Caesar, EFA et robots de déminage: victoire commerciale française en Ukraine mais la guerre n’est pas gagnée

Caesar, EFA et robots de déminage: victoire commerciale française en Ukraine mais la guerre n’est pas gagnée

 

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 30 septembre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


La visite à Kiev de Sébastien Lecornu et d’une délégation d’industriels de la Défense français, jeudi, s’est soldée par la signature de plusieurs contrats et accords. A Kiev, le ministre français venu défendre des partenariats avec des industriels ukrainiens, a rencontré le ministre Oleksandr Kamychine, chargé des industries stratégiques (photo ci-dessus. Les photos de ce post sont de moi), et Rustem Umerov, le nouveau ministre de la Défense. 

Sa visite a précédé l’ouverture par le président Zelensky du premier forum international consacré à l’industrie de la défense, qui veut attirer des fabricants étrangers capables de produire des armes en Ukraine et de lui “construire un arsenal” face à la Russie. “Nous sommes intéressés par la localisation de la production des équipements nécessaires à notre défense et des systèmes de défense avancés utilisés par nos soldats”, a résumé Zelensky dans son discours d’introduction, diffusé ce samedi.

Voici la liste  des accords et contrats signés vendredi (c’est moi qui souligne):
Coopération DGA / DPA
La direction générale pour l’armement (DGA) et son homologue ukrainienne, la Defense Procurement Agency (DPA) ont signé un accord pour favoriser la coopération en matière d’armement entre les deux pays.

Coopération industrielle
Le GICAT a signé deux accords, avec les Ministère de la Défense et Ministères de l’Industrie Stratégique ukrainiens sur le développement de la coopération en matière d’industrie de défense entre la France et l’Ukraine.

Artillerie
Fourniture de 6 systèmes d’artillerie supplémentaires. Au-delà des canons Caesar déjà fournis, que ce soit au titre des cessions par l’armée françaises (18) ou au titre des acquisitions par le ministère ukrainien directement auprès de KNDS (12), KNDS va fournir 6 canons Caesar supplémentaires.
MCO (maintien en conditions opérationnelles) des systèmes Caesar fournis. Le MCO des systèmes CAESAR est d’ores et déjà assuré par KNDS via un flux de pièces de rechanges. Par ailleurs, KNDS a signé un accord avec une société ukrainienne pour assurer le MCO des Caesar dans la durée sur le territoire ukrainien, comprenant la production de pièces localement. Cet accord prend également en compte le MCO des AMX 10 cédés par l’Armée de Terre.

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Véhicules terrestres
Intégration d’armements : La société KNDS a signé un accord avec une société industrielle ukrainienne pour l’intégration en Ukraine d’armements sur les véhicules des Forces Armées Ukrainiennes.
MCO des véhicules fournis : ARQUUS, fabriquant de VAB (Véhicules de l’avant blindé), s’est engagé, au travers d’un accord signé avec une société ukrainienne, à soutenir les véhicules cédés par les Armées françaises – notamment à travers de la production locale de pièces – et à étudier la mise en place d’un partenariat avec des entreprises ukrainiennes afin de produire des VAB neufs dans le pays.
Fabrication additive : La société Vistory a signé un accord avec une société ukrainienne pour des solutions de fabrication additive de pièces de rechange. Ce sujet est très prometteur pour autonomiser les Ukrainiens, y compris potentiellement pour déployer des solutions mobiles de fabrication de pièces de rechange sur le théâtre d’opérations.
Fourniture d’engins amphibie : La société CEFA va fournir 8 engins amphibie qui permettent le franchissement de cours d’eau.

Drones
Drones Delair : Au-delà du premier contrat de drones, et dont les premiers exemplaires sont en cours de livraison auprès des Ukrainiens, la société Delair a signé un nouveau contrat avec le MOD ukrainien pour la fourniture de drones supplémentaires, ainsi qu’un accord portant sur la maintenance des drones livrés et ouvrant la voie à une production locale.
Partenariats industriels : les sociétés Thales d’une part et Turgis & Gaillard d’autre part ont chacune signé un accord avec des sociétés ukrainiennes pour co-développer des drones, avec comme perspective une fabrication locale de drones.

Déminage
L’entreprise CEFA a signé un contrat pour la fourniture de 8 premiers robots SDZ de déminage. C’est un moins qu’espéré (10 unités) mais le résultat témoigne de la confiance des Ukrainiens dans ce matériel. 

Quelques remarques personnelles:

Ces bons résultats et ses bonnes perspectives sont dus aux efforts conjoints des équipementiers français, du ministère des Armées et du GICAT qui a organisé du 18 au 20 septembre, à Kiev, un premier séminaire de coopération industrielle franco-ukrainien. 

En termes de fournitures, on notera les drones Delair (type non spécifié), les 6 Caesar supplémentaires mais surtout les 8 robots de déminage SDZ de l’entreprise CEFA (deux livrables à l’armée de Terre française pourraient être déviés vers l’Ukraine). En matière de déminage, la France s’avère malgré tout en retrait d’autres pays dont les entreprises spécialisées ont capté une partie du marché il y a déjà plusieurs mois (je reviendrai sur ce sujet dans un prochain post).

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Cette même entreprise va aussi livrer 8 EFA (engins de franchissement de l’avant. Photo ci-dessus prise lors d’Orion 4); ces systèmes d’occasion issus de l’ex-parc du génie pourront être livrés très rapidement. 

De quelques évolutions de l’armée de Terre dite de combat…

De quelques évolutions de l’armée de Terre dite de combat…

Mars attaque – publié le 12 septembre 2023

Quelques points (évidemment non exhaustifs) transparaissent peu à peu sur des évolutions capacitaires significatives à venir de l’armée de Terre de demain (dite “de combat“), pour densifier la bulle aéroterrestre (en termes de létalité, de transparence, et de protection).


Par exemple, à terme, il est recherché 3 gammes différentes de munitions télé opérées (MTO / MUNTOP) :

  • MUNTOP – AD (appui direct) pour la zone 0-30 km, soit celle de la brigade interarmes (BIA), dans la zone du radar Murin, du Griffon VOA d’observation, du Griffon MEPAC de mortier embarqué, du drone SMDR… ;
  • MUNTOP – AE (action d’ensemble) dans la zone 0-80 km, soit celle de la division (dans la zone des tirs de Caesar, ou de la roquette LRU, qu’elle soit non souveraine, aujourd’hui, ou demain potentiellement souverraine…) ;
  • Puis, à terme, MUNTOP – FLP (feux longue portée), dans la zone des 0-150 km.

Cela s’ajoutera à de nouvelles capacités acquisition/feux :

  • Radars Cobra ou équivalents pour passer de 40 km à 100 km en acquisition ;
  • Un SDT pleinement opérationnel, dans les 0-150 km ;
  • Des drones MALE/MAME dédiés aux feux dans les 0-150 km ;
  • Le retour des Détachements d’appui dans la profondeur (DAP)…

En parallèle, il est poursuivi l’ambition de faire de l’armée de Terre le 1er opérateur de systèmes automatisés en Europe (un peu comme l’ALAT est depuis quelques temps déjà le 1er opérateur d’Europe en nombre d’hélicoptères détenus) :

  • Dès 2025, il devrait y avoir un peu moins de de 900 systèmes militarisés (un système + plusieurs drones) et plus ou moins 600 drones civils, plus les MTO FS (environ 100 exemplaires) ;
  • Vers 2026, le SDT (armé ?) et le drone MAME FT (cf. ci-dessus), plus l’automatisation des nano et micro drones et intégration dans la bulle Scorpion de l’ensemble, avec en parallèle la mise en œuvre de MTO souveraines de courte portée en développement rapide actuellement (pour une commande de l’ordre de 1.000 exemplaires – projet Colibri) ;
  • Vers 2028, des MTO souveraines de moyenne portée en développement rapide (projet Larinae), de l’ordre de plus de 250 exemplaires ;
  • Pour au final en 2030 : 2 type de MTO souveraines à plus de 1.250 exemplaires + environ 1.100 systèmes militaires + de l’ordre de 800 drones civils.

A noter que ces chiffres ne sont pas forcément des volumes de commandes, mais plutôt des parcs détenus à l’instant t (grâce à une petite agilité contractuelle (enfin possible…) pour pouvoir recompléter rapidement et facilement les stocks au fil du temps, malgré les pertes, leur utilisation, etc.).

En parallèle toujours, la feuille de route robotique progressera, avec des plateformes polyvalentes terrestres de combat pour 2030, après des premiers prototypes en 2027, plus les MTO en phase de généralisation progressive pour 2026, plus l’école des drones pleinement opérationnelle (qui passera à terme du Commandement du renseignement COMRENS à la brigade d’Artillerie BART).

Pour les capacités émergentes et/ou critiques (drones armés, défense sol-air – DSA, feux dans la profondeur, cyber, influence et champs immatériels), un phasage sera mené… parce que ce n’est pas si simpliste de faire de la remontée en puissance et du capacitaire… Avec en plus un rééquilibrage des fonctions opérationnelles au profit des capacités C2, intégration des effets, appui et soutien, une remontée des stocks de munitions et de rechanges, et l’accompagnement à la montée en compétences et masse d’une BITD MCO terrestre.

  • D’ici 2025, comblement progressif des ruptures de capacité prioritaires en artillerie moyenne portée et drone tactique ;
  • D’ici 2027, efforts sur les soutiens tactiques et opératifs (notamment sur les flottes tactiques et logistiques) et comblement des faiblesses en artillerie moyenne portée, drone tactique, contre-minage, transport d’engins blindés… ;
  • D’ici 2030, montée en puissance des flottes logistiques, efforts sur la décontamination de l’avant et d’ensemble, le ravitaillement carburant et transport médian, la défense sol-air d’accompagnement…
Pour les effets dans les champs immatériels, un “bataillon de leurragedevrait prochainement voir le jour (à Lyon), rattaché au CIAE (Centre interarmées des actions sur l’environnement), en plus de l’École de l’influence qui y sera opérationnelle et de la 1ère Unité multi-capacités (UMC) pour opérer en LID (lutte informatique défensive), LIO (lutte information offensive) et L2I (lutte informatique d’influence).

Enfin, un effort sera mené sur la consolidation et la modernisation des forces de souveraineté, notamment dans les capacités de protection, de prévention et d’influence, via des stocks prépositionnés, un renforcement de capacités notamment C2/renseignement/influence/cyber/réserves/formation des partenaires…, les capacités d’accueil de renforts… Cela ira notamment de paire avec la régionalisation géographique des divisions et la sectorisation des brigades (changeants à intervalles réguliers), pour une meilleure connaissance des zones d’opérations potentielles.

Une vision encore partielle, non exhaustive, et non définitive, à compléter.

Abrams M1E3, Leopard 2AX : l’EMBT français peut-il s’inviter dans le reboot en cours des chars occidentaux ?

Abrams M1E3, Leopard 2AX : l’EMBT français peut-il s’inviter dans le reboot en cours des chars occidentaux ?


IMG 0268 e1655214195496 Chars de combat MBT | Allemagne | Analyses Défense

Abrams M1E3, Leopard 2AX : l’EMBT français peut-il s’inviter dans le reboot en cours des chars occidentaux ?


Plutôt que de développer un nouveau char de combat, l’US Army a annoncé, il y a quelques semaines, se tourner vers une évolution radicale de son M1 Abrams, pour donner naissance au M1E3 Abrams d’ici à la fin de la décennie.

À l’instar de l’Allemagne et de son Leopard 2AX, il s’agit pour les États-Unis de répondre au mieux, face aux contraintes de temps et de technologies, aux enseignements de la guerre en Ukraine, et notamment à l’arrivée massive des drones à tous les échelons du combat.

Cette approche, qui s’oppose aux objectifs d’un programme MGCS menacé de toutes parts, se veut pragmatique pour répondre aux enjeux opérationnels, mais aussi commerciaux, qui se présentent aujourd’hui.

Dans ce contexte, la France, sur la base d’une évolution radicale du char Leclerc basée sur la tourelle EMBT, doit-elle, elle aussi, s’inviter dans cette course contre-la-montre qui s’est engagée des deux cotés de l’Atlantique ?

La transformation robotique du champ de bataille est en marche

S’il est un enseignement crucial à retenir des 19 mois de guerre en Ukraine, c’est incontestablement le rôle désormais central que les technologies robotisées, plus particulièrement les drones, ont pris sur le champ de bataille.

Leopard 2A4 ukraine
La guerre en Ukraine a montré toute l’utilité des chars de combat, un temps destinés au musée selon certain.

Ceux-ci interviennent dans la presque totalité des espaces de conflictualité, qu’il s’agisse de frapper les unités sur la ligne de front, de diriger le tir de l’artillerie à longue et très longue portée, de mener des raids aériens ou navals contre les bases arrière de l’adversaire, et même pour mener des campagnes de terreur contre les populations civiles.

L’arrivée de ces drones et autres munitions rôdeuses, influence à présent la réflexion opérationnelle des stratèges militaires, au point de modeler, avec d’autres facteurs souvent connexes, la conception même des nouveaux équipements militaires.

C’est ainsi que les Loyal Wingmen et autres Remote Carrier sont aujourd’hui au cœur de la conception des avions de combat de nouvelle génération comme les NGAD aux Etats-Unis, le GCAP britannique (Italie/Japon), et le SCAF européen.

Ils influencent aussi la conception des nouveaux navires militaires, qu’il s’agisse des unités de surface combattantes comme les destroyers et frégates, les grands navires aéronavals et d’assaut, les bâtiments de guerre des mines et même les sous-marins.

C’est aussi le cas dans le domaine des armements terrestres, qu’il s’agisse de l’artillerie, des blindés de combat et de soutien, et désormais du seigneur du champ de bataille, le char de combat.

T14 Armata
Le T14 Armata russe fut le premier char à intégrer pleinement la révolution robotique. Toutefois, les difficultés qu’il rencontre depuis presque 10 ans maintenant pour sa mise au point, laisse penser que celui-ci était trop ambitieux pour les technologies du moment maitrisées par l’industrie russe.

En effet, les programmes de chars de combat de nouvelle génération, ou devons-nous dire plutôt de génération intermédiaire, comme le K2 Black Panther, le T14 Armata, le Leopard 2A8 ou le récemment annoncé, Abrams M1E3, sont conçus autour de cette révolution robotique.

Ils intègrent ainsi des drones de reconnaissance pour une perception étendue de leur environnement, des systèmes antidrone et APS pour engager et détruire les drones de reconnaissance et les munitions rôdeuses,

La robotique entre aussi dans l’habitacle, pour remplacer le poste de chargeur par un système automatisé, même au sein des armées attachées à l’équipage à quatre traditionnels jusqu’ici.

Cette influence dépasse même ce cadre direct, en imposant, par exemple, des chars plus légers et plus mobiles, avec une empreinte logistique plus faible, de sorte à préserver les flux logistiques des frappes indirectes menées, là encore, avec l’aide ou par des drones.

Avions, hélicoptères, chars : leur rôle va évoluer dans les années à venir

Au-delà de ces aspects déjà appliqués au combat aujourd’hui, notamment en Ukraine, il apparait surtout que la révolution robotique des armées en cours, va considérablement influencer le rôle même des piliers de l’action militaire.

F-35 et drones de combat loyal wingman
Les avions de combat vont rapidement évoluer du rôle de vecteur effecteur à celui de coordinateur des drones de combat, qui eux assureront le transport et la livraison des munitions.

Ainsi, les avions de chasse, mais aussi, les frégates, destroyers et sous-marins, les hélicoptères et les chars, voient leur rôle opérationnel évolué d’une mission de type vecteur/effecteur, c’est-à-dire de transport et de mise en œuvre des munitions et des systèmes d’armes, à celui de coordinateur de drones jouant précisément ce rôle de vecteur/effecteur.

Dit autrement, là où aujourd’hui un avion de combat comme le Rafale transporte lui-même ses bombes et ses missiles, ou un char comme le Leclerc emploie son canon de 120 mm, les équipements qui devront les remplacer s’appuieront avant tout sur les munitions et capacités de leurs drones, pour frapper l’adversaire.

En effet, les systèmes d’armes sont désormais à ce point efficaces et précis, et les moyens de communication performants et réactifs, qu’exposer un avion de combat de 100 m€ ou un char lourd de 20 m€, ainsi que leurs précieux et rares équipages, ne peut se faire que parcimonieusement, avec un temps d’exposition le plus réduit possible.

Quelle influence sur les nouveaux chars de combat ?

Si la révolution drone et robotique s’était déjà invitée depuis plusieurs années dans la conception des systèmes de combat aériens de nouvelle génération, et dans la guerre navale, son intégration aux véhicules blindés, et notamment aux chars de combat, était en revanche plus timide (en dehors des systèmes de chargement automatique en Russie, France ou encore Corée du Sud).

M1A2 Abrams
Au fil des années et des évolutions, le M1 Abrams américain a connu de nombreuses évolutions, ayant chacune laissé des marques sur son toit, et sur la balance.

Toutefois, il semble que les nouveaux programmes en cours de développement, comme le toujours mystérieux Leopard 2AX en Allemagne, et surtout le M1E3 Abrams récemment dévoilé par l’US Army, semblent précisément tournés vers celle-ci.

Ainsi, à l’occasion de la Defense Warfighter Conference, le général de brigade Geoffrey Norman, directeur de la Next-Generation Combat Vehicle Cross Functional Team de l’US Army, a donné des précisions sur le nouveau char à l’étude, dont l’existence fut dévoilée il y a tout juste une semaine.

Comme anticipé, le nouveau char sera conçu sur la base des avancées développées dans le cadre de la version SEPv4 du M1A2 Abrams, finalement annulée au profit du nouveau programme.

Il intégrera de fait de nouveaux équipements de vetronique, comme un système infrarouge de nouvelle génération 3GEN FLIR, un détecteur de menace laser, un système de gestion thermique et d’autres nouvelles capacités.

En revanche, celui-ci sera entièrement repensé pour absorber les enseignements de la guerre en Ukraine, et intégrer la révolution robotique en cours. Il disposera de cette manière d’un système de protection actif passif, soft et hard-kill intégré nativement, et non ajouté comme c’est le cas du Trophy sur le M1A2 SEPv3.

AbramsX de GDLS
Le démonstrateur AbramsX de GDLS a été présenté au salon AUSA de 2022. Il préfigure probablement le M1E3, qui en reprend les principales caractéristiques.

Son équipage sera, lui, ramené à trois membres, avec la suppression du poste de chargeur, et l’intégration d’un système de chargement automatique du canon principal.

Surtout, le char sera considérablement allégé, de sorte à en réduire l’empreinte logistique et doté d’une propulsion hybride, tant pour réduire sa consommation que pour en améliorer au besoin la furtivité.

Si la masse au combat du M1E3 n’est pas encore révélée, le General Norman a toutefois précisé qu’il s’agissait notamment de lui permettre d’employer certaines infrastructures de transport civiles, comme les ponts, aujourd’hui interdits au M1A2 et à ses 73 tonnes.

Abrams M1E3, Leopard 2AX : Pourquoi l’option du reboot générationnel a beaucoup d’intérêt ?

Il est toutefois intéressant de remarquer qu’à l’instar du Leopard 2AX allemand, l’US Army privilégie dans ce programme une évolution de l’Abrams, même si celle-ci est radicale, au développement d’un nouveau char, comme envisagé par le désormais moribond MGCS franco-allemand. Ce choix s’explique par plusieurs facteurs concomitants.

La pression du calendrier géopolitique et commercial

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L’ONU veut réguler l’intelligence artificielle militaire mais se heurte au principe de réalité concurrentielle

L’ONU veut réguler l’intelligence artificielle militaire mais se heurte au principe de réalité concurrentielle

 

par Thierry Berthier – revue Conflits – publié le 13 août 2023

https://www.revueconflits.com/lonu-veut-reguler-lintelligence-artificielle-militaire-mais-se-heurte-au-principe-de-realite-concurrentielle/


L’ONU a exprimé son désir de bannir l’usage de l’IA dans les armes de guerre autonomes à l’horizon 2026 et de réguler l’IA militaire à l’échelle mondiale. Antonio Guterres s’est dit favorable à la création d’un conseil spécifique à l’IA, ayant pour objectif d’aider à réguler, gérer l’usage de l’IA militaire et règlementer ses dérives potentielles.

La première réunion du conseil de sécurité de l’ONU dédiée à l’Intelligence Artificielle (IA) a eu lieu le 18 juillet 2023. Le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres a souligné les progrès spectaculaires de l’intelligence artificielle et de ses applications potentielles au bénéfice du développement commun, du recul de la pauvreté, de l’éducation, de l’industrie, de l’agriculture et de la résolution des grands problèmes environnementaux.

Il a également exprimé son désir de bannir l’usage de l’IA dans les armes de guerre autonomes à l’horizon 2026 et de réguler l’IA militaire à l’échelle mondiale. Selon lui, « l’utilisation malveillante de systèmes d’IA à des fins terroristes criminelles ou étatiques pourrait entrainer un nombre effroyable de morts et de destructions, des traumatismes généralisés et des dommages psychologiques profonds à une échelle inimaginable ». Ce constat posé, Antonio Guterres s’est dit favorable à la création d’un conseil spécifique à l’IA, ayant pour objectif d’aider à réguler, gérer l’usage de l’IA militaire et règlementer ses dérives potentielles.

La réunion dirigée par Antonio Guterres a donné lieu aux premières recommandations exprimées par certains membres de l’ONU montrant une volonté forte de régulation et d’interdiction future des systèmes armés autonomes.

Il faut tout d’abord saluer l’initiative du Conseil de Sécurité et l’organisation de cette réunion inaugurale car les révolutions IA-robotique vont transformer en profondeur l’ensemble des activités humaines. Il est donc important que les grandes puissances et les puissances secondaires puissent échanger librement au sein de l’ONU, et débattre sur les enjeux et les défis de l’IA.

Le volet militaire de l’IA nous fait a priori passer du « côté obscur de la Force ». La réunion dirigée par Antonio Guterres a donné lieu aux premières recommandations exprimées par certains membres de l’ONU montrant une volonté forte de régulation et d’interdiction future des systèmes armés autonomes. Les trois premières puissances militaires (USA, Chine et Russie) ont indiqué, l’une après l’autre, qu’elles se réservaient le droit de développer des systèmes d’armes intégrant de l’IA tout en précisant que ces systèmes devaient rester sous le contrôle humain. Derrière ces premières déclarations, Il faut comprendre qu’aucune de ces trois puissances dominantes n’a l’intention de signer un texte limitant l’usage de l’IA militaire ni de freiner ses investissements massifs (en dizaines de milliards de dollars) réalisés au titre de la recherche et du développement.

1 – Les quatre principes de réalité systémique de l’IA

Concrètement, la déclaration du Secrétaire Général de l’ONU sur l’IA militaire se heurte à quatre grands principes de réalité systémique associés à la diffusion et à l’usage du progrès technologique au bénéfice des activités humaines, civiles et militaires :

Principe n°1 : Le principe du sens unique temporel ou de non-retour en arrière face à une avancée technologique majeure, accessible, impactante et à fort pouvoir libérateur.

Principe n°2 : Le principe de diffusion maximale d’une technologie duale (ayant des applications à la fois civiles et militaires) ;

Principe n°3 : Le principe d’appropriation maximale des technologies efficaces dans un contexte de compétition mondiale et de concurrences géopolitiques.

Principe n°4 : Le principe d’emploi maximal de technologies apportant un avantage tactique ou stratégique sur un adversaire en contexte de guerre ou de guerre froide.

2 – L’intelligence artificielle comme moteur de la haute intensité du combat

Les applications militaires de l’intelligence artificielle s’inscrivent dans toute la largeur du spectre opérationnel et renforcent les dynamiques de haute intensité au combat

  • Renseignement : collecte, traitement et analyse automatique des données, images satellitaires, imagerie drones, analyse de documents, traduction automatique, localisation, contextualisation à partir d’images, veille documentaire.
  • Logistique : préparation de missions, OPEX, aide au dimensionnement du dispositif, préparation du soutien, optimisation des approvisionnements (carburants, vivres, eau, munitions).
  • Simulation : simulation de déploiement, wargame, test d’hypothèses et de capacités, simulation de déploiement d’unités robotisées, entrainement des troupes au combat, entrainement sur de nouveaux systèmes d’armes.
  • Conduite des opérations, IA C2 : Aide à la décision pour les centres de commandement et contrôle (IA C2), reporting, tests et validation d’hypothèses de manœuvres, tests d’impact et d’attrition au regard de l’intensité du combat
  • Systèmes robotisés armés : Augmentation du niveau d’autonomie des systèmes, escadrilles et essaims de drones aéroterrestres, marins, sous-marins. Systèmes et boucliers anti-missiles autonomes, systèmes radars intelligents, Lutte Anti-Drones par essaims de drones anti-drones, Niveaux d’autonomie L0,L1,…L5
  • Cybersécurité et cyberdéfense : Emploi de l’IA pour sécuriser les applications, systèmes d’information et systèmes d’armes, SIEM UEBA (User and Entity Behavior Analytics (UEBA) and Security Information and Event Management (SIEM)), détection et remédiation automatique des attaques, maitrise du risque cyber. Opérations cyber offensives soutenues par l’IA.
  • PsyOps, opérations cognitives, ingérence et contre-ingérence : détection et remédiation des opérations d’influence, de fracturation des opinions, d’atteinte à l’image, de campagnes de FakeNews produites à partir des réseaux sociaux (fermes de bots), production d’ADFI (Architectures de Données Fictives Immersives) utilisées pour tromper ou influencer une cible.

3 – Les grands défis de l’IA militaire

La robotisation du champ de bataille, la préservation du sang du soldat humain, la réduction temporelle des toutes les étapes de la boucle OODA [O – Observe (observer), O – Orient (orienter), D – Decide (décider), A – Act (agir)], et la recherche de haute intensité au combat sont des objectifs prioritaires pour toutes les armées du monde. Chacun de ces objectifs s’appuie sur les progrès des sciences et technologies, en particulier sur ceux de l’intelligence artificielle qui apporte l’autonomie, la précision et la vitesse de réaction dans les systèmes. Si les défis de l’IA militaire sont multiples, deux d’entre eux apparaissent désormais comme prioritaires en retour d’expérience notamment de la guerre russo-ukrainienne :

Défi n°1 – l’IA-C2 (Command & Control) : l’IA intégrée au sein du système de commandement permet de prendre en compte l’ensemble des données qui remontent du terrain, du renseignement, des capteurs déployés, des unités à engager ou déjà engagées. L’apport de l’IA réside dans sa capacité à tester des hypothèses de manœuvre, à en mesurer les effets sur l’ennemi et sur ses forces, à évaluer le risque associé à une action militaire. La simulation numérique intégrant de l’apprentissage automatique et de l’apprentissage par renforcement donne la possibilité de jouer une séquence opérationnelle, de modifier ses paramètres, de rejouer la séance et de converger vers une solution optimale pour le chef militaire qui en tient compte dans son arbitrage.

Défi n°2 – l’IA embarquée dans les escadrilles et essaims de robots aéroterrestres : La guerre russo-ukrainienne est une guerre des drones aériens vecteurs d’une très forte attrition sur les chars et blindés des deux belligérants. Les premières escadrilles de munitions téléopérées navales ont été déployées par l’armée ukrainienne contre les navires russes. Des drones kamikazes sont régulièrement utilisés dans la profondeur par les deux armées. Ainsi, la question de la lutte anti-drones (LAD) devient prioritaire tout en restant techniquement complexe. L’avantage restant à l’attaquant, le défi de la LAD repose avant tout sur les capacités de détection, de suivi et de neutralisation des vecteurs ennemis. L’intelligence artificielle apporte des solutions très prometteuses pour contrer l’attaque d’un essaim aérien constitué de plus de 100 drones. La méthode de LAD consiste à mettre en œuvre un essaim de drones aérien « anti-essaim » composé lui aussi de plus de 100 drones « racers » qui vont chacun suivre un vecteur ennemi et le détruire par choc cinétique ou par détonation via une charge embarquée. L’action globale de l’essaim anti-essaim ne peut être dirigée que par l’intelligence artificielle.

Ces deux défis, qui reposent pleinement sur les progrès de l’IA, font l’objet d’investissements en R&D très conséquents (plusieurs dizaines de Milliards de dollars) en Chine et aux États-Unis. La course à la haute intensité et aux missiles hypersoniques repose elle aussi sur les apports de l’IA militaire. On comprend facilement que ni la Chine ni les Etats-Unis n’accepteront de limiter ou de renoncer à la course à « l’IArmement » si déterminant dans la recherche de puissance et d’ascendant sur l’ennemi. Le Secrétaire Général de l’ONU mesure parfaitement l’importance des enjeux géopolitiques qui accompagnent le développement de la robotique militaire. Il aura par contre toutes les difficultés à obtenir un moratoire ou un encadrement sur ce type d’armes.

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au delà ? Partie 2/2

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au delà ? Partie 2/2


 

Depuis près de deux décennies maintenant, les compétitions internationales entre le chasseur Rafale du français Dassault Aviation, et le F-35 de l’américain Lockheed-Martin, ont systématiquement tourné à la faveur de ce dernier, au point que l’appareil américain devient aujourd’hui un véritable standard pour les forces aériennes européennes, au grand damn des avionneurs du vieux continent.

Mais la nouvelle version du Rafale, désignée F5, qui doit entrer en service à partir de 2030, pourrait bien profondément changer le rapport de force opérationnel et commercial entre ces deux appareils pour les années et décennies à venir. Dans la première partie de cet article, nous avons étudié deux critères de cette évolution, la transformation du Rafale en Système de combat aérien avec la version F5 d’une part, et l’arrivée des drones de combat Neuron et Remote Carrier de l’autre, venant gommer les atouts du F-35A tout en exacerbant ceux du chasseur français.

Rafale Francais et F35A Americain au point dattente Aviation de chasse | Analyses Défense | Armes nucléaires

Dans cette seconde partie, nous aborderons 3 autres domaines majeurs venant infléchir ce rapport de force : les nouvelles capacités et les nouvelles munitions du Rafale F5; l’apparition du Club Rafale et l’émergence d’une nouvelle stratégie commerciale et industrielle française, et enfin l’influence de la hausse des couts de possession du F-35 sur les compétions à venir.

3- Les nouvelles capacités et de nouvelles munitions du Rafale F5

Outre les drones eux-mêmes, le Rafale F5 sera doté de nouvelles munitions et de nouvelles capacités, qui lui permettront de combler certaines faiblesses relatives vis-à-vis du F-35. C’est notamment le cas dans le domaine de la suppression des défenses anti-aériennes adverses, à laquelle il est commun de faire référence par l’acronyme SEAD qui, comme nous nous en étions plusieurs fois fait l’écho depuis 2018, représentait un manque important dans la panoplie opérationnelle du Rafale jusqu’ici.

Si la composition de cette capacité dont sera doté le Rafale F5 n’a pas encore été officiellement présentée, on peut supposer qu’elle reposera sur l’utilisation conjointe de brouilleurs radar venant s’ajouter aux systèmes d’autodéfense de l’appareil, pour lui donner la possibilité d’englober d’autres appareils dans sa bulle de protection, ainsi qu’une ou plusieurs munitions anti-radiations, conçues pour remonter le faisceau radar de l’adversaire pour venir le détruire.

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Le FMC doit remplacer le missile croisière SCALP qui équipe les Rafale de l’Armée de l’Air et de l’espace et de l’Aéronautique navale aujourd’hui

Le Rafale F5 sera également conçu pour mettre en oeuvre les nouveaux missiles franco-britanniques FMC (Futur Missile de Croisière) et FMAN (Futur Missile Anti-Navire) qui devront respectivement remplacer les missiles de croisière SCALP/Storm Shadow d’une part, et AM39 Exocet de l’autre.

Ces deux munitions de précision à longue portée en cours de conception, seront dotées de caractéristiques évoluées, comme la furtivité ou une vitesse hypersonique, pour défier les systèmes de défense anti-aériens modernes comme des systèmes de brouillage et de leurrage, et conféreront à l’appareil des capacités de frappe à longue distance très avancées dans les décennies à venir.

L’appareil se verra également doté d’un pod fusionnant les capacités des nacelles de désignation de cible Talios et de la nacelle de reconnaissance RECO NG en un unique équipement, conférant au chasseur une vision tactique air-sol, air-surface et même air-air d’une grande précision, et ainsi de multiples options opérationnelles tout en restant en mode non-émitif.

Enfin, le Rafale F5 sera conçu pour mettre en œuvre le nouveau missile de croisière hypersonique ASN4G à charge nucléaire, qui doit remplacer l’ASMPA au sein des deux escadrons de l’Armée de l’Air et de l’Espace et des flottilles de la Marine nationale formant la composante aérienne de la dissuasion française. Toutefois, cette capacité, bien que critique pour la défense française, n’aura probablement que très peu d’influence sur le marché international.

BAT 120LG Aviation de chasse | Analyses Défense | Armes nucléaires
La BAT-120LG est une bombe légère planante de précision adaptée aux théâtres de moindre intensité pour éviter les dégâts collatéraux, mais également aux engagements de haute intensité pour saturer les défenses adverses

D’autres munitions et capacités pourraient être intégrées au Rafale F5 d’ici 2030. On pense notamment à des munitions air-sol de précision légères comme la BAT-120 LG de Thales, ainsi que des munitions rôdeuses à moyenne portée, d’autant que ces armes légères trouveraient naturellement leur place à bord des drones de combat épaulant l’appareil, y compris des Remote Carrier. En outre, il bénéficiera de l’arsenal actuel du Rafale F4, à savoir les missiles air-air Meteor et MICA NG, ou encore des bombes planantes propulsées ASSM particulièrement efficaces.

Dès lors, en 2030, le Rafale F5 disposera d’une panoplie opérationnelle globale et très moderne, parfaitement à niveau voire supérieure en certains points de celle proposée par le F-35, privant ce dernier d’un des atouts clés sur lequel il battit son succès commercial.

4- La révolution du Club Rafale


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Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au-delà ? Partie 1/2

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au-delà ? Partie 1/2


L’arrivée du standard Rafale F5 pour 2030, comme annoncé par le Ministre des Armées, Sébastien Lecornu, dans le cadre de la LPM 2024-2030,va non seulement doter le chasseur de Dassault Aviation de nouvelles capacités, elle pourrait également profondément transformer le marché des avions de combat, y compris face à un Lockheed-Martin F-35 qui semble intouchable aujourd’hui.

Après presque une décennie de vaches maigres et de doutes, entre 2005 et 2015, le Rafale s’est imposé comme un des plus importants succès de l’industrie de défense française en matière d’exportation, alors que le nouveau standard Rafale F5 arrivera en 2030.

En effet, depuis la première commande de 24 Rafale F3 par l’Égypte en février 2015, le chasseur français a aligné les succès, au Qatar et Inde dans un premier temps, puis en Grèce, en Croatie, en Indonésie et bien évidemment aux Émirats Arabes Unis, les 80 Rafale F4 commandés par Abu Dhabi pour 14 Md€ étant le plus important contrat à l’exportation jamais signé par la BITD française.

De fait, avec 284 livrés, commandés ou sous engagement pour l’exportation d’une part, et 225 chasseurs devant armer à terme les forces aériennes françaises de l’Armée de l’Air et de l’Espace et de l’aéronautique Navale, le Rafale est aujourd’hui un succès colossal pour Dassault Aviation et l’ensemble de la team Rafale, ce d’autant que d’autres contrats à l’exportation sont attendus dans les mois à venir, peut-être avec des annonces lors du prochain salon du Bourget.

Il faut dire que le Rafale ne manque pas d’arguments à faire valoir. Très équilibré, offrant une polyvalence rare, et des performances aéronautiques appréciées, l’appareil dispose également d’une électronique embarquée moderne et performante, et d’un ensemble de munitions et autres systèmes embarqués en faisant l’un des meilleurs chasseurs du moment, et ce, dans tous les domaines.

Le Rafale F5 pourrait venir mettre à mal la position hégémonique du F-35
Le F-35 s’est imposé comme le standard de fait de l’OTAN, aussi bien au sein des forces aériennes américaines qu’Européennes.

En dépit de ces atouts indiscutables, le Rafale n’est jamais parvenu à s’imposer face au F-35A de l’Américain Lockheed-Martin, que ce soit lors des compétitions européennes (Pays-Bas, Suisse, Finlande, Belgique …) ou asiatiques (Corée du Sud, Singapour).

Il faut dire que le Lightning II dispose de nombreux arguments à faire valoir au-delà du seul soutien du Pentagone et du Département d’État américain, arguments suffisamment différenciés pour justifier, au moins du point de vue du discours, d’une génération d’écart avec ses principaux concurrents européens comme le Gripen E/F suédois, le Typhoon et le Rafale français.

Et de fait, le F-35A (et parfois B) s’est systématiquement imposé partout où l’appareil était proposé, et est même au cœur d’une certaine rupture de ban de la part d’alliés des États-Unis s’étant vus refuser l’appareil, comme l’Arabie Saoudite et la Thaïlande.

Mais les choses pourraient bien changer dans les années, voire dans les mois à venir. En effet, à l’occasion des débats parlementaires autour de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, le Ministère des Armées a tracé une trajectoire pour l’avion français très ambitieuse, parfois même révolutionnaire vis-à-vis des us français ces dernières années, et susceptible de profondément faire évoluer le positionnement relatif du Rafale sur la scène internationale, en particulier face au F-35 américain.

Assemblee nationale lpm Aviation de chasse | Articles gratuits | Construction aéronautique militaire
La Loi de Programmation militaire a été votée par l’Assemblée Nationale par 408 voix contre 87

De fait, d’ici, le Rafale F5, épaulé de drones Neuron et évoluant dans un techno-système international articulé autour du “Club Rafale”, aura 5 atouts à mettre en avant pour s’imposer face au chasseur de Lockheed, étudiés dans cet article en deux parties.

1- Le Rafale F5 sera-t-il premier Système de Combat aérien opérationnel sur le marché international ?

Jusqu’à l’arrivée des commandes de vol électriques, la mission principale du pilote était de piloter l’appareil, c’est-à-dire de le garder dans son domaine de vol, tout en effectuant les tâches et remplissant au mieux les missions confiées. Avec l’arrivée des commandes de vol électrique, avec le F-16 ou le Mirage 2000, le pilotage fut confié à l’appareil lui-même, le pilote (ou l’équipage) étant alors en charge de la trajectoire, du combat et de la conduite de mission au sens plus étendu.

Avec la modernisation des systèmes embarqués, de plus en plus de tâches ont été confiées à l’avion lui-même. De fait, à bord d’un Rafale F3R, le pilotage et le contrôle de la trajectoire de vol ne représentent qu’une infime partie de la charge de travail dans le cockpit.

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Le cockpit full glass du F-35 contribue à donner à l’appareil une stature futuriste très séduisante pour les décideurs occidentaux

C’est dans ce domaine que le F-35 dispose d’un des arguments contre les Rafale, Typhoon ou Gripen aujourd’hui. En effet, l’avion Lockheed-Martin prend non seulement en charge le pilotage, mais aussi une grande partie de la mission de combat, le pilote ayant pour fonction de déterminer la meilleure conduite à tenir pour mener la mission et répondre à l’environnement.

De fait, l’efficacité du F-35 dépend beaucoup moins de l’aguerrissement de l’équipage que pour les autres appareils, ce qui est censé simplifier les procédures et même les exigences de recrutement, formation et entrainement des équipages, tout en améliorant les capacités opérationnelles finales. Cet argument a notamment fait mouche en Suisse, un pays dont la Défense fait face à d’importantes difficultés pour maintenir le niveau d’entrainement de ses équipages.

Le Rafale F5, lui, évoluera à un tout autre niveau. En effet, il sera, à l’instar du programme SCAF rassemblant l’Allemagne, l’Espagne et la France, un Système de Combat Aérien, basé sur un système de systèmes, et non un avion de combat faisant office de vecteur principal de ses moyens mis en œuvre, comme c’est encore le cas du Rafale F4.

SCAF 2 Aviation de chasse | Articles gratuits | Construction aéronautique militaire
Le programme SCAF européen devait être le premier système de combat aérien de 6ᵉ génération sur le vieux continent. Il se pourrait que le Rafale F5 lui vole ce titre.

Pour y parvenir, le Rafale F5 va être doté de drones de combat intégrés à son propre système, Neuron et Remote Carrier, chaque drone ayant un niveau d’autonomie comparable à celui du F35 aujourd’hui, et contrôlé par le Rafale lui-même, l’équipage ayant pour fonction de coordonner et optimiser l’efficacité de ce système de systèmes.

De fait, si le F-35A est, pour ainsi dire, l’archétype de ladite 5ᵉ génération d’avion de combat, le Rafale F5 sera l’un des premiers représentant de la 6ᵉ génération, qui se caractérise précisément par cette nouvelle architecture.

Et si l’US Air Force a effectivement annoncé qu’elle entendait doter 300 de ses F-35A de drones de combat, à l’instar du Rafale F5 épaulé du Neuron et des Remote Carrier, tout indique à ce jour que ces drones de type Loyal Wingam attachés au programme NGAD, ne seront pas, au moins pour un temps, proposés sur la scène internationale.

Même si le F-35 venait à se voir doter de drones de type Loyal Wingman, ses avantages relatifs liés à la 5ᵉ génération, comme la furtivité et la fusion de données, auront été gommés ou amoindris dans l’effort pour intégrer la 6ᵉ génération, alors que le Rafale, lui, pourra s’appuyer sur des exigences beaucoup plus caractéristiques de cette nouvelle génération, notamment en termes de capacité d’emport et d’autonomie.

2- Neuron, Remote Carrier : une gamme complète de drones de combat et d’appui

Car le Rafale F5 ne sera pas qu’un avion, mais en techno-système opérationnel étendu et complet, s’appuyant notamment sur deux types de drones de combat, voire trois en y intégrant le RPAS Mâle européen. Ainsi, dans un amendement présenté lors du vote de la LPM 2024-2030, le Ministère des Armées a précisé que conjointement au Rafale F5 serait développé un drone de combat dérivé du programme de démonstrateur Neuron. Il s’agira, de toute évidence, d’un effort visant à développer un drone ailier, à l’instar de ceux développés aux États-Unis dans le cadre du programme NGAD, en Australie avec le MQ-29 Ghost Bat ou en Russie avec le S-70 Okhotnik-B.

Conçu pour être particulièrement furtif tant sur le spectre électromagnétique qu’infrarouge, le Neuron représente en effet une base de travail particulièrement adaptée pour développer un drone de combat ailier capable d’accompagner et d’étendre les capacités opérationnelles du chasseur, en transportant et mettant en œuvre ses propres senseurs (radar, infrarouge, optronique…) ainsi que ses propres munitions, le démonstrateur disposant à ce titre d’une soute à munition capable d’accueillir 2 bombes de 250 kg.

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Dassault va developper un drone de combat dérivé du Neuron pour assurer la fonction d’ailier des Rafale F5

Il est probable que le drone de combat qui sera développé d’ici à 2030, sera relativement différent du démonstrateur Neuron, notamment pour pouvoir accueillir et mettre en œuvre des senseurs et armements plus étendus, mais également pour s’intégrer pleinement et efficacement au système de systèmes du Rafale F5.

On ignore à ce jour si le drone résultant sera développé pour pouvoir être mis en œuvre à bord du PAN Charles de Gaulle et de son successeur, ce qui représenterait un avantage significatif, surtout si, comme le Rafale, le drone est capable d’employer un Skijump.

Si le développement du “Neuron” interviendra dans le cadre du Rafale F5, les industriels français, notamment MBDA, sont également engagés dans le développement d’une autre famille de drones de combat, en l’occurrence les Remote Carrier du programme SCAF.

La version lourde de cette famille de drones de combat aéroportés est développée par Airbus DS. La version légère, pouvant être mise en œuvre à partir d’un chasseur et non d’un appareil lourd de type A400M, est, quant à elle, développée par MBDA France, et trouvera toute sa place au sein du Système de Combat Aérien Rafale, qui mériterait probablement de s’appeler SCAR plutôt que Rafale F5 pour en marquer le caractère disruptif.

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Les Remote Carrier du programme SCAF sont, eux aussi, supposés entrer en service en 2030, et pourraient donc très probablement s’inviter bientôt à bord du Rafale F5

Or, selon les informations distillées jusqu’à présent au sujet du pilier Remote Carrier du programme SCAF, les premiers RC devaient justement entrer en service, tant à bord et au profit des Rafale français que des Typhoon allemands et espagnols, au début des années 2030, c’est-à-dire sur la même échéance que celle annoncée par le Ministère pour le Rafale F5 et le Neuron.

En disposant simultanément d’un drone de type Loyal Wingman, très furtif et potentiellement embarqué, ainsi que de drones de combat légers de type Remote Carrier, le Rafale F5 proposera alors un environnement opérationnel et technologique entièrement renouvelé et probablement unique sur la scène internationale.

Fin de la première partie –

L’armée de Terre se fait déjà la main sur les munitions téléopérées

L’armée de Terre se fait déjà la main sur les munitions téléopérées

– Forces opérations Blog – publié le

L’armée de Terre a tiré sa première munition téléopérée cet après-midi, à l’occasion de sa 2e journée de la robotique et en présence de son chef d’état-major, le général Pierre Schill. Une munition inerte et d’origine étrangère, mais qui symbolise l’inflexion capacitaire inscrite dans la prochaine loi de programmation militaire. 

C’était sans doute le point d’orgue d’une démonstration menée de main de maître par la section exploratoire Vulcain, en pointe depuis 2021 sur les questions de robotisation de l’armée de Terre : la destruction d’un point d’appui ennemi par une munition téléopérée FireFly acquise auprès de l’entreprise israélienne Rafael. Et si l’explosion était factice pour d’évidentes questions de sécurité, la séquence n’en reste pas moins une première en France. 

Cette démonstration pionnière, c’est le fruit d’une réflexion engagée il y a plus de deux ans au sein de la Section technique de l’armée de Terre (STAT). Dès fin 2020, celle-ci cherche à progresser sur une capacité absente du portfolio français et encore très peu développée en Europe. Lancé sur fond de conflit au Haut-Karabagh, le projet aura pris du temps pour se concrétiser. 

Convaincre n’est pas toujours chose aisée et l’arrivée annoncée d’une seconde version aura encore un peu repoussé l’échéance, mais deux systèmes à trois munitions sont finalement acquis et livrés début 2022. Juste à temps pour former deux opérateurs en Israël au cours de l’été, puis de réaliser une série d’entraînements en France afin d’être à l’heure pour cette journée dédiée à la robotique. 

Le FireFly emporte une charge de 420 grammes d’explosif, l’équivalent de deux grenades défensives. C’est peu mais suffisant pour neutraliser un véhicule non protégé ou un petit groupe de combattants éventuellement retranchés dans un bâtiment. Pulvérisé, le système porteur ajoute son lot de « shrapnels ». L’opérateur conserve la main tout au long de la manœuvre. Une fois la charge armée électroniquement, le processus devient par contre irrémédiable. Faute d’objectif ou en cas d’annulation, la munition doit donc être « sacrifiée ». 

Au centre, la munition FireFly tirée aujourd’hui au camp de Beynes, dans les Yvelines. Bien que seulement endommagée par l’impact, son électronique embarquée est automatiquement « grillée » pour éviter toute récupération

L’autonomie atteint les 15 minutes, la portée 1 km en milieu ouvert et jusqu’à 500 mètres en environnement urbain. « Très facile à prendre en main et intuitif », le système est piloté à partir d’une tablette durcie embarquant aussi une quinzaine de scénarios d’exercice de simulation. 

Les essais vont se poursuivre, toujours sous la houlette du groupement innovation de la STAT. Celui-ci n’exclut pas de se rapprocher de certains régiments pour plancher conjointement sur l’emploi de cet armement. De quoi continuer à défricher le sujet, poser des jalons et emmagasiner de l’expérience en attendant la concrétisation du projet Colibri, dont les premières démonstrations sont attendues d’ici au printemps 2024. 

Le CEMAT l’a encore répété aujourd’hui en marge de la démonstration, les munitions téléopérées (MTO) entreront rapidement dans l’arsenal de l’armée de Terre, d’abord via des solutions disponibles sur étagère puis par la construction d’une filière souveraine. Environ 300 M€ seront investis dans ce but sur la période 2024-2030, notamment pour permettre l’acquisition de 2000 MTO en plusieurs versions au profit des régiments de mêlée et d’artillerie.

Colonel D. Schuster : « La robotique est une évolution et pas une révolution »

Colonel D. Schuster : « La robotique est une évolution et pas une révolution »

Officier référent robotique au sein de l’état-major de l’armée de Terre, le colonel Schuster revient sur les évolutions et ambitions dans ce domaine, sur fond d’actualité.

 

par IHEDN – publié le 4 mai 2023

https://ihedn.fr/2023/05/04/colonel-d-schuster-la-robotique-est-une-evolution-et-pas-une-revolution/


Que change pour l’instant la robotique dans « le champ de bataille » ? Et dans un futur proche ? Quelles ambitions ?

 La robotique apporte trois nouveautés importantes sur le champ de bataille. Premièrement, la substitution : la robotique peut se substituer à l’humain pour certaines tâches de la mission. Il ne s’agit pas de remplacer l’homme, mais de le décharger de certaines tâches répétitives, dangereuses ou pour lesquelles les robots sont plus performants. Cette approche est fondamentale pour trouver la meilleure synergie entre homme et systèmes automatisés. L’un des fantasmes liés à la robotisation du champ de bataille, c’est la déshumanisation ou la guerre par procuration. Ce ne sont pas les directions vers lesquelles l’armée de Terre s’engage. Deuxièmement, l’augmentation de la profondeur de délivrance des effets : les systèmes automatisés vont permettre de réaliser des effets de plus longue portée et durée. En ce sens, ils vont changer les « métriques » du champ de bataille. A l’avenir, un groupe de combat « robotisé » pourra délivrer les effets réalisés à l’heure actuelle par une section. Enfin, les phénomènes de saturations : les systèmes automatisés sont porteurs de « masse » et de « nombre » sur le champ de bataille. Ils permettent ainsi de travailler les phénomènes de saturation en utilisant éventuellement des systèmes sacrifiables. L’ambition portée par le projet Vulcain est que l’armée de Terre dispose et maîtrise des systèmes automatisés choisis pour conserver sa supériorité opérationnelle sur le champ de bataille. 

Comment la démarche Vulcain structure-t-elle le développement des systèmes automatisés ?

La démarche Vulcain structure le développement des systèmes automatisés en privilégiant une approche opérationnelle et pragmatique de la robotique. Le mot d’ordre est : nous pouvons tout robotiser, mais de quoi avons-nous réellement besoin ? La France dispose d’un outil de défense très complet. Il s’agit donc de voir si les apports de la robotique remettent en cause certains de nos systèmes actuels ou viennent les compléter. La réponse est claire : à l’heure actuelle, la robotique est une évolution et pas une révolution. Néanmoins, cette évolution est majeure. Le projet Vulcain nous permet, avec la direction générale de l’armement (DGA), l’agence de l’innovation de la défense (AID), le Battle Lab Terre (BLT) et sa section exploratoire robotique d’explorer le champ des possibles. Nous identifions des pistes prometteuses qui nous permettent également d’écarter les “fausses bonnes idées“. Le projet Vulcain, c’est tester, accepter de se tromper pour pouvoir finalement mieux choisir. 

Quels enseignements opérationnels peut-on tirer de son utilisation sur les terrains “réels” les plus récents, comme les conflits au Haut Karabagh et en Ukraine ?

Le Haut Karabagh a consacré l’usage des munitions téléopérées. Ce nouveau type d’équipements permet à des pays ne disposant pas nécessairement d’un spectre capacitaire complet (notamment dans la partie aérienne) de bénéficier de certains effets jusqu’ici non accessibles (frappe dans la moyenne portée). Il faut cependant faire attention à ne pas transposer trop brutalement les enseignements d’un conflit contextualisé par les belligérants, à l’armée française. Nous souhaitons néanmoins aujourd’hui doter nos capacités de ce type d’équipements. 

Pour l’Ukraine, le constat “robotique“ est plus mitigé. Si les drones sont employés en masse, c’est principalement en tant que jumelles déportées, pour l’acquisition de renseignement de contact. Il y a peu de systèmes automatisés déployés. Cet enseignement est très important : il ne faut pas oublier que dans un conflit dit symétrique, la masse est importante. Le char de bataille, l’obus et le fantassin restent au cœur de la bataille. Il faut donc réfléchir à la synergie future entre ces acteurs de la guerre et les systèmes automatisés. 

Quelles innovations issues du Battle Lab Terre pourra-t-on voir à l’œuvre lors du challenge CoHoMa II le 10 mai ?

Le 10 mai 2023, le Battle Lab Terre et la section exploratoire robotique présenteront d’un point de vue tactique les évaluations de munitions téléopérées, de drones bombardiers et d’une plateforme terrestre de combat. Il sera également possible de découvrir les systèmes utilisés par les différentes équipes participant au challenge CoHoMa-II qui sont autant de façons de faire face au défi technique et opérationnel de cet exercice. Ces systèmes vont des robots “chiens“, au mini véhicule autonome en passant par des drones intelligents. 

L’armée de Terre va créer des commandements dédiés à la « guerre hybride » et aux « guerres de demain »

L’armée de Terre va créer des commandements dédiés à la « guerre hybride » et aux « guerres de demain »

https://www.opex360.com/2023/02/15/larmee-de-terre-va-creer-des-commandements-dedies-a-la-guerre-hybride-et-aux-guerres-de-demain/


 

Dans le même temps, le format de la Force opérationnelle terrestre [FOT] restera à 77’000 hommes tout en bénéficiant d’un renforcement significatif de l’effectif de la réserve opérationnelle de niveau 1 [RO1]. Et aucune réduction de « cible » concernant le programme SCORPION [Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation] n’est prévue. Enfin, l’accent sera mis sur l’acquisition massive de drones [dont 1’800 munitions téléopérées], la robotisation [avec 300 robots « capables d’évoluer sur le champ de bataille »], les feux dans la profondeur et la défense sol-air.

Lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de Défense [AJD], le 13 février, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill en a dit un peu plus sur ce qui attend ses troupes. Ainsi, si aucun régiment ne sera dissous [pour le moment, du moins], les unités dites de « mêlée » [arme blindée cavalerie, infanterie] pourraient perdre quelques plumes… au profit des capacités devant faire l’objet d’investissements particuliers, comme le cyber, les transmissions, les drones et l’artillerie de longue portée… sans oublier le soutien et la logistique.

« Nous devons revenir à une cohérence globale de l’armée de Terre », a fait valoir le général Schill, comme le rapporte le quotidien Le Monde. Et d’annoncer que les détails de cette « transformation » seront dévoilés le 4 avril, à l’occasion du « Grand rapport de l’armée de Terre » [GRAT].

Cela étant, les changements annoncés ont d’ores et déjà commencé… En effet, en 2022, plusieurs régiments d’infanterie ont dissous des compagnies de combat qui avaient été créées en 2015, c’est à dire après la décision de porter l’effectif de la FOT de 66’000 à 77’000 soldats.

Et le ministère des Armées avait justifié ce retour à un format à quatre compagnies de combat dans les régiments de mêlée par la nécessité pour l’armée de Terre de s’investir dans de « nouveaux champs de conflictualité » susceptibles de « transformer les menaces liés aux conflits de haute intensité.  »

Une « partie des effectifs récemment attribués à la mêlée a été réorientée pour renforcer les états-majors de régiment et les capacités de numérisation et de simulation, densifier la maintenance aéronautique et terrestre, développer la capacité drone et affecter des moyens à la préparation opérationnelle, à la formation et à l’intégration des effets dans les champs immatériels », avait-il ainsi expliqué, dans une réponse à une question écrite posée par un député.

Quoi qu’il en soit, ces changements vont donc se traduire par une nouvelle organisation de l’armée de Terre, laquelle passera par la création de deux nouveaux commandements, placés sous l’autorité directe du CEMAT.

Ainsi, le « commandement des guerres de demain » aura la tâche de « mettre en cohérence un certain nombre de nouvelles capacités […] aujourd’hui éparpillées au sein des régiments, notamment dans le domaine des feux dans la profondeur, des drones, des munitions téléopérées et de la défense sol-air de courte portée, dont la lutte antidrone », résume Le Monde.

Quant au second, il sera dédié à la « guerre hybride », c’est à dire aux opérations menées « sous le seuil » du conflit ouvert. Il aura notamment à s’occuper des capacités liées au cyber [lutte informatique défensive, lutte informatique offensive et lutte informatique d’influence], lesquels relèvent actuellement du Commandement de la Cyberdéfense [COMCYBER].

« Il y a un réel besoin de rendre l’armée de Terre plus autonome. Elle doit avoir sous son commandement tous les domaines de lutte,
antiaérienne, cyber, informationnelle, frappes dans la profondeur… tout en demeurant interopérable avec les autres armées » car « lorsqu’on sous-traite des actions, on créé des dépendances, ce qui est risqué dans un conflit de haute intensité où on opère toujours sous contrainte des événements et de temps », fait valoir le général Pierre-Joseph Givre, le commandant du Centre de doctrine et d’enseignement du commandement [CDEC].

Cette recherche d’autonomie vaudra aussi pour les sept brigades de l’armée de Terre, lesquelles devront disposer de capacités leur permettant d’agir avec un minimum d’appuis extérieurs, l’objectif étant d’accroître leur réactivité.

Derrière iMUGS, de premiers pas européens vers la robotique terrestre de demain

Derrière iMUGS, de premiers pas européens vers la robotique terrestre de demain


Le futur de la robotique terrestre européenne s’écrit en partie en région parisienne. C’est là qu’un consortium d’industriels est venu évaluer ses dernières avancées en la matière après près de deux années de réflexions conjointes sur les systèmes autonomes. Parmi les participants, les groupes français Nexter et Safran.

Un noyau français pour une robotique européenne

Le temps d’une démonstration, les blindés ont laissé place à une poignée de robots et de combattants à pied le mercredi 26 octobre sur le site de Nexter de Satory, dans les Yvelines. Ce rendez-vous était une nouvelle étape dans la poursuite du programme européen « integrated Modular Unmanned Ground System » (iMUGS) lancé en décembre 2020 et bénéficiaire d’une enveloppe de 30,6 M€ du Programme européen de développement industriel de la défense (EDIDP) de la Commission européenne. Parmi les 14 industriels d’un consortium coordonné par l’Estonien Milrem, deux Français : Nexter et Safran Electronics & Defense.

Le scénario retenu pour les trois robots employés, dont le THeMIS de Milrem ? Une mission de combat avec une phase de reconnaissance (ISR) autonome préalable suivie d’une phase d’agression menée par les seuls combattants humains. Génératrice d’effets, celle-ci a engendré d’autres actions de la part des robots, telle que l’évacuation sanitaire de soldats blessés.

La phase ISR aura permis de progresser sur la mobilité autonome en misant sur deux des nombreuses fonctions disponibles. D’une part, avec la conjonction entre la navigation par points de passage et la détection et l’évitement d’obstacles inconnus en totale autonomie. Et d’autre part, avec le suivi de personne à partir d’une colonne de deux combattants et de deux robots intercalés, chaque « paire d’yeux » assurant une partie de la reconnaissance. D’autres briques sont à l’étude, tels que le suivi de lisière en forêt, le suivi en convoi ou encore le ralliement d’amer, « c’est à dire la capacité de désigner un point éloigné dans une image et d’y asservir le cap automatiquement », nous explique Joël Morillon, directeur général délégué de Nexter Robotics

Un combattant suivi d’un robot, lui-même suivi d’un combattant, lui-même suivi d’un robot et ainsi de suite, avec pour chacun, une mission bien spécifique
(Crédits : Nexter)

Côté français, le sujet iMUGS repose sur une équipe intégrée installée chez VEDECOM, au cœur du cluster des mobilités innovantes de Satory. Ce programme clé monopolise l’équivalent de douze emplois à temps plein chez Nexter. Cette petite équipe France s’est d’emblée focalisée sur deux thématiques majeures. L’une, l’architecture système, « est une sorte de Windows appliqué à la robotique qui permet de faire fonctionner des comportements sensorimoteurs, des fonctions autonomes et d’autres capacités spécifiques ». Une brique qui met aussi l’accent sur la relation entre l’homme et le robot en terme de répartition des tâches. Entre mission spécifique et entraide mutuelle, l’enjeu est de « créer un couple dans lequel chacun va apporter le meilleur de ce qu’il sait faire afin que la performance globale soit toujours optimale ».

L’autre, ce sont les fonctions autonomes. Si, faut-il le répéter, l’humain reste maître, les armées cherchent bel et bien à « se décharger d’une partie du contrôle ». « Un robot télécommandé nécessite un militaire pour le diriger et un, voire deux autres pour le protéger ». Un format impensable au vu des contraintes qu’affrontent les armées en matière de ressources humaines. « Cette démonstration sur iMUGS visait justement à montrer un état de l’art représentatif de ces fonctions, la partie architecture systèmes étant par nature un peu ‘cachée’ ».

Passer de la maturité à la capacité

Derrière les démonstrations, iMUGS contribue à faire avancer une réflexion moins technologique que culturelle. Les industriels de la robotique cherchent en effet à se départir de la notion de niveau de maturité technologique, la fameuse échelle de « TRL ». « La difficulté que rencontrent les opérationnels et les industriels, c’est l’absence d’un langage commun », relève Joël Morillon. Un robot de niveaux TRL 4, 5 ou 6 est une information qui parle finalement peu au militaire, qui lui a surtout besoin de savoir ce qu’il peut en faire sur le terrain.

De même, cette notion de TRL rigide et à sens unique « sous-entend que, tant que l’on est pas dans un TRL haut, le robot est inutilisable sur le terrain. Ce qui n’est en réalité pas vrai du tout », explique Joël Morillon, rappelant que « s’il faut attendre TRL 9, les armées ne seront pas équipées avant plusieurs décennies ». De fait, les technologies actuelles confèrent aux robots des capacités certes encore limitées mais néanmoins déjà exploitables au niveau opérationnel, estime Nexter Robotics. Plutôt que de se référer à un échelon de maturité relativement abstrait et réducteur, l’idée serait donc de partir de faits établis pour caractériser un domaine de fonctionnement dans un langage exploitable par les opérationnels. « Ce qui est parlant pour le militaire, c’est de savoir ce que le robot sait faire à l’instant ‘t’, dans quelles conditions il peut l’employer, sur quel type de terrain, sous quelle météo, avec quelle autonomie, etc. ».

Exit le robot qui sait tout faire et partout, place à une démarche incrémentale dans laquelle la capacité prend le dessus sur la maturité (Crédits : Nexter)

C’est tout l’enjeu du travail de caractérisation mené actuellement par Nexter, Safran, l’état-major de l’armée de Terre (EMAT) et la Direction générale de l’armement (DGA). Ensemble, ils réfléchissent à l’opportunité de basculer de la notion de TRL à celle de « Capability Readiness Level » (CRL). Un niveau de maturité capacitaire plus souple, plus réactif et mieux adapté à l’approche robotique. Les travaux sont en cours, avec l’objectif de définir une nouvelle échelle plus proche de la réalité.

Dans cette future échelle, un CRL 1 ou « bas », signifierait par exemple que le robot ne fonctionnerait que dans un environnement opérationnel permissif et « facile ». Les contraintes d’engagement que cela sous-entend – sur terrain plat, à basse vitesse et sans brouillage, entre autres – n’empêcheraient en rien d’utiliser la capacité disponible. « Aujourd’hui, toutes ces fonctions autonomes existent et fonctionnent dans un domaine qui reste simple. L’objectif, notamment en France, c’est d’étendre pas à pas le domaine de fonctionnement, donc de monter dans les niveaux de CRL pour faire en sorte que les robots puissent travailler sur des terrains plus durs, dans des conditions plus complexes et avec plus d’indépendance ». Et d’éviter dès maintenant de tomber dans le carcan paralysant du robot « qui sait tout faire, partout et sans risque ».

Des débouchés pour demain et après-demain

Que ce soit en France ou ailleurs en Europe, les besoins en matière de robotique vont croissants et requièrent des réponses rapides. Des briques issues d’iMUGS pourraient profiter à plusieurs programmes de l’armée de Terre, par exemple dans la lutte contre les mines et les engins explosifs improvisés. Placé en tête de convoi et doté de capteurs ad-hoc, le robot récupère la mission jusqu’alors dévolue à un véhicule habité. L’appel d’offres « robot d’investigation » (ROBIN), par exemple, doit fournir une première capacité d’ouverture d’itinéraire robotisée aux régiments du génie en remplacement des véhicules Buffalo. ROBIN répondrait à l’enjeu d’une étape de l’ouverture d’itinéraire, celle de la levée de doute. La consultation est attendue de pieds fermes par les industriels du secteur. Étendue au marché européen, elle devrait être publiée pour début 2023. Entre autres réponses possibles, CNIM Systèmes Industriels propose depuis un moment son système ROCUS conçu sur une base THeMIS. Mais d’autres candidats potentiels existent, à l’exemple du robot PHOBOS conçu par SERA Ingéniérie, successeur de la mule ROBBOX et présentée en juin au salon Eurosatory.

La robotique trouvera également tout son sens dans les missions de reconnaissance NRBC. Miser sur une combinaison de plateformes autonomes et habitées permettrait d’amener un véhicule aux limites d’une zone supposée contaminée puis d’en faire débarquer des drones et robots dotés des capteurs adéquats. Ce concept, Nexter l’a déjà présenté tant en France qu’à l’export. Selon Joël Morillon, « cela aurait un intérêt pour faire la jonction entre le VAB NRBC en fin de vie et un Griffon NRBC qui n’arrivera pas avant au moins une dizaine d’années ». L’option robotique est désormais étudiée par les opérationnels. Dans le contre-IED comme le NRBC, la complexité des capteurs rend toujours nécessaire la lecture par un opérateur spécialisé. Les solutions d’autonomie sur lesquelles planche l’équipe iMUGS participeront à surmonter ce type d’obstacle.

Plus loin, Nexter capitalise sur ces travaux européens pour intégrer les robots aux futurs systèmes de combat. « Demain, le robot sera l’une des composantes de l’ensemble des entités présentes sur le champ de bataille. Identité Nexter oblige, nous faisons dès lors en sorte que les robots puissent devenir une extension des véhicules de combat. Nous parlions il y a quelques années de véhicules augmentés, une idée qui prend à présent tout son sens ». Un véhicule augmenté qui n’est qu’une étape vers la constitution de systèmes de systèmes. Exit les capteurs rassemblés et boulonnés sur un même châssis, demain le véhicule de combat devient un système dont la bulle de protection et d’observation est constituée d’un environnement déporté autonome. Demain, ces capteurs et effecteurs pourront ainsi décoller ou sortir du véhicule pour aller étendre ses champs de vision et d’action.

Malgré les remous et retards, le futur système de combat terrestre principal franco-allemand (MGCS) reste bel et bien le point focal vers lequel convergent les réflexions sur le véhicule augmenté. « Extension naturelle du véhicule actuelle », cet ensemble de « robots équipiers » trouverait une application naturelle dans cette capacité attendue à l’horizon 2040 et dont le concept actuel sur un char habité accompagné de deux chars robotisés et d’un ensemble de drones.

Crédits : Nexter

De premières avancées en attendant iMUGS 2

« Bien sûr, cela ne fonctionne pas encore dans tous les temps et dans tous les cas. Par contre, le niveau de fonctionnement atteint est suffisant pour aborder un certain nombre de missions », indique Joël Morillon. « Il reste des choses à améliorer, mais iMUGS a permis de démontrer qu’en Europe, les industriels savent travailler ensemble et disposent collectivement de l’ensemble des capacités pour fournir dès à présent des solutions opérationnelles crédibles exploitables sur le terrain. »

iMUGS 1 sera officiellement clôturé en juin 2023. Une sixième et dernière démonstration est prévue pour début décembre en Allemagne. Les six mois restants seront davantage destinés à compiler et documenter les travaux effectués. Pour le petit écosystème en place, le prochain jalon important sera iMUGS 2, cette fois financé par le Fonds européen de la Défense avec, potentiellement, des ambitions et un budget à la hausse. Le sujet pourrait faire partie de la troisième vague d’appels à projets attendue pour l’an prochain.

En préparation des prochaines étapes, une nouvelle série d’essais auront lieu fin juin 2023 en Estonie, cette fois dans le cadre élargi du projet PESCO « integrated Unmanned Ground Systems » (iUGS). La focale portera sur les robots de la gamme 0,5 à 3 tonnes, « mais d’autres systèmes peuvent être acceptés », pointe un coordinateur estonien qui insiste par ailleurs sur le fait qu’ « aucun effecteurs et capteurs supplémentaires ne sont nécessaires ». Seules comptent la fonction mule et la capacité des plateformes à se déplacer sur différents terrains et de manière autonome.

Pour le noyau constitué autour d’iMUGS, il s’agira ensuite d’ouvrir le champ et d’aller chercher les compétences là où elles se trouvent, en France et ailleurs en Europe. « L’enjeu sera d’étendre le domaine de fonctionnement, à la fois dans la mobilité autonome, dans la relation homme-machine en déchargeant le plus possible l’homme des tâches de bas niveau, dans le champ des missions proprement dites. Avec l’objectif, demain, de coupler les missions et, pourquoi pas, de combiner une mission de reconnaissance et une mission de combat. C’est sur cette base que sera proposé un iMUGS 2 », annonce Joël Morillon. Il faut en tout cas faire mûrir rapidement ces premiers résultats, la réactivité étant l’une des clefs « pour être en mesure de fournir des réponses crédibles et d’être rentable ».