Ukraine : l’affrontement à venir, un instant de vérité ?

Ukraine : l’affrontement à venir, un instant de vérité ?

 

D’abord quelques liens permettant l’accès aux replays de mes interventions :

L’affrontement militaire de grande ampleur, instant de vérité, se précise en Ukraine. Le « façonnage » (« shaping ») du champ de bataille se poursuit : désinformation, opérations de déception, guerre électronique, frappes dans la profondeur par les deux belligérants, sabotages ou attaques ciblées non revendiqués en Russie, combats aussi sur le terrain pour tester le dispositif adverse, accumulations d’équipements. Le doute persiste sur l’attaque ukrainienne mais peut-on croire qu’elle n’aura pas lieu bientôt quand les conditions seront globalement favorables et avant l’automne ? Elle est nécessaire quoi qu’il en coûtera, à la fois pour des raisons géopolitiques, militaires sinon de politique intérieure ukrainienne.

En effet, le créneau pour une offensive généralisée est court et se raccourcit pour les forces ukrainiennes. Or, cette période de fin mai à juin est historiquement favorable à l’affrontement militaire. Napoléon lançait sa Grande Armée le 23 juin 1812 en franchissant le Niémen. L’opération nazie Barbarossa débutait le 22 juin 1941. La bataille de chars à Koursk, 220 km au NE de Kharkiv à laquelle s’est référée V. Poutine dans son discours du 9 mai 2023, mettait aux prises Allemands et Soviétiques du 5 juillet 1943 au 23 août 1943. Une force soviétique de 2 millions d’hommes répondait à l’offensive de 800 000 allemands, avec 3 300 chars contre 2 900, 31 400 canons contre 7 600, 3 000 avions contre 650. Cette bataille certes titanesque montre d’ailleurs en terme de préparation quelques similitudes aujourd’hui du côté russe face à l’offensive ukrainienne (Cf. https://www.histoire-pour-tous.fr/batailles/2961-la-bataille-de-koursk-juillet-aout-1943.html).

Deux facteurs priment aujourd’hui dans cet affrontement entre peut-être un million d’Ukrainiens à peut-être 300 000 Russes sur plus de 800 km de front, les conditions « météo » et le calendrier. Une offensive réussie, c’est-à-dire avec un résultat tangible sur le terrain conduisant à la défaite russe, doit pouvoir se prolonger dans le temps. Elle doit intégrer l’exploitation des succès tactiques par des forces en deuxième échelon, capables de relever celles du premier échelon, c’est-à-dire en première ligne, avec la logistique nécessaire (carburant, munitions, maintenance, service de santé…), et cela avant la mauvaise saison (Cf. Le Monde en date du 20 mai, « Comment l’Ukraine a préparé sa contre-offensive »).

Sur les moyens, le débat sur la livraison d’avions à l’Ukraine se clôt montrant une élévation inexorable du seuil d’engagement des occidentaux dans ce conflit avec le déploiement d’armements de plus en nombreux et performants. Restant dans l’attente de demandes formelles, les États-Unis autorisent la livraison des F16 des Etats européens concernés (Belgique, Pays-Bas, Danemark, Norvège), soit une estimation de 50 appareils dont l’utilité dépendra aussi du nombre de pilotes disponibles. Encore faut-il que ces avions stockés soient remis en état, que leur maintenance soit organisée, les munitions livrées, les pilotes formés. Malgré les affirmations américaines, on peut douter que même un pilote ukrainien « brillant » puisse être formé en quatre mois au lieu de 18. Il est vrai que cela dépend aussi des missions. Cependant l’appui aérien reste nécessaire pour une attaque terrestre d’envergure soit pour appuyer les blindés, soit pour interdire le ciel ukrainien aux avions russes au nombre variant entre 500 et 800. Sauf surprise, il apparaît peu vraisemblable que d’ici l’automne cette force aérienne ukrainienne soit opérationnelle. Cela conduit à deux hypothèses : la contre-offensive réussit amenant une victoire et ces avions assureront la sûreté de l’Ukraine à terme. La contre-offensive échoue et ces avions seront prêts pour la reprise des combats en 2024.

Par ailleurs, les principaux Etats susceptibles de fournir les F16 comme ceux qui vont contribuer à la formation des pilotes (France, Etats-Unis) sont membres de l’OTAN qui affirme de plus en plus clairement son engagement dans ce conflit. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a participé ce 17 mai à la première conférence conjointe des commandants de composante. Organisée au QG du Commandement allié pour les opérations de l’OTAN à Mons, elle a réuni l’ensemble des commandants subordonnés à l’OTAN et au Commandement des forces des États-Unis pour l’Europe (USEUCOM) pour un débat stratégique sur les prochaines étapes de la mise en œuvre du dispositif de dissuasion et de défense collective de l’OTAN. « Si tu veux la paix, prépare la guerre » vise au minimum à dissuader d’une manière crédible tout agresseur mais on ne peut écarter l’hypothèse d’un engagement plus agressif en Ukraine en cas d’incident militaire, aujourd’hui situation restant cependant sous contrôle. En déplacement au Portugal ce 18 mai, M. Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, a précisé que les Alliés enverront au sommet de l’OTAN à Vilnius en juillet prochain « un signal fort de soutien à l’Ukraine par le biais d’un programme d’assistance stratégique pluriannuel permettant à l’Ukraine de passer de l’ère soviétique aux doctrines, équipements et formations de l’OTAN et de parvenir à l’interopérabilité avec l’Alliance ».

De fait, l’Ukraine prend sa place dans l’OTAN comme cela était annoncé dans le communiqué officiel du 3 avril 2008 suite au sommet de Bucarest. « L’OTAN se félicite des aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine et de la Géorgie, qui souhaitent adhérer à l’Alliance. Aujourd’hui, nous avons décidé que ces pays deviendraient membres de l’OTAN. Ils ont l’un et l’autre apporté de précieuses contributions aux opérations de l’Alliance. Nous nous félicitons des réformes démocratiques menées en Ukraine et en Géorgie, et nous attendons avec intérêt la tenue, en mai, d’élections législatives libres et régulières en Géorgie » (Cf. https://www.nato.int/docu/pr/2008/p08-049f.html). Le renforcement de l’armée russe a été engagé par V. Poutine à compter de 2008 et la Géorgie attaquée par la Russie en août 2008.

En ce mois de mai 2023, alors que la ligne de front est aussi testée, le président Zelenski donne cependant l’impression que l’offensive n’est pas prête et multiplie les déplacements à l’étranger à la différence de ces quinze derniers mois : visites en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, au Royaume-Uni, au G7 et, suprême audace, à la Ligue arabe invité par MBS, le prince héritier d’Arabie saoudite. Défendant les tatars de Crimée, musulmans turcophones, un président « juif » bien que non pratiquant, s’exprime devant les 22 membres de la ligue. Malgré les accords d’Abraham, je doute que le président d’Israël ou son Premier ministre auraient pu avoir le même accueil. Bref, est-ce que ces multiples voyages loin du front ukrainien sont un leurre ? Je formule cette hypothèse dans l’article du Figaro du 13 mai écrit par Jeanne Sénéchal, auquel j’ai contribué et que je publie ci-après.

« Guerre en Ukraine : la contre-offensive a-t-elle commencé à Bakhmout ou n’est-ce qu’un leurre ? » le Figaro du 13 mai 2023

Par Jeanne Sénéchal

DÉCRYPTAGE – Jeudi, Zelensky a affirmé que l’armée ukrainienne n’était pas encore prête à lancer sa contre-offensive. Le chef de Wagner, lui, a affirmé que les forces russes fuyaient Bakhmout. Que se passe-t-il réellement à Bakhmout ?

L’ombre de la contre-offensive ukrainienne «de printemps» continue de planer sur Bakhmout, sans savoir quand le couperet pourrait tomber sur les troupes du Kremlin. Fin avril, le ministre ukrainien de la Défense assurait que les préparatifs touchaient à leur fin, et que les grandes manœuvres étaient imminentes. Mais jeudi 11 mai, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rétropédalé et assuré que son armée avait encore besoin de temps pour se préparer. Le lendemain pourtant, la vice-ministre ukrainienne de la Défense a annoncé que les forces de Kiev avaient avancé de deux kilomètres autour de la ville et que les forces russes avaient reculé sur certaines zones proches de la ville à la suite des contre-attaques des forces de Kiev. Que se passe-t-il réellement à Bakhmout ? La contre-offensive a-t-elle commencé, ou l’Ukraine mène-t-elle une opération d’intox, jeu auquel elle excelle ?

Les dernières informations font effectivement état d’une avancée ukrainienne à Bakhmout. Sur Telegram, le commandant des troupes terrestres ukrainiennes explique que «l’opération défensive» en direction de la ville «se poursuit». «Nos soldats avancent dans certaines zones du front et l’ennemi perd de l’équipement et des troupes». Vendredi, le patron du groupe paramilitaire russe Wagner, Evgueni Prigojine, a accusé les troupes régulières russes de «fuir» leurs positions près de la ville. Il faut toutefois rester prudent avec ce type de déclarations: «Dans des phases cruciales comme celle-ci, les informations ne sont pas très fiables», commente Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux.

Avec les informations dont nous disposons aujourd’hui, «nous ne pouvons pas parler de contre-offensive», tranche le consultant. «Cela ressemble plus à une contre-attaque, au sens où tous les jours, il y a des actions sur le front, qui ne sont pas toujours planifiées. Ce sont souvent des opportunités». Pour le moment, les Ukrainiens ne semblent pas vouloir faire de grandes percées, se contentant de faire reculer les lignes russes. Le ministre ukrainien de la Défense utilise notamment le terme «d’opération défensive». Les Ukrainiens testent également le dispositif russe «pour voir si celui-ci est solide, ils tentent d’amasser des forces pour exploiter leur vulnérabilité», commente à son tour le général (2S) François Chauvancy, consultant en géopolitique, docteur en sciences de l’information et de communication. Lorsque l’Ukraine affirme avoir gagné deux kilomètres de terrain, outre l’aspect militaire, «il y a un discours politique qui montre que les forces continuent à avancer», ajoute-t-il.

L’hypothèse d’un «leurre»

De leur côté, les Russes réfutent la percée des Ukrainiens. Alors que le chef de Wagner, Prigojine, affirme que ses camarades russes fuient leurs positions près de Bakhmout. Qui a raison ? Qui ment ? Pour le général Chauvancy, Prigojine est sur le terrain. «Il y a sûrement des vérités, mais cela peut être une opération de déception (les moyens destinés à tromper l’adversaire, ndlr)». «On est dans un aspect très militaire, est-ce que ce n’est pas une communication destinée à Kiev pour leur faire croire qu’ils peuvent y aller ? La réponse sera donnée dans les heures ou jours à venir, si les Ukrainiens qui ont pénétré Bakhmout sur deux kilomètres se font démolir par des Russes qui les attendaient. Cela démontrera également qu’indirectement Prigojine n’est pas un électron libre, mais qu’il est au service du Kremlin.»

Du côté de Zelensky, «curieusement, on ne l’a jamais autant vu à l’étranger en période de guerre , comme si tout allait bien, en démentant la contre-offensive». «Cela pourrait être un leurre», suppose le général. «Zelensky est peut-être en train de détourner l’attention des Russes. Je pense que la contre-offensive ne devrait pas tarder. Les combats qui se déroulent depuis deux trois jours auront montré les faiblesses côté russe. Il faudra alors que Kiev soit en mesure de déployer des forces suffisantes à l’endroit identifié. Et cela ne se fait pas du jour au lendemain», ajoute-t-il. Mais pourquoi avoir évoqué, deux semaines plus tôt, une contre-offensive imminente ? «Cela pouvait être une opération de déception, mais il semble surtout que cela soit un discours de politique intérieure», explique encore le général Chauvancy. «Les Ukrainiens perdaient beaucoup d’hommes à Bakhmout. Il fallait les rassurer, leur dire que leur mort n’était pas vaine».

Pour l’instant, les Ukrainiens poussent quelques kilomètres autour de Bakhmout. «Cela est bon pour le moral, c’est l’occasion de détruire les forces de Wagner et les forces armées russes qui sont fatiguées». Des petites actions entre Donetsk et Zaporijia sont aussi observées ; les Ukrainiens reprennent peu à peu du terrain ces derniers jours. «Cela peut être une diversion, ou ils peuvent préparer de grandes offensives dans ces zones-là. Mais pour être prêt, il faut qu’ils arrivent à prendre quelques points clés». «Nous sommes encore dans une zone de modelage qui peut durer deux à trois semaines», assure de son côté Stéphane Audrand. «Une offensive lancée trop tôt est une catastrophe. Il ne faut pas céder à la panique», prévient le consultant.

«Toute la force de Zaloujny est un pistolet à un coup»

Une contre-offensive est longue à préparer. Stéphane Audrand détaille sa phase préparatoire. La première est celle qui va générer les forces : «On va définir les objectifs politiques et la traduction en opération. Ici, l’objectif général est le territoire national. Pour l’atteindre, il va falloir X opérations. Et pour chacune d’entre elles, il faut générer une force humaine, matérielle et logistique.» «Les Ukrainiens n’ont pas de problème sur le plan humain, sur les effectifs en nombre. Cela commence toutefois à devenir tendu sur certaines spécialités et certains grades». Par ailleurs, cette force est très longue à générer d’autant qu’ils ne sont pas habitués à travailler sur des matériels hétérogènes : «Ils ont toujours travaillé sur des matériels soviétiques, ce n’est pas les mêmes unités de mesure, les mêmes performances ni les mêmes modes d’emploi». Il faut générer les flux logistiques, prépositionner les commandements, les dépôts, les relais, les transports, etc.

Ensuite, vient la phase dite de «modelage» : plusieurs frappes vont être effectuées pour affaiblir des points logistiques et compliquer les renforts ennemis, «afin de mieux préparer le théâtre lorsque le moment de la contre-offensive sera venu». Ce moment sera décidé également en fonction de la météo. «Là on est au printemps et le temps est changeant. Il faut que les sols soient porteurs et que l’aviation puisse voler ou non. Peut-être qu’ils attendent d’avoir un peu de couvertures nuageuses basses pour être tranquille au niveau de l’aviation russe. Cela dépend des fenêtres qu’ils se sont fixées», concède Stéphane Audran. Enfin, il y a la phase d’entrée dans l’offensive : «l’objectif est de pilonner certains points clé, d’écraser les lignes ennemies, de frapper les nœuds de communication et de détection pour désorganiser les renforts ennemis. Il y aura plusieurs phases d’assaut puis une phase de stabilisation, ou les Ukrainiens essaieront de consolider ce qu’ils ont pris pour ne pas se le faire reprendre lors d’une contre-attaque».

«Toute la force du général Zaloujny (le commandant en chef de l’armée ukrainienne, NDLR) est un pistolet à un coup», conclut Stéphane Audrand. «Les forces ukrainiennes ne pourront pas remplacer beaucoup de pertes, il faudra tenir les frontières et pendant plusieurs années. Il vaut mieux avoir un petit succès et ne pas perdre trop de monde, que d’avoir un gros succès et tout perdre».

Général (2S) François Chauvancy

Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François Chauvancy a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Il est expert des questions de doctrine sur l’emploi des forces, sur les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, à la contre-insurrection et aux opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d’influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Depuis mars 2022, il est consultant en géopolitique sur LCI notamment sur la guerre en Ukraine. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde depuis août 2011, il a rejoint depuis mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.

La Roumanie pourrait acquérir environ 250 chars américains M1A2 Abrams

La Roumanie pourrait acquérir environ 250 chars américains M1A2 Abrams

https://www.opex360.com/2023/05/17/la-roumanie-pourrait-acquerir-environ-250-chars-americains-m1a2-abrams/


 

Et celui-ci vient d’être donné par la commission de la Défense de la Chambre des députés. Ainsi, l’armée roumaine sera autorisée à se procurer 54 chars M1A2 Abrams « modernisés », dont 12 devraient être prélevés dans l’inventaire de l’US Army, ainsi que des simulateurs et des munitions. Selon le site spécialisé Defense Romania, l’investissement prévu est de l’ordre d’un milliard d’euros.

Cela étant, Bucarest a visiblement l’intention d’aller plus loin par la suite, les députés ayant approuvé la phase I d’un programme beaucoup plus vaste. En effet, citant le général Cătălin Tomescu, le quotidien Adevărul avance que l’armée roumaine a en réalité besoin d’environ 250 nouveaux chars afin de pouvoir équiper cinq bataillons. Et cela permettrait le retrait de ses T-85M1 Bizonul, développé à partir du T-55, mis en service au sein du Pacte de Varsovie dans les années 1950.

« Cinquante autres chars seront très probablement commandés en 2024. L’achat des 150 restants sera, à ma connaissance, négocié après 2026 », a affirmé le général Tomescu, avant de souligner que la mise en service des M1A2 Abrams « posera quelques problèmes de fonctionnement », notamment au niveau des infrastructures.

Le choix du M1A2 Abrams par l’armée roumaine pourrait ouvrir la voie à une coopération étroite avec la Pologne, qui en a commandé 366 exemplaires [dont 116 d’occasion], notamment au niveau du maintien en condition opérationelle [MCO] et de la formation des équipages, une « Abrams Tank Training Academy » ayant récemment été créée sur le site polonais de Biedrusko.

Par ailleurs, à l’instar de la Pologne, et outre la question des chars, la Roumanie envisage d’acquérir de chasseurs-bombardiers américains F-35A et semble intéressée par l’obusier automoteur sud-coréen K-9 Thunder.

« L’accroissement du budget de la défense permettra de lancer plusieurs programmes d’armement pluriannuels de façon simultanée, mais aussi d’assurer une dotation nécessaire en matière d’équipements militaires, grâce à l’acquisition de systèmes modernes et robustes », a récemment expliqué le colonel Octavian Biclineru, attaché de défense de la Roumanie, lors d’une auditon à l’Assemblée nationale. Et d’ajouter : « Les dépenses liées à la défense atteindront 2,5 % de notre PIB à partir de 2023. Jusqu’ici, la part était de 2 %. J’ignore si l’exécution budgétaire a permis d’atteindre 2 % mais les crédits correspondants ont été accordés ».

Après la guerre en Ukraine, l’OTAN et l’Union européenne devront se réinventer

Après la guerre en Ukraine, l’OTAN et l’Union européenne devront se réinventer

Quel que sera le résultat territorial de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la fin de cette guerre provoquera inéluctablement une remise en question du périmètre de l’OTAN et du projet de construction européenne. Le GAR (2S) Jean-Philippe Wirth nous invite en conséquence à anticiper ce tournant plutôt que se voiler inconsidérément la réalité dérangeante à laquelle nous serons soudainement confrontés.

***

Point n’est besoin d’être un grand analyste pour prévoir que, sauf cas improbable où la Russie parviendrait à reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire reconnu à l’Ukraine par la communauté internationale, la guerre actuelle s’achèvera tôt ou tard sur l’une des trois situations suivantes :

  • S1 : L’Ukraine aura recouvré la pleine souveraineté de son territoire, Crimée incluse. Cette situation correspond à une victoire pleine et entière de ses capacités de résistance à l’invasion, puis de reconquête des régions envahies par la Russie, qui aura dès lors totalement perdu cette guerre.
  • S2 : La Russie sera parvenue à conserver le bénéfice de l’annexion de la seule Crimée. Le bilan de son « opération militaire spéciale » sera alors limité à la préservation de la situation issue de celle de 2014, moyennant un retour fortement perdant à l’est, qui l’aura ramenée sur la frontière orientale de l’Ukraine.
  • S3 : L’annexion des territoires que la Russie sera parvenue à occuper, deviendra pérenne. Après un arrêt des hostilités sur une ligne de démarcation stabilisée, l’Ukraine aura alors perdu la Crimée, le Donbass et son débouché sur la mer d’Azov, voire peut-être la région d’Odessa et son accès à la mer Noire.

Quelle que soit la situation qui prévaudra, celle-ci emportera des conséquences majeures sur la défense du continent européen et donc sur l’évolution du périmètre de l’OTAN d’une part, et sur la redéfinition du projet de construction européenne d’autre part.

L’évolution du périmètre de l’OTAN

Dans les trois cas, l’Ukraine qui n’aura dû sa survie qu’au courage de son peuple et au soutien actif du camp occidental, éprouvera le besoin impérieux de garantir sa sécurité pour refonder son avenir.

Pour l’Occident il sera très difficile de lui en offrir l’assurance sans l’arrimer solidement et solidairement au camp qu’elle a délibérément choisi de rejoindre. Ses pays voisins d’Europe centrale y trouveront aussi un véritable intérêt stratégique pour étayer leur propre sécurité.

Quel que puisse être le degré d’hostilité persistante de la Russie, quelle autre formule qu’une adhésion à l’OTAN, ou un partenariat fortement engageant avec l’Alliance Atlantique, pourra dès lors fournir à l’Ukraine en pleine reconstruction, la protection efficace dont elle aura besoin pour contrer la menace lourde et durable qui pèsera sur tout son flanc oriental et méridional ?

De surcroît, l’engagement prépondérant des États-Unis pour soutenir son combat contre la Russie, conduira naturellement l’Ukraine à pérenniser avec ceux-ci la relation d’assistance, de reconnaissance et de dépendance qui sera issue de l’éprouvant conflit qu’elle aura enduré.

Dans la première situation (S1), la Russie vaincue ne sera guère plus en état de s’opposer à une entrée de l’Ukraine dans l’OTAN qu’elle ne l’aura fait pour la Finlande, qui est aussi sa voisine.

Dans la deuxième situation (S2), il pourrait en être de même, la Crimée devenant au sud une enclave russe consolidée dont l’isolement pourrait se comparer à celui de Kaliningrad au nord.

Dans la troisième situation (S3), la partition durable du territoire ukrainien requerra de mettre en place une « défense de l’avant » au plus près du nouveau rideau de fer destiné à prévenir toute reprise des hostilités.

L’évolution de droit ou de fait du périmètre de l’OTAN venant à englober l’Ukraine, aura pour effet géographique de cerner la Biélorussie au nord, à l’ouest et au sud. Cette position de saillant exposé sur trois façades à l’influence occidentale, ne pourra conséquemment que fragiliser davantage la situation intérieure de ce pays qui nourrit des aspirations démocratiques étouffées par son régime politique pro-russe.

Dans tous les cas, force est d’admettre que le niveau d’organisation et de puissance militaires requis pour assurer la défense permanente de l’Ukraine, garantir l’inviolabilité de sa frontière avec la Russie, et préserver une paix armée durable à l’est du continent européen, dépassera pour longtemps celui dont disposera réellement l’Union européenne.

Outre l’exigence d’avoir des frontières stabilisées qui sera assortie à l’intégration de l’Ukraine en son sein, et quelle que soit l’ambition stratégique que l’UE puisse nourrir dans le domaine pourtant vital de la défense des nations qui la constituent, il est patent qu’après la guerre, elle ne pourra pas offrir à l’Ukraine une assurance-vie suffisante. Seule l’OTAN sera en mesure de le faire dans le calendrier contraignant que les risques de résurgences conflictuelles imposeront de prendre en compte.

La redéfinition du projet de construction européenne

Pour pouvoir se réaliser concrètement, tout projet a besoin d’être cadré par une définition qui doit servir de référence à sa construction en décrivant son contenu et en fixant ses limites, ce qui n’a pourtant jamais été précisé clairement depuis l’enclenchement du processus de développement de l’Union européenne.

En actant la bascule de l’Ukraine à l’Ouest, la fin de la guerre tracera une limite orientale objective et durablement indépassable à l’espace géographique du projet de construction européenne, alors même que celui-ci ne se projetait pas forcément aussi loin vers l’Est avant l’éclatement du conflit.

En l’occurrence, l’histoire va imposer ses contraintes à la géographie d’un projet qui avait bien failli s’étendre inconsidérément jusqu’à la Turquie par manque d’une vision suffisamment élaborée de l’état final qu’il visait. Il est en tous cas patent que l’élargissement continuel de l’UE vers l’Est se trouvera borné par le nouveau « rideau de fer » et qu’il ne pourra pas se poursuivre jusqu’à l’Oural à un horizon prévisible.

Tout comme il était manifestement impensable de fermer la porte de l’Union européenne à l’Ukraine au début de la guerre, il sera impossible de revenir à la fin de la guerre sur la quasi-promesse d’admission dans l’UE qu’elle a obtenue à cette occasion tragique. Le calendrier du processus de son adhésion conditionnera fortement celui de sa reconstruction, tout autant que l’importance de l’aide économique prodiguée.

Déjà fragilisé par les nombreuses évolutions qu’il a connues depuis la période de l’UE à 12 pays membres, l’équilibre de fond du projet actuel de celle-ci se trouve donc dès à présent remis en question par ce fait nouveau majeur qui est le retour d’une véritable guerre sur le continent européen. À sa façon brutale et indéniable, cet évènement en accentue et en révèle des lacunes et des faiblesses qui le fragilisent.

Sans plus attendre qu’elles se développent, les conséquences que ce phénomène non anticipé emporte, apparaissent déjà suffisamment lourdes pour nécessiter que soit entreprise une révision substantielle du projet de construction de l’UE, ne serait-ce que pour répondre aux quelques considérations suivantes dont l’énumération ne se veut pas exhaustive.

Dès lors que l’Ukraine la rejoindra, l’Union européenne ne pourra pas faire plus longtemps l’économie de régler le sort des Balkans qui ― outre leur corruption endémique et leur histoire perturbée ― restent toujours une zone dangereusement instable et insuffisamment sécurisée au milieu du continent, après plusieurs générations d’affrontements ethniques non foncièrement résolus.

Là comme ailleurs, sans doute faudra-t-il remettre en cause sans tabou le concept d’État

multiethnique dont la promotion sous l’influence anglo-saxonne ne produit pas de résultats pacificateurs véritablement probants. En témoignent ― sur le continent européen comme sur d’autres ― de trop nombreux séparatismes qui s’avèrent irréductibles dans les faits du temps long.

Le déplacement prononcé vers l’Est du centre de gravité de l’UE ainsi à nouveau élargie dans des proportions considérables, ne restera pas sans impact sur le maintien de sa cohésion interne, tant la rupture d’équilibre entre le monde latin, le monde slave, et le monde germanique profitera tout naturellement à ce dernier.

De facto le rôle de l’Allemagne deviendra fortement prépondérant, bien qu’elle ne détienne pas toutes les facultés pour l’exercer, tant aux yeux de ses partenaires européens qu’à ceux d’une frange importante de sa propre population. Dès lors, c’est la gouvernance de l’UE qui s’en trouvera inéluctablement altérée.

Dans la configuration que l’intégration de l’Ukraine à l’UE conduit à envisager, le développement cohérent d’une communauté qui rassemblera plus d’une trentaine de pays européens ne pourra plus se concevoir ni se conduire sur le mode dont l’Union s’est dotée historiquement, et dont ses élargissements successifs ont déjà accusé les inadéquations pénalisantes, voire paralysantes.

À la nouvelle échelle à considérer, le risque d’une dilution naturelle du projet européen dans une formule de convention minimaliste qui le viderait d’une partie de sa substance, devra être soigneusement mis en regard de celui d’une implosion résultant des profondes dissensions internes liées aux irrédentismes nationaux et à l’absence d’une véritable culture commune.

Dès lors, sans faire abstraction d’acquis majeurs comme ceux de la zone euro, ne peut pas être exclue l’éventualité d’une articulation ― voire d’une partition ― géographique ou économique de cette UE élargie, en sous-ensembles plus cohérents regroupant un nombre limité de pays liés par une ambition commune.

En définitive c’est sans doute la pression mondiale sur l’Europe et le sentiment d’appartenance à la même civilisation qui pourront atténuer progressivement les différences foncières logées dans l’âme des peuples implantés de longue date sur le continent européen. Pour la construction européenne, que vient télescoper le fait nouveau de la guerre en Ukraine, la chance de survivre à celle-ci passe donc sans doute par une remise en cause lucide de la définition de son projet.

CERCLE MARÉCHAL FOCH

Le G2S change de nom pour prendre celui de Cercle Maréchal Foch, tout en demeurant une association d’anciens officiers généraux fidèles à notre volonté de contribuer de manière aussi objective et équilibrée que possible à la réflexion nationale sur les enjeux de sécurité et de défense. En effet, plutôt qu’un acronyme pas toujours compréhensible par un large public, nous souhaitons inscrire nos réflexions sous le parrainage de ce glorieux chef militaire, artisan de la victoire de 1918 et penseur militaire à l’origine des armées modernes. Nous proposons de mettre en commun notre expérience et notre expertise des problématiques de Défense, incluant leurs aspects stratégiques et économiques, afin de vous faire partager notre vision des perspectives d’évolution souhaitables. (Nous contacter : Cercle Maréchal Foch – 1, place Joffre – BP 23 – 75700 Paris SP 07).

De nouveau des AMX-10 RC pour l’Ukraine et de la formation à Canjuers

De nouveau des AMX-10 RC pour l’Ukraine et de la formation à Canjuers

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 15 mai 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Emmanuel Macron et son homologue ukrainien se sont rencontrés dimanche soir à Paris. Les présidents de l’Ukraine et de la République française ont publié une déclaration dont voici un extrait:

Le soutien militaire que fournit la France depuis le début de la guerre pour permettre à l’Ukraine de se défendre se poursuit et de nouvelles livraisons sont en préparation pour tenir compte en permanence des besoins les plus urgents et les plus immédiats de l’Ukraine dans le renforcement de ses capacités de défense. La France vise à fournir des capacités complètes dans tous les domaines. Dans les semaines à venir, la France formera et équipera plusieurs bataillons avec des dizaines de véhicules blindés et de chars légers, dont des AMX-10RC.

Effectivement, une seconde livraison à l’Ukraine d’AMX-10 RC doit intervenir sous peu (photo ci-dessus 37e brigade d’infanterie de marine ukrainienne qui en est équipé). 

La formation des équipages est annoncée de nouveau à Canjuers, le mois prochain. Ces soldats font partie des 2 000 militaires ukrainiens que dont la France a annoncé la formation sur son territoire. 

Blindés et équipages devraient aussi rejoindre la 37e brigade formée en février dernier et qui fait partie du corps d’infanterie de marine ukrainien. 

Voici l’intégralité de la déclaration de dimanche:
“Les présidents de l’Ukraine et de la France ont réaffirmé leur condamnation sans équivoque de la guerre d’agression que mène actuellement la Russie contre l’Ukraine.

L’Ukraine a fait preuve d’une remarquable détermination dans l’exercice de son droit intrinsèque à la légitime défense contre cette attaque injustifiée ne faisant suite à aucune provocation. La Russie doit retirer l’ensemble de ses forces militaires du territoire de l’Ukraine, dans ses frontières internationalement reconnues, immédiatement, totalement et sans conditions. La France et l’Ukraine appellent expressément la Russie à se retirer de la centrale nucléaire de Zaporijjia, dont la saisie et la militarisation irresponsables par les forces armées russes constituent une grave menace. La France maintient son attachement inébranlable à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues. Elle rend hommage à la détermination et au courage du peuple et des forces armées ukrainiens et elle prend acte de leur contribution significative à la sécurité du continent européen et d’autres pays. Elle continuera d’apporter un soutien politique, financier, humanitaire et militaire à l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire, individuellement et par la coopération internationale avec l’Union européenne, l’OTAN, les Nations unies et d’autres organisations. En défendant la sécurité du continent européen, la France, l’Ukraine et d’autres partenaires préservent également l’ordre international fondé sur des règles de droit.

Le soutien militaire que fournit la France depuis le début de la guerre pour permettre à l’Ukraine de se défendre se poursuit et de nouvelles livraisons sont en préparation pour tenir compte en permanence des besoins les plus urgents et les plus immédiats de l’Ukraine dans le renforcement de ses capacités de défense. La France vise à fournir des capacités complètes dans tous les domaines. Dans les semaines à venir, la France formera et équipera plusieurs bataillons avec des dizaines de véhicules blindés et de chars légers, dont des AMX-10RC.
En outre, la France concentre ses efforts sur le soutien des capacités de défense aérienne de l’Ukraine afin de défendre sa population contre les frappes russes. En plus de sa contribution nationale, la France participe activement aux mesures de l’Union européenne et de l’OTAN en matière d’assistance militaire à l’Ukraine et de formation des soldats ukrainiens. Au-delà de l’assistance militaire, la France a fourni à l’Ukraine une assistance civile, comprenant notamment une aide financière, humanitaire et d’urgence. En particulier, la France a envoyé en Ukraine deux laboratoires ADN mobiles pour renforcer la capacité de l’Ukraine à poursuivre les auteurs de crimes de guerre. Cette aide continuera de monter en puissance. La France soutient l’initiative ukrainienne pour une paix juste et durable reposant sur la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Le Plan de paix ukrainien prévoit une série d’objectifs importants, dont un grand nombre sur lesquels la République française travaille déjà. La France exprime son soutien au Plan de paix ukrainien et se déclare prête à coopérer avec l’Ukraine pour assurer une participation internationale aussi large que possible à un Sommet mondial pour la paix qui sera organisé dans les mois qui viennent sur la base du Plan de paix ukrainien et d’éventuelles autres propositions de bonne foi. L’Ukraine et la France sont déterminées à lutter contre l’impunité et elles soulignent leur ferme volonté de traduire en justice les auteurs de crimes de guerre et d’autres atrocités commis dans le cadre de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.

La France participe aux efforts internationaux déployés actuellement, en coopération avec l’Ukraine, pour faire en sorte que les responsables rendent des comptes en créant un mécanisme approprié de poursuites pour le crime d’agression. Un large soutien international est crucial à cet égard afin de fournir une légitimité internationale maximum tout en garantissant que les responsables politiques seront poursuivis. Par conséquent, la France, tout en participant au groupe restreint sur la responsabilité des auteurs de crimes d’agression contre l’Ukraine, encourage d’autres pays à les rejoindre et à susciter un soutien international pour la création d’un tribunal ad hoc. La France se félicite de l’accord sur un nouveau Centre international chargé de poursuivre le crime d’agression contre l’Ukraine à La Haye et appelle de ses vœux son lancement dès que possible.

L’Ukraine et la France réaffirment leur soutien aux enquêtes du Procureur de la Cour pénale internationale qui constituent une étape vers la possibilité de demander des comptes et elles ont pris note des mandats d’arrêt délivrés par la Cour. La France a apporté un soutien supplémentaire à la Cour pénale internationale pour améliorer ses capacités dans le cadre de la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine. L’Ukraine et la France s’accordent sur la nécessité d’accroître nos pressions collectives sur la Russie par de nouvelles sanctions afin d’affaiblir la capacité de ce pays à poursuivre sa guerre d’agression illégale. En outre, elles conviennent de la nécessité d’intensifier les efforts pour garantir une mise en œuvre efficace des sanctions et empêcher et prévenir le contournement de ces sanctions dans et par des pays tiers.

L’Ukraine et la France continueront de travailler ensemble et avec d’autres pays pour élaborer des mécanismes d’indemnisation des pertes, blessures et dommages causés par l’agression russe. À cet effet, le registre international des dommages qui sera présenté lors du sommet de Reykjavik du Conseil de l’Europe les 16 et 17 mai 2023 constitue une étape importante. Nous continuerons d’examiner les options appropriées pour financer le mécanisme d’indemnisation, notamment une base juridique solide pour l’utilisation des actifs russes immobilisés et gelés au profit de la reconstruction de l’Ukraine et à titre de réparation. L’Ukraine et la France restent déterminées à aider les pays qui souffrent des conséquences de la guerre russe, notamment pour réduire les effets de la crise alimentaire. À cet égard, la France souligne l’importance des efforts systématiques de l’Ukraine pour continuer l’initiative céréalière de la mer Noire et lancer le programme humanitaire « Grain from Ukraine » qui vise à améliorer la sécurité alimentaire mondiale.

L’Ukraine apprécie vivement le soutien de la France au programme humanitaire « Grain from Ukraine » et elle encourage le renforcement du soutien concerné. L’Ukraine se félicite du fait que la France a organisé la conférence internationale du 13 décembre qui a permis la création du mécanisme de Paris afin de mieux coordonner l’aide d’urgence. La France est déterminée, avec les organisations internationales et ses partenaires, à participer au relèvement et à la reconstruction de l’Ukraine après la guerre. Dès à présent, il est important de jeter les bases d’un engagement ambitieux à long terme qui ouvrira des perspectives concrètes et permettra au peuple ukrainien de reconstruire son pays. Il est essentiel d’impliquer tous les partenaires concernés, y compris les entreprises privées et au plan international, afin de garantir l’appui financier, les investissements et les connaissances nécessaires pour permettre à l’Ukraine de bâtir un avenir prospère. L’avenir de l’Ukraine et de son peuple est au sein de la famille européenne.

L’Union européenne a déjà reconnu la perspective européenne de l’Ukraine et lui a accordé le statut de pays candidat. La France soutient fermement l’Ukraine dans ses efforts de réformes et dans sa volonté de remplir les conditions nécessaires d’ici la fin 2023. Elle attend avec intérêt le rapport de la Commission européenne pour commencer les négociations d’adhésion. L’Ukraine et la France appellent l’Union européene à continuer de soutenir le pays dans tous les domaines. En ce qui concerne le soutien militaire, elles se réjouissent des accords trouvés récemment pour livrer davantage de munitions et de missiles à l’Ukraine, notamment grâce à l’élargissement de la base industrielle européenne.

En outre, l’Ukraine a un rôle clé à jouer au sein de la nouvelle Communauté politique européenne et œuvrera au succès du sommet de Chisinau, avec la France et la Moldavie.

Dans le cadre de l’OTAN, la France continue de mettre l’accent sur le soutien immédiat à l’Ukraine. Elle maintient son ferme soutien au renforcement de la capacité de l’Ukraine à se défendre et rappelle que l’Ukraine a le droit de choisir ses propres arrangements en matière de sécurité. La France soutient pleinement la Commission OTAN-Ukraine, qui permettra d’accroître et d’élargir la coopération en cours afin d’aider l’Ukraine à poursuivre son chemin vers la famille euro-atlantique, conformément à la Déclaration de Bucarest. L’Ukraine et la France se réjouissent à la perspective d’aborder ces questions au sommet de l’OTAN qui se tiendra à Vilnius en juillet 2023.”

 

L’évolution du champ opérationnel, enseignements de la guerre en Ukraine.

L’évolution du champ opérationnel, enseignements de la guerre en Ukraine.

 

par le Colonel (eR) Gilles Lemaire – publié le 5 mai 2023

L’irruption de l’armée russe hors de ses frontières en Ukraine a surpris une Europe qui se croyait à l’abri d’un conflit de cette importance. Le monde de la guerre froide et de l’après-guerre froide semblait devoir ignorer ce type d’agression directe visant un État souverain disposant de frontières internationalement reconnues.

Quelles leçons retenir du conflit en cours quant à la définition du corps de bataille propre à faire face à cette conjoncture ?

Le progrès des techniques ne s’est pas arrêté avec la fin de la guerre froide. Bien au contraire, trente années plus tard, nous vivons dans un monde radicalement différent, dominé par la maitrise de l’espace, l’électronique, l’informatique, la numérisation, l’intelligence artificielle, etc. Le monde militaire n’y échappe pas. Comment apprécier cette évolution sur le champ de bataille, quelle catégorie d’armements sera déterminante ? La réponse reste incertaine. Ce que l’on peut relever est que les coûts unitaires des armements ne cessent d’augmenter, fait résultant du progrès des techniques, toujours plus onéreuses, mais aussi de l’arrêt des productions à la fin de la guerre froide, ce qui limite les séries et augmente donc ces coûts unitaires. Les armements modernes sont ainsi atteints du syndrome de rareté. L’effet de masse ne joue plus. Fait aggravant : Le taux de disponibilité des matériels décline, car l’entretien et les pièces détachées suivent les coûts de production. Pour autant, le taux de destruction au combat des armements, de facture récente ou non, reste inévitablement élevé. En conséquence, pendant cette première année de guerre en Ukraine, les belligérants ont dû aller rechercher dans des stocks anciens des armements considérés comme dépassés pour remplacer leurs pertes. L’armée russe déploie ainsi des missiles modernes hypersoniques pour frapper les installations sensibles ukrainiennes, en nombre inévitablement limité compte tenu de leur modernité, mais également des chars T 54-55 conçus en grand nombre au lendemain de la deuxième guerre mondiale et disponibles à très faible coût. Les engins blindés promis par l’Otan, comme le réputé Leopard 2 ont été conçus dans les années 1970[1], etc…

Plus étonnant est de constater que les combats en Ukraine renouent avec les tranchées de la Grande guerre.Cette gestuelle n’avait pas tout à fait disparu au cours de la deuxième guerre mondiale, cohabitant de fait avec la blitzkrieg. Elle ressurgit avec les « dents de dragons » et autres abris en béton installés par l’armée russe en défense de la Crimée. La mobilité offensive semble trouver ses limites au profit de la défensive chère à Clausewitz. Le couple char-avion qui mit fin à la guerre des tranchées en 1918 s’essouffle depuis le développement des missiles le contrant avec une efficacité aussi grandissante qu’irrémédiable. L’aviation semble avoir disparu du ciel ukrainien. L’artillerie sol-sol a donc repris toute sa place en augmentant considérablement le calibre de ses projectiles et leur portée, particulièrement pour les lance-roquettes et les missiles sol-sol. Les portées de plusieurs centaines de kilomètres sont déjà atteintes ou envisagées, ceci avec des projectiles de très grande précision permettant la prise à partie d’objectifs lointains préférentiels[2]. « L’arme des feux profonds » mobilisait jadis la plus grosse part des pondéreux véhiculés par la logistique. La révolution de la précision rend inutiles les réglages et les tirs de saturation pour traiter un objectif, ce qui devrait logiquement réduire ses charrois d’approvisionnement. Mais le coût et donc la rareté de ces projectiles perfectionnés ne conduit pas magistralement à ce schéma. La situation d’antan semble imperturbable. On réclame des obus et encore des obus, conventionnels, comme en 1915 !

Le drone semble parfaire ce souci de la précision. Beaucoup d’observateurs s’extasient devant son apparition[3], son efficacité paraît spectaculaire. Cependant les dispositif sol-air intégrés comme le « Dôme de fer » israélien[4]et, derniers arrivants, les armes Laser à effet dirigé, semblent promis au même brillant avenir que cette menace qu’elles sont susceptibles de contrer[5]. Reste à réaliser ces catégories et à les approvisionner, cause de nouveau débours.   

Au total, l’innovation, avec son coût prohibitif, limite le volume des armements de dernière génération sur le champ de bataille. On peine à les recompléter, l’industrie post-guerre froide s’avérant défaillante. Par conséquent, il n’est pas surprenant de voir se poursuivre en Ukraine un conflit en mode plutôt dégradé pour ce qui concerne la couche propre à conduire la destruction au contact : avions d’armes, chars de combat, infanterie, artillerie. Seule la couche renseignement, fondée sur les moyens de recueil et de transmission, et surtout d’exploitation, à la pointe du progrès grâce à la numérisation, semble opérer positivement[6]. Les moyens de renseignement, liés à l’exercice de la dissuasion nucléaire[7], n’ont en effet pas été diminués par l’épisode des « dividendes de la Paix », leur maintien et leur mise à jour dans un monde, certes peu conflictuel, mais toujours empreint de menaces, s’étant avéré indispensable. Dans un contexte d’attrition des moyens conventionnels, ils ne peuvent cependant donner prise à une exploitation opérationnelle efficiente pour ce qui concerne le conflit en cours. Ce conflit semble répondre au premier souci du stratège : être renseigné. Pour poursuivre la démarche opérationnelle, il faut disposer des moyens de réduction de l’adversaire.

L’évolution dudit conflit repose donc sur la stratégie génétique, c’est-à-dire sur la capacité des industries à alimenter les forces en armements modernes, ou autres éventuellement. Une course est engagée, qui n’est pas sans rappeler celle de la deuxième guerre mondiale, initiée par l’Allemagne hitlérienne et finalement gagnée par l’acteur qui disposait alors d’une industrie hors-normes susceptible d’alimenter l’ensemble des forces alliées, c’est-à-dire les États-Unis. La deuxième guerre mondiale, dans la suite de la première, a été une guerre industrielle. Les conflits futurs ne peuvent y échapper. C’est la puissance économique, soutenant la stratégie génétique, qui assure le succès des armes.  

« La Défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même[8] ». Mais cet État doit au préalable adapter son économie et ses ressources pour ce faire. Il reste à souhaiter que notre loi de programmation et la remise en ordre des finances de notre État soient à hauteur de ce défi.


[1] La livraison de Léopard 1, d’une génération antérieure, celle de l’AMX 30, est également envisagée. Le même phénomène peut être constaté pour les avions d’armes de génération ancienne : Mig29, Su25, Su 27, hélicoptères MI 8, employés dans les deux camps.   

[2] Postes de commandement et dépôts logistiques

[3] Ces armements étaient pourtant utilisés depuis fort longtemps, notamment lors de l’opération israélienne « Paix en Galilée » de juin 1982.

[4] Le Dôme de fer est un système de défense aérienne mobile israélien conçu pour intercepter des roquettes et obus de courte portée. Il a été déployé en 2010.

[6] Le soutien de l’Otan est ici déterminant.

[7] Qui n’a évidemment pas disparu : « on ne peut désinventer l’arme nucléaire ».

[8] Général de Gaulle, à Bayeux le 16 juin 1946

Combien couterait aux contribuables français un alignement des capacités haute intensité de l’Armée de Terre sur la Pologne ?

Combien couterait aux contribuables français un alignement des capacités haute intensité de l’Armée de Terre sur la Pologne ?

Combien couterait aux contribuables français un alignement des capacités haute intensité de l’Armée de Terre sur la Pologne ?


Depuis quelques mois, en lien à la guerre en Ukraine et à la montée généralisée du risque d’engagement majeur en Europe et ailleurs, la question des capacités des armées à faire face à un conflit dit de « haute intensité » est devenue un thème récurrent tant dans l’hémicycle du parlement que dans la communication gouvernementale, les médias et les réseaux sociaux. Très souvent, la Pologne, qui a annoncé un effort colossale pour moderniser et étendre ses capacités terrestres dans ce domaine dans les années à venir, est citée en référence, faisant de Varsovie l’exemple à suivre. La Loi de Programmation Militaire 2024-2030 en cours de finalisation semble ne pas avoir suivi cette voie, en conservant un format de la Force Opérationnel Terrestre, le bras armé de l’Armée de Terre, sensiblement identique à ce qu’il est aujourd’hui, et en ne procédant qu’à une augmentation sectorielle de certaines capacités, comme dans le domaine du Renseignement, de la défense anti-aérienne ou encore des frappes dans la profondeur et des drones. Pour autant, en 2030, selon ce schéma, l’Armée de terre conservera une force opérationnelle limitée en terme de haute intensité, avec seulement 200 chars lourds modernisés Leclerc, 650 véhicules de combat d’infanterie VBCI sur roues relativement légers et faiblement armés, moins de 120 tubes de 155 mm et une poignée de Lance roquettes unitaires, potentiellement remplacés par des HIMARS américains.

De fait, en 2030, l’Armée de terre sera effectivement plus performante, notamment avec la poursuite du programme SCORPION et la livraison des VBMR Griffon et Serval pour remplacer les VAB, et des EBRC Jaguar pour le remplacement des AMX-10RC et des ERC-90 Sagaie, et disposera de réserves considérablement accrues en terme de munitions, mais aussi de personnels avec la montée en puissance de la Garde nationale. Toutefois, pour ce qui est de la haute intensité, elle sera très loin des 6 divisions lourdes polonaises alignant 1250 chars de combat modernes M1A2 Abrams SEPv3 et K2PL Black Panther, 1400 véhicules de combat d’infanterie Borsuk, 700 canons automoteurs K9 Thunder et 500 lance-roquettes mobiles K239 et HIMARS. Si dans de nombreux domaines, comme en matière de forces aériennes, navales et évidemment en terme de dissuasion, Varsovie devra s’appuyer sur ses alliés, elle disposera incontestablement de la plus importante force terrestre conventionnelle en Europe, sensiblement supérieure à la somme des forces terrestres françaises, allemandes, britanniques, italiennes et espagnoles réunies, soit les 5 économies les plus fortes du vieux continent.

Les premiers chars K-2 Black Panther ont été livrés par la Corée du Sud à la Pologne a la fin de l’année 2022

Si l’on ne peut que se féliciter de voir un allier s’équiper aussi efficacement dans ce domaine, force est de constater que dans de nombreux domaines, les positions et postures polonaises sont loin d’être alignées avec celles des européens de l’Ouest. En outre, Varsovie entend, de toute évidence, prendre une position politique centrale en Europe de l’Est précisément pour contrer l’influence des puissances d’Europe occidentale au sein de l’UE, en s’appuyant sur l’aura que lui conférera cet outil militaire face à la menace russe. Pour équilibrer les rapports de force politiques, que ce soit face aux menaces militaires russes ou autre (Turquie..), ou au sein de l’Union Européenne et de l’OTAN, il serait naturellement bienvenue, pour la France, de doter son Armée de Terre d’une puissance comparable, comme de nombreux anciens officiers supérieurs et généraux ne cessent de le répéter sur les réseaux sociaux et dans les médias. Toutefois, au delà du besoin lui-même, il convient d’évaluer les couts et les contraintes qu’engendrerait une telle transformation, de sorte à en déterminer la soutenabilité budgétaire mais également sociale. Et comme nous le verrons, l’effort budgétaire d’une telle ambition serait loin d’être hors de portée, puisqu’il serait sous la barre des 0,25% du PIB français aujourd’hui.

L’objectif de cet article n’étant pas de disserter sur l’organigramme optimisé de l’Armée de Terre pour répondre à ces menaces, nous prendrons comme base de travail un format souvent évoqué par les spécialistes du sujet, avec une FOT portée à 90.000 hommes (contre 77.000 aujourd’hui) pour armer 2 divisions lourdes dédiées à la haute intensité, et 1 division de projection de puissance et d’appui rassemblant les multiplicateurs de force et troupes spécialisées que sont les Troupes de Marine, les Troupes de montagne, les forces parachutistes, la composante d’aéromobilité (ALAT) et la Légion Etrangère. En terme de matériels, nous considérerons l’acquisition de 1000 chars de combat modernes, épaulés de 1000 véhicules de combat d’infanterie lourds chenillés, de 500 systèmes d’artillerie automoteurs de 155 et 105 mm, de 300 lance-roquettes à longue portée, ainsi que de 200 EBRC jaguar supplémentaires, 120 systèmes de défense anti-aérienne autotractés SHORAD et 500 véhicules blindés spécialisés (Génie, récupérateurs de blindés, Ravitaillement des systèmes d’artillerie etc..). Les autres programmes en cours, notamment dans le cadre du programme SCORPION, sont considérés inchangés, tout comme le format de l’Aviation légère de l’Armée de terre, qui serait toutefois bien avisée de se pencher sur la possible re-acquisition des Tigre et NH90 TTH australiens pour densifier son format. L’enveloppe budgétaire pour acquérir ces équipements s’établie autour de 50 Md€, en tenant compte des couts de conception et de fabrication.

L’Armée de Terre semble se diriger vers l’acquisition sur étagère de systèmes HMARS américains pour remplacer ses LRU et densifier ses capacités de frappe dans la profondeur

Au delà de ces couts initiaux, il convient d’évaluer les couts récurrents. En premier lieu, le parc matériel couterait 2 Md€ par an pour la maintenance et les pièces détachées, soit 4% du prix d’acquisition par an. Il conviendrait aussi d’augmenter les effectifs professionnels de l’armée de terre de 15.000 hommes et femmes, soit un cout annuel de 1,5 Md€, auxquels il faudrait ajouter 0,5 Md€ pour les quelques 45.000 réservistes supplémentaires qui devront être recrutés pour consolider les forces. Au total, donc, sur une période de 15 ans, la montée en puissance ici envisagée couterait donc 3,2 Md€ par an pour l’acquisition de matériels, alors que l’extension des effectifs couterait en moyenne 2 Md€ par an. L’installation des nouvelles unités, quant à elles, est estimée à 300 m€ pour 3 nouvelles unités par an. Sur les 15 premières années, donc, ce programme couterait aux finances publiques 5,5 Md€, soit 0,22% du PIB 2023. Au delà des 15 années d’acquisition, les couts récurrents s’établiraient à 4 Md€ pour les effectifs et la maintenance, auxquels il conviendra d’ajouter 2,5 Md€ pour le financement des modernisation de parc, soit un total de 6,5 Md€ par an (exprimés en Euro 2023) et 0,26% du PIB 2023. Sur la seule prochaine LPM à venir, il serait donc nécessaire d’augmenter la dotation de 30 Md€ sur 7 ans pour financer la mesure. On notera que pour atteindre un résultat sensiblement équivalent, Varsovie va consacrer plus de 1% de son PIB sur une période équivalente.

Pour autant, et comme à chaque fois qu’il est question d’investissements de défense il convient également de considérer les recettes fiscales et sociales supplémentaires pour l’Etat consécutives à l’investissement. En effet, ce n’est pas tant l’investissement lui-même qui importe dans ce type de planification, mais son impact sur les déficits publics et par conséquent sur la dette souveraine française. En l’occurrence, les investissements industriels génèrent un retour budgétaire supérieur à 50%. En effet, tous les équipements et prestations de service industrielles sont soumis à la TVA immédiatement récupérée par l’État, alors que les industries de défense sont très faiblement exposées à l’importation. De fait, les investissent de l’état se dissipent dans l’économie essentiellement en salaires qui, rappelons le, sont soumis à un taux de prélèvement supérieur à 42%. Dès lors, considérer un retour budgétaire à 50% est une valeur par défaut, prenant en considération la somme des recettes directes et indirectes, sociales et fiscales pour l’état. Pour les investissements salariaux, un retour de 30% sera considéré, la encore par défaut. Appliqués à ce modèle, l’impact effectif du programme sur les équilibres budgétaires serait rapporté à 3,15 Md€ en moyenne sur la phase de montée en puissance, soit 0,125% du PIB, et à 3,4 Md€ au delà, soit 0,136% du PIB exprimé en euro constant 2023. A titre de comparaison, un tel montant est relativement proche de ce que dépenses les français chaque année en abonnements sur les plateforme de streaming.

Il serait bien évidemment possible d’optimiser le modèle pour en réduire l’impact budgétaire, par exemple en appliquant les mesures préconisées dans l’article « Comment l’évolution de la doctrine de possession des équipements peut permettre d’étendre le format des armées ?« , ou en approfondissant les effets potentiels de l’effort industriel notamment en terme d’exportations, ce qui tendrait à en réduire le cout budgétaire effectif, et donc d’en accroitre la soutenabilité. Quoiqu’il en soit, deux questions demeureraient. En premier lieu, il conviendrait d’établir que cet investissement serait le plus à-même de répondre aux besoins de la France et de ses armées aujourd’hui et demain. En effet, avec une Pologne aussi forte militairement, et le renforcement sensible des forces terrestres en Europe de l’Est et du nord, il est évident que la menace militaire russe sur l’OTAN et son flanc oriental sera contenue pour de nombreuses années. Dit autrement, quitte à devoir investir 100 Md€ supplémentaires sur 15 ans, ne serait-il pas plus efficace de renforcer la composante chasse de l’Armée de l’Air, ou la composante sous-marine de la Marine Nationale, sachant que l’une comme l’autre offriraient des caractéristiques de retour budgétaire et donc d’impact budgétaire similaires ?

En second lieu, il convient de prendre en considération l’ensemble des contraintes qui s’appliqueront à la montée en puissance des armées. En l’occurrence, l’une des plus importantes, peut-être au delà des contraintes budgétaires elles-mêmes, n’est autre que la contrainte de recrutement, sachant que même si la situation s’est sensiblement améliorée ces dernières années du fait des évolutions de la condition militaire dans la LPM 2019-2025, il est loin d’être acquis que l’Armée de terre puisse effectivement recruter 15.000 militaires professionnels supplémentaires ainsi que 45.000 garde nationaux, au-delà des trajectoires déjà établies dans la LPM 2024-2030. Certes, la constitution de nouvelles unités de haute intensité équipées de matériels modernes ajoutera à l’attractivité des armées, mais il n’en demeure pas moins vrai que cette hypothèse de croissance aura sans le moindre doute fait sourciller les officiers s’étant confrontés aux difficultés RH de l’Armée de Terre ces dernières années.

L’extension des effectifs demeure un sujet difficile pour les Armées françaises

Quoiqu’il en soit, il est désormais établi qu’il est loin d’être inconcevable de doter l’Armée de terre d’une capacité d’engagement comparable à celle en constitution en Pologne en matière de Haute Intensité, tout en conservant les capacités exclusives de ses unités en matière de projection et d’appui. D’un point de vue budgétaire, cet effort serait relativement limité en terme d’impact sur les déficits, et pourrait même être sensiblement optimisé vis-à-vis du modèle ici abordé. Une chose est certaine, cependant, un tel effort ferait de la France le pivot central de toute la défense européenne, et donnerait une légitimité incontestable à Paris pour soutenir l’autonomie stratégique européenne, puisqu’avec un tel modèle, le soutien militaire des États-Unis dans le domaine conventionnel face, par exemple, à la Russie, serait tout simplement superfétatoire. Eu égard à la sensibilité de l’exécutif français aujourd’hui, c’est probablement cet argument, conjointement aux couts réels de la mesure détaillés dans cet article, qu’il conviendrait de mettre en avant dans les médias et au parlement pour espérer obtenir une altération positive de la trajectoire.

L’Occident danse sur un volcan… et monte le son

L’Occident danse sur un volcan… et monte le son

par Caroline Galactéros, Présidente de Géopragma – publié le é mai 2023

https://geopragma.fr/loccident-danse-sur-un-volcan-et-monte-le-son/


La France va mal : l’inflation dérape, les taux de crédit s’envolent, l’immobilier est à l’arrêt, et, comme pour nous mettre le nez dans notre incurie, notre note financière vient d’être de nouveau dégradée à AA- par une grande agence américaine. Ce déclassement n’est pas anecdotique. Il traduit la réalité de la dégradation de nos comptes publics, accroit encore notre dépendance aux États-Unis et la menace d’un défaut sur notre dette abyssale, et creuse notre déficit de crédibilité donc d’utilité internationale. Ce coup de semonce ne peut en effet que paralyser plus encore notre capacité résiduelle à faire bouger les lignes en portant un discours de raison et d’intelligence face au désastre de l’attitude occidentale dans le conflit en Ukraine…On me dira que c’est un faux problème car il faudrait encore en avoir le courage.

Aux Etats-Unis, la folie de l’auto-enfermement des néoconservateurs américains dans une escalade militaire permanente face à Moscou précipite la destruction totale de l’État et du territoire ukrainiens et fait grandir le risque d’un dérapage, menaçant concrètement toute l’Europe. Pourtant, la haine ouverte de la Russie, le rêve éveillé succès que constituerait son anéantissement et son démembrement s’expriment ouvertement. Les médias occidentaux, confits dans l’ignorance et l’arrogance, devenus les pathétiques chambres d’écho d’une propagande délirante, n’ont plus aucune crédibilité. On est revenu aux pires heures du Maccarthysme ou pire, du fascisme de la pensée, de la calomnie et de la délation. Ce bouquet d’indignité empeste mais il nous est en permanence jeté à la figure, certes de façon de plus en plus ridicule et désespérée. Car le rideau et les masques sont en train de tomber face au réel récalcitrant. Pourtant, la rage et désormais la panique américaines cherchent encore à perpétuer le fantasme d’une « victoire » à venir, dont on ne s’est évidemment jamais donné la peine de définir les contours. Que peut bien vouloir dire « gagner » la guerre en Ukraine ? No Clue. Aucune vision en ce domaine. Quant à gagner la paix, on n’en veut pas. Quelle horreur ! Comment faire la paix avec Vladimir Poutine ?!!! cela parait impossible à des hémiplégiques volontaires englués dans leur rhétorique de bac à sable qui ne pensent qu’à humilier un « ennemi systémique » et en sont à faire des danses de la pluie (ou plutôt contre la pluie et la boue qui font s’embourber leurs chars de la dernière chance) pour conjurer l’inévitable. C’est donc la fuite en avant dans la haine inexpiable du Russe…jusqu’au dernier ukrainien. Le vertige est si grand face au gouffre que l’on ne sait plus qu’appuyer sur l’accélérateur de la déroute militaire et stratégique et sombrer dans une démence haineuse et sans issue. Cette haine se diffuse et infuse partout en Europe, surtout chez nos « élites » vassalisées et / ou stipendiées, elles aussi emportées dans ce piège tragique qu’elles font mine d’ignorer. Pourtant, le fiasco militaire est sans équivoque depuis déjà des mois. Même les « Mainstream media » commencent, sur ordre ou via d’opportunes fuites, à laisser filtrer l’implacable vérité : sur la réalité militaire du terrain, sur les désertions en chaine des malheureux jeunes ukrainiens ramassés dans les rues et jetés de force dans « le hachoir à viande russe », sur les pertes véritables, sur l’incapacité structurelle des forces de l’OTAN à fournir l’Ukraine en quantité en rythme et en qualité pour pouvoir prétendre tenir le choc et moins encore, pour renverser le rapport de force face à la Russie. Certes, au Pentagone comme dans les États-majors européens, on sait bien depuis des mois déjà que la messe est dite et le pari perdu. Il n’y a plus que les Polonais et les Baltes pour pousser à la roue. Mais l’on ne veut pas se réveiller, et l’on continue à inonder l’Ukraine d’armes (en grande partie détournées) et de monceaux d’argent pour assurer la « grande contre-offensive » – d’été …ou d’automne – aux allures de baroud d’honneur, dont l’échec anticipé servira à démontrer que « le camp du Bien » a fait tout ce qu’il a pu, mais que l’Ukraine n’a pas su vaincre la Russie (comme si elle le pouvait !) et qu’il faut « pour sauver l’Ukraine et son peuple » (amplement sacrifié pendant 2 ans) enfin se résoudre à négocier avec Moscou. Sans doute pas avec un président Zelenski carbonisé par son jusqu’au-boutisme et de plus en plus menacé par son entourage d’ultra-droite aux relents ouvertement fascistes. Notre déréliction morale est totale mais là encore, on le nie. Nous soutenons à bout de bras depuis 2014, avec un cynisme décomplexé une clique aux antipodes des valeurs dont nous nous gargarisons pour fomenter et mener cette « proxy war » de trop.

Malheureusement, ce sont encore les « Neocons » de la Maison Blanche, de la CIA du NSC et du Département d’État qui font la loi à Washington. Et ils n’admettent pas que La Russie a gagné et ne s’effondrera ni militairement ni économiquement. Tout au contraire. Ses armes hypersoniques sont pour l’heure sans égales, elle a su anticiper et déjouer le piège des sanctions, son économie a tenu, son peuple soutient toujours assez massivement la réponse militaire à la menace militaire de l’OTAN à ses frontières. Surtout, elle fait désormais cause commune avec la Chine. Certes c’est une alliance en apparence du moins déséquilibrée. Mais une alliance vitale, ne nous en déplaise. Une convergence tactique et stratégique d’intérêts. Le Président Xi se frotte les mains, s’érige en pôle de stabilité financière et politique de substitution et se propose même comme faiseur de paix (rapprochement Iran-Arabie saoudite, plan en 12 points, etc…). Il rassemble ses nouvelles ouailles, troupeau disparate d’égarés en mal de protection qui n’en peuvent plus du Maitre américain et de ses pratiques de cowboy. Un rassemblement massif. Pas moins de 19 pays se pressent désormais à la porte des BRICS+, véritable « contre G7 ». Un processus d’intégration gigantesque s’ébauche à partir de ce noyau accueillant et à géométrie variable, autour de la Communauté des États indépendants (CSI), de l’Union économique eurasiatique (EAEU), de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), de l’OPEP+ et par extension, du Conseil de coopération du Golfe (GCC). Tout cela au profit de la BRI (Belt and Road initiative) chinoise, de la fortification impérative de son Corridor économique d’Asie du centre et de l’Ouest, mais aussi du Corridor international de transport Nord-Sud (INSTC) qui reliera la Russie et l’Iran à l’Inde. Les instruments financiers de cette intégration gigantesque que sont la BAII (banque asiatique pour les investissements et infrastructures) et la Shanghai Petroleum and Natural Gas Exchange sont déjà très actifs…

C’est tragique mais clair et net : Nous sommes nos propres fossoyeurs. Ce sont notre anti-russisme pathologique et notre bellicisme en Ukraine pour provoquer Moscou en espérant l’embourber et la séparer de l’Europe à jamais qui ont accéléré la grande Bascule du monde, l’émergence d’une structure multilatérale englobante et rassurante capable de mettre à bas l’hégémonie du dollar, et qui menacent l’Europe d’une crise économique financière plus grave encore que celle de 2008.

En France, naturellement, on fait comme si de rien n’était. On « s’étonne » de la dégradation de notre note financière, alors que tous les voyants sont au rouge de part et d’autre de l’Atlantique depuis déjà des mois, et que les premières secousses bancaires aux Etats-Unis comme en Allemagne et en Suisse ont été précipitamment étouffées. Peut-on éviter une crise majeure et systémique en la traitant par le mépris ? Cela parait douteux. Quoi qu’il en soit, la présidentielle de 2024 à Washington se profile mal pour le camp démocrate. Donald Trump pourrait bien de nouveau l’emporter en dépit du mur d’affaires et d’accusations dressé contre lui. Il a le cuir épais. Et puis, le fameux verdict de James Carville, conseiller de Bill Clinton, en 1992 s’impose de nouveau : « It’s the economy, stupid ! » Les Américains ne se préoccupent pas tant de l’Ukraine agressée « de manière non provoquée » ou de la victoire de la démocratie dans le monde que de leur porte-monnaie et de la fragilisation croissante de leur dollar dont la domination s’érode à vue d’œil. Dans sa curée anti-russe, Washington a en effet commis une faute cardinale en gelant de façon totalement arbitraire une fois encore, les 300 milliards de dollars d’avoirs russes au printemps 2022. Funeste décision. Bien des États ont ce jour-là compris que ce pouvait être demain leur tour. Cette démonstration de puissance a été la goutte de trop dans le vase déjà plein de rancœurs et de fureur devant les méthodes léonines de Washington en matière de sanctions et d’extraterritorialité juridique des « règles américaines ». Bien au-delà de la Russie de l’Iran ou de la malheureuse Syrie dont le calvaire n’en finit pas. Or, personne ne supporte plus ce « Rules based World Order ». Chacun a compris que seule l’Amérique édictait ces fameuses « règles » et les modifiait au gré de ses seuls intérêts. Les principes contenus dans l’imparfaite Charte des Nations unies sont bien plus protecteurs. Le dollar n’est plus ce qu’il fut longtemps, un gage de stabilité. Il incarne désormais l’incertitude, et la pure domination. Or les échanges internationaux ne peuvent se passer de sécurité et de stabilité. Le gel des avoirs russes a donné le signal d’une défiance en chaine de multiples pays qui ont compris qu’il leur fallait désormais se protéger des oukases washingtoniens et donc regarder du côté du nouveau pôle sino-russe. Pas pour s’aligner, pour doser et équilibrer leurs dépendances selon les sujets ou les secteurs. C’est l’ère du « poly-alignement » – c’est-à-dire la fin de l’alignement façon Guerre froide et le retour en grâce du non-alignement – dont la France devrait savoir se faire le chef de file. Les chiffres sont sans appel : la part du dollar dans les réserves globales est passée de 73% en 2001 à 55% en 2021 et…. 47% en 2022. L’accélération depuis 20 ans est considérable. Sans une correction urgente, qui suppose un changement de pied drastique des États-Unis dans leur comportement vis-à-vis du reste du monde, la chute devrait se poursuivre. 70% du commerce entre la Russie et la Chine se fait désormais en Yuan ou en roubles. La Russie et l’Inde commercent en roupies, le CIPS (système interbancaire chinois qui se pose en alternative au SWIFT) fonctionne à plein régime. Total et son homologue Chinois CNOOC viennent de signer un accord gazier…. en Yuan ! Pas par amour de la Chine. Parce que c’est une question de survie pour l’entreprise, que le pragmatisme convient aux affaires mieux que le dogmatisme, et que l’idéologie est en train de mettre à bas l’économie occidentale. Le monde est multipolaire et l’on ne peut plus faire semblant de l’ignorer. Le FMI reconnait que les cinq BRICS contribuent à eux seuls pour 32,1% de la croissance mondiale contre 29,9% pour les pays du G7. Et il y a encore 19 candidats…La coopération étroite entre Moscou et Ryad est aussi de mauvais augure pour l’Amérique. Elle permet à la Russie d’équilibrer sa coopération stratégique avec l’Iran, et renforce la main de Vladimir Poutine et celle de MBS dans leur fronde face à Washington en matière de prix du pétrole. Les BRICS ont de leurs cotés toutes les « commodities » et ressources naturelles du monde et défient désormais ouvertement la seule domination qui restait aux pays du G7, celle de la finance.

Derrière tous ces faits, il y a un « sous-texte », une réalité que nous devrions saisir avant que le boomerang ne frappe trop massivement nos économies européennes et que la Chine, au-delà de son effort pour échapper, grâce à la BRI, à la domination américaine des mers et des routes maritimes de transport vers l’Europe, n’en vienne à nourrir un rêve de puissance plus offensif. Cette réalité, c’est que la révolution actuelle dans la géopolitique mondiale correspond à un rééquilibrage nécessaire des rapports entre les États. Il y aura des heurts, des crises, des conflits dans les prochaines années, mais nous sommes en phase de restabilisation après le déclin de l’hégémon américain devenu insoutenable et qui ne correspondait plus à la réalité du champ de forces géopolitiques et géoéconomiques. Notre planète a besoin d’apaisement, de stabilité, de respect, de rétablissement d’une forme d’égalité formelle et en tout cas d’équité réelle entre ses membres, petits ou grands. On me dira que je suis angélique. Je pense que c’est la motivation première de pays et régions entières du globe qui veulent se développer et refusent ce jeu à somme nulle que l’Amérique a cru pouvoir imposer ad vitam aeternam. C’est valable pour les puissances du Moyen-Orient (Iran, Syrie, Libye) qui doivent sortir du marasme, pour l’Afrique – qui voit dans cette ouverture du jeu de vastes opportunités-, pour l’Amérique latine -qui est en train de reléguer aux oubliettes la doctrine Monroe. C’est enfin valable pour l’Asie elle-même, qui donne certains signes de crainte et de circonspection devant la nouvelle cible chinoise du bellicisme américain provoquée à grand renfort de déclarations martiales (Taiwan). Seule l’UE parait vivre dans une bulle. Qui ne la protège plus. Elle semble ne pas voir que tout a changé, qu’elle est située sur le continent eurasiatique qui est une terre d’opportunités vers laquelle il lui faut se projeter avec vigilance mais sans crainte. Son avenir n’est pas dans une coupure radicale avec la Russie ou un alignement sur Pékin. Il n’est pas d’avantage dans une vassalisation consentie envers Washington, qui après l’Ukraine, ambitionne déjà de jeter l’Otan (qui n’a vraiment plus rien d’une alliance régionale défensive) vers les eaux de la mer de Chine. A quoi bon ? Pour nourrir le complexe militaro-industriel américain ? Pour poursuivre la déstabilisation et la fragmentation du monde ? En quoi ces objectifs servent-ils nos intérêts nationaux, économiques et sécuritaires ? L’Europe doit comme je le dis depuis des années, sortir enfin de son enfance stratégique et apprendre à marcher la tête haute. Sans béquille ni laisse.

Les néoconservateurs américains ont mis non seulement l’Amérique mais l’Europe en grand danger. Il est plus que temps de mettre fin à cette folie et de hâter la conclusion d’un cessez-le-feu en Ukraine et d’une refondation durable de la sécurité en Europe. Le peuple ukrainien, la sécurité de l’Europe toute entière, l’économie occidentale et nos peuples le méritent. C’est de l’intérêt de tout le monde. Qu’attendons-nous ?

ORION 23 : un pas de plus dans la coopération franco-belge

ORION 23 : un pas de plus dans la coopération franco-belge

– Forces opérations Blog – publié le

Belges, Britanniques, Américains, Espagnols, Grecs, etc. : l’exercice ORION n’est pas encore achevé mais a d’ores et déjà rempli son objectif d’agréger et de conduire une coalition d’alliés placés sous bannière française. Parmi ceux-ci, un partenaire belge particulièrement mobilisé car lui aussi engagé dans le durcissement de sa préparation opérationnelle. 

Réapprendre la haute intensité

Complexe, ORION l’était aussi par « notre ambition d’être nation-cadre, c’est à dire d’être dans un domaine interallié. Nous avons un enjeu, ce qui a été le cas, à amener avec nous, à entraîner au bon niveau et à être en interopérabilité avec nos alliés », déclarait le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, ce lundi lors d’un briefing. Et ces alliés ont répondu présent. Ils étaient 1600 parmi les 12 000 militaires engagés depuis la mi-avril pour bouter l’ennemi à parité Mercure hors du territoire Arnlandais. 

Une dizaine de nations étaient imbriquées dans le dispositif français, dont « en tout premier les Belges, puisque nous sommes dans cette démarche dite CaMo [Capacité Motorisée] », poursuivait le CEMAT. Un rapprochement binational inédit entamé il y a plus de cinq ans et qu’ORION aura encore contribué à renforcer. Environ 600 militaires et 150 véhicules belges ont rejoint la coalition conduite par la France. Au coeur du groupement tactique interarmes (GTIA) placé sous commandement de la 2e brigade blindée, 350 Chasseurs ardennais. De l’infanterie motorisée renforcée par ses appuis du bataillon Carabiniers Prince Baudouin – Grenadiers, du 4e bataillon de génie, du 23 bataillon médical, du bataillon d’artillerie et autres soutiens et appuis logistiques.

À l’image de l’exercice, l’effort fourni par le partenaire belge est plutôt exceptionnel. ORION lui aura réservé son lot d’épreuves et d’enseignements. La confrontation à un adversaire coriace, premièrement. Dès les premiers jours, le GTIA belge aura perdu une compagnie complète, environ 140 combattants, en quelques minutes lors d’une frappe d’artillerie adverse. Poursuite du jeu oblige, l’unité a été artificiellement régénérée grâce aux échelons arrières mis en place par la Défense belge. 

Dans les rangs belges, les contacts avec la force adverse (FORAD) sont quotidiens. Bien que désormais en déroute, celle-ci reste imprévisible et parvenait encore à s’infiltrer hier dans les lignes alliées pour accrocher la colonne belge. Résultat : trois soldats adverses au tapis et un militaire belge « blessé » directement stabilisé puis pris en charge par la chaîne sanitaire. 

« Cet exercice est parfait pour réapprendre le combat de haute intensité. (…) Nous avons pu tester des procédures rarement jouées en réel et dans des dimensions énormes. Cela nous permet d’évoluer et de nous améliorer pour le futur », souligne le lieutenant-colonel Thiry, chef de corps du bataillon de Chasseurs ardennais (BCA) et à la tête du GTIA belge. La question n’est pas neuve pour la Défense belge. Voilà un moment que l’ensemble de la Brigade Motorisée travaille à réacquérir des savoir-faire non pas oubliés, mais un temps placé au second rang. 

Entre autres défis, celui de l’interopérabilité

Pour le GTIA belge, combattre Mercure et sa milice Tantale n’était pas le seul défi. La durée, près de trois semaines, mais aussi un terrain inconnu et synonyme d’élongations impossibles à « jouer » sur le territoire national en sont d’autres. Après les engagements statiques vécus au Sahel ou en Afghanistan, ORION imposait « une manoeuvre très mobile qui évolue en permanence dans un sens ou dans l’autre. Les flux logistiques et d’évacuation sont beaucoup plus compliqués que ce qu’on a pu vivre dans le passé », explique le lieutenant-colonel Thiry. Le seul parcours des positions tenues par son bataillon, par exemple, exigeait jusqu’à cinq heures d’effort.

Parce qu’investis dans CaMo, « nous avons un défi d’interopérabilité technique avec l’armée française », rappelle le lieutenant-colonel Frédéric Thiry, chef de corps du bataillon de Chasseurs ardennais. Pour fluidifier les communications et ne pas gripper la manœuvre, chaque nation a placé deux officiers de liaison au sein des deux postes de commandement de chaque unité. « Ce n’est pas toujours le même ‘français’, mais cela fonctionne bien car nous commençons à construire et à partager un vocabulaire commun ». 

« Étant issus d’une petite armée, nous ne travaillons jamais seuls mais systématiquement en coalition », indique le commandant du GTIA. Être « petit » a du bon, notamment de part l’habitude de travailler en anglais et selon des procédures communes. Jusqu’à jouer un rôle de traducteur au profit d’un 3rd Battalion The Rifles britannique également inféodé à la 2e BB mais parfois « perdu » parmi les acronymes et terminologies françaises. La recherche d’interopérabilité est maximale mais se heurte encore à quelques contraintes. La logistique, par exemple, est communalisée pour la nourriture et le carburant mais reste nationale lorsqu’il s’agit de soutenir des véhicules et systèmes d’armes différents. 

L’écart se comblera progressivement avec l’arrivée des systèmes SCORPION acquis grâce à CaMo. En deuxième position dans le plan d’équipement, le BCA entamera sa bascule 2027 avec la perception de ses premiers blindés Griffon. Le successeur des Dingo II et Piranha IIIC y est d’autant plus attendu que le volume acquis permettra d’équiper la totalité du bataillon, contrairement à la dotation partielle en usage dans les régiments de l’armée de Terre. 

Côté belge, rendez-vous est déjà pris pour ORION 2026. Le délai permettra la prise en compte des enseignements recueillis, entre autres, par l’équipe d’évaluateurs-observateurs détachée par la Défense. Et, d’ici ce prochain jalon majeur, Belges et Français auront d’autres occasions de parfaire leur rapprochement en environnement opérationnel. Pour les Chasseurs ardennais, ce sera dès l’an prochain avec l’engagement en opération extérieur d’un sous-GTIA en appui du 16e bataillon de chasseurs à pied de Bitche. 

Crédits image : 503e RT

Qui va toucher les dividendes de la paix ? Entretien Charles Millon

Qui va toucher les dividendes de la paix ? Entretien Charles Millon

 

par Revue Conflits – publié le 2 mai 2023


Avec la fin de l’URSS, les pays occidentaux pensent pouvoir toucher « les dividendes de la paix ». Une idée fondée sur une idéologie trompeuse, celle de la fin de la guerre et de la fin de l’histoire. Face à cela, comment ont réagi les acteurs de l’époque, et notamment les ministres de la Défense ? Entretien avec Charles Millon pour comprendre les débats politiques de l’époque.

Charles Millon fut ministre de la Défense du président Jacques Chirac de 1995 à 1997. Une période charnière dans l’histoire militaire française puisqu’elle voit la suspension du service national. Les années 1990 sont aussi marquées par l’idée de toucher « les dividendes de la paix » après la fin de la guerre froide, ce qui devrait justifiait la réduction les budgets militaires. Pour Conflits, Charles Millon revient sur les politiques conduites à cette époque.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé.

Le 21 octobre 1997, le service militaire est suspendu et remplacé par la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD). Quel était l’objectif initial de cette suspension et pourquoi la mise en place de la réserve ne s’est-elle pas passée comme prévu ?

Le service national a été suspendu à la suite d’une réflexion largement mûrie. Je faisais partie de ceux qui n’étaient pas – a priori – favorables à la remise en cause de la conscription, mais le président Chirac m’a demandé d’étudier le dossier et de regarder si le service militaire tel qu’il était remplissait toujours sa mission d’intégration et de lien entre l’armée et la nation. Il est apparu que le service national ne remplissait plus, et de très loin, ses objectifs. En effet, tous ceux qui ne maniaient pas bien la langue française et qui n’avaient pas une bonne capacité d’intégration dans le pays étaient exemptés du service militaire, tout comme ceux chez qui l’on débusquait quelques anomalies médicales ; ceux qui avaient « des relations » dans l’armée ou au sein de pouvoir parvenaient à avoir des affectations qui leur étaient favorables, enfin l’affectation rapprochée instaurée par Michel Debré donnait la possibilité aux appelés d’effectuer leur service à proximité de leur domicile ce qui ne permettait plus  le fameux brassage social tant attendu : au fond, d’égalitaire à son instauration, le service était devenu profondément inégalitaire dans ses dernières années. À ce constat, une autre évidence s’est imposée, celle de la nécessaire professionnalisation de notre armée en raison du changement de nature des menaces et de la montée en technicité des armes, exigeant des personnels de plus en plus spécialisés.

Le lien armée-nation avec une armée professionnelle peut être maintenu grâce à l’activation d’une réserve très importante comme cela existe dans un certain nombre de pays, notamment aux États-Unis C’est le choix qui que nous avions fait au moment de la suspension du service national, avec le plan armée 2000 dont l’objectif était de faire passer la réserve de 120 000 environ à 400 000 personnes et même plus. Je peux témoigner que lorsque lon a lancé l’idée d’une réserve renforcée, les organisations professionnelles patronales et syndicales ont été exceptionnelles : elles étaient toutes favorables à signer des accords afin de rendre compatible l’articulation entre la vie professionnelle et la vie de réserviste.

Malheureusement, jamais les crédits nécessaires n’auront été dégagés ni par le gouvernement Jospin, ni ceux qui suivirent. C’est regrettable, car aujourd’hui encore c’est l’armée de métier qui doit supporter des opérations qui pourraient être confiées à des réservistes, je pense à l’opération Sentinelle ou Vigipirate.

En 1991, nous avions gagné contre lURSS et lEurope allait enfin pouvoir tirer parti des « dividendes de la paix ». Cest-à-dire, selon les promesses de l’époque, diminuer les dépenses militaires pour allouer ces économies à la réduction de la dette et des impôts. Trente ans plus tard, qu’en est-il de cette idée ?

Les années 1990 ont été marquées par la fin de la guerre froide ainsi que par la montée de l’illusion pacifiste. Cette pensée pacifiste a permis à Laurent Fabius de parler de ces fameux « dividendes de la paix » dont devraient bénéficier les pays occidentaux, et qui ont justifié la chute dramatique des budgets de la défense qui rappelons ont baissé de 25% en 30 ans. La récente montée des périls dans le monde a stoppé net cette tendance et nous assistons au contraire à une hausse des budgets militaires dans tous les pays développés.

Sur cette question, certains Européens ont profité de l’OTAN pour se mettre sous le parapluie américain afin de diminuer leurs budgets militaires. Cette option a-t-elle été un sujet en France ?

L’OTAN a d’abord été l’affaire de Jacques Chirac puis celle de Nicolas Sarkozy. Quand le Président Chirac a envisagé de revenir dans le commandement intégré, la France devait en obtenir le commandement sud qui est basé à Naples. Il s’agissait alors d’organiser l’Alliance atlantique sur deux piliers et de répartir les responsabilités entre les pays européens et les États-Unis. Ce projet a échoué non pas parce que les États-Unis ont refusé, mais bien parce que certains pays européens ont préféré voir ce commandement de Naples, assuré par les USA. J’en ai été le témoin direct ayant mené les discussions sur ce sujet à l’époque. L’Espagne ou l’Italie par exemple ne faisaient pas confiance à un autre pays européen pour assumer ce commandement Sud.

C’est là où l’on constate que « L’Europe de la défense » est un concept complètement utopique. Il semble plus réaliste de parler « d’Europe de la puissance » comme le faisait le Général de Gaulle et Jacques Chirac. L’Europe ne nécessite pas une intégration complète, mais une Europe qui sait se coordonner.

On voit aujourd’hui que l’armée essaie d’anticiper les futures guerres d’ici dix ou quinze ans. Est-ce que c’était une idée dans les années 1990 de préparer des guerres qui pourraient avoir lieu en l’an 2000 ? 

Lorsque j’étais ministre de la Défense dans les années 1995, la France s’est préoccupée d’une véritable coordination notamment avec la Grande-Bretagne et l’Italie dans le domaine de l’armement. Nous avions déjà pleinement conscience de cette nécessité tant au niveau de la stratégie qu’au niveau de l’armement.

C’était absolument indispensable. Les discussions avec les Anglais ont abouti à l’accord de Saint-Malo et à des projets de constructions communes, notamment des vedettes avec les Italiens. À l’époque, lItalie avait conscience quil fallait surveiller les côtes et la Grande-Bretagne avait conscience quil fallait coordonner les missions des porte-avions : deux éléments devenus essentiels aujourd’hui.

Malgré cette idée des « dividendes de la paix », la guerre se développe au même moment en Irak ou plus largement dans les Balkans. Pourquoi continuer de croire à la paix alors que la guerre est une réalité ?

Cette expression est apparue dans les années 1990 et n’a été utilisée que pendant dix ans… Ensuite, les gouvernements ont profité pour « piocher » dans les budgets de la défense afin d’en faire une variable d’ajustement du point de vue budgétaire. En outre, ces approches opportunistes étaient confortées par une idéologie pacifiste qui se répandait dans certains pays européens, notamment en Allemagne. De nombreux hommes politiques de l’époque s’étaient persuadés qu’il n’y aurait plus de conflits dans l’espace européen.

L’un des atouts de l’économie française est d’investir l’achat de matériel dans le but de servir la défense et d’en faire des applications civiles. A-t-on réfléchi en termes d’industrie de la défense ?

Nombre de secteurs civils en France bénéficient de la recherche et de l’innovation incubées puis développées par l’industrie de la défense, indéniable fleuron de notre économie et de nos savoir-faire. J’en citerai seulement quelques-uns : les télécoms, le cyber, les matériaux composites, l’énergie… dont les avancées sont directement ou indirectement issues d’applications militaires. La bonne coordination entre le ministère de la Défense et l’Industrie d’armement permet à la France d’en profiter bien sûr pour elle-même, mais aussi pour maintenir son rayonnement à l’international.

On le voit par exemple avec le Rafale. En se dotant en premier d’avions Rafale, l’armée française lui a offert une vitrine à la hauteur de ses qualités et lui a permis d’être aujourd’hui l’un des avions militaires le plus vendu au monde.

Le Commissariat des armées développe de nouveaux matériels de campagne pour les forces en opération

Le Commissariat des armées développe de nouveaux matériels de campagne pour les forces en opération

 

https://www.opex360.com/2023/04/30/le-commissariat-des-armees-developpe-de-nouveaux-materiels-de-campagne-pour-les-forces-en-operation/


 

« Le campement de Constanta a été construit à la hâte. Sur un champ, quatre tentes kaki en guise de poste de commandement. Un peu plus loin, les soldats belges et français sont abrités dans de grandes tentes blanches. Il y fait étouffant à l’intérieur et les lits de camps sont collés les uns aux autres. Les soldats utilisent des filets de camouflage comme séparateurs de ‘pièces’ [afin] d’avoir […] un peu d’intimité », avait ainsi décrit le quotidien Het Laatste Nieuws , en mars 2022.

Depuis, et afin d’accueillir un millier de soldats dans de bonnes conditions, un camp militaire a été construit à Cincu – et dans un temps record – par les les sapeurs des 19e et 31e Régiment du Génie, avec le renfort de leurs homologues roumains, belges et néerlandais. « Au total, plus de 6 hectares à flanc de colline ont été aménagés au profit des combattants de la mission Aigle, nécessitant 120’000 tonnes de matériaux. Une opération réussie, grâce à la bonne complémentarité du génie militaire et du service d’infrastructure de la défense », a ainsi fait valoir l’armée de Terre, au moment de son inauguration, en novembre dernier.

Cependant, et alors que les opérations françaises ont souvent été menées dans de pays chauds au cours de ces derniers années [même si l’Afghanistan connaît des hivers rigoureux…], cette ouverture de théâtre en Roumanie a donné à un retour d’expérience [RETEX], qui s’est traduit par une nouvelle feuille de route donnée au Service du Commissariat des Armées [SCA], celui-ci étant chargé de faire évoluer le soutien des forces dans trois domaines, à savoir l’équipement, l’alimentation « opérationnelle » [les besoins alimentaires n’étant pas les mêmes selon les milieux] et le matériel de campagne.

« Aujourd’hui, le point de départ de l’innovation est le besoin exprimé par les armées. Pendant longtemps, nous étions […] plutôt centrés sur les théâtres d’opération en zones chaudes. L’actualité nous a réorientés vers le flanc Est de l’Europe, ce qui nécessite une réévaluation constante et une adaptation du paquetage, tout en prenant en compte les évolutions technologiques », a résumé le commissaire général de deuxième classe [CRG2] Éric Neumann, le directeur du Centre interarmées du soutien équipements du Commissariat [CIEC], dans les pages du magazine « Soutenir ».

Ainsi, le paquetage a été revu et complété par de nouveaux effets « zone froide », censés protéger le combattant quand le thermomètre indique -21°c. Plus généralement, il s’agit de lui fournir « tous les effets » devant lui permettre « d’affronter tout type de météo dans n’importe quelle zone géographique et/ou relief ». Et cela peut se jouer sur des détails, comme la dotation de sur-bottes afin de facilter les déplacements dans la boue.

En tout cas, dès cette année, les militaires de l’armée de Terre pourront remiser au placard leur veste polaire, jugée trop lourde et trop encombrante, celle-ci devant être remplacée par une « veste thermique polyvalente » [VTP], dont 40’000 ont été commandées.

D’autres effets, encore en cours de « développement », comme les chaussures « grand froid », les sous-vêtements, les mouffles et les tours de cou, seront intégrés au paquetage commun. « Cette spécificité du vêtement ‘froid’ devient un enjeu majeur pour nos armées. La division ‘habillement » du CIEC opère une bascule stratégique de ses marchés ‘habillement’ afin de répondre au plus vite aux nouveaux besoins », explique un sous-officier du bureau « effets de combat ».

Outre le paquetage, les matériels « projetés » vont aussi évoluer. L’idée est de gagner en réactivité afin de fournir un « soutien de proximité » dès l’ouverture d’un théâtre. « Aujourd’hui, l’armée de Terre souhaite que l’on développe un nouveau concept d’emploi et une nouvelle gamme de produits pour être au plus près des forces. L’action militaire sera de plus en plus intense et le temps de repos de plus en plus court. Le soutien doit donc se rapprocher des forces », explique le commissaire en chef de première classe [CRC1] « Alexandre ».

Là, il s’agit de mettre au point des matériels à la fois « plus mobiles » afin d’accélérer leur déploiement. Ce sera ainsi le cas de la « cuisine de campagne », qui devra être opérationnelle dès l’arrivée des forces dans la zone d’opération, l’objectif étant de limiter – si ce n’est d’éviter – la consommation de rations de combat durant les premiers jours. Un prototype devrait être prêt dès cette année. Et en fonction du résultats des essais, un marché pourrait être notifié en 2027/28.

Les tentes vont aussi évoluer afin de tenir compte des conditions climatiques froides. « Un adaptation est en cours, afin d’y inclure une ‘surcouche’ », précise Soutenir. D’une surface de 54 mètres carrés, la nouvelle tente de campagne aura ainsi une isolation renforcée et permettra d’abriter huit combattants [chacun ayant une chambre individuelle]. Elle pourra être montée en 10 minutes.

Quant l’alimentation [et outre la cuisine de campagne], le CIEC travaille à l’amélioration des rations de combat individuelle, notamment celles qui sont lyophilisées, qui permettent de réduire le poids du paquetage tout en ayant les mêmes caractéristiques nutritionelles que les « rasquettes » classiques.

Cela étant, un nouveau concept de restauration en opération est en cours de développement : celui de la ration collective [ou de groupe], qui doit permettre de nourrir 32 combattants pendant une journée [soit trois repas, avec le choix entre deux menus pour chacun d’entre eux. « Nous partons du principe que l’intérêt premier du militaire est la variété. La sécurité alimentaire est certes essentielle, mais la variété alimentaire et la convivialité le sont tout autant, voire même davantage, pour le moral de nos forces », a justifié le CRG2 Neumann.

Ces rations de groupe sont actuellement en phase d’expérimentation. Et les premiers retours sont positifs. Seulement, étant donné leur « poids logistique », elles ne seront pas forcément adaptées à toutes les missions.