitions d’équipement auxquelles le chasseur a participé, tant du fait du discours parfaitement huilé de Lockheed-Martin soutenu par le Département d’État américain, que par une évidente myopie, volontaire ou non, des négociateurs européens, coréens ou australiens à ce sujet.

Toutefois, le sujet commence à être de plus en plus difficile à ignorer, y compris pour son principal utilisateur, l’US Air Force, qui, sans remettre en cause son attachement à l’appareil, est contrainte à d’importantes circonvolutions dans le domaine de la planification budgétaire pour parvenir à contenir la bombe à retardement que représentent les couts de possession de l’appareil.

Et il en ira de même sur la scène internationale. En effet, si jusqu’à présent les clients potentiels pouvaient feindre la bonne foi pour ignorer les signaux dans ce domaine, de sorte à pouvoir effectivement se tourner vers l’appareil offrant un environnement technologique et opérationnel en devenir le plus prometteur, ce ne sera plus le cas dans les années à venir, les dérives budgétaires du F-35 devenant de plus en plus évidentes et impossibles à ignorer, alors que les atouts opérationnels promis auront été gommés, et parfois largement surpassés par les nouvelles capacités du Rafale F5.

Conclusion

Comme nous venons de le voir, l’arrivée du Rafale F5, et dans une certaine mesure, sa seule annonce, vont profondément faire évoluer le rapport de force entre le chasseur français et son principal adversaire, le F-35A américain. Avec des capacités opérationnelles renouvelées venant flirter avec la 6ᵉ génération de combat, des appendices et munitions de nouvelle génération, et une stratégie commerciale en rupture profonde avec la tradition française, le chasseur de Dassault Aviation fera, dans les années à venir, bien plus que jeu égal avec l’avion de Lockheed-Martin, et ce, dans presque tous les domaines.

Reste que les résultats potentiels de cette stratégie sont difficiles à évaluer. En effet, lorsque le Rafale F5 entrera en service, l’immense majorité des forces aériennes européennes seront d’ores et déjà équipées du F-35A/B, partiellement ou intégralement, faisant de l’appareil un standard qu’il sera très difficile de déloger au sein de l’OTAN, comme auprès des principaux acteurs de la sphère occidentale du théâtre Pacifique.

Torando arabie saoudite e1686663335606
Les forces aériennes saoudiennes vont prochainement devoir remplacer leur flotte de 81 Panavia Tornado

De même, beaucoup de forces aériennes majeures du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud, auront déjà entrepris leur modernisation, et le marché adressable par le F5, en dehors des clients existants ou en négociation à court terme (on pense à l’Irak, à la Serbie et peut-être à la Colombie), sera réduit, sauf à ce qu’une nouvelle vague de tensions internationales viennent à engendrer une nouvelle phase de densification des moyens aériens dans le monde.

Il reste toutefois certaines alternatives potentiellement importantes pour le nouveau chasseur français. On pense par exemple à l’Arabie Saoudite qui va devoir remplacer les Panavia Tornado ainsi que ses F-15 dans les années à venir, soit près de 150 appareils, mais également au Maroc qui devra remplacer ses F-5 et F-1 pour répondre à la modernisation des moyens algériens. Certains pays d’Amérique du Sud, au-delà de la Colombie, vont, eux aussi, devoir moderniser leurs forces, comme le Pérou et l’Équateur.

En Europe, enfin, la Hongrie devra bientôt remplacer ses Gripen, alors que certains utilisateurs du F-35 dotés de flotte réduite, car onéreuse, comme le Danemark ou la Belgique, pourraient considérer l’avion français pour accroitre leur masse.

Quoi qu’il en soit, il apparait que le Rafale F5 sera, en bien des aspects, bien plus qu’une nouvelle version du joyau de Dassault Aviation, mais un véritable nouveau départ pour l’appareil, qui par là pourrait effectivement voir son horizon opérationnel comme commercial se redessiner en profondeur pour les décennies à venir.

On peut difficilement souhaiter mieux pour le seul chasseur à l’ADN exclusivement européen du moment.

Article du 14 juin en version intégrale jusqu’au 26 novembre 2023

Fabrice Wolf

Fabrice Wolfhttps://meta-defense.fr/fabrice-wolf/

Ancien pilote de l’aéronautique navale française, Fabrice est l’éditeur et le principal auteur du site Meta-defense.fr. Ses domaines de prédilection sont l’aéronautique militaire, l’économie de défense, la guerre aéronavale et sous-marine, et les Akita inu.

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au-delà ? Partie 1/2

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au-delà ? Partie 1/2

L’arrivée du standard Rafale F5 pour 2030, comme annoncé par le Ministre des Armées, Sébastien Lecornu, dans le cadre de la LPM 2024-2030,va non seulement doter le chasseur de Dassault Aviation de nouvelles capacités, elle pourrait également profondément transformer le marché des avions de combat, y compris face à un Lockheed-Martin F-35 qui semble intouchable aujourd’hui.

Après presque une décennie de vaches maigres et de doutes, entre 2005 et 2015, le Rafale s’est imposé comme un des plus importants succès de l’industrie de défense française en matière d’exportation, alors que le nouveau standard Rafale F5 arrivera en 2030.

En effet, depuis la première commande de 24 Rafale F3 par l’Égypte en février 2015, le chasseur français a aligné les succès, au Qatar et Inde dans un premier temps, puis en Grèce, en Croatie, en Indonésie et bien évidemment aux Émirats Arabes Unis, les 80 Rafale F4 commandés par Abu Dhabi pour 14 Md€ étant le plus important contrat à l’exportation jamais signé par la BITD française.

De fait, avec 284 livrés, commandés ou sous engagement pour l’exportation d’une part, et 225 chasseurs devant armer à terme les forces aériennes françaises de l’Armée de l’Air et de l’Espace et de l’aéronautique Navale, le Rafale est aujourd’hui un succès colossal pour Dassault Aviation et l’ensemble de la team Rafale, ce d’autant que d’autres contrats à l’exportation sont attendus dans les mois à venir, peut-être avec des annonces lors du prochain salon du Bourget.

Il faut dire que le Rafale ne manque pas d’arguments à faire valoir. Très équilibré, offrant une polyvalence rare, et des performances aéronautiques appréciées, l’appareil dispose également d’une électronique embarquée moderne et performante, et d’un ensemble de munitions et autres systèmes embarqués en faisant l’un des meilleurs chasseurs du moment, et ce, dans tous les domaines.

Le Rafale F5 pourrait venir mettre à mal la position hégémonique du F-35
Le F-35 s’est imposé comme le standard de fait de l’OTAN, aussi bien au sein des forces aériennes américaines qu’Européennes.

En dépit de ces atouts indiscutables, le Rafale n’est jamais parvenu à s’imposer face au F-35A de l’Américain Lockheed-Martin, que ce soit lors des compétitions européennes (Pays-Bas, Suisse, Finlande, Belgique …) ou asiatiques (Corée du Sud, Singapour).

Il faut dire que le Lightning II dispose de nombreux arguments à faire valoir au-delà du seul soutien du Pentagone et du Département d’État américain, arguments suffisamment différenciés pour justifier, au moins du point de vue du discours, d’une génération d’écart avec ses principaux concurrents européens comme le Gripen E/F suédois, le Typhoon et le Rafale français.

Et de fait, le F-35A (et parfois B) s’est systématiquement imposé partout où l’appareil était proposé, et est même au cœur d’une certaine rupture de ban de la part d’alliés des États-Unis s’étant vus refuser l’appareil, comme l’Arabie Saoudite et la Thaïlande.

Mais les choses pourraient bien changer dans les années, voire dans les mois à venir. En effet, à l’occasion des débats parlementaires autour de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, le Ministère des Armées a tracé une trajectoire pour l’avion français très ambitieuse, parfois même révolutionnaire vis-à-vis des us français ces dernières années, et susceptible de profondément faire évoluer le positionnement relatif du Rafale sur la scène internationale, en particulier face au F-35 américain.

Assemblee nationale lpm
La Loi de Programmation militaire a été votée par l’Assemblée Nationale par 408 voix contre 87

De fait, d’ici, le Rafale F5, épaulé de drones Neuron et évoluant dans un techno-système international articulé autour du “Club Rafale”, aura 5 atouts à mettre en avant pour s’imposer face au chasseur de Lockheed, étudiés dans cet article en deux parties.

1- Le Rafale F5 sera-t-il premier Système de Combat aérien opérationnel sur le marché international ?

Jusqu’à l’arrivée des commandes de vol électriques, la mission principale du pilote était de piloter l’appareil, c’est-à-dire de le garder dans son domaine de vol, tout en effectuant les tâches et remplissant au mieux les missions confiées. Avec l’arrivée des commandes de vol électrique, avec le F-16 ou le Mirage 2000, le pilotage fut confié à l’appareil lui-même, le pilote (ou l’équipage) étant alors en charge de la trajectoire, du combat et de la conduite de mission au sens plus étendu.

Avec la modernisation des systèmes embarqués, de plus en plus de tâches ont été confiées à l’avion lui-même. De fait, à bord d’un Rafale F3R, le pilotage et le contrôle de la trajectoire de vol ne représentent qu’une infime partie de la charge de travail dans le cockpit.

panoramic cockpit 13 May 2022.627d51d4cead7.png
Le cockpit full glass du F-35 contribue à donner à l’appareil une stature futuriste très séduisante pour les décideurs occidentaux

C’est dans ce domaine que le F-35 dispose d’un des arguments contre les Rafale, Typhoon ou Gripen aujourd’hui. En effet, l’avion Lockheed-Martin prend non seulement en charge le pilotage, mais aussi une grande partie de la mission de combat, le pilote ayant pour fonction de déterminer la meilleure conduite à tenir pour mener la mission et répondre à l’environnement.

De fait, l’efficacité du F-35 dépend beaucoup moins de l’aguerrissement de l’équipage que pour les autres appareils, ce qui est censé simplifier les procédures et même les exigences de recrutement, formation et entrainement des équipages, tout en améliorant les capacités opérationnelles finales. Cet argument a notamment fait mouche en Suisse, un pays dont la Défense fait face à d’importantes difficultés pour maintenir le niveau d’entrainement de ses équipages.

Le Rafale F5, lui, évoluera à un tout autre niveau. En effet, il sera, à l’instar du programme SCAF rassemblant l’Allemagne, l’Espagne et la France, un Système de Combat Aérien, basé sur un système de systèmes, et non un avion de combat faisant office de vecteur principal de ses moyens mis en œuvre, comme c’est encore le cas du Rafale F4.

SCAF 2
Le programme SCAF européen devait être le premier système de combat aérien de 6ᵉ génération sur le vieux continent. Il se pourrait que le Rafale F5 lui vole ce titre.

Pour y parvenir, le Rafale F5 va être doté de drones de combat intégrés à son propre système, Neuron et Remote Carrier, chaque drone ayant un niveau d’autonomie comparable à celui du F35 aujourd’hui, et contrôlé par le Rafale lui-même, l’équipage ayant pour fonction de coordonner et optimiser l’efficacité de ce système de systèmes.

De fait, si le F-35A est, pour ainsi dire, l’archétype de ladite 5ᵉ génération d’avion de combat, le Rafale F5 sera l’un des premiers représentant de la 6ᵉ génération, qui se caractérise précisément par cette nouvelle architecture.

Et si l’US Air Force a effectivement annoncé qu’elle entendait doter 300 de ses F-35A de drones de combat, à l’instar du Rafale F5 épaulé du Neuron et des Remote Carrier, tout indique à ce jour que ces drones de type Loyal Wingam attachés au programme NGAD, ne seront pas, au moins pour un temps, proposés sur la scène internationale.

Même si le F-35 venait à se voir doter de drones de type Loyal Wingman, ses avantages relatifs liés à la 5ᵉ génération, comme la furtivité et la fusion de données, auront été gommés ou amoindris dans l’effort pour intégrer la 6ᵉ génération, alors que le Rafale, lui, pourra s’appuyer sur des exigences beaucoup plus caractéristiques de cette nouvelle génération, notamment en termes de capacité d’emport et d’autonomie.

2- Neuron, Remote Carrier : une gamme complète de drones de combat et d’appui

Car le Rafale F5 ne sera pas qu’un avion, mais en techno-système opérationnel étendu et complet, s’appuyant notamment sur deux types de drones de combat, voire trois en y intégrant le RPAS Mâle européen. Ainsi, dans un amendement présenté lors du vote de la LPM 2024-2030, le Ministère des Armées a précisé que conjointement au Rafale F5 serait développé un drone de combat dérivé du programme de démonstrateur Neuron. Il s’agira, de toute évidence, d’un effort visant à développer un drone ailier, à l’instar de ceux développés aux États-Unis dans le cadre du programme NGAD, en Australie avec le MQ-29 Ghost Bat ou en Russie avec le S-70 Okhotnik-B.

Conçu pour être particulièrement furtif tant sur le spectre électromagnétique qu’infrarouge, le Neuron représente en effet une base de travail particulièrement adaptée pour développer un drone de combat ailier capable d’accompagner et d’étendre les capacités opérationnelles du chasseur, en transportant et mettant en œuvre ses propres senseurs (radar, infrarouge, optronique…) ainsi que ses propres munitions, le démonstrateur disposant à ce titre d’une soute à munition capable d’accueillir 2 bombes de 250 kg.

800px Dassault nEUROn 1
Dassault va developper un drone de combat dérivé du Neuron pour assurer la fonction d’ailier des Rafale F5

Il est probable que le drone de combat qui sera développé d’ici à 2030, sera relativement différent du démonstrateur Neuron, notamment pour pouvoir accueillir et mettre en œuvre des senseurs et armements plus étendus, mais également pour s’intégrer pleinement et efficacement au système de systèmes du Rafale F5.

On ignore à ce jour si le drone résultant sera développé pour pouvoir être mis en œuvre à bord du PAN Charles de Gaulle et de son successeur, ce qui représenterait un avantage significatif, surtout si, comme le Rafale, le drone est capable d’employer un Skijump.

Si le développement du “Neuron” interviendra dans le cadre du Rafale F5, les industriels français, notamment MBDA, sont également engagés dans le développement d’une autre famille de drones de combat, en l’occurrence les Remote Carrier du programme SCAF.

La version lourde de cette famille de drones de combat aéroportés est développée par Airbus DS. La version légère, pouvant être mise en œuvre à partir d’un chasseur et non d’un appareil lourd de type A400M, est, quant à elle, développée par MBDA France, et trouvera toute sa place au sein du Système de Combat Aérien Rafale, qui mériterait probablement de s’appeler SCAR plutôt que Rafale F5 pour en marquer le caractère disruptif.

remote carrier 100 i remote carrier 200
Les Remote Carrier du programme SCAF sont, eux aussi, supposés entrer en service en 2030, et pourraient donc très probablement s’inviter bientôt à bord du Rafale F5

Or, selon les informations distillées jusqu’à présent au sujet du pilier Remote Carrier du programme SCAF, les premiers RC devaient justement entrer en service, tant à bord et au profit des Rafale français que des Typhoon allemands et espagnols, au début des années 2030, c’est-à-dire sur la même échéance que celle annoncée par le Ministère pour le Rafale F5 et le Neuron.

En disposant simultanément d’un drone de type Loyal Wingman, très furtif et potentiellement embarqué, ainsi que de drones de combat légers de type Remote Carrier, le Rafale F5 proposera alors un environnement opérationnel et technologique entièrement renouvelé et probablement unique sur la scène internationale.

Fin de la première partie –

Un fusilier marin est décédé en service à Tahiti, en Polynésie française

Un fusilier marin est décédé en service à Tahiti, en Polynésie française

marine tué.jpg

par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 10 novembre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Le ministre des Armées a annoncé le décès du quartier-maître de première classe, Clément Elard. Ce fusilier marin est décédé en service en Polynésie française. Ce militaire était affecté à la compagnie de fusiliers marins (CFM) Bernier de Lanvéoc (Finistère); il était en déploiement de courte durée. 

Selon Polynésie 1, neuf militaires participaient à une marche d’aguerrissement  dans la vallée de Mahateaho, dans la commune de Hitia’a o te ra. En difficulté et ayant constaté la disparition d’un des leurs, ils ont alerté les secours. Huit militaires ont été secourus mais le corps de leur camarade a été localisé  “en contrebas d’une cascade, accroché à un arbre”. Son décès a été constaté par les secouristes (une cinquantaine d’hommes a été mobilisée) après l’intervention d’un hélicoptère Dauphin de la Marine.

Audition de l’amiral Nicolas Vaujour (CEMM), Assemblée nationale, le 5 octobre 2023

Audition de l’amiral Nicolas Vaujour (CEMM), Assemblée nationale, le 5 octobre 2023


 

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, nous recevons à présent le nouveau chef d’état-major de la marine, l’amiral Nicolas Vaujour, pour sa première audition budgétaire, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2024.

Amiral, je vous félicite pour cette nomination venant couronner un parcours exemplaire au sein de la marine nationale, qui vous a conduit à la fois à servir et à commander de nombreux bâtiments, des frégates de surveillance, des frégates de défense aérienne, des Aviso. Vous avez effectué des missions sur presque toutes les mers et océans du monde, mais vous avez également occupé de hautes fonctions tant à l’état-major de la marine qu’à l’état-major des armées.

Le PLF 2024 sera le premier exercice budgétaire de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030. La Marine, comme les autres armées, bénéficiera d’un surcroît de ressources, dans un monde marqué par des tensions croissantes. Je pense naturellement à l’Ukraine, mais également à l’Asie où nos compétiteurs multiplient des démonstrations de force, notamment dans l’océan Indien, qui constitue une zone cruciale pour nos approvisionnements énergétiques. Je pense également aux nouvelles formes de conflictualité dans de nouveaux espaces, comme le cyber ou les fonds marins, qui représentent autant de menaces que d’opportunités.

Face à ce contexte, notre commission éprouve trois préoccupations principales. De quelle manière ce contexte oblige-t-il la Marine à se transformer et dans quelle mesure les ressources supplémentaires apportées par la LPM y contribueront-elles ?

La deuxième préoccupation porte sur nos coopérations, en particulier avec nos partenaires européens, qu’il s’agisse de la coopération capacitaire ou de la coopération opérationnelle. Pourriez-vous nous préciser où en sont ces programmes d’armement, dans le cadre européen, otanien ou en bilatéral ? Je pense en particulier à celui des corvettes de patrouille ou à la guerre des mines.

Enfin, au-delà de la transformation des coopérations, une troisième préoccupation concerne les hommes et femmes qui servent dans la Marine. Nous sommes conscients des enjeux complexes d’attractivité et de filiation auxquelles les armées sont soumises, en particulier dans la Marine, dont les sujétions sont particulières, notamment en raison de l’éloignement. Un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) part parfois pour des périodes de soixante-dix ou quatre-vingts jours sous les mers. Je me souviens d’une discussion avec Alfost, qui me disait qu’il sera toujours possible de composer avec la technologie, mais qu’il est plus difficile de trouver des jeunes marins volontaires prêts à partir dans une « boîte de conserve » pendant de telles durées.

Amiral Nicolas Vaujour. Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui et tiens d’abord à rendre hommage à mon prédécesseur, l’amiral Vandier, qui a accompli pendant ses trois années de mandat un travail absolument extraordinaire, notamment pour renforcer la préparation au combat de la Marine. C’est un honneur de lui succéder et de poursuivre les projets qu’il a initiés.

Au cours de mon premier mois dans mes nouvelles fonctions, j’ai effectué la tournée des ports de la Marine. Je me suis rendu à Toulon, à Lorient, à Brest et à Cherbourg. J’ai également rencontré un grand nombre de mes partenaires internationaux à l’International Seapower Symposium organisé par la Marine américaine, où une centaine de chefs d’état-major de marine du monde étaient rassemblés.

Je retire de cette tournée un grand nombre d’enseignements. Nos marins sont déterminés, motivés et engagés dans l’ensemble des missions de la Marine, tous les jours de l’année, sous l’eau, sur l’eau, dans les airs, à terre. Nos jeunes font preuve d’un véritable sens de l’engagement et ont pleinement conscience des enjeux auxquels nous faisons face.

Nos états-majors travaillent pour les marins qui sont en mer. Ainsi, je leur demande toujours ce qu’ils accomplissent pour nos militaires en opérations, car il s’agit là de notre raison d’être. L’ambition qui m’a été fixée a pour objet de préparer une Marine de référence en Europe, mais aussi une Marine globale, puisque l’ensemble de nos territoires se répartissent partout à travers le monde.

Je voudrais commencer par répondre à votre première question qui portait sur la transformation de la Marine au regard du contexte stratégique. Je peux la reformuler de la manière suivante : quelle est la transformation de notre espace de manœuvre aujourd’hui ? Cet espace se modifie largement. Ces modifications entraînent des changements dans notre capacité à trouver des points d’accès, des partenaires sur qui nous pouvons compter — et qui peuvent changer au fil du temps — pour contenir les débordements de certaines grandes puissances qui veulent affirmer ou étendre leurs zones d’influence, pour protéger les approches non seulement outre-mer, mais également les approches dans les eaux autour de l’hexagone. De fait, l’ensemble de ces sujets me conduisent à dire que nous connaissons une véritable transformation de notre espace de manœuvre, dont nous devons tenir compte pour proposer de nouvelles capacités et modes d’action, afin de répondre aux crises qui émergent.

Votre deuxième question porte sur la coopération capacitaire. En réalité, celle-ci est native à un très grand nombre de nos programmes. Par exemple, nous avons construit des frégates Horizon avec l’Italie. Certains objets sont donc communs, dès le départ, surtout le système de combat, et notamment le système Aster. De la même manière, nous allons effectuer la rénovation des frégates de défense aérienne en coopération avec les Italiens.

Par ailleurs, je tiens à insister sur un point essentiel : nous avons travaillé sur une révolution technologique. Ainsi, nous transformons une fonction stratégique de la Marine, la guerre des mines, avec l’usage de drones. Cette transformation stratégique de l’ensemble d’une fonction, sa « dronisation », a été d’abord travaillée en coopération avec les Britanniques. Désormais, le démonstrateur a été créé et nous mettons en place une nouvelle coopération avec la Marine néerlandaise et la Marine belge. De fait, nous sommes constamment à la recherche de la meilleure solution. Avec mes homologues belges et néerlandais, nous effectuons le même pari, celui d’une guerre des mines qui sera demain une guerre dronisée. En revanche, les Belges et les Néerlandais vont choisir des options qui ne sont pas identiques aux nôtres ; mais l’essentiel consiste à pouvoir échanger pour évoquer les options qui seront retenues de part et d’autre. Il en sera de même demain, lorsque nous mènerons des évolutions.

En outre, dans le domaine capacitaire, nous continuons à travailler sur les missiles Aster. Le système de combat aérien du futur (SCAF) fait naturellement partie des réflexions avec nos partenaires. En résumé, la coopération capacitaire est native, dans la mesure où elle est absolument essentielle, d’une part pour répartir les coûts ; et d’autre part parce que les bonnes idées naissent de ces coopérations.

La puissance navale est fréquemment envisagée sous la forme de trois piliers : le nombre, la technologie et les savoir-faire. À partir de ce socle de trois piliers, il est essentiel d’ajouter un élément complémentaire: les partenariats. En effet, les partenariats renforcent la puissance navale : malgré le nombre de bateaux, la technologie et le savoir-faire, sans partenariat, il est difficile d’obtenir de bons résultats. Les partenaires offrent bien plus que la masse et ils fournissent également des accès, c’est-à-dire la connaissance d’une certaine zone. Ils apportent une vision du monde différente, qui nous enrichit.

Ces partenariats s’avèrent essentiels pour mener à bien les travaux d’interopérabilité, qui ne se résument pas à la connectivité. L’interopérabilité comporte certes une part technologique et des procédures, mais elle se fonde aussi sur la confiance. Ainsi, quand je me suis rendu à Newport, ma tâche était aussi de créer de la confiance, à travers des échanges. De la même manière, j’ai reçu hier mon homologue grec à Lorient. Cette capacité partenariale se manifeste aussi à travers nos déploiements dans le cadre des missions réalisées sous la bannière de l’Union européenne, notamment dans l’océan Indien. Elle intervient également au sein de l’Otan. Nous avons multiplié notre participation aux forces permanentes de l’OTAN par un facteur trois depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Votre troisième interrogation concernait les ressources humaines. Lors de ma prise de commandement de la Marine sur le pont du Dixmude à Toulon, le ministre m’a donné une feuille de route et m’a confirmé que le premier des enjeux était celui de la fidélisation. À ce titre, je dresse ma stratégie RH selon trois axes : je dois donner envie de rentrer, je dois donner envie de rester et je dois donner envie de progresser. Dans ce cadre, je considère que les axes majeurs sont les deux derniers : la Marine a la chance aujourd’hui de répondre plutôt bien au besoin et parvient à recruter suffisamment. Cependant, je suis bien conscient que cette attractivité n’est pas gagnée à vie. Il me faut recruter chaque année 3 600 personnes, mais particulièrement dans des spécialités critiques au sujet desquelles nous menons des plans d’actions particuliers pour alimenter l’ensemble de notre filière. Ensuite, nous devons leur donner envie de rester. Nous disposons à ce titre d’un certain nombre d’objets qui ont été posés dans la LPM et qui vont entrer immédiatement en action. Enfin, nous devons leur donner envie de progresser, en leur confiant des responsabilités croissantes, pour les faire accéder à un grade supérieur. En résumé, nous mettons en œuvre une véritable stratégie pour conserver l’ensemble de nos talents, qui sont fort nombreux. Notre Marine est pleinement engagée pour remplir les missions qui lui sont ordonnées.

M. le président Thomas Gassilloud. J’ai particulièrement relevé votre évocation de l’ensemble des milieux dans lesquels la marine opère : sur la mer, sous la mer, dans les airs, voire dans l’espace, grâce à certains vecteurs. Je rappelle également que la haute mer représente 60 % de la surface mondiale — la France possédant la deuxième zone économique exclusive (ZEE) au monde — mais aussi que 60 % de la population mondiale habite à moins de 150 kilomètres des côtes, que 90 % du volume du commerce mondial de marchandises se réalise par voie maritime et que 99 % du trafic internet passe par les câbles sous-marins.

M. Yannick Chenevard (RE). La situation internationale conduit de nombreuses nations à réévaluer leur politique de défense. La politique de défense a longtemps été estimée comme secondaire, tant le monde devait, selon Hegel ou Fukuyama, sonner la fin de l’histoire, c’est-à-dire la fin des combats entre idéologies. Nous savons désormais qu’il n’en est rien. Cependant, les dégâts causés dans les esprits et dans certaines armées étrangères ont été considérables.

La France, comme la plupart des démocraties, n’y a pas échappé. Il suffit pour s’en convaincre de vérifier la non-exécution des LPM durant trente ans, jusqu’en 2018. En ce qui concerne la marine, à l’exception de la dissuasion nucléaire, qui a été totalement préservée, certaines capacités ont été conservées, mais parfois de manière échantillonnaire. À partir de 1990, notre marine a subi une véritable saignée, ses bâtiments de combat passant de 135 à 85.

Désormais, l’objectif du format 2030 est conforté par la nouvelle LPM. Des unités ont d’ailleurs déjà été livrées ou sont en construction. En 2024, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) et une frégate de défense et d’intervention (FDI) seront livrés dans les forces. Des lots de torpilles lourdes Artemis, des bâtiments de guerre, des mines, des missiles mer-mer Exocet, ainsi que des robots sous-marins autonomes seront commandés. À Toulon, les bassins Vauban seront renforcés, tout comme les infrastructures à Brest. La livraison d’équipements connexes destinés à nos SNA et des hangars d’accueil des systèmes de lutte anti-mines marines futur (SLAMF) sera effectuée cette année.

La marine peut donc à présent regarder plus sereinement l’avenir dans un monde de plus en plus menaçant, dont l’économie bascule vers la zone indo-pacifique. Pour mémoire, en 2030, cette zone représentera 40 % du PIB mondial. La territorialisation et la contestation rendue possible, y compris par la force des espaces maritimes, nous imposent de renforcer nos outils de souveraineté à l’intérieur de nos onze millions de kilomètres carrés de ZEE.

Outre-mer, le remplacement de nos frégates de surveillance par des navires d’environ 3 000 tonnes devrait débuter à l’horizon 2030. Pouvez-vous nous éclairer sur la nature de l’armement de ces bâtiments et l’évolution du projet de construction de ces corvettes ? Nous avons d’ailleurs voté un amendement largement porté par plusieurs de nos collègues présents ce matin, qui, constatant les lacunes créées par la disparition des bâtiments de transport légers (Batral), envisage la construction de ce type de bateau. La définition du besoin est-elle en cours ?

Quelle évaluation pouvons-nous porter sur les SNA dits de nouvelle génération (SNA-NG) et des patrouilleurs outre-mer (POM) récemment admis au service actif ? Enfin, la zone maritime de l’océan Indien prendra, pour les années à venir, de plus en plus d’importance. De quels moyens de surveillance aérienne permanents devrions-nous nous doter ?

Amiral Nicolas Vaujour. Le PLF 2024, première marche de la LPM 2024-2030, symbolise bien la transformation de la Marine. S’agissant de la guerre des mines, nous allons effectivement disposer en 2024 du premier module dronisé de lutte contre les mines. Le prototype arrivera à Brest cette année. Au cours de ce PLF, d’autres modules seront commandés et nous initierons les travaux du bâtiment de guerre des mines. En 2024 seront également livrés un nouveau SNA, le Tourville ; un deuxième POM, qui ralliera son port-base outre-mer et la FDI Amiral Ronarc’h qui fera sa première sortie à la mer. Cette transformation capacitaire est en cours. Après une LPM de réparation, la LPM actuelle en est la consolidation, et vient produire des effets véritables pour les opérations que nous devons mener. La Marine se construit dans le temps long.

Ensuite, des travaux sont en cours sur la corvette hauturière pour mieux cerner les besoins et le cadre dans lequel nous pouvons l’acheter, ainsi que le type d’armement, qui doit être à la hauteur des menaces des zones de déploiements. Vous avez bien souligné que les espaces se durcissent, ce qui nécessitera des ajustements, notamment pour ces corvettes hauturières. Les études prennent précisément en compte les menaces auxquelles feront face ces bateaux. Pour le moment, je reste prudent, dans la mesure où le contrat n’a pas encore été signé.

S’agissant des bâtiments de type Batral, une demande d’étude a été déposée. À mon avis, notre stratégie sur les outre-mer est très pertinente. Elle stipule que chaque plot outre-mer doit pouvoir répondre à l’ensemble des enjeux auxquels nous faisons face.

Pour ce qui concerne les POM, je suis très satisfait de l’Auguste Bénébig qui a rallié sa zone, mais également du deuxième POM, qui est en train de terminer sa phase de montée en puissance, avant de rallier son port d’attache. Ils offriront de meilleures capacités d’autonomie et de déploiement. Je rappelle que plus de 40 % de nos eaux de souveraineté sont situées dans des espaces immenses, dans lesquels nous devons être capables d’aller loin et longtemps en équipage. Nous allons étudier notre capacité à pouvoir répondre à nos besoins de transport, en prenant en compte des bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) et les engins de débarquement amphibie standard et répondent de manière plus ou moins adaptée à nos problématiques.

Nous allons également bénéficier du renouvellement de la composante aérienne de surveillance des espaces maritimes grâce au remplacement de nos Falcon 200 par des Falcon 50, mais aussi grâce au futur programme Avsimar et à ses Albatros. Ici encore, ces aéronefs témoignent de la transformation de la Marine. En 2024, un Falcon 50 arrivera ainsi à Tahiti pour remplacer le Falcon 200 Gardian. En 2025, les Falcon 50 se répartiront outre-mer.

Je répondrai à la question sur la classe Suffren lors de la partie à huis clos.

M. Pierrick Berteloot (RN). La France possède le deuxième domaine maritime mondial, avec 10,9 millions de kilomètres carrés de ZEE, dont 97 % bordent ses outre-mer. Notre territoire national s’étend sur la totalité des océans, du Pacifique à l’océan Indien, de la terre Adélie à Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour assurer notre souveraineté sur ces vastes étendues, nous disposons de 111 bâtiments, soit trois fois moins que les États-Unis et la Chine. Notre flotte est donc clairement sous-dimensionnée. Certes, nous avons fait un choix stratégique heureux pour notre marine il y a plusieurs années, qui a consisté à conserver la totalité de nos capacités stratégiques en pariant sur la complémentarité de nos forces et la polyvalence. Dans ce cadre, nos frégates multi-missions (FREMM) servent autant pour assister nos sous-marins que pour escorter notre porte-avions dans le cadre du groupement aéronaval. Nous disposons donc d’une pleine capacité d’action. Mais se pose alors un problème : nous sommes à flux tendu et ne disposons pas des forces nécessaires pour défendre notre souveraineté sur l’entièreté de notre territoire en cas de conflit de haute intensité.

Même en temps de paix relative, nous sommes de plus en plus contestés dans nos espaces ou ceux de nos alliés. Je pense par exemple aux tensions en Méditerranée orientale entre la Grèce et la Turquie, alors qu’Ankara promeut son projet Mavi Vatan. Nous devons également rivaliser en force avec des puissances parfois alliées, parfois concurrentes, qui arrivent à produire des navires lourdement armés en un temps record. Face à ces défis, la mobilisation d’une frégate ne suffit plus à asseoir une posture crédible. Je rappelle que la Chine met tous les dix-huit mois à l’eau l’équivalent de la flotte française et qu’elle affiche ses ambitions territoriales.

Pour complexifier encore la situation, d’autres théâtres d’opérations émergent. Je pense aux fonds marins où la présence de câbles et de pipelines en fait un lieu stratégique de premier ordre. Je pense en outre à la fonte des glaces et aux nouvelles routes maritimes qu’elle créera, mais aussi aux spéculations quant à la présence d’hydrocarbures nouvellement accessibles.

Enfin, nous vivons un monde multipolaire où des puissances commencent à contester à bas bruit, pour le moment, nos possessions ou celles de nos alliés. Au vu de ce PLF 2024, quelles seront les missions de la marine les plus en tension du fait de notre sous-dimensionnement ? En cas de conflit majeur, comment pouvons-nous nous adapter en conséquence pour demeurer crédibles ?

Amiral Nicolas Vaujour. Le binôme composé des patrouilleurs d’outre-mer et des avions de surveillance maritime permet d’obtenir de meilleurs résultats qu’auparavant : l’autonomie du patrouilleur permettra d’aller beaucoup plus loin et l’avion de surveillance maritime bénéficiera d’une meilleure autonomie sur zone. Nous y associons également la surveillance satellite de nos espaces maritimes.

Nous effectuons une surveillance précoce par les systèmes satellitaires, nous procédons à une vérification avec un avion et n’envoyons un bateau qu’au « bon moment » et au « bon endroit », de façon à être le plus efficace possible. Nous obtenons de meilleurs résultats dans la lutte contre la pêche illicite en Guyane, en Polynésie française ou contre le narcotrafic. Cette LPM marque, dans le sillage de la précédente, une évolution assez majeure en termes de volumes financiers. Aujourd’hui, nous remplissons nos missions et des partenaires nous demandent de les aider à lutter contre la pêche illicite, notamment dans le Pacifique.

La mission de protection de notre souveraineté est au cœur de notre action et, aujourd’hui, nous répondons aux défis auxquels nous sommes confrontés. Notre modèle doit s’adapter et le PLF le prend en compte. La Marine est soumise au temps long, notamment pour la fabrication de gros objets comme les SNLE de troisième génération ou le porte-avions. Cependant, le PLF offre une première marche et nous fournit des capacités pour structurer l’ensemble de ces programmes. Ensuite, face aux enjeux immédiats du temps court, nous devons être agiles et adaptables.

Lorsque je m’adresse à mes troupes, je mets précisément l’accent sur ces deux volets : la détermination du temps long et l’agilité du temps court. La détermination du temps long me permettra de conforter le format de la Marine que vous avez confirmé en LPM. L’agilité du temps court consiste pour moi, PLF après PLF, à embarquer une nouvelle technologie qui me permet de disposer de la supériorité au bon moment, au bon endroit, en fonction de la crise à laquelle je vais devoir répondre.

Or ces crises sont multiples et singulières. À chaque niveau de crise, nous devons ainsi répondre de manière différente. Lorsque nous protégeons nos eaux souveraines, nous agissons seuls, avec nos moyens. En revanche, face à une crise en Méditerranée ou dans l’océan Indien, nous nous efforçons de voir quels sont les partenaires avec lesquels nous voulons travailler. Dans l’océan Indien, nous avons créé la mission EMASoH-Agenor dans laquelle nous avons intégré tous nos partenaires européens pour protéger les flux économiques qui irriguent l’Europe. Ainsi, le gain que j’obtiens avec les partenariats me permet de renforcer, de mon côté, soit la protection de mes eaux souveraines, soit les missions qui me sont ordonnées. Sur le théâtre méditerranéen, nous pouvons travailler directement avec l’Espagne, l’Italie, la Grèce, mais également l’OTAN, en fonction de ce que nous voulons réaliser.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). De quelle manière l’inflation vous impacte-t-elle ? Quelles mesures mettez-vous en place pour essayer de la compenser ? Ensuite, nous avions évoqué assez longuement le système de drone aérien pour la marine (Sdam) lors de l’étude de la LPM. Quelles sont les perspectives de ce programme ?

Dans le programme 146, l’action 09.56 évoquant les missiles de croisière navals (MdCN) signale une baisse draconienne des crédits de paiement. Quels seront les effets sur le stock ? À l’action 10.75 concernant le patrouilleur futur, les autorisations d’engagement (1,4 milliard d’euros) s’éteignent, face à une augmentation des crédits de paiement. Que cela signifie-t-il pour l’état réel du programme ?

À l’inverse, pour le programme FlotLog, les crédits de paiement diminuent quand les autorisations d’engagement apparaissent maintenues. Que pouvez-vous nous en dire ?

Amiral Nicolas Vaujour. L’inflation a été prise en compte dans la construction de la LPM, mais également dans le PLF.

Nous sommes sur le point de parvenir à une très grande avancée technologique sur le SDAM. Des essais sont en cours sur la frégate Provence pour réaliser une manœuvre inédite : l’appontage automatique d’un drone hélicoptère sur un bateau, qui n’a jamais été réussi jusqu’à présent. Si nous y parvenons, il s’agira d’une véritable rupture en matière de drone.

Ensuite, une rénovation à mi-vie (RMV) est prévue pour le MdCN, comme pour tous les types de missiles, comme les Aster et les Exocet.

Pour le programme de patrouilleurs hauturiers, nous avons opéré un choix spécifique, en privilégiant des PME navales sur l’ensemble de notre territoire plutôt qu’un seul grand chantier, pour maintenir les savoir-faire et permettre à ces entreprises de participer à l’élaboration de la Marine..

Vous avez évoqué le programme FlotLog, qui s’appelle désormais « bâtiments ravitailleurs de forces » ou BRF. Nous venons de recevoir le Jacques Chevallier qui est parti pour une traversée de longue durée, qui a pour vocation de vérifier les capacités militaires du bateau. Cette phase de test nous en dira plus, mais nous en sommes déjà extrêmement satisfaits. Vous avez relevé des moindres crédits de paiement, mais ils sont liés au report du quatrième BRF en dehors de la LPM. Je ne le perds pas de vue pour autant et, au-delà, la manière dont ces BRF ont été pensés et construits est tout à fait remarquable.

À ce titre, il faut relever que les marines se distinguent par la capacité à capitaliser leur savoir-faire grâce aux retours d’expérience et l’implémentation de nouveaux systèmes. L’expérience recueillie en matière de défense aérienne a été introduite dans nos frégates Horizon, celle provenant des anciennes frégates anti-sous-marines a été réinjectée dans les FREMM. Aujourd’hui, le Jacques Chevallier bénéficie de l’expérience de nos anciens pétroliers ravitailleurs. Celui-ci permet de bien mieux gérer le ravitaillement en vivres, en gasoil, en eau ou en munitions. Il permet également de récupérer les déchets et de les valoriser à terre. Le deuxième BRF est rapidement attendu.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Amiral, bienvenue à bord. Nous vous accueillons avec plaisir pour la première fois dans cette commission. Nous gardons tous un très bon souvenir des auditions de votre prédécesseur, et je ne doute pas que l’excellence de La Royale continuera de s’exercer, de chef d’état-major en chef d’état-major.

Dans le cadre de la commission mixte paritaire, nous sommes parvenus à dégager des marches supplémentaires plus importantes, en début de LPM, notamment pour améliorer la préparation opérationnelle et la disponibilité des matériels ou des équipages. À cet égard, pouvez-vous nous donner quelques tendances sur cette première marche ? Quel est l’effet des décisions qui ont été prises ? Je comprendrais tout à fait si vous préférez me répondre lors de l’audition à huis clos.

Ensuite, pouvez-vous revenir de manière plus détaillée sur les coopérations en Méditerranée et dans l’océan Indien ? Lorsque nous nous sommes déplacés pour assister à un exercice de défense surface-air (DSA), nous avons rencontré une grande variété d’officiers généraux. À cette occasion, j’ai été frappé par la volonté de coopération existant dans le domaine naval, mais également par le concept de Méditerranée élargie promu par nos amis italiens, qui m’apparaît particulièrement intéressant.

Par ailleurs, je souhaite évoquer la guerre des mines. Pouvez-vous fournir des détails sur les principales différences entre l’approche de la marine française et celle de la marine belge dans ce domaine, que vous avez esquissée un peu plus tôt ?

Enfin, l’amiral Vandier insistait beaucoup sur le fait qu’il ne faut pas nécessairement fonctionner dans une logique de RMV, mais plutôt procéder à des améliorations de manière incrémentale sur les navires, tout au long de leur durée de vie prévisible. Où en sont les réflexions sur ce point ?

Je souhaite en outre approfondir la question de M. Chenevard sur nos futures corvettes. Certaines rénovations sont positives, mais elles peuvent parfois paraître incomplètes. Je pense notamment à l’exemple de la rénovation des frégates de type La Fayette, qui bénéficieront de sonars, mais pas de moyens de lutte anti-sous-marine (ASM). Comment est-il possible de traiter ce type de problématique ?

Amiral Nicolas Vaujour. Nous nous inscrivons dans une dynamique de consolidation de notre préparation opérationnelle, qui implique à la fois une disponibilité technique, mais aussi des exercices et des tests de nos systèmes. S’agissant de la disponibilité, la marine a mis en place des contrats verticalisés sur l’ensemble des bateaux, en sachant que 75 % des contrats de maintenance sont soumis à concurrence, ce qui nous permet à la fois d’intégrer de nouveaux entrants sur le marché, mais aussi de diminuer les coûts. La verticalisation se met d’ailleurs en place pour les contrats aéronautiques. Elle permet en outre d’offrir aux industriels une meilleure visibilité, grâce à des contrats pluriannuels qui sont soutenus, PLF après PLF.

Vous avez ensuite évoqué les coopérations. Celles-ci s’effectuent en fonction de nos intérêts et des zones spécifiques. En Méditerranée, nous avons vocation à échanger avec les Italiens, les Espagnols et les Grecs. Dans le même ordre d’idée, lorsque je regarde l’Atlantique, je parle avec mon homologue britannique. Nous échangeons ainsi des informations, de manière à conforter différentes postures et à œuvrer de manière complémentaire.

À ce titre, je poursuis l’initiative de l’amiral Vandier qui a instauré des exercices conjoints de préparation opérationnelle du haut du spectre avec la marine italienne. Sur le PLF 2024, nous allons ainsi réaliser en avril prochain l’exercice Polaris, de manière commune, la version italienne de l’exercice s’appelant Mare aperto. À cette occasion, nous pourrons travailler avec deux groupes, l’un avec le porte-avions italien Cavour et l’autre avec le Charles-de-Gaulle.

Nous sommes extrêmement satisfaits de travailler avec ces nations, avec lesquelles nous partageons un certain nombre d’enjeux. D’un point de vue stratégique, nous devons être capables de nous déployer ensemble et de transmettre le même message, en Européens.

Vous m’avez également interrogé sur la guerre des mines. J’ai déjà indiqué précédemment que cette guerre des mines correspondait désormais à la dronisation d’une fonction complète. Une expérimentation est actuellement menée à Brest, où un drone de surface qui tracte un sonar remorqué est téléopéré en temps réel par une équipe à terre, à l’aide de l’intelligence artificielle. Il s’agit de gagner du temps, dans le cadre d’une véritable rupture technologique, qu’il a fallu faire mûrir. Les enjeux étaient multiples : ils portaient sur l’autonomie des drones de surface et des drones sous-marins, mais aussi sur le système d’intelligence artificielle et la base de données. Le premier module de lutte contre les mines sera livré à Brest en mars 2024. Sur place, le bâtiment qui abritera le centre de commandement à terre du système de drone est en cours de construction.

Comme vous l’avez relevé, notre approche est différente de celle retenue par les Néerlandais et les Belges. Les systèmes de drone ne sont pas figés pour plusieurs d’années, ils évoluent régulièrement. Aujourd’hui, dans le système de guerre des mines, il existe quatre grandes fonctions : la détection, la classification, l’identification et la neutralisation. Les Français, les Belges et les Néerlandais ont opéré le même choix pour la détection et la classification : il s’agit d’un sonar tracté. En revanche, le système est différent pour l’identification et la neutralisation. L’émulation est saine entre nos différents industriels, dans ce domaine.

En outre, nous réfléchissons à la meilleure manière de mettre à l’eau le drone à partir du futur bâtiment de guerre des mines. Le design du drone sera commun et nos partenaires en disposeront avant nous, ce qui me permettra de bénéficier des leçons qu’ils tireront de leurs premières expériences, car nous avons pris la décision de partager l’information extraite du retour d’expérience. Cette rupture technologique est porteuse de risques, mais en travaillant ensemble, nous les mutualisons et les limitons.

Je vous remercie pour les crédits votés en direction des premières marches de la LPM. Ils nous permettent également de mettre en place deux programmes importants : ÉVOL SNA et ÉVOL Frégate.

Nous avons commencé ce travail avec la classe Suffren, sur laquelle nous mettons en place des évolutions, afin de conserver le meilleur niveau technologique pour nos équipements. Je veux développer l’injection d’innovation à bord des bateaux, le plus rapidement possible. À titre d’exemple, nous allons placer un data hub à bord de la Provence, pour bénéficier de la gestion de données massive et de l’intelligence artificielle sur ce bateau. Pour y parvenir, nous procédons par tests, en lien avec différentes PME.

Vous avez enfin évoqué la RMV des frégates de type La Fayette (FLF), dont j’ai été l’initiateur, lorsque je travaillais à l’état-major des armées. Celle-ci a été mise en place dans un cadre de très fortes contraintes budgétaires, à l’époque. Pour rénover le système de combat, nous avons ainsi choisi de nous inspirer de celui qui venait d’être développé pour le porte-avions. Dans la même logique, le sonar retenu a été celui de la FDI.

Aujourd’hui, je suis très satisfait de disposer des capacités que nous avons pu installer sur les FLF. Je rappelle que ces bateaux ne possédaient pas initialement de capacités anti sous-marines. Ces frégates disposent aujourd’hui d’un sonar, même si elles ne sont pas dotées de torpilles. Cependant, je dois souligner l’aide précieuse fournie par la DGA pour la RMV des FLF. Finalement, nous avons pu produire une action cohérente, qui a permis de prolonger la durée de vie de nos frégates, qui nous sont essentielles. Encore une fois, je suis satisfait de ce que nous avons accompli dans ce domaine.

En revanche, pour les FDI et les FREMM, nous nous attachons à réaliser une évolution continue, au fil du temps, pour intégrer les évolutions technologiques. Vous m’avez donné les vecteurs nécessaires, et il me revient désormais de les utiliser à bon escient.

M. Jean-Pierre Cubertafon (Dem). Amiral, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter pour votre nomination. La marine nationale a toujours été très discrète au sujet des missions de ses sous-marins nucléaires d’attaque. Cependant, il semblerait que le 26 septembre dernier, un SNA de la classe Rubis ait fait surface à Tromsø, au nord de la Norvège. La présence d’un sous-marin nucléaire français dans cette base navale est inédite. Nous savons que le Grand Nord est stratégiquement important, tandis que les dérèglements climatiques ouvrent de nouvelles perspectives économiques.

Un budget précis est-il fléché sur la politique de la marine nationale pour les pôles, et particulièrement pour le grand froid ? Les États-Unis ont ainsi investi près de 1,8 milliard d’euros, depuis 2017, pour le financement de trois brise-glace polaires lourds. À titre de comparaison, le patrouilleur Astrolabe n’a coûté que 50 millions d’euros. La Marine nationale prévoit-elle des investissements significatifs afin d’améliorer son dispositif capacitaire opérationnel dans les zones polaires ? Jugez-vous par ailleurs que les investissements actuels sont suffisants ?

Amiral Nicolas Vaujour. Je ne peux répondre en séance publique sur les questions concernant le Rubis. En revanche, je peux vous indiquer que l’achat de l’Astrolabe a été effectué grâce à un montage innovant. Le bateau est opéré et entretenu par la Marine, il est doté d’un équipage de la Marine, mais il ne lui appartient pas. Les Terres australes et antarctiques françaises ont acheté le bateau, même si nous les avons aidées à monter ce programme. Nous l’opérons pour ravitailler nos terres en Antarctique et nos stations scientifiques. Nos allers et retours s’effectuent à partir d’Hobart en Australie. Ce partenariat assez innovant fonctionne très bien. En Antarctique, il n’existe pas réellement de menace militaire, mais nous y avons des intérêts. Nous garantissons le ravitaillement du pôle et nous profitons de ce bateau pour patrouiller dans les eaux de nos terres australes, notamment dans le canal du Mozambique, pour affirmer notre souveraineté dans notre ZEE.

Dans le Grand Nord et donc dans l’Arctique, la situation est différente puisque la compétition de puissances y est réelle. Dans cette zone, la « tectonique des puissances » est à l’œuvre, aidée par le réchauffement climatique, qui dévoile au fur et à mesure des terres et des fonds marins exploitables. Les puissances, notamment la Russie et la Chine, y sont présentes. Nous avons donc le devoir d’observer ce qui s’y passe. Je sais que l’Assemblée nationale a également établi un groupe d’étude sur les zones polaires, auquel nous sommes d’ailleurs associés.

Il y a quelques années un bâtiment de la Marine a emprunté le passage du Nord-Est. À cette occasion, nous avons eu l’opportunité d’emmagasiner des connaissances sur l’évolution du climat dans cette région. Plus globalement, il faut profiter de la période actuelle pour réfléchir à la manière dont nous, Français et Européens, voulons nous positionner sur ce grand sujet de l’Arctique. En ce qui nous concerne, nous déployons des bateaux dans le Grand Nord, en coopération avec les Norvégiens, mais également d’autres pays, pour mieux connaître et mieux appréhender cet environnement très particulier. Il y fait naturellement très froid et la navigation dans les glaces est particulièrement exigeante.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je m’associe à mes collègues pour saluer votre nomination. L’année 2024 verra la livraison de nombre de bâtiments à la marine, laquelle s’inscrit dans un programme de LPM sur le temps long. À ce titre, je rappelle avoir porté un amendement concernant des études à réaliser pour un deuxième porte-avions.

Les missions de la Marine se déploient sur un espace maritime extrêmement vaste, depuis la métropole jusqu’aux territoires ultra-marins et sont donc soumises à la « tyrannie des distances ». Pour exercer ces missions exigeantes, vous avez naturellement besoin d’hommes et de femmes. Par conséquent, je souhaite évoquer les contraintes en ressources humaines, que j’ai pu apprécier lors de divers déplacements sur les bases.

Pouvez-vous nous éclairer sur les mesures que vous envisagez de prendre pour faire face aux enjeux de l’attractivité et de la fidélisation, notamment auprès de la jeunesse ? Vous avez ainsi évoqué plus tôt le triptyque suivant : donner envie de rentrer, donner envie de rester et donner envie de progresser. Quelles actions menez-vous pour recruter des jeunes ?

Par ailleurs, je souhaite évoquer les outre-mer et les enjeux associés, tels la sécurisation des routes maritimes, des câbles sous-marins et des matériaux critiques et rares. Certains golfes, comme ceux de Guinée ou du Mozambique, représentent des zones clefs pour sécuriser les routes du commerce mondial. À ce titre, j’ai toujours considéré qu’à La Réunion, notre base militaire devait devenir un pôle de projection. Des travaux seront-ils effectués en ce sens pour y accueillir encore plus de bateaux ?

Amiral Nicolas Vaujour. Notre jeunesse est prête à s’engager à partir du moment où elle trouve du sens dans cet engagement. Il faut lui donner envie, d’abord en mettant en valeur le drapeau et l’histoire de notre Marine à travers les siècles.

Ensuite, en matière de ressources humaines, nous menons une bascule. Au préalable, nous recrutions des marins pour les transformer en spécialistes. Aujourd’hui, nous allons procéder de la manière inverse, ce qui modifie l’équation. Ainsi, nous avons créé un BTS nucléaire à Cherbourg, qui nous permettra d’alimenter la filière marine, pour disposer, demain, de responsables de réacteurs nucléaires sur le Charles-de-Gaulle ou dans des sous-marins. En lien avec l’Éducation nationale, nous allons contribuer à leur formation. De même, nous avons créé avec l’Education nationale des baccalauréats professionnels dédiés au monde naval, le dernier en date étant le « bac mécatronique ». Il s’agit d’une formation commune qui s’adresse à la fois aux mécaniciens et aux électriciens. Elle n’intéresse pas uniquement la Marine, mais aussi des grands groupes comme Naval Group ou CMA-CGM. Ces « mini-filières » permettent d’alimenter au bon niveau nos armées et nos industries.

Nous avons besoin de tous dans la Marine. Les mousses sont extraordinaires, ces jeunes ont envie de s’engager, mais malheureusement, ils n’ont pas réussi jusque-là à y parvenir. Nous leur tendons la main et sommes payés en retour. Lorsque je commandais le Chevalier Paul, un mousse barrait le bateau et il était fier, car nous lui faisions confiance. En résumé, notre axe majeur en matière de ressources humaines concerne l’adaptation de la formation pour être les plus efficaces possibles, au sein d’un dispositif gagnant-gagnant pour l’Education nationale, la marine et, de manière plus large, l’industrie.

Mais l’engagement ne porte pas que sur l’engagement initial, il se nourrit au quotidien. Je demande à mes commandants d’insister dessus lorsqu’ils exercent leur leadership. Nous devons conserver cette attention pour « l’escalier social », qui contribue aussi à la force de nos armées et de la Marine en particulier. Un marin embauché comme matelot est devenu amiral commandant aux Antilles. Un autre matelot est devenu un des commandants du Tourville. Opérateur sonar, il est devenu commandant de SNA. Nous devons absolument préserver cette richesse extraordinaire, donner envie d’embarquer, envie de progresser.

Vous avez également évoqué à juste titre La Réunion en tant que pôle de projection. La Réunion est au cœur de routes maritimes qui ne sont pas très connues, mais qui sont en réalité très importantes, comme la route de Malacca, au sud de l’Afrique du Sud. Lors de sa tournée de longue durée, le Jacques Chevallier accostera à La Réunion, ce qui nous permettra de tester la manière dont nous pouvons ravitailler non seulement un patrouilleur outre-mer, mais aussi une frégate.

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Je vous remercie d’avoir évoqué la guerre des mines, y compris pour évoquer les infrastructures sur la base navale de Brest. Je vous suis également reconnaissant d’avoir mentionné la stratégie polaire. Il existe en effet dans ce dernier domaine une ébauche de programmation pluriannuelle, à travers une proposition de loi en cours d’élaboration, qui a pour objectif d’offrir une meilleure visibilité à la recherche, sur le long terme.

Je souhaite vous poser quelques questions, dont certaines pourront peut-être faire l’objet de développements lors de la partie à huis clos de cette audition. La première porte sur les réserves, auxquelles le PLF 2024 attribue 20 millions d’euros supplémentaires et 3 800 équivalents temps plein (ETP). Combien d’entre eux seront-ils dévolus à la marine et à quelle intention ? Au-delà, que voulez-vous faire de cette réserve ? Quelle est la doctrine retenue, quelles sont les missions envisagées ?

Ensuite, comment abordez-vous aujourd’hui les ressources humaines pour la période où le Charles-de-Gaulle et le porte-avions nouvelle génération seront tous deux disponibles simultanément ?

Enfin, je souhaite évoquer notre stratégie d’accès dans l’océan Indien, à laquelle je m’intéresse particulièrement. Je reviens de Djibouti, l’un de nos points d’appui dans la zone. Je souhaiterais que vous puissiez détailler l’ensemble des outils dont dispose la France dans cette région. Quelle est notre stratégie d’accès face à des stratégies de déni d’accès de plus en plus renforcées ?

Amiral Nicolas Vaujour. La LPM nous offre une capacité d’évolution majeure pour les réserves, que nous allons mettre en œuvre autour de plusieurs axes. Nous disposions d’une réserve structurelle, construite autour d’anciens marins, que nous conservions pendant cinq ans à dix ans, dans des domaines d’expertise de niche.

Désormais, l’évolution nous permet d’aller plus loin, à partir de deux axes. Le premier axe concerne le rajeunissement. Il nous faut profiter d’experts à la pointe des dernières évolutions. Je souhaite à cet effet évoquer un exemple spécifique. Aujourd’hui, pour donner des cours dans un domaine technologique pointu, je peux soit solliciter un réserviste opérationnel venant directement dans l’industrie pour nous instruire sur ce sujet. Nous créons des unités de réserve opérationnelle à Toulon et à Brest, qui vont nous permettre d’intégrer plus de jeunes, mais également des unités de réserve opérationnelle thématiques, dont les membres pourront intervenir ponctuellement, par exemple sur une journée ou une semaine.

Le deuxième axe concerne les Flottilles côtières, soit un axe de territorialisation sur l’ensemble de notre façade atlantique. Nous voulons mettre en place des petites unités territorialisées, qui puissent bénéficier des expertises, localement. Dans cette frange côtière entre 0 et 6 nautiques, nous n’avons pas nécessairement de besoin de grandes compétences, mais surtout de volonté, de bon sens et de présence. Ces premières flottilles côtières débuteront durant le PLF 2024, à l’été prochain. Je proposerai au ministre des lieux d’implémentation.

Ensuite, vous m’avez interrogé sur les enjeux des ressources humaines, en lien avec le porte-avions nouvelle génération. Pendant que le Charles-de-Gaulle sera toujours opérationnel, le deuxième porte-avions montera en compétences. Nous le qualifierons donc pour naviguer et recevoir des avions ; quand il sera prêt, nous transfèrerons la charge d’un bateau à l’autre. Ce rendez-vous se prépare dès maintenant : au titre du PLF 2024, nous embaucherons les marins du prochain porte-avions nouvelle génération. Les 74 matelots inscrits au PLF seront prêts à exercer des fonctions expertes lorsque le porte-avions sera livré.

La manœuvre est initiée et fait l’objet d’une surveillance évidemment toute particulière, puisqu’au sein du millier de personnes nécessaires pour armer l’équipage du porte-avions, nous aurons besoin de spécialistes, qu’il s’agisse de spécialistes des installations aéronautiques, de spécialistes nucléaires ou de matelots spécialisés. Cet effort débute maintenant et je remercie encore une fois le Parlement d’avoir initié cette grande montée en puissance, laquelle est évidemment stratégique pour nos armées et pour notre marine tout particulièrement.

Vous avez également évoqué Djibouti et notre stratégie d’accès. Je souhaite en profiter pour évoquer une unité dont je n’ai pas parlé depuis le début de l’audition, mais qui constitue l’une de nos « pépites », le Mica Center, situé à Brest. Le Mica Center est composé d’une soixantaine de personnes, dont 29 réservistes, qui assurent jour et nuit l’alerte au profit de notre marine marchande, tout particulièrement dans le golfe de Guinée et l’océan Indien. Cette structure a été créée en 2016. Ces soixante personnes travaillent directement au profit des opérations EMASoH-Agenor et Atalante.

Si vous prenez une carte du golfe de Guinée, y compris une carte anglaise, vous y trouverez le numéro de téléphone du Mica Center. Ce numéro permet de transmettre une alerte. Celle-ci est traitée par nos marins français, anglophones, qui sont capables de vous informer pour vous indiquer où se situent le bateau le plus proche ou les aides dont vous pouvez disposer. Cette capacité à traiter l’information maritime est à la fois unique et absolument essentielle. Nous la consolidons en permanence et nous l’ouvrons également à nos partenaires. Les Britanniques et les Espagnols y participent, et les Italiens pourraient nous rejoindre. Cette manière de procéder est reconnue par l’industrie maritime aujourd’hui et nous proposons à chaque armateur de s’inscrire volontairement, dans une démarche gagnant-gagnant.

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Je tiens à indiquer à la commission que lorsque je me suis rendu à Djibouti, j’ai eu l’occasion de constater que nos amis américains font part d’un très vif intérêt pour ce système, qu’ils tiennent en très haute estime.

M. le président Thomas Gassilloud. Pour ma part, je souhaite vous soumettre une suggestion, amiral. Nous venons d’auditionner le chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, qui nous parlé de trois axes d’effort : la spécialisation, la territorialisation et la création potentielle d’une base aérienne de réserve, afin de disposer d’un vivier de recrutement. Le projet d’une base navale de réserve vous semble-t-il pertinent ? Elle pourrait par exemple être implantée à Marseille.

Amiral Nicolas Vaujour. Nous allons créer trente unités opérationnelles d’ici 2030, soit environ 5 000 réservistes, qui seront répartis sur la façade maritime mais également outre-mer. Je précise que le chef d’état-major des réservistes est lui-même réserviste. La structuration de la réserve est donc opérante et nous allons fournir les moyens nécessaires, en termes d’infrastructures et de capacités. Nous allons procéder de manière progressive mais, dès l’été 2024, nous créerons deux unités, avant d’évoluer en fonction des besoins complémentaires.

M. Frank Giletti (RN). Alors que l’ascenseur social est en panne dans une large partie de notre société, il ne faudrait pas que les armées soient elles aussi atteintes par ce phénomène. Parmi les critères d’évaluation qui me semblent intéressants figurent les commandements de nos principaux navires. Ainsi, parmi les principaux navires de la flotte française, quelle est la proportion de ceux qui sont commandés par des officiers non issus du cursus direct de l’École navale ? Les futurs tableaux de commandement intègrent-ils ce paramètre ?

S’il est parfaitement normal que les officiers recrutés par la voie directe commandent la plupart des navires de notre flotte, permettre à des cursus moins classiques, mais tout aussi exigeants, d’accéder à ces fonctions contribuerait à renforcer l’attractivité de notre marine.

Amiral Nicolas Vaujour. Aujourd’hui, 70 % de nos mousses deviennent quartiers-maîtres, 50 % de nos officiers mariniers étaient précédemment quartiers-maîtres et 20 % de nos officiers sont issus de recrutements internes. Ces éléments attestent de la part non négligeable de fonctions de commandement assurées par des marins qui ne sont pas issus de l’École navale. En réalité, le seul critère qui m’importe concerne la compétence. Je rappelle que le futur commandant du Tourville est un ancien matelot veilleur sonar.

Pour donner envie à nos marins de progresser, nous devons de notre côté jouer le jeu et montrer que la promotion interne fonctionne dans la marine. Le cas du commandant du Tourville permet de donner confiance à tous les autres. Le message est clair : allez-y, vous pouvez y arriver. Nous ne promouvrons pas un interne par obligation ou volonté d’affichage, la compétence prime. J’attends d’abord d’un chef qu’il soit un bon commandant, mais s’il s’agit d’un interne, je ne peux que m’en féliciter.

M. le président Thomas Gassilloud. Amiral, je vous remercie pour votre première audition en tant que chef d’état-major de la marine. Avant de passer à la partie à huis clos, je souhaite faire part de deux appréciations personnelles. Tout d’abord, je souligne votre parfaite maîtrise des sujets alors même que vous avez pris vos fonctions il y a peu. Ensuite, je tiens à signaler votre enthousiasme. Je considère qu’il s’agit là d’une condition importante pour attirer, fidéliser et faire progresser les marins.

Je vous propose à présent d’interrompre cette audition publique, pour passer à la partie à huis clos.

L’audition se poursuit à huis clos

M. José Gonzalez (RN). En 2015, la marine nationale expérimentait de nouveaux concepts de disponibilité opérationnelle à dix jours sur ses porte-hélicoptères. L’objectif consistait à assurer un maintien en condition opérationnelle (MCO) continu de ce type de navire : il s’agissait alors de limiter les arrêts techniques programmés en réalisant des tâches réglementaires hors périodes d’entretien. L’amiral Vandier avait laissé entendre que ce MCO faisait également partie de mesures palliatives prises pour les bateaux les plus anciens, afin de leur permettre de continuer à naviguer en sécurité pour les équipages.

Ce dispositif semble aujourd’hui concerner les frégates multi missions, dont les missions sont de plus en plus longues, notamment grâce au principe de double équipage. Elles opèrent aujourd’hui avec succès à l’étranger, comme ce fut récemment le cas aussi aux Émirats arabes unis.

Amiral, quel est votre vision de la normalisation du développement de systèmes continus pour les frégates multimissions (FREMM) ? Ce PLF 2024 permet-il d’envisager sereinement ce développement ?

Amiral Nicolas Vaujour. S’agissant du MCO en règle générale, je voudrais prendre un exemple personnel. Lorsque je commandais le Chevalier Paul entre 2012 et 2014, le MCO continu était employé sur ce type de navire. Trois niveaux techniques doivent être distingués en matière de MCO : le niveau 1 décrit ce que l’équipage peut réaliser ; le niveau 2, ce que l’industriel peut réaliser et le niveau 3, ce que seul l’industriel doit réaliser.

Il s’avère que les diesel alternateurs ont subi plusieurs pannes lors d’une mission opérationnelle. Nous nous sommes alors interrogés : fallait-il signaler l’indisponibilité du bateau ou tenter de le réparer ? Nous avons réuni les équipages, les mécaniciens et les spécialistes et je leur ai demandé s’ils s’estimaient capables de procéder à cette réparation. Devant leur réponse positive, j’ai pris la responsabilité d’engager cette opération, qui a réussi. J’en ai également rendu compte aux services de soutien, qui n’étaient pas satisfaits de cette initiative, dans la mesure où il s’agissait d’un problème technique de niveau 3, qui aurait donc dû être traité par l’industriel. Mais nous avons entrepris et réussi cette réparation.

Le MCO continu n’est pas tant une affaire contractuelle avec les industriels qu’une question de résilience. La question qui m’importe est la suivante : mes équipages sont-ils capables, au combat, de garantir la disponibilité d’un bateau, notamment lorsqu’ils sont confrontés à une avarie de combat beaucoup plus compliquée à régler que ce qu’ils ont « l’autorisation » de faire ? Face aux temps incertains qui nous font face, nous devons être en mesure de régler les problèmes par nous-mêmes. Aujourd’hui, nous développons ce MCO en continu, qui permet d’améliorer les compétences de nos équipages, afin qu’ils puissent les mettre en œuvre le jour où ils seront soumis aux mêmes problèmes. Le MCO continu arrive désormais à maturité.

Ensuite, le Suffren est une « bête de guerre », dont nous sommes très satisfaits. Le retour d’expérience des Rubis a permis de réaliser un très bon bateau pour diverses raisons. Il est particulièrement adapté à la lutte contre les sous-marins et il embarque un certain nombre de technologies. Le Suffren est notamment équipé d’une barre en X, qui le rend plus manœuvrable. Le MdCN ajoute une capacité militaire redoutable : il permet au sous-marin de s’approcher d’une côte sans être vu et de porter la frappe souhaitée. Le Suffren embarque également un petit sous-marin permettant de larguer des commandos en mission sans qu’ils ne puissent être détectés. Il s’agit là d’une rupture conceptuelle par rapport à la classe Rubis, lui permettant d’agir de manière plus efficace, dans le haut du spectre. Peu de nations sont capables de fabriquer un tel objet technologique, objectivement. Les stocks de MdCN sont connus et conformes aux besoins opérationnels et des crédits sont dégagés dès 2025 pour initier le programme de leur Rénovation à Mi-Vie (RMV). Il est plus difficile de réaliser une évolution des missiles au cœur de leur vie, tant il s’agit d’une technologie de haute précision. Il suffit pour s’en convaincre de visiter l’usine de MBDA à Bourges. Les missiles fonctionnent très bien et leur arrivée sur les Suffren nous permet d’élargir notre périmètre. La France et les armées françaises sont dotées d’une capacité à imposer une décision quand elles le souhaitent.

Ensuite, je souhaite revenir sur le déni d’accès évoqué en audition publique. Il est possible malgré tout de s’en extraire de différentes manières, en fonction des résultats escomptés. Pour des opérations de renseignement, des parachutistes peuvent être projetés à partir d’avion ou des commandos à partir des Suffren. Quand un pays menace nos intérêts et nos enjeux, le porte-avions est capable de projeter de la puissance régulière et nous permettre d’imposer notre volonté. De son côté, le sous-marin permet d’agir discrètement. En outre, dans les zones contestées, les manœuvres amphibies de l’armée de terre permettent de transporter des troupes jusqu’aux zones d’opération.

Nous avons heureusement conservé ces capacités. À l’heure où les accès se restreignent, nous pouvons proposer au CEMA des modes d’action robustes. Chaque armée apporte ses spécificités. Le groupe aéronaval permet de construire une bulle d’hyper-supériorité, en combinant les capacités du porte-avions et celles des frégates d’escorte, qui font partie des meilleures au monde dans le domaine de la lutte antimissile. Cette lutte sera d’ailleurs encore perfectionnée dans le cadre de la LPM, par l’amélioration de nos missiles Aster. Enfin, la veille coopérative d’impact permet de renforcer l’efficacité de notre système : nous faisons partie des rares nations capables d’intercepter des missiles supersoniques en très basse altitude.

M. le président Thomas Gassilloud. Amiral, je vous remercie.

Le PHA Tonnerre va « soutenir » les hôpitaux de Gaza avec des hélicoptères Tigre et NH-90 à bord

Le PHA Tonnerre va « soutenir » les hôpitaux de Gaza avec des hélicoptères Tigre et NH-90 à bord

https://www.opex360.com/2023/10/26/le-pha-tonnerre-va-soutenir-les-hopitaux-de-gaza-avec-des-helicopteres-tigre-et-nh-90-a-bord/


 

 

Vingt-quatre heures plus tard, à l’issue de sa tournée diplomatique au Proche-Orient, au cours de laquelle il s’est tenu sur une ligne de crête en affirmant qu’Israël avait le droit de se défendre après les attaques du 7 octobre tout en cherchant une solution politique à la question palestinienne, M. Macron est revenu sur son idée de forger une coalition contre le Hamas. « Ce que je suis venu dire, c’est que la lutte contre le terrorisme n’est pas l’affaire d’un seul pays. Elle implique des coopérations », a-t-il dit, selon le quotidien L’Opinion [26/10].

Quoi qu’il en soit, le 25 octobre, au Caire, où il s’est entretenu avec le président Abdel Fattah al-Sissi, M. Macron a réaffirmé qu’il fallait « collectivement tout faire pour éviter l’escalade, bâtir une initiative de paix et de sécurité et traiter les causes de ce que nous vivons ».

Et, dans le droit fil des propos qu’il avait tenus, la veille, en Cisjordanie, devant Mahmoud Abbas [alias Abou Mazen] le président de l’autorité palestinienne [« Une vie palestinienne vaut une vie française qui vaut une vie israélienne », avait-il dit], M. Macron a salué la mobilisation de l’Égypte pour « les populations de Gaza » et annoncé l’engagement de la France sur le terrain humanitaire, avec l’envoi d’un « navire de la Marine nationale » en Méditerranée orientale « pour soutenir les hôpitaux » de l’enclave, visée par des frappes aériennes israéliennes et soumise à blocus depuis les attaques terroristes du 7 octobre.

Le bâtiment « partira de Toulon dans les 48 prochaines heures », a précisé M. Macron, avant d’annoncer l’arrivée prochaine en Égypte d’un avion chargé de matériel médical. « D’autres suivront », a-t-il assuré… alors que l’aide humanitaire est acheminée au compte-gouttes depuis le sol égyptien vers Gaza.

Cela étant, à peine M. Macron venait-il de faire cette annonce que l’on appris que le porte-hélicoptères amphibie [PHA] Tonnerre avait déjà appareillé pour rejoindre la Méditerranée orientale, où il retrouvera la frégate multi-missions à capacités de défense aérienne renforcée [FREMM DA] « Alsace » et la frégate de type La Fayette [FLF] Surcouf.

À noter que d’autres pays ont également déployé des moyens navals dans la région, à commencer par les États-Unis, qui ont annoncé l’envoi de deux porte-avions [les USS Gerald R. Ford et USS Dwight D. Eisenhower], d’un groupe constitué par l’USS Bataan avec 2500 soldats de l’US Marine Corps et du navire de commandement et de contrôle USS Mount Whitney.

Selon les Nations unies, dans vingt-quatre ou quarante-huit heures, les hôpitaux gazaouis seront privés d’électricité, faute de carburant pour alimenter leurs générateurs. D’où la mission du PHA Tonnerre qui, pour rappel, dispose à son bord d’un hôpital de rôle 3, équivalent à celui d’une ville de 20’000 habitants. D’une surface de 950 mètres carrés, il est constitué par une vingtaine de locaux, dont un plateau technique, un scanner et deux blocs opératoires. Il a une capacité de 69 lits, dont 50 dédiés aux soins intensifs.

Cela étant, le PHA Tonnerre n’aura eu que très peu de temps pour se préparer à sa nouvelle mission… puisqu’il vient de participer à l’exercice de l’Union européenne [UE] MILEX, qui s’est terminé le 22 octobre, au large de Rota [Espagne].

Pour ces manœuvres, le PHA Tonnerre avait embarqué un sous-groupement tactique, doté de 55 véhicules dont six chars légers AMX-10RC, une section de fusiliers marins et un détachement de six hélicoptères [trois Gazelle, deux Cougar et un Puma].

Pour le moment, le ministère des Armées n’a fait aucune communication sur les capacités embarquées à bord du PHA Tonnerre. Mais selon une photographie prise au moment de son départ de Toulon, on constate la présence de cinq hélicoptères sur son pont d’envol, dont un Tigre et deux NH-90 [TTH?] et, sans doute, deux Cougar.

Par ailleurs, on ignore également la forme que prendra ce soutien aux hôpitaux de Gaza. Si le PHA Tonnerre doit accueillir des malades, comment seront-ils transportés à bord? Via hélicoptère? Ou via ses Engins de débarquement amphibie rapide [EDAR]?

En outre, il n’est pas impossible que le porte-hélicoptères amphibie soit aussi sollicité pour évacuer les ressortissants étrangers [dont beaucoup de travailleurs humanitaires] présents à Gaza, où, pour rappel, au moins neuf autres Français sont retenus en otage par le Hamas.

Le dispositif français en Europe de l’Est

Le dispositif français en Europe de l’Est

par Victor Denis – Esprit Surcouf – publié le 20 octobre 2023
Etudiant en relations internationales

https://espritsurcouf.fr/defense_le-dispositif-francais-en-europe-de-l-est_par_victor-denis_/


Le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a mis en évidence la nécessité de renforcer le flan Est de l’OTAN. Si certains dispositifs préexistaient à l’attaque, la crainte des pays de l’Est de voir le conflit « sortir » de ses frontières ukrainiennes pour s’étendre en Europe a approfondi la coopération militaire des alliés.

La stratégie de déploiement comporte deux aspects : la dissuasion et la défense. C’est dans ce contexte de guerre et de mise en place d’une défense européenne, appuyée par les Etats-Unis, que la France déploie près de 2 000 militaires en Europe de l’Est.

EN ESTONIE, L’OPÉRATION LYNX

/

Crédit photo EMA

L’opération Lynx trouve son origine en 2016, lorsque les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’OTAN se sont réunis à Varsovie afin de renforcer la posture dissuasive et défensive de l’alliance.

Quelques mois plus tard, des présences avancées renforcées (enhanced Forward Presence) sont instaurées dans les pays baltes et en Pologne. Elles consistent en le déploiement de forces otaniennes multinationales visant à renforcer la défense du flanc Est de l’OTAN contre toute attaque ou incursion. La France contribue à l’eFP en Estonie depuis 2017 par la participation d’un Sous-groupement Tactique Interarmes (SGTIA) au sein d’un bataillon britannique, dans le cadre de la mission LYNX.

Le SGTIA a également eu l’occasion d’être déployé en Lituanie en 2018 et en 2020, puis est maintenue en Estonie à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine.

Crédit photo EMA

En mars 2022, la France déploie également un sous-groupement d’infanterie spécialisé dans le combat d’usure en milieu difficile. Aujourd’hui, le détachement français en Estonie compte près de 300 soldats participant aux exercices interarmées et interalliés, issus de la 13e Demi-brigade de Légion étrangère, du 3e Régiment d’artillerie de marine, du 1er Régiment étranger de cavalerie et du 1er Régiment étranger du génie, sur un total de 1 300 militaires otaniens qui y sont stationnés.

Le SGTIA dispose de 18 Griffon, 14 véhicules hautes mobilités, 12 véhicules de l’avant blindés, 5 véhicules blindés légers, 4 canons Caesar ou encore 3 AMX-10 RC. Ils sont accompagnés d’un échelon de soutien national, qui comprend trois porteurs polyvalents logistique avec remorques, et un camion lourd de dépannage.

LA MISSION ENHANCED AIR POLICING (EAP) EN PAYS BALTES

/
Également située dans les pays baltes, EAP est une mission de police du ciel otanienne datée de 2014, dans la continuité des missions de police du ciel réalisées depuis 2004. Reposant sur le principe de volontariat dans le cadre d’un processus rotatif entre les membres de l’OTAN, elle a pour objectif d’assurer l’inviolabilité et la sécurisation de l’espace aérien des pays concernés.

Dans ce cadre, la France est présente en Lituanie avec des Mirages-2000 depuis 2007, et a approfondi son intervention en décembre 2022, dans le contexte de la guerre en Ukraine, par l’intermédiaire d’une centaine de militaires de toutes spécialités (6 pilotes, 40 mécaniciens, 15 fusiliers commandos de l’air…) et de 4 Rafales de la 30e Escadre de chasse. Il s’agit d’une présence non-agressive et non escalatoire. Les Rafales ont ainsi effectué 500 heures de vol, une quinzaine de décollages sur alertes réelles, et ont ainsi intercepté et identifié 27 aéronefs inconnus aux abords de l’espace aérien des pays baltes.

Crédit photo EMA

LA ROUMANIE ET LA MISSION AIGLE

/

De plus, depuis février 2022, la présence française en Roumanie vise à renforcer la posture dissuasive et défensive de l’OTAN. Craignant que la guerre en Ukraine ne déborde sur son territoire, la Roumanie, en tant que pays frontalier, accueille des forces françaises, ainsi que belges et néerlandaises, dépêchées en tant que « Force de réaction rapide » de l’OTAN, et sous commandement multinational. Dans le cadre de cette mission AIGLE, la France déploie un bataillon, prenant la forme d’un Multinational Battlegroup, un détachement Air MAMBA, une Brigade Forward Command Element (BFCE), ainsi qu’un Elément de soutien national (ESN). C’est au sein de ce Multinational Battlegroup que les soldats belges et néerlandais sont accueillis, respectivement au nombre de 300 et de 30. Les militaires français sont quant à eux, au total, plus de 1 000. D’importants moyens sont déployés par la France : 13 chars Leclerc et deux dépanneurs de chars Leclerc, 24 véhicules blindés de combat d’infanterie, 37 véhicules de l’avant blindés, plus de 40 véhicules légers de reconnaissance, ainsi que 3 Lance-roquettes unitaires et 4 CAESAR. Le détachement Sol-air moyenne portée est mis en place à la demande de la Roumanie et de l’OTAN, et inclue un système de défense sol-air MAMBA qui assure la défense anti-aérienne.

Séquence de tirs avec un véhicule blindé de combat d’infanterie – Crédit photo EMA

ENTRE DEFENSE AERIENNE DU FLANC ORIENTAL DE L’OTAN, ET ACTION NAVALE EN MEDITERRANEE

/
A l’Est, la défense aérienne est également assurée par la mission Air Shielding. A la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’OTAN a mis en place un dispositif de patrouilles aériennes, appelées enhanced Vigilance Activities (eVA) puis Air Shielding, et effectives sur l’intégralité du flanc Est (Pologne, Bulgarie, Roumanie, Croatie). Chaque semaine, deux missions Combat Air Patrol (CAP) sont conduites par la France, incluant un ou deux Rafale, ainsi que trois missions de ravitaillement et une mission de détection et de contrôle. Les Rafale et ravitailleurs de l’Armée de l’Air et de l’Espace sont engagés à partir des bases de Mont-de-Marsan et d’Istres, en France. Ces missions s’effectuent en coopération avec les alliés et sous contrôle opérationnel de l’OTAN.

Enfin, la France déploie son Groupe aéronaval (GAN) en Méditerranée et contribue à la posture dissuasive et défensive de l’OTAN sur le flanc Est de l’Europe. Le GAN soutient les missions aériennes Air Shielding et assure des missions de surveillance aéro-maritime. Il a ainsi déployé des Rafales pour une mission de défense aérienne et de surveillance dans l’espace aérien roumain, bulgare et croate. Le GAN est composé d’un porte-avions Charles de Gaulle, d’un Frégate de défense aérienne, d’une Frégate multi-missions à capacité aérienne renforcée, d’une Frégate multi-mission, d’un sous-marin et d’avions Rafales. Près de 3 000 marins y sont déployés.

L’OTAN renforce donc ses positions sur son flanc Est. Les différentes présences françaises en Europe orientale stimulent la défense otanienne, mais aussi la défense européenne. En effet, ces interventions se font certes dans le cadre de l’OTAN, mais elles révèlent également une volonté de certains pays européens, dont la France, d’assurer une autonomie stratégique en matière de défense. Le récent élargissement de l’OTAN à la Finlande, et la candidature de la Suède à l’intégration de l’alliance démontre que celle-ci accroît son importance en Europe orientale, et rassure tant, à l’Est, on s’inquiète d’un débordement du conflit.

(*) Victor Denis est titulaire d’un Master en « Conflictualités et médiation » à l’UCO. Il est également diplômé d’une Licence d’Histoire avec pour spécialité les sciences politiques. Après de premières expériences en politique et au sein d’ONG, il choisit de s’orienter vers la géopolitique et la sécurité internationale.

La France laisse entendre qu’elle n’est pas intéressée par l’idée d’un « porte-avions européen »

La France laisse entendre qu’elle n’est pas intéressée par l’idée d’un « porte-avions européen »

https://www.opex360.com/2023/10/19/la-france-laisse-entendre-quelle-nest-pas-interessee-par-lidee-dun-porte-avions-europeen/


 

« À moyen-long terme, il sera inévitable de se poser la question d’un porte-avions européen », a-t-il en effet déclaré, reprenant ainsi une proposition qui avait été faite en 2019 par Annegret Kramp-Karrenbauer, alors ministre allemande de la Défense.

À l’époque, et au-delà des défis industriels, technologiques et militaires, cette idée avait été écartée par le gouvernement français. « Construire un porte-avions à plusieurs est une chose, le mettre sous un commandement européen en est une autre. Là, c’est beaucoup plus compliqué », avait-il résumé, par la voix de la ministre des Armées, Florence Parly.

Est-ce parce que le nom de Thierry Breton fait partie de ceux cités pour conduire la liste de majorité présidentielle aux prochaines élections européennes? Toujours est-il que, interrogé sur cette proposition de porte-avions européen lors d’une nouvelle audition à l’Assemblée nationale, ce 19 octobre, Sébastien Lecornu, l’actuel ministre des Armées, a fait preuve de « diplomatie ».

« Parler de porte-avions sans parler de groupe aéronaval n’a aucun sens. Ce qui est intéressant tactiquement, c’est le groupe aéronaval dans son ensemble », a commencé par dire M. Lecornu.

Cependant, il a ensuite réfuté l’idée que M. Breton était « hors sol » quand il a avancé cette proposition de « porte-avions européen ».

« Beaucoup de pays européens expriment ce besoin. […] Donc, il y a des réflexions. C’est objectivement un serpent de mer. Donc, Thierry Breton essaie aussi de satisfaire des demandes de pays ayant une marine et ne pouvant évidemment pas se payer un groupe aéronaval », a développé M. Lecornu.

Une précision sur ces pays européens ayant l’ambition de disposer un porte-avions aurait été bienvenue. Parmi les 27, on peut d’ores et déjà rayer de la liste les États membres n’ayant pas de façade maritime [Autriche, Hongrie, Slovaquie, République tchèque]. Quant aux autres, certains ont déjà des difficultés pour se procurer des corvettes ou des frégates… Et peu peuvent se targuer d’avoir une marine de premier rang, notamment pour des raisons géographiques [comme les pays baltes, voire la Bulgarie et la Roumanie].

Il ne resterait donc qu’une poignée de pays européens susceptibles de vouloir un porte-avions européens… sachant que l’Italie dispose déjà de porte-aéronefs [Cavour et Trieste], de même que l’Espagne [Juan Carlos Ier]. Aussi, on peut supposer que l’Allemagne, les Pays-Bas [qui a abandonné ses capacités aéronavales en 1968], voire la Belgique et le Danemark [qui a une forte tradition maritime] seraient sans doute séduits par la proposition de M. Breton.

En tout cas, celle-ci n’intéresse pas la France. Du moins, c’est ce que M. Lecornu a laissé entendre. « Cette déclaration [de M. Breton] n’a aucune incidence sur ce que nous avons lancé, c’est à dire l’entretien du Charles de Gaulle, la modernisation et la soutenabilité de la flotte d’avions embarqués, les travaux du PA NG [porte-avions de nouvelle génération] dont la Loi de programmation militaire consacre son caractère irréversible », a-t-il expliqué.

« Le porte-avions est un instrument de souveraineté absolue », ce qui n’exclut pas sa participation à des missions multinationales ainsi que la présence de navires européens au sein de son groupe aéronaval, a poursuivi le ministre.

« Si on regarde objectivement les choses, en Méditerranée, vous avez un groupe aéronaval américain et vous avez le groupe aéronaval du Charles de Gaulle. Et au fond, ce sont quand même les deux groupes aéronavals qui structurent la sécurité », a-t-il fait valoir. Aussi, « il n’y a pas de sujet sur ce point », d’autant que le porte-avions participe aussi à la dissuasion [via la Force aéronavale nucléaire, FANu], a conclu le ministre.

La veille, également interrogé sur cette proposition de porte-avions européen lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le Délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, a été plus « expéditif » dans sa réponse, en se plaçant du seul point de vue opérationnel [son « couloir de nage », a-t-il dit].

« Je ne vais pas m’exprimer à la place de ceux qui définissent la stratégie politique et les besoins opérationnels. Ce n’est pas à la DGA [Direction générale de l’armement] de le faire. Néanmoins, il faudrait d’abord avoir un besoin commun qui soit exprimé pour un tel outil. Et je rappelle que la France est un pays un peu particulier dans la mesure où elle est une puissance dotée [de l’arme nucléaire, ndlr]. Et donc elle a besoin de capacités de dissuasion qui ne seraient pas forcément les mêmes à l’échelon européen. Nous, on pousse à l’interopérabilité entre les différents systèmes plutôt que s’interroger [sur cette idée de porte-avions européen, ndlr] », a résumé M. Chiva.

Avec le Multi Role Support Ship, Britanniques et Néerlandais conçoivent le croiseur porte-hélicoptères d’assaut

Avec le Multi Role Support Ship, Britanniques et Néerlandais conçoivent le croiseur porte-hélicoptères d’assaut

IMG 0595 Flotte d'assaut | Articles gratuits | Assaut amphibie

Avec le Multi Role Support Ship, Britanniques et Néerlandais conçoivent le croiseur porte-hélicoptères d’assaut


En juin dernier, Britanniques et Néerlandais annonçaient s’être engagés à developper conjointement le Multi Role Support Ship. À mi-chemin entre le porte-hélicoptère d’assaut LPD et le grand navire de soutien logistique, le MRSS était alors présenté comme un bâtiment proche de certaines classes existantes, comme les San Antonio de l’US Navy ou le Type 71 chinois.

À l’occasion du salon DSEI qui vient d’ouvrir ses portes dans la banlieue londonienne, un nouveau visuel, en illustration principale, du navire a été présenté par la ministre de la Défense néerlandaise, Kajsa Ollongren.

Or, celui-ci diffère radicalement des premiers visuels diffusés en juin dernier, et laisse transparaitre une nouvelle approche pour les navires. De prime abord, le navire ressemble à un porte-hélicoptère d’assaut comme il en existe beaucoup.

Le Multi Role Support Ship bien mieux armé que les LPD

On constate, en effet, que l’armement du navire est beaucoup plus conséquent que sur les LPD classiques. Ainsi, en plus d’un imposant canon naval à l’avant, probablement de 5 pouces (127 mm), le navire est protégé par deux systèmes d’artillerie de plus petit calibre sur la passerelle et le roof du hangar aéronautique.

Sea Ceptor CAMM-ER Quadpack
Le système Sea Ceptor et le missile CAMM-ER ont été conçus pour permettre d’intégrer quatre missiles par silo vertical, comme pour le VLS Mk41 américain.

Étant donné la taille des tourelles, il est probable qu’il s’agisse ici de canon de moyen calibre, entre 40 et 57 mm, spécialisé dans la defense antiaérienne et antimissile rapprochée.

Avec un tel calibre, le navire dispose simultanément de puissants systèmes CIWS (Close-incoming Weapon System) à vocation antimissile, que de capacités d’autodéfense rapprochée contre les aéronefs, les drones et les embarcations navales.

16 silos verticaux et 8 missiles antinavires

Un système de 16 silos verticaux apparait dernière la pièce d’artillerie principale. Il s’agit très probablement de missiles destinés à la defense antiaérienne et antimissile du navire, comme le CAMM-ER ou l’ESSM, tous deux capables d’embarquer à quatre missiles par silo avec le système Mk41.

Chaque navire disposerait alors de 64 missiles antiaériens à courte et moyenne portée, capables d’intercepter des cibles supersoniques jusqu’à 50 km, pour se protéger, alors que son artillerie navale assurera un second rideau défensif.

En d’autres termes, là où les navires d’assaut modernes pêchent souvent par leurs capacités d’autodéfense, le Multi Role Support Ship semble, lui, particulièrement bien pourvu dans ce domaine.

Harpoon missile Flotte d'assaut | Articles gratuits | Assaut amphibie
Les conteneurs croisés par quatre observés sur l’illustration principale du MRSS est typique de la disposition classique des missiles antinavires lourds comme le Harpoon, le NSM ou le MM40.

Surtout que deux systèmes, l’un devant le mat intégré, l’autre légèrement en arrière de celui-ci, paraissent être des lasers à haute énergie. La Grande-Bretagne développe, en effet, depuis plusieurs années, ce type de système pour accroitre la défense antimissile et antidrone de ses navires.

De fait, l’intégration de ce type de système à haute énergie pour compléter la protection d’un navire majeur transportant potentiellement 300 Royal Marines, parait tout indiquée.

La chose la plus surprenante, apparue sur le nouveau visuel diffusé lors du salon DSEI, n’est autre que la présence de missiles antinavires lourds sur le navire. On remarque ainsi quatre conteneurs comparables à ceux employés pour les missiles Tomahawk ou Harpoon dans un espace intégré dans la coque après le mat intégré.

Ces missiles peuvent servir à engager des cibles navales en situation d’autodéfense, mais également pour frapper des cibles terrestres en soutien de l’opération aéro-amphibie déployée à partir du navire.

Grande-Bretagne et Pays-Bas imaginent le croiseur porte-hélicoptères d’assaut

En effet, celui-ci dispose toujours d’un radier conçu pour accueillir un aéroglisseur amphibie de type LCAC et une barge amphibie, alors que la plate-forme et le hangar aviation sont dimensionnés pour mettre en œuvre plusieurs hélicoptères dont des appareils de transport Merlin.

Les MRSS pourront donc mener des opérations amphibies, mais d’ampleur moindre de celle qu’un LHD comme les Mistral français ou les America américains pourront mener. Ils seront, en revanche, bien mieux armés que ces derniers, et pourront évoluer avec une escorte réduite, de sorte à accroitre la furtivité de l’opération.

Le Multi Role Support Ship permettra à la Marine royale néerlandaise de prendre la suite du LPD Karel Doorman.
Le Multi Role Support Ship permettra à la Marine royale néerlandaise de prendre la suite du Karel Doorman.

En d’autres termes, les MRSS semblent taillés pour les opérations amphibies de type raids de commando, davantage que pour les grandes opérations aéro-amphibies pour lesquels le dimensionnement de son radier et de ses infrastructures aéronautiques sont trop réduites.

Si le visuel présenté par Kajsa Ollongren au salon DSEI préfigure effectivement de la configuration à venir des Multi Role Support Ship britanniques et néerlandais, ces navires pourraient préfigurer l’apparition d’une nouvelle catégorie de navire militaire, à mi-chemin entre le destroyer et le porte-hélicoptère d’assaut LPD, avec des dimensions le classant aisément comme un croiseur.

Par le passé, certains navires avaient associé la fonction croiseur de celle de croiseur, comme les Moskva soviétiques ou la Jeanne D’arc de la Marine nationale.

Toutefois, jamais un tel navire n’a été doté dans le même temps d’un radier pour mener des assauts amphibies, lui conférant une polyvalence accrue, probablement très utile sur certains théâtres, comme dans le Pacifique.

Pour la première fois, la frégate Alsace a tiré avec succès un missile anti-navire MM-40 Block 3C

Pour la première fois, la frégate Alsace a tiré avec succès un missile anti-navire MM-40 Block 3C

https://www.opex360.com/2023/09/28/pour-la-premiere-fois-la-fregate-alsace-a-tire-avec-succes-un-missile-anti-navire-mm-40-block-3c/


Mercredi 20 septembre 2023, la frégate multi-missions à capacité de défense aérienne renforcée (FREMM-DA) Alsace réalise un tir de missile EXOCET MM40 block3c sur une cible flottante au Levant. Ce tir est réalisé en coopération avec les équipes de la direction générale de l’armement (DGA) ainsi que l’industriel MBDA.

 

Seulement, la Marine nationale a dû patienter pour obtenir ses premières munitions « complexes » de ce type afin d’en équiper ses frégates multimissions [FREMM]. Annoncée pour 2018, leur livraison a finalement eu lieu en décembre 2022. Cela « tient d’une part, des retards industriels dans le développement, et d’autre part, de l’impact de la crise sanitaire [du covid-19, ndlr] sur les capacités industrielles », explique un document budgétaire du ministère de l’Économie et des Finances, publié en mars dernier.

Quoi qu’il en soit, et alors que la Marine nationale a fixé la norme d’un tir de munition complexe par navire de premier rang tous les deux ans afin d’accroître la préparation opérationnelle de ses unités, la frégate multimissions à capacité de défense aérienne renforcée [FREMM DA] Alsace aura été la première à effectuer un tir d’évaluation technico-opérationnelle d’un MM-40 Block 3C, dans une situation « représentative d’un combat en ambiance de guerre électronique », au large de Toulon, le 20 septembre.

« Ce tir a été réalisé avec succès dans des dispositions matérielles et humaines identiques à celles tenues en opération. Le missile a parfaitement suivi la trajectoire prévue, et a démontré les performances de son autodirecteur de dernière génération », a indiqué la Marine nationale, une semaine après cette évaluation, conduite lors de l’opération « Taennchel » [du nom d’un sommet du massif des Vosges, situé dans le Haut-Rhin].

Et de préciser : « la mise en place et la coordination des moyens nécessaires à la conduite et l’analyse du tir [cible marine, radars de trajectographie, moyens de télémesure et moyens optiques] ont été dirigées depuis l’ile du Levant par la Direction générale de l’armement [DGA Essais de missiles – site Méditerranée] qui a mis en œuvre toute son expertise technique ».

Successeur du MM40 B3, « déjà en service au sein de plusieurs marines autour du globe », rappelle MBDA, le MM-40B3C « s’appuie sur le savoir-faire acquis […] tout au long des améliorations successives de ce missile » et « affiche toutes les caractéristiques qui ont fait la renommée du missile, en particulier sa capacité ‘tous temps’ et sa grande flexibilité d’utilisation ». En outre, poursuit l’industriel, il est doté d’un « autodirecteur de nouvelle technologie » et de nouveaux « algorithmes missiles » développés « pour répondre aux nouvelles contraintes opérationnelles de la lutte antinavire ».

D’une longueur de 6 mètres pour un diamètre de 50 centimètres et une masse de plus de 800 kg, le MM-40B3C peut atteindre une cible située à plus de 200 km de distance, en volant à une altitude de 2 mètres [vol en sea-skimming, ndlr]. Ayant une faible signature radar et infrarouge, il a une capacité « tire et oublie » grâce à son système de navigation inertielle et son autodirecteur électromagnétique actif. Il est également en mesure de « discriminer » les cibles.

« Ce tir d’évaluation opérationnelle d’un EXOCET MM-40B3C, réalisé depuis la frégate multi-missions Alsace, a été un succès total. Il démontre les nouvelles capacités de cette toute dernière génération du missile, des évolutions majeures adaptées à un contexte de haute intensité », s’est félicité Éric Béranger, le PDG de MBDA.

« Je suis extrêmement fier de cette nouvelle réussite, l’EXOCET est pour MBDA un véritable symbole, et ce succès est une nouvelle preuve de l’excellence humaine et technique de MBDA. Je tiens à remercier les équipes de la DGA et de la Marine nationale pour la réalisation de ce tir », a-t-il conclu.