L’armée de terre voudrait proposer un service militaire de six mois

L’armée de terre voudrait proposer un service militaire de six mois

L’état-major travaille à un projet de bataillons de volontaires du territoire national

 

Défilé du 14 juillet 23/05/2023 Merchet

Le défilé militaire du 14 juillet 2022, à Paris
– Sipa Press

 

L’armée de terre réfléchit à un nouveau service militaire d’une durée de six mois, mais uniquement sur une base volontaire. Son chef d’état-major, le général Pierre Schill, qui l’a récemment évoqué devant les députés de la commission de la défense, a confirmé à l’Opinion « travailler à augmenter notre offre d’engagement ». Ce nouveau service s’inscrirait dans la continuité du Service national universel (SNU), que celui-ci soit ou non généralisé à l’ensemble d’une classe d’âge. Pour l’instant, l’exécutif a renoncé à rendre le SNU obligatoire.

10  000 jeunes. L’armée de terre estime que 10 000 jeunes pourraient être concernés chaque année. Ils formeraient des « bataillons de volontaires du territoire national » (BVTN), implantés à proximité de grandes villes, comme Nantes, Rouen ou Dijon. C’est-à-dire dans des « déserts militaires », où l’armée de terre n’est plus présente depuis la fermeture de nombreuses garnisons. La loi de programmation militaire, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, pourrait permettre de créer deux premières emprises.

Ce projet s’inscrit dans un cadre plus global d’un « changement de paradigme » en matière de réserves et des préparations militairesun dossier sur lequel le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’investit beaucoup. Au terme de leur service de six mois, ces jeunes volontaires pourraient rester militaires à temps partiel, c’est-à-dire réservistes, au sein d’unités constituées et non en renfort individuel dans les forces professionnelles. Il n’existe actuellement qu’un seul régiment de réservistes, le 24e RI, bataillon d’Ile-de-France. A l’horizon 2035, l’objectif est d’« atteindre le ratio d’un réserviste opérationnel pour deux militaires d’active ».

 

Qui va toucher les dividendes de la paix ? Entretien Charles Millon

Qui va toucher les dividendes de la paix ? Entretien Charles Millon

 

par Revue Conflits – publié le 2 mai 2023


Avec la fin de l’URSS, les pays occidentaux pensent pouvoir toucher « les dividendes de la paix ». Une idée fondée sur une idéologie trompeuse, celle de la fin de la guerre et de la fin de l’histoire. Face à cela, comment ont réagi les acteurs de l’époque, et notamment les ministres de la Défense ? Entretien avec Charles Millon pour comprendre les débats politiques de l’époque.

Charles Millon fut ministre de la Défense du président Jacques Chirac de 1995 à 1997. Une période charnière dans l’histoire militaire française puisqu’elle voit la suspension du service national. Les années 1990 sont aussi marquées par l’idée de toucher « les dividendes de la paix » après la fin de la guerre froide, ce qui devrait justifiait la réduction les budgets militaires. Pour Conflits, Charles Millon revient sur les politiques conduites à cette époque.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé.

Le 21 octobre 1997, le service militaire est suspendu et remplacé par la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD). Quel était l’objectif initial de cette suspension et pourquoi la mise en place de la réserve ne s’est-elle pas passée comme prévu ?

Le service national a été suspendu à la suite d’une réflexion largement mûrie. Je faisais partie de ceux qui n’étaient pas – a priori – favorables à la remise en cause de la conscription, mais le président Chirac m’a demandé d’étudier le dossier et de regarder si le service militaire tel qu’il était remplissait toujours sa mission d’intégration et de lien entre l’armée et la nation. Il est apparu que le service national ne remplissait plus, et de très loin, ses objectifs. En effet, tous ceux qui ne maniaient pas bien la langue française et qui n’avaient pas une bonne capacité d’intégration dans le pays étaient exemptés du service militaire, tout comme ceux chez qui l’on débusquait quelques anomalies médicales ; ceux qui avaient « des relations » dans l’armée ou au sein de pouvoir parvenaient à avoir des affectations qui leur étaient favorables, enfin l’affectation rapprochée instaurée par Michel Debré donnait la possibilité aux appelés d’effectuer leur service à proximité de leur domicile ce qui ne permettait plus  le fameux brassage social tant attendu : au fond, d’égalitaire à son instauration, le service était devenu profondément inégalitaire dans ses dernières années. À ce constat, une autre évidence s’est imposée, celle de la nécessaire professionnalisation de notre armée en raison du changement de nature des menaces et de la montée en technicité des armes, exigeant des personnels de plus en plus spécialisés.

Le lien armée-nation avec une armée professionnelle peut être maintenu grâce à l’activation d’une réserve très importante comme cela existe dans un certain nombre de pays, notamment aux États-Unis C’est le choix qui que nous avions fait au moment de la suspension du service national, avec le plan armée 2000 dont l’objectif était de faire passer la réserve de 120 000 environ à 400 000 personnes et même plus. Je peux témoigner que lorsque lon a lancé l’idée d’une réserve renforcée, les organisations professionnelles patronales et syndicales ont été exceptionnelles : elles étaient toutes favorables à signer des accords afin de rendre compatible l’articulation entre la vie professionnelle et la vie de réserviste.

Malheureusement, jamais les crédits nécessaires n’auront été dégagés ni par le gouvernement Jospin, ni ceux qui suivirent. C’est regrettable, car aujourd’hui encore c’est l’armée de métier qui doit supporter des opérations qui pourraient être confiées à des réservistes, je pense à l’opération Sentinelle ou Vigipirate.

En 1991, nous avions gagné contre lURSS et lEurope allait enfin pouvoir tirer parti des « dividendes de la paix ». Cest-à-dire, selon les promesses de l’époque, diminuer les dépenses militaires pour allouer ces économies à la réduction de la dette et des impôts. Trente ans plus tard, qu’en est-il de cette idée ?

Les années 1990 ont été marquées par la fin de la guerre froide ainsi que par la montée de l’illusion pacifiste. Cette pensée pacifiste a permis à Laurent Fabius de parler de ces fameux « dividendes de la paix » dont devraient bénéficier les pays occidentaux, et qui ont justifié la chute dramatique des budgets de la défense qui rappelons ont baissé de 25% en 30 ans. La récente montée des périls dans le monde a stoppé net cette tendance et nous assistons au contraire à une hausse des budgets militaires dans tous les pays développés.

Sur cette question, certains Européens ont profité de l’OTAN pour se mettre sous le parapluie américain afin de diminuer leurs budgets militaires. Cette option a-t-elle été un sujet en France ?

L’OTAN a d’abord été l’affaire de Jacques Chirac puis celle de Nicolas Sarkozy. Quand le Président Chirac a envisagé de revenir dans le commandement intégré, la France devait en obtenir le commandement sud qui est basé à Naples. Il s’agissait alors d’organiser l’Alliance atlantique sur deux piliers et de répartir les responsabilités entre les pays européens et les États-Unis. Ce projet a échoué non pas parce que les États-Unis ont refusé, mais bien parce que certains pays européens ont préféré voir ce commandement de Naples, assuré par les USA. J’en ai été le témoin direct ayant mené les discussions sur ce sujet à l’époque. L’Espagne ou l’Italie par exemple ne faisaient pas confiance à un autre pays européen pour assumer ce commandement Sud.

C’est là où l’on constate que « L’Europe de la défense » est un concept complètement utopique. Il semble plus réaliste de parler « d’Europe de la puissance » comme le faisait le Général de Gaulle et Jacques Chirac. L’Europe ne nécessite pas une intégration complète, mais une Europe qui sait se coordonner.

On voit aujourd’hui que l’armée essaie d’anticiper les futures guerres d’ici dix ou quinze ans. Est-ce que c’était une idée dans les années 1990 de préparer des guerres qui pourraient avoir lieu en l’an 2000 ? 

Lorsque j’étais ministre de la Défense dans les années 1995, la France s’est préoccupée d’une véritable coordination notamment avec la Grande-Bretagne et l’Italie dans le domaine de l’armement. Nous avions déjà pleinement conscience de cette nécessité tant au niveau de la stratégie qu’au niveau de l’armement.

C’était absolument indispensable. Les discussions avec les Anglais ont abouti à l’accord de Saint-Malo et à des projets de constructions communes, notamment des vedettes avec les Italiens. À l’époque, lItalie avait conscience quil fallait surveiller les côtes et la Grande-Bretagne avait conscience quil fallait coordonner les missions des porte-avions : deux éléments devenus essentiels aujourd’hui.

Malgré cette idée des « dividendes de la paix », la guerre se développe au même moment en Irak ou plus largement dans les Balkans. Pourquoi continuer de croire à la paix alors que la guerre est une réalité ?

Cette expression est apparue dans les années 1990 et n’a été utilisée que pendant dix ans… Ensuite, les gouvernements ont profité pour « piocher » dans les budgets de la défense afin d’en faire une variable d’ajustement du point de vue budgétaire. En outre, ces approches opportunistes étaient confortées par une idéologie pacifiste qui se répandait dans certains pays européens, notamment en Allemagne. De nombreux hommes politiques de l’époque s’étaient persuadés qu’il n’y aurait plus de conflits dans l’espace européen.

L’un des atouts de l’économie française est d’investir l’achat de matériel dans le but de servir la défense et d’en faire des applications civiles. A-t-on réfléchi en termes d’industrie de la défense ?

Nombre de secteurs civils en France bénéficient de la recherche et de l’innovation incubées puis développées par l’industrie de la défense, indéniable fleuron de notre économie et de nos savoir-faire. J’en citerai seulement quelques-uns : les télécoms, le cyber, les matériaux composites, l’énergie… dont les avancées sont directement ou indirectement issues d’applications militaires. La bonne coordination entre le ministère de la Défense et l’Industrie d’armement permet à la France d’en profiter bien sûr pour elle-même, mais aussi pour maintenir son rayonnement à l’international.

On le voit par exemple avec le Rafale. En se dotant en premier d’avions Rafale, l’armée française lui a offert une vitrine à la hauteur de ses qualités et lui a permis d’être aujourd’hui l’un des avions militaires le plus vendu au monde.

Déconstruits par l’école, les mineurs délinquants vont-ils être reconstruits par l’armée ?

Déconstruits par l’école, les mineurs délinquants vont-ils être reconstruits par l’armée ?

On sentait bien que le gouvernement tournait autour de la question depuis quelques années. Le service national universel, au fond, ne prévoyait pas autre chose que l’encadrement des mineurs par l’armée, sous des modalités assez floues d’ailleurs. L’annonce d’Éric Dupond-Moretti semble préciser un peu plus sous quelle forme les militaires français vont être mis à contribution. « Semble », seulement, car, à bien y regarder, rien n’est vraiment clair. « Désormais, comme s’y était engagé Emmanuel Macron, des mineurs sous main de justice seront pris en charge par des militaires dans le cadre de programmes adaptés. »

On peut noter plusieurs choses dans cette annonce, pour essayer de bien comprendre de quoi il est question. « Désormais » semble laisser entendre que cette mesure est à effet immédiat. Cela semble surprenant, car aucune disposition légale n’a été annoncée, mais pourquoi pas. Le terme « mineurs sous main de justice » laisse cependant planer le doute sur un certain nombre de points, dont le statut et, surtout, la nationalité desdits mineurs. La cuistrerie administrative du terme ne masque pas le flou du périmètre. « Des militaires » : oui, certes, mais d’active ou de réserve ? Recrutés ad hoc ou prélevés sur l’existant ? Quant à ces « programmes adaptés », on ne voit pas bien desquels il pourrait s’agir, puisqu’une nouvelle fois, aucun dispositif légal ne semble avoir été envisagé.

Ce flou légèrement préoccupant ne doit pas masquer une petite révolution de fond. La Macronie, qui ne cesse de célébrer les vertus de la jeunesse de France, même et surtout quand elle ne sait pas lire, passe sa vie sur TikTok et fume des pétards, veut déléguer à l’armée, un corps d’État par définition assez obéissant, une mission de service public qu’elle ne pourra pas refuser. Le pouvoir semble donc reconnaître que, malgré tous les discours, il y a un petit problème d’insertion sociale du côté des mineurs délinquants.

À l’heure où on cherche par tous les moyens à faciliter la destruction de la famille, et dans un système où l’Éducation nationale a totalement failli à sa mission d’instruction publique pour se concentrer sur le bourrage de crâne woke, la sensibilisation aux discriminations et un souverain mépris de la lecture et du calcul, il ne reste peut-être plus que l’armée pour reconstruire tout ce que l’école prétend déconstruire : le sens de la discipline, entendue comme adhésion à une communauté, le goût du travail bien fait, la fraternité réelle de gens qui viennent de toute la France, l’égalité vécue par le port de l’uniforme et l’absence de prérogatives indues.

Ce discours est cependant à moitié utopique. Encore faudrait-il, en effet, demander à ces militaires s’ils sont en mesure d’assurer cette mission. Ont-ils été formés à réagir à la paresse, à l’individualisme et au manque de respect ? Ont-ils seulement signé pour cela ? Ce travail d’éducateur spécialisé se fera-t-il sur la base du volontariat ? On l’imagine.

Il paraît (selon le discours d’Emmanuel Macron aux armées) qu’avec la récente loi de programmation militaire, l’armée a changé de priorité. Il paraît aussi que ses soldats n’iront plus en Afrique (dont ils sont en train de se faire chasser par le Burkina, après le Mali). Enfin, après avoir donné dix-huit canons CAESAr à l’Ukraine, la France se prépare à en donner d’autres et étudie l’envoi de chars Leclerc. Il va falloir occuper tous ces artilleurs sans canons, ces tankistes sans chars. Seront-ils ravis de devenir assistantes sociales auprès de jeunes qui détestent tout ce qu’ils représentent ? On verra.

Cette décision signe donc à la fois l’échec patent du modèle éducatif français, l’échec patent de son système judiciaire… et l’utilisation un peu hasardeuse des derniers moyens disponibles pour faire illusion : une armée dont on prend les canons pour les remplacer par des mineurs délinquants, en espérant que le devoir de réserve fera passer la pilule.

Témoignage sur le SNU (Service National Universel)

Témoignage sur le SNU (Service National Universel)

 

par Laurent Morissaud (*) – Esprit Surcouf – publié le 23 septembre 2022
https://espritsurcouf.fr/defense-temoignage-sur-le-snu_par_laurent-morissaud/



Piqûre de rappel : le SNU vise essentiellement à impliquer la jeunesse française dans la vie de la Nation. Il n’est pas encore obligatoire mais le sera bientôt. Il a immatriculé cette année quelques 40 000 volontaires et concerne les jeunes entre 15 et 17 ans. Dans sa première phase, il comporte un séjour de cohésion de deux semaines et une mission d’intérêt général de 84 heures, réparties au cours de l’année. Les activités du séjour de cohésion sont structurées autour de 7 thématiques : activités physiques et sportives – autonomie, connaissance des services publics, accès aux droits – institutions nationales et européennes, citoyenneté – culture et patrimoine – Défense, sécurité et résiliences nationales – Développement durable et transition écologique – découverte de l’engagement.  Les missions d’intérêt général se déroulent dans le cadre d’associations, de collectivités locales, d’institutions, d’organismes publics, de corps en uniforme.
 

Qu’est-ce que le SNU ? Pour répondre à cette question, approchons-nous de l’accroche officielle sur le site du gouvernement : « Vous avez entre 15 et 17 ans, vous êtes de nationalité française, vous souhaitez participer à la construction d’une société de l’engagement, bâtie autour de la cohésion nationale, ne ratez pas les inscriptions du Service national universel ! »

Eh oui, le SNU est l’un des moyens pour retrouver cette cohésion nationale en prenant comme ciment la jeunesse de notre pays, tout en lui permettant de s’engager plus facilement au sein de la société sur la base du volontariat ! Avant de s’engager, ne faudrait-il pas avoir conscience de notre État-nation qui découle de notre histoire commune ? Cette notion mériterait d’être abordée.

La montée en puissance de mon centre

La planification, gage de réussite, prend tout son sens dans la préparation, l’organisation et le déroulement du séjour de cohésion. Si nous voulons qu’une mission soit un véritable succès, il faut se donner des moyens. Le directeur devrait être recruté plus en amont pour être en mesure de mettre en place l’équipe la plus pertinente afin d’avoir un projet pédagogique le plus finalisé possible.

Tout commence par le recrutement, par l’Homme. Malgré les difficultés de recrutement, j’ai réussi à créer cet esprit de cohésion, de bienveillance et de camaraderie, aussi bien au sein de l’équipe d’encadrement que des jeunes volontaires. Nous ne faisons qu’un et nous veillons aux mêmes valeurs. Les retours positifs faits en direct ou à l’issue du séjour (lors de rencontres ou sur les réseaux sociaux par exemple) en sont la preuve.

Les constats sont assez simples. Nous n’avons que peu de postulants pour l’encadrement,  plutôt jeunes, avec un profil d’étudiant, et ils sont déjà tous engagés dans la société française en tant que bénévoles dans le monde associatif (étudiant, sportif, culturel, humanitaire …). Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Que ce soit dans l’encadrement ou chez les jeunes volontaires, les filles sont majoritaires !

 

55,9 % des volontaires du SNU sont des filles. Photo DR

Avoir des encadrants engagés pour une mission « jeunesse engagée » est un atout non négligeable. Cela donne du sens à ce séjour. C’est pourquoi j’ai organisé lors de ce séjour une soirée pendant laquelle l’ensemble des membres de l’équipe a témoigné afin de partager leurs investissements divers et variés dans la société.

Nous devrions être sur un triptyque Éducation nationale, éducation populaire et Armées. Malheureusement peu de détenteurs de BAFA ou BAFD postulent. Et cette année, je n’avais aucun représentant de l’Éducation nationale au sein de mon équipe, sachant que l’an passé il n’y avait qu’un seul enseignant, mon adjoint pédagogique. Le manque de postulants peut s’expliquer par la méconnaissance du parcours SNU ainsi que par les conditions d’emploi, de rémunération et de considération humaine.

Une des forces a été de conserver, d’un stage à l’autre, quelques membres de mon encadrement. Il faudrait réussir à conserver une plus grande partie de l’encadrement d’un stage à un autre et avoir, parmi les membres de l’encadrement, des jeunes issus d’un SNU passé.

Le SNU, une source d’inclusion et d’émancipation

La tenue ou l’uniforme permettent de supprimer toute différence, quelle qu’elle soit. Tous les participants des stages de cohésion portent la même tenue. Elle est uniquement différenciée entre les jeunes volontaires et l’encadrement par la couleur de certains éléments.

Cours de secourisme, dispensé par des pompiers.
Photo de l’auteur

Un regret selon moi, mais pas uniquement pour l’uniformité : la non-fourniture des chaussures. En 2019, nous avions tous la même tenue de la tête aux pieds ! Les chaussures étaient fournies. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Certains jeunes n’arrivent qu’avec une seule paire de chaussures et d’autres avec plusieurs paires de grandes marques. Ces chaussures fournies permettaient d’avoir une uniformité totale et, par conséquent, de supprimer tout signe de richesse extérieure et d’origine sociale. Il me semble donc dommage de ne pas conserver cette absence de marqueur social et sociétal.

Les jeunes sont accueillis avec toutes leurs différences physiques, intellectuelles, sociales, … Tout est fait pour leur permettre de vivre pleinement ces deux semaines en inclusion totale,  qu’ils soient valides, en fauteuil roulant ou avec certaines faiblesses.

Quelques moments forts

Les rituels républicains sont l’un des piliers de ce stage de cohésion. La levée et la descente des couleurs marquent le rythme quotidien. Je mets un point d’honneur à ce que tous les jeunes y participent ainsi que tout l’encadrement. Nous pourrions faire un parallèle avec les écoles primaires dans lesquelles les jeunes sont accueillis le matin à un endroit spécifique de leur classe afin de découvrir leurs missions en classe, leurs activités de la journée, de faire le point sur le repas du midi. C’est un moment fort pour la cohésion d’une classe, d’un groupe et un point clé pour l’organisation avec, entre autres, le rappel du déroulé de la journée.

Initialement, nous ne chantions La Marseillaise que le matin à la levée des couleurs. À la demande de la grande majorité des jeunes et des tuteurs, nous le faisions dès le troisième jour à la descente des couleurs. C’est dans ces moments que nous voyons que les débats entre certains adultes sont déconnectés de la réalité terrain et des désirs de notre jeunesse.

Nous avons pu profiter pleinement de la journée du 18 juin pour faire vivre les rituels républicains en dehors du centre et ainsi permettre à nos jeunes volontaires de participer à la commémoration dans trois communes différentes. C’était un moment fort en présence du sous-préfet, d’élus du peuple, de représentants de différentes associations, de citoyens, … Une chance pour certains qui participaient pour la première fois à ce type de cérémonie. Un moment enrichissant intergénérationnel à l’issue duquel beaucoup d’échanges ont eu lieu. 

Ceci donne du sens à différentes interventions dont la journée défense mémoire dite JDM qui permet à nos jeunes de découvrir l’organisation d’une cérémonie officielle, et de valider en même temps leur JDC (Journée Défense Citoyenneté). Cette journée rend les volontaires acteurs lors de ce séjour grâce aux rencontres avec des officiels.

Cette journée est aussi riche que celle dite de la sécurité intérieure qui leur permet de comprendre, et de voir, sur un accident de la route, l’intervention conjuguée des pompiers et des gendarmes .Les institutions et la jeunesse se rapprochent ainsi. C’est tout simplement de la proximité !

Nous avons vécu une soirée bivouac. Elle a permis à une partie de nos jeunes de vivre cette expérience pour la première fois : préparer un barbecue, monter et démonter une toile de tente, dormir en dehors d’un logement en dur. Ces moments forts sont aussi importants pour la cohésion des compagnies et la connaissance de soi en tant qu’individu.

 

Des jeunes volontaires en visite sur un chantier de Naval group, devant la coque tout juste mise à flot du Jacques Chevalier, le premier des quatre futurs navires de ravitaillement de la marine nationale.
Photo de l’auteur.

Ils sont acteurs de leur séjour par le biais de certains débats ou réunions tels que les conseils de maisonnée quotidiens, ceux des compagnies et du centre.

Que retenir du SNU ?

La rigueur, la discipline, le respect et tant d’autres choses exigées des jeunes et de l’encadrement permettent d’assimiler plus facilement la notion des droits et devoirs, de faire vivre et de vivre pleinement les valeurs républicaines.

Le SNU permet de renforcer la cohésion nationale grâce à la rencontre de jeunes venus des cinq départements de la région des Pays-de-la-Loire, et grâce à différentes journées de rencontre avec des administrations et institutions. Il permet aussi de découvrir la culture de l’engagement, de permettre un accompagnement de certains jeunes en insertion sociale et professionnelle grâce à la rencontre avec la mission locale et au forum des métiers.

Le plus beau cadeau à l’issue de ce séjour est le retour positif des jeunes et de leurs parents qui nous remercient de notre investissement et de l’expérience unique vécue par leur enfant.

Et demain, quel SNU ?

Pour participer actuellement au séjour, la nationalité française est une exigence. Ce point particulier est un petit regret personnel. Le SNU devrait être un véritable outil d’intégration. Les jeunes d’origine étrangère qui suivent la scolarité en France devraient avoir la possibilité de vivre cette quinzaine, qui permet d’appréhender certains principes républicains et certaines valeurs de notre société. Ne serait-pas l’une des meilleures méthodes pour intégrer les jeunes arrivant sur notre territoire national ? J’espère donc que ce critère disparaîtra rapidement.

Le SNU de demain devra aussi intégrer la notion d’État-nation dans l’instruction. Elle se situe en amont de celle de l’engagement. S’engager c’est bien, mais comprendre l’environnement c’est mieux.

Une expérience est mise en œuvre cette année par une association d’éducation populaire afin de fournir un centre « clés en main » au ministère de tutelle, l’Éducation nationale. Une partie des jeunes volontaires s’attendaient à vivre ce séjour différemment. Ils auraient aimé avoir un « côté plus militaire ». Ceci est impossible, mais ayant une appétence pour la discipline, la rigueur et l’exemplarité, je réfléchissais à une autre proposition : monter un centre avec une prédominance en management de la doctrine militaire.

Je pense que les dernières prises de paroles vont dans ce sens. En ayant plusieurs pédagogies de fonctionnement avec une finalité identique, ne serait-ce pas une preuve d’adaptation de notre société à la jeunesse actuelle ?

 

Cet article a été publié dans la revue « engagement » de l’ASAF

 

(*) Laurent Morissaud, fort d’une déjà longue expérience professionnelle dans l’entreprenariat, est directeur de centre du SNU. Il ne manque pas de rappeler combien il doit aux logiques de la promotion sociale. Sur le plan militaire, il est un pur produit du service militaire pendant lequel il a occupé les fonctions de chef de peloton. Il est actuellement réserviste opérationnel au sein du Détachement militaire d’appui à la sûreté portuaire. Il a décidé de participer à l’aventure du Service national universel depuis 2019 ; il a notamment dirigé le centre du SNU à La Turballe en Loire-Atlantique en juin 2022.

ESPRITSURCOUF et l’ASAF coopèrent en procédant de manière épisodique à des publications mutuelles de certains de leurs articles respectifs. L’idée étant de favoriser, ainsi, des possibilités plus étendues de lire des analyses consacrées à des questions géopolitiques, de Défense et de sécurité.

Aussi, pour découvrir l’ASAF, si vous ne la connaissez pas encore, nous vous suggérons :  d’aller sur le site de l’ASAF. https://www.asafrance.fr/.

L’ASAF (Association de Soutien à l’Armée Française), association loi de 1901 a été créée en 1983. Elle regroupe tous les citoyens qui estiment que l’armée doit demeurer au « cœur de la Nation », c’est-à-dire une priorité pour l’État et une préoccupation pour les Français. Indépendante de tout pouvoir, sans aucun caractère politique ou syndical, ne sollicitant aucune subvention de l’État, elle s’exprime en toute liberté, avec rigueur et sans polémique, dans le seul souci de l’intérêt supérieur du Pays. Son but est de sensibiliser et d’informer tous les Français sur les questions militaires et de Défense, de défendre l’honneur de l’armée et de ses soldats s’ils sont injustement mis en cause pour des actions ordonnées par les autorités politique françaises, et d’affirmer son soutien envers eux.

L’armée de Terre parle de recruter 10’000 jeunes par an pour effectuer un service militaire de six mois

L’armée de Terre parle de recruter 10’000 jeunes par an pour effectuer un service militaire de six mois

http://www.opex360.com/2022/08/03/larmee-de-terre-parle-de-recruter-10000-jeunes-par-an-pour-effectuer-un-service-militaire-de-six-mois/


 

Mais cela ne fait pas tout… Ainsi, l’amiral américain Arleigh Burke conseillait-il d’ajouter une « brassée de sabres » à l’armement des « destroyers » auxquels il a donné son nom… En clair, la technologie est une chose… mais sans la force morale, c’est à dire sans la combativité du soldat, du marin ou de l’aviateur, son apport s’en trouvera limité. « La force de la cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens », disait Thucydide…

D’ailleurs, le président Macron a repris cette citation de l’historien grec pour illustrer l’importance de la force morale, à laquelle il a consacré quasiment la moitié de l’allocution qu’il a prononcée à l’Hôtel de Brienne le 13 juillet dernier. Et à cette occasion, il a aussi demandé aux Armées de donner une « nouvelle ambition » à « nos réserves », en donnant l’objectif de « doubler le volume de la réserve opérationnelle ».

Pour la seule armée de Terre, cela signifie qu’il lui faut recruter 24’000 réservistes opérationnels supplémentaires… et de déterminer la nature des missions qui leur seront confiées.

« Je tiens à trancher, au sein de l’armée de Terre, la question de savoir si la réserve est une armée à part, chargée de missions à part, ou si elle est une partie de l’armée de Terre exécutant les mêmes missions que les autres. Il incombe aux divers échelon de responsabilité, notamment à l’échelon régimentaire, d’en décider », a déclaré le général Schill, lors de son audition à l’Assemblée nationale.

En tout cas, le CEMAT a son idée sur cette question. « Je défends une autre vision de l’emploi de nos 24’000 réserviste. L’armée de Terre a a des ressources, composées des hommes et des femmes d’active, ainsi que des hommes et des femmes de réserve. Avec ces ressources, elle accomplit ses missions. S’il se trouve que, dans l’environnement des Jeux olympiques de 2024, la 3e compagnie d’active du 3e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa] est déployée avec des réservistes en son sein parce que le chef de corps en a décidé ainsi, tant mieux ! Ce modèle est celui d’une réserve pleinement intégrée », a-t-il dit aux députés.

Et d’insister : « Plutôt que de cantonner les unités de réserve dans un métier de base de l’armée de Terre – l’infanterie légère, pour faire très court –, on pourrait faire le choix de les spécialiser dans le métier de chaque régiment, par exemple en affectant un escadron de reconnaissance à chaque régiment de cavalerie ou une unité de franchissement à chaque régiment du génie ».

Quoi qu’il en soit, passer de 24’000 à 48’000 réservistes opérationnels suppose de revoir l’organisation des unités et, surtout, de faire un effort en matière de recrutement et de formation, d’autant plus que le général Schill a défendu l’idée de « faire le nécessaire pour professionnaliser » la réserve opérationnelle de l’armée de Terre.

Or, d’après le CEMAT, « pour déployer une compagnie de réserve sur le territoire national dans le cadre de la mission Sentinelle, il faut investir […] trente jours de formation par militaire et de nombreux autres pour chaque échelon. Tout cela pour qu’une telle compagnie ne soit disponible qu’une quinzaine de jours par an, compte tenu de la possibilité de ne mobiliser chaque réserviste que trente jours par an. Par conséquent, la volonté d’augmenter l’activité des unités de réserve induit une déperdition des activités de la réserve du point de vue opérationnel ».

La solution la plus évidente pour tenir l’objectif fixé par le président de la République tout en étant la plus rationnelle au niveau de l’efficacité militaire serait « d’employer la réserve opérationnelle de deuxième niveau [RO2] dans le cadre de l’obligation de service de cinq ans applicable à quiconque quitte les armées, soit 15’000 personnes chaque année pour l’armée de Terre », a fait valoir le CEMAT. Seulement, elle ne permettrait pas de renforcer le lien « armée-nation », qui est aussi une priorité.

Aussi, a-t-il continué, il faudrait « recruter des jeunes qui ne souhaitent pas consacrer leur vie à la défense ni devenir soldats professionnels ». Qui plus est, « ces jeunes soldats à temps partiel présente[raient] des avantages du point de vue de la résilience de la Nation. On peut supposer que, ayant accompli dans leur vie une démarche d’engagement, ils se proposeront pour apporter leur aide dans une situation difficile ou catastrophique. Par ailleurs, les recruter permet une forme de brassage, notamment géographique », a ajouté le général Schill.

D’où la proposition qu’il a soumise au ministre des Armées, Sébastien Lecornu, et au général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA]. Proposition qui viendrait s’ajouter aux dispositifs existants, comme le Service militaire volontaire [SMV], qui a une vocation davantage tournée vers le social, au même titre que le Service militaire adaptée [SMA] dont il s’est inspiré.

« J’ai donc proposé […] que l’armée de Terre recrute 10’000 jeunes par an dans le cadre d’un service de six mois, qui servirait d’instrument pour augmenter les effectifs de la réserve. Comme nous ne pouvons pas le faire à organisation inchangée, je lui proposerai d’implanter de nouveaux bataillons dans de nouveaux espaces, que nous pourrions appeler ‘Volontaires du territoire national’ », a-t-il expliqué aux députés.

Seulement, 10’000 « volontaires du territoire national » représentent l’équivalent – environ – vingt bataillons. Ce qui suppose de disposer des casernes nécessaires [au plus une dizaine, ndlr]… Or, avec les réformes conduites entre 2008 et 2015, beaucoup ont été cédées – souvent pour l’euro symbolique – aux collectivités locales… Ce qui a créé des « déserts militaires ».

S’agissant de ces « nouveaux espaces », le général Schill a expliqué qu’ils pourraient être implantés à « proximité d’agglomérations importantes dans un désert militaire, mais aussi [dans] un bassin de population où se trouvent des jeunes susceptibles d’être intéressés par un service de six mois ou par un engagement dans la réserve pas trop loin de chez eux. » Et d’ajouter : « Faire appel à eux permettrait aussi de territorialiser une partie de l’armée de Terre. Ces unités pourraient, en effet, être des unités territoriales, placées sous le commandement de l’officier général chargé de la zone de défense correspondante ».

Le CEMAT a dit avoir chiffré le coût d’une telle proposition… mais il s’est gardé de le préciser aux députés. « Il faut financer des infrastructures, peut-être en lien avec les collectivités territoriales, qui doivent en tirer un bénéfice localement, et assumer un coût de fonctionnement qui n’est pas négligeable, dès lors que 2000 cadres et gradés d’active sont nécessaires », a-t-il seulement indiqué. En outre, a-t-il fait valoir, ce projet « pourrait aussi constituer une contribution de l’armée de Terre à la phase trois du service national universel [SNU] pour, in fine, intéresser tous les jeunes ».

Quoi qu’il en soit, et du seul point de vue de l’efficacité militaire, le général Schill n’est pas favorable à un retour de la conscription. La « priorité étant de garantir l’efficacité opérationnelle, je considère […] que le recours à des soldats professionnels est la bonne solution en matière d’opérationnalisation de l’outil militaire. Du point de vue de la nécessité de se préparer à une forme de menace ou d’action sur le territoire national, […] la bonne solution est la réserve, à hauteur de quelques dizaines de milliers de personnes, même si son organisation actuelle n’est pas optimale », a-t-il dit.

Et d’insister : « Généraliser la conscription, du point de vue de l’efficacité militaire, je n’y suis pas favorable, non sans être conscient de son intérêt pour diffuser l’esprit de défense, assurer le brassage des populations et satisfaire la volonté d’engagement de la jeunesse » car « si on fait du militaire, avec de l’encadrement militaire, il faut viser une finalité militaire. Sinon, il s’agit d’une pièce de théâtre, consistant à faire comme si on était à l’armée, en faisant semblant de donner et d’exécuter des ordres ».

Le retour du service militaire fait de nouveau débat en Allemagne

Le retour du service militaire fait de nouveau débat en Allemagne

 

Durant la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron avait proposé d’instaurer un « service militaire universel » obligatoire d’une durée d’un mois. Cette idée avait-elle été émise pour séduire une partie de l’électorat dont une partie, selon les enquêtes d’opinions, serait favorable à un retour de la conscription? Ou traduisait-elle une conviction profonde, en dépit qu’un tel projet allait être difficile à mettre en oeuvre? En tout cas, cette proposition s’est depuis transformée en un « service national universel » qui, a priori, peine à trouver sa vitesse de croisière.

Qu’en sera-t-il pour les prochaines échéances électorales, alors que M. Macron, qui ne s’est pas encore déclaré candidat pour un nouveau mandat, a prévenu que l’invasion de l’Ukraine par la Russie allait avoir « des conséquences durables et profondes […] sur nos vies » et exigerait de prendre les décisions qui « s’imposeront »?

Sans doute que le débat qui vient de [re]naître en Allemagne aura une influence en France. Pour rappel, Berlin a décidé de suspendre la conscription en 2010. Et les derniers conscrits furent incorporés au sein de la Bundeswehr pour une durée de six mois, en janvier 2011.

À l’époque, il était question de porter l’effectif total des forces armées allemandes à 185’000 soldats, grâce au recrutement de 15’000 volontaires par an. Et il s’agissait ainsi pour ces dernières d’être en mesure de déployer davantage d’hommes sur les théâtres d’opérations extérieurs. Seulement, en raison d’une démographie atone, d’un faible taux de chômage chez des jeunes peu portés sur la vie militaire, la Bundeswehr a régulièrement été à la peine pour trouver des recrues… au point qu’il fut un temps proposé d’ouvrir son recrutement à des ressortissants européens.

Quoi qu’il en soit, depuis la décision du président russe, Vladimir Poutine, d’envahir l’est de l’Ukraine, l’idée de rétablir le service militaire s’est rapidement imposée dans le débat politique allemand. Et selon de nouvelles modalités puisqu’il serait question pour l’ensemble d’une classe d’âge [garçons et filles] d’effectuer un an sous les drapeaux [ou dans un serice d’intérêt général] à la fin du cursus scolaire.

Porte parole du SPD [le parti du chancelier Olaf Scholz, ndlr] pour les questions de défense, Wolfgang Hellmich a ainsi estimé nécessaire d’avoir un débat sur ce retour de la conscription outre-Rhin. Et cela de « façon urgente car nous besoin d’un consensus au niveau de la société sur ce sujet », a-t-il dit, dans le colonnes du Rheinische Post. Et d’estimer que cela « encouragerait l’esprit de solidarité ».

À l’autre bord de l’échiquier politique allemand, la vice-présidente du Parti chrétien-démocrate [CDU] Carsten Linnemann, a exprimé la même opinion. « Un tel service renforcerait la résistance de notre société, en fournissant des compétences sociales dont un pays a besoin en temps de crise », a-t-elle confié au quotidien Bild.

Pour Joachim Krause, directeur de l’Institut de politique de sécurité de Kiel, ce retour de la conscription est quasiment inéluctable. « L’Otan est en train de repasser à une stratégie de dissuasion et l’Allemagne va devoir participer car elle est le pays le plus important en matière de forces terrestres et nous avons de grands déficits. Et je pense que nous allons probablement devoir réintroduire le service militaire obligatoire », a-t-il fait valoir, à l’antenne de la chaîne Sat 1.

Cependant, tout le monde n’est pas sur la même ligne. Commissaire parlementaire auprès de la Bundeswehr, Eva Högl [SPD] estime, au contraire, que le retour de la conscription n’est pas une priorité, contrairement au renforcement qualitatif des capacités militaires allemandes. « Nous avons besoin de technologie et de système d’armement, pas de têtes », a abondé Florian Hahn, membre de la CSU [le parti bavarois associé à la CDU].

Pour que le service militaire soit de nouveau en vigueur outre-Rhin, il faudrait que les deux tiers des députés du Bundestag y soient favorables. Le débat ne fait sans doute que commencer… Et peut-être que la Suède, qui a récemment remis la conscription au goût du jour après l’avoir suspendu, sera prise en exemple.

Conscription en France : Le S.N.U.

Conscription en France : Le S.N.U.


par Johann Airieau (*) – Esprit Surcouf – publié le 26 juin 2021
https://espritsurcouf.fr/defense_conscription-en-france_le-s-n-u/

Un précédent article faisait le point sur la conscription en Europe.

Cette fois ci, l’auteur s’attache au cas de la France. Le service militaire a beau y avoir disparu de la vie des jeunes citoyens, il n’a en rien déserté l’inconscient national, et cet « impôt du sang » reste un pilier de l’imaginaire républicain. En surfant sur cette vague de nostalgie, Emmanuel Macron a voulu créer un « Service National Universel »,le SNU un projet dont la mise en œuvre a été bloquée net par la pandémie, mais qui va revenir dans l’actualité.
.

e début idéalisé du service militaire moderne remonte à 1793, quand la République Française toute neuve s’est trouvée menacée par les armées des monarques européens. Pour défendre « la Patrie en danger », les citoyens se sont « levés en masse », ils ont formé leurs bataillons et remporté la victoire à Valmy.

 Il s’agit là d’un début mythifié, le phénomène se rapprochait d’un « réflexe de défense », incarné par un mouvement populaire. Il n’y avait pas de recensement, pas d’incorporations systématiques, il n’y avait que des volontaires.

Par la suite, au gré des régimes qui se sont succédés, le service militaire s’est généralisé, sous des modalités et des durées variables. Beaucoup échappaient à ce service. Il y avait des tirages au sort, les plus fortunés pouvaient payer un pauvre bougre pour faire le service à leur place, les responsabilités familiales pouvaient donner lieu à exemptions. Les récentes commémorations de la Commune de Paris nous ont rappelé qu’avec la garde nationale existait une organisation de citoyens armés sous forme de milices.

C’est au début du XXe siècle, en 1905, avec la loi Berteaux, que la conscription devient véritablement égalitaire en supprimant les dispenses. Dès lors, chaque Français doit un service individuel à la nation. C’est le temps des gaietés de l’escadron, des copains de régiment, mais aussi des mobilisations générales de 1914 et 1939.

A la fin du XXe siècle, les armées françaises sont en partie professionnalisées. Les conscrits ne servent que de force d’appoint et ne sont pas déployés dans les opérations extérieures. La chute de l’Union Soviétique et la dissolution du Pacte de Varsovie ont considérablement réduit les menaces pesant sur l’Europe, Le maintien de grandes forces armées n’apparait plus indispensable, et se montre extrêmement coûteux. C’est donc dans cette triple situation de professionnalisation des armées, de changement stratégique, et de restriction budgétaire, que le glas sonna pour le Service Militaire Obligatoire en 1997.

 

Finis les conscrits à l’été 1997. Les jeunes qui apprennent maniement d’armes et ordre serré ne peuvent être que des engagés volontaires. Photo MinArm.

Cet outil militaire est alors remplacé par la Journée d’Appel de Préparation à la Défense (JAPD), renommée depuis Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Dans la continuité du service militaire, elle est obligatoire pour les hommes, avant d’être ouverte aux femmes. Son but est de transmettre un socle de valeurs civiques, ainsi que d’offrir aux jeunes une ouverture vers les métiers de la défense. Le suivi de cette journée est sanctionné par un certificat, nécessaire pour passer des examens ou des concours et entrer pleinement dans la vie civique du pays.

Service obligatoire, le retour

Le service militaire occupait une telle place dans la société française que cet outil a gagné une aura providentielle après sa suspension. Il est devenu une sorte de solution miracle à de nouveaux problèmes. Ainsi, devant des sujets sensibles tels que l’immigration, la criminalité dans les banlieues, les divers maux de la jeunesse, le service militaire est apparu pour certains comme une solution évidente.

De nouvelles alternatives ont d’ailleurs été proposées pour en combler la disparition. En 2010 le gouvernement français a créé le Service Civique. Il s’agit d’un organisme permettant aux jeunes citoyens de servir l’intérêt général. Indemnisé, ce service constitue un engagement volontaire et permet la transmission des valeurs nationales de fraternité. Le Président François Hollande a proposé lors de ses vœux aux Français de janvier 2015 (avant les attentats de « Charlie Hebdo ») un nouveau type de service civique, plus court, pouvant potentiellement devenir obligatoire. Ce projet n’a pas abouti.

Un autre argument en faveur d’une réinstauration d’un service obligatoire en France découle de la radicalisation d’une partie de la population et du terrorisme islamiste. Cette radicalisation, via les réseaux sociaux diffusant de la propagande émanant de l’État Islamique ou d’autres groupes djihadistes, a laissé le gouvernement français partiellement impuissant. N’importe qui, particulièrement les adolescents et les jeunes adultes, pouvait ainsi potentiellement se radicaliser et tomber aux mains de recruteurs. Le phénomène inquiétant de djihadistes français ou européens allant s’entraîner en Syrie et revenant commettre des attentats a également contribué à différencier cette menace sécuritaire.  A la lumière de ces nouveaux dangers, et avec l’Opération Sentinelle, créée à l’issue des attentats de janvier 2015, les voix en faveur d’un rétablissement d’un service obligatoire ont eu de plus en plus d’écho.

La professionnalisation des armées a montré ses fruits lors des OPEX, et ses limites lors des Opérations intérieures. Les forces d’active sont ainsi impliquées dans l’Opération Sentinelle, mobilisant un effectif important (de 3 000 à 10 000 militaires selon les périodes). Cette opération a également contribué à réactiver le dispositif de Garde Nationale en 2016 et à intégrer de manière approfondie les forces de réserve à l’effort de défense. Cependant, force est de constater que la protection de lieux prédéfinis sur le territoire national est différente de la traque de groupes terroristes au Sahel. Les soldats doivent donc subir un entraînement particulier.

L’Opération Sentinelle est une grosse consommatrice d’effectifs. Heureusement qu’il y a des réservistes. Photo MinArm.

Rempli de promesses, le SNU français ravive la mémoire d’un service militaire idéalisé. Il est toutefois bon de rappeler qu’à cette époque l’un des sports nationaux, outre le football, était d’être réformé afin de ne pas avoir à subir une chose vue comme une contrainte par beaucoup de jeunes hommes. La possibilité de faire un service moins pénible, comme coopérant ou dans une entreprise française à l’étranger, ou comme Élève Officier de Réserve, au lieu d’être « bidasse » dans un régiment d’infanterie, nuisait à la notion d’égalité de la conscription. Il est donc important de bien définir les objectifs du SNU afin de ne pas se bercer d’illusion quant à son sujet.

La forme du SNU

.
Lors des élections présidentielles de 2017, la plupart des candidats étaient en faveur de la réinstauration d’un service obligatoire, militaire ou civique. Le candidat Emmanuel Macron proposait alors un « service civique » d’une durée d’un mois, encadré par les forces armées. Élu Président, son projet s’est affiné et se présente désormais sous la forme d’un parcours citoyen en plusieurs phases.

Les jeunes de 13 à 16 ans recevront un enseignement spécialisé portant sur la défense lors de « Classes de Défense et Sécurité Globale ». S’ensuivront deux périodes de 15 jours après la classe de 3e. La première, appelée Journées Défense et Mémoire nationale (JDM), regroupera des jeunes dans un autre département, brassera les origines sociales et les imprègnera des principes républicains. La deuxième, appelée Mission d’Intérêt Général défense et mémorielle (MIG), consistera à accomplir une tâche utile à la collectivité. C’est le jeune qui choisira ce qu’il veut faire. Cela sera donc un volontariat, qu’il soit civique ou sous uniforme. Les deux périodes composeront, à proprement dit, le SNU.

La Journée Défense et Citoyenneté (JDC) est également maintenue et devrait, sans information contraire, conserver son rôle d’initiation à la défense. Cette dernière ainsi que la première phase du SNU permettront d’orienter les jeunes intéressés par la défense vers les formes d’engagement adaptées (active, réserve, services volontaires, écoles militaires etc…). A l’issue du SNU, un engagement volontaire de la part des jeunes sera possible, que ce soit civique ou militaire. D’une durée de 3 mois à 1 an, cet engagement s’effectuerait en France, entre 16 et 25 ans.

Dans sa forme actuelle, le SNU a plusieurs objectifs, énumérait le ministère des armées en 2020 : « transmettre un socle républicain, renforcer la cohésion nationale, développer une culture de l’engagement et accompagner l’insertion sociale et professionnelle ». Un an plus tard, le même ministère le présente comme un projet de société, s’adressant à tous les jeunes de 15 à 16 ans et visant une meilleure insertion et un engagement de la jeunesse.

En juin 2019, avant la pandémie, 2 000 adolescents ont testé le SNU : 15 jours à vivre en communauté, loin de leur famille et de leurs amis, en uniforme et selon des horaires militaires. Photo CIDJ

La dimension militaire du SNU

.
Lors de l’élaboration de ce nouvel outil, la tendance était à la circonspection de la part des militaires. En effet, les forces armées françaises sont aujourd’hui entièrement professionnalisées, avec des forces d’active et de réserve. La complémentarité de ces deux forces ne laisse que peu d’espace aux conscrits, mis à part l’opération Sentinelle. De surcroît, les forces armées françaises n’ont plus les infrastructures nécessaires pour accueillir des appelés. Cela finira par se révéler coûteux, alors même que la défense connaît des difficultés financières, et qu’elle devrait utiliser ses cadres pour assurer la formation des conscrits.

Une estimation, datant de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron en mars 2017, décrit un SNU coûtant entre deux et trois milliards d’euros par an en « régime de croisière ».Une estimation plus récente émanant du groupe de travail sur le SNU dirigé par le Général Menaouine estimait (avec une certaine réserve) un investissement en infrastructure de 1,750 milliards d’euros sur sept ans, ainsi qu’en rythme de croisière un coût de 1,6 milliards d’euros par an. Le groupe de travail estime néanmoins que le « coût budgétaire total qui ne devrait pas dépasser quelques milliards d’euros est un investissement collectif justifié, soutenable, et maîtrisable ».

Cependant, dans sa forme actuelle, le SNU semble n’avoir gardé de militaire qu’une partie de son encadrement. Les jeunes participeront à des périodes de formation militaire seulement s’ils sont volontaires. L’engagement dans les forces armées, de police, ou de sécurité civile, dans l’active ou la réserve, est totalement optionnel, bien qu’encouragé. L’un des rares aspects rapprochant le SNU de son prédécesseur est son caractère obligatoire. Il se pose ainsi en nouveau creuset républicain, sanctionnant un accès à une citoyenneté complète. Mais l’intérêt purement militaire de cet outil est très limité : il se caractérise principalement par un rôle d’éducation à la défense et de potentiel vivier de recrutement pour les forces armées.

Il faut donc être très clair : ce SNU en train de naitre ne remplacera jamais le service militaire. Toutefois, il se rapproche de la doctrine de défense totale, telle que pratiquée en Lettonie ou en Scandinavie. Ce système allie monde civil et militaire pour défendre un territoire et développer la résilience de la société.

Adapté à une jeunesse consciente des sujets sociaux, écologiques, politiques, et bien souvent engagée, le SNU propose une formation orientée citoyenneté et moins contraignante que l’ancien service militaire. La défense est au cœur du système, mais d’autres thèmes contemporains sont abordés, tels que le développement durable, la citoyenneté européenne, ou encore le patrimoine. Il ne reste plus qu’à savoir si les jeunes français vont adopter le SNU, s’ils auront s’y adapter et en profiter.


(*) Johann AIRIEAU : journaliste-stagiaire chez ESPRITSURCOUF, est diplômé d’une licence d’histoire de l’Université Lumière Lyon 2, dont une année a été réalisée à l’Université de Virginie. Il est actuellement étudiant en master de relations internationales aux Hautes Etudes Internationales et Politiques et réserviste dan sl’Armée de Terre et Journaliste-stagiaire chez ESPRITSURCOUF .
Passionné par l’histoire militaire et les sujets de défense, il travaille sur un mémoire portant sur le service national contemporain en France et en Suède. L’objectif de cette recherche est de mettre en lumière les menaces auxquelles sont exposés ces deux pays européens, nécessitant pour les combattre l’établissement d’un SNU en France et le rétablissement du service militaire en Suède. (Contact : johann.airieau@edu.heip.fr)

Fantaisie militaire : quand tu entends que l’on veut faire appel à l’armée…aujourd’hui pour rééduquer les mineurs délinquants

Fantaisie militaire : quand tu entends que l’on veut faire appel à l’armée…aujourd’hui pour rééduquer les mineurs délinquants

Interview Figaro 02 septembre 2020 ici

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 11 avril 2021

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


En 2011, Éric Ciotti avait déposé une loi, adoptée, mais jamais mise en œuvre, prévoyant que l’Établissement public d’insertion de la défense (Epide), qui accueille depuis 2005 dans ses centres de jeunes majeurs en difficulté, s’ouvre aux mineurs de 16-18 ans ayant commis des faits de faible gravité, pour un service citoyen de six à douze mois. Le garde des Sceaux a évoqué l’idée de le mettre en place. Que vous inspire cette mesure?

Le code de la défense regroupe les textes relatifs à l’organisation générale, aux missions, au personnel militaire et au fonctionnement de la défense. Dans la rubrique «Mission des armées» il est écrit: «préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation». Il n’est écrit nulle part que les armées aient à servir de maison de correction, de centre de formation professionnelle, de palliatif à des peines de prison, d’anxiolytique pour la population, de fournisseurs de photos pour les articles sur le terrorisme, d’antigang à Marseille ou ailleurs, de supplétif à la police nationale, de régulateur du nombre de sangliers, de société de ramassage des poubelles ou de nettoyage des plages, d’éducateurs pour adolescents en internat-découverte.

La liste n’est pas exhaustive, pour en trouver une nouvelle il suffit de concilier lacune dans un champ de l’action publique et désir de montrer que l’on veut faire quelque chose. Le problème est qu’on ne soigne pas les maladies en fonction des remèdes les plus efficaces, peut-être parce qu’on ne les a plus, mais des potions disponibles et visibles sur l’étagère. Or, l’armée est une potion toujours disponible et qui, c’est vrai, peut soigner beaucoup de choses, même si c’est sans doute parfois de manière placebo.

Les unités militaires sont réactives, disciplinées et dotées par nécessité d’une forte cohésion. Les soldats français sont, il faut le rappeler, volontaires à faire des choses pas naturelles pour la Patrie : tuer et être tué.

Pour cela on crée autour d’eux des obligations à faire honneur à l’uniforme, au drapeau, et à ne pas faire honte à des camarades dont on a forgé l’amitié dans de durs entraînements et des opérations. On ne peut séparer l’action qui peut être un sacrifice et sa préparation. On ne transpire pas dans les entraînements pour le plaisir d’apprendre l’effort, mais pour être prêt au combat. Sinon, on fait du sport. Même les bataillons d’infanterie légère d’Afrique, les «Bat’ d’Af» qui n’incorporaient que des recrues à casier judiciaire jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, étaient engagés au combat, où ils n’ont d’ailleurs jamais beaucoup brillé.

Va-t-on engager ces mineurs dans des combats? Non évidemment et heureusement! Dans ce cas, les engager dans un processus de formation d’un soldat, en se disant qu’au moins cela en fera quelqu’un de bien, n’a pas de sens. Cela risque par ailleurs d’affaiblir notre institution.

«Je souhaite évidemment qu’il y ait le moins d’incarcération possible de mineurs chaque fois que c’est possible, ça va de soi», a déclaré Éric Dupond-Moretti en juillet dernier, plaidant de manière générale pour une diminution de la détention provisoire. Craignez-vous que l’armée devienne un palliatif à la prison?

Mais quel est le rapport entre la prison et l’armée? Être dans l’armée, c’est une sanction? Il est toujours singulier de voir des gens trouver soudainement de grandes vertus éducatives ou rééducatives à une institution qu’ils ont préféré éviter lorsque cela leur était possible au temps du service national obligatoire pour les hommes et volontaire pour les femmes. L’éducation à la dure, c’est pour les autres, les gueux, voire les canailles. Cela fera du bien un tour à l’armée! Oui, mais voilà ce n’est pas le rôle de l’armée, et moins que jamais.

Il est toujours singulier des voir des gens trouver soudainement de grandes vertus éducatives ou rééducatives à une institution qu’ils ont préféré éviter lorsque cela leur était possible au temps du service national obligatoire pour les hommes et volontaire pour les femmes.

Éric Dupond-Moretti, qui a des mots très gentils pour l’institution militaire, mais dont on cherche vainement la trace du service militaire, pourrait mobiliser ses propres services après tout. Quitte à trouver un palliatif à la prison pourquoi ne pas organiser quelque chose à l’intérieur du ministère de la Justice? Il n’y a pas de modèle à admirer au ministère de la Justice? Pourquoi pas dans l’administration pénitentiaire par exemple?

Pensez-vous que sa mise en place pourra se faire sans difficultés?

Bien sûr qu’il y aurait des difficultés. Il faut quand même rappeler que l’expérience a été tentée de 1984 à 2004. Cela s’appelait les «Jeunes en équipe de travail» (JET) et cela consistait à organiser des «stages de rupture» de quatre mois à l’intention des jeunes délinquants, détenus majeurs de moins de trente ans ou mineurs à partir de 16 ans. Ces stages, proposés aux jeunes par le juge d’application des peines, devaient les préparer à leur réinsertion sociale et professionnelle. Les JET étaient gérés par une association et les armées ainsi que la gendarmerie fournissaient l’encadrement, les infrastructures et l’équipement.

Deux ans après leurs stages, plus de 60 % des mineurs qui s’étaient portés volontaires chez les JET étaient retombés dans la délinquance.

Au total, sur vingt ans, 5 800 jeunes délinquants sont passés par JET. Le bilan est très mitigé. Deux ans après leurs stages, plus de 60 % des mineurs qui s’étaient portés volontaires étaient retombés dans la délinquance. Le résultat était un peu meilleur pour les adultes, même si 20 % se trouvaient à nouveau incarcérés. Alors que l’on réduisait considérablement le budget de fonctionnement des armées, celles-ci n’ont plus souhaité assurer cette mission arguant en fait du faible «rendement» de ce stage et de l’impossibilité désormais de le soutenir.

L’implication dans la formation professionnelle par le biais des Epide et du Service militaire volontaire, ou du Service militaire adapté dans la France d’outre-mer, donne en revanche de bons résultats, mais il ne s’agit pas de réinsérer des délinquants après un stage court, mais de venir en aide à des jeunes en difficulté, volontaires et sélectionnés, par une longue formation. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Cela fonctionne, même si encore une fois c’est un détournement de mission.

Prônez-vous le rétablissement du service militaire à l’ensemble des jeunes?

Pourquoi pas si on répond correctement à la question : pour quoi faire? Rappelons que le principe du service militaire, puis «national», n’était pas de rendre service aux jeunes qui y était soumis, par les soi-disant bienfaits éducatifs ou le vivre ensemble, mais de rendre service à la nation, parfois en donnant sa vie. Si l’idée est effectivement de rendre service à la nation, alors oui cela peut se concevoir. Un service militaire n’a de sens que si on engage éventuellement les recrues au combat. Si ce n’est pas le cas, on est alors dans un grand projet éducatif, et s’il concerne des mineurs, comme le projet de Service national universel (SNU) c’est la mission de l’Éducation nationale.

On peut imaginer que le service national apporte un renfort de 800 000 jeunes utile à des services publics souvent en grande difficulté.

Le service national peut être un vrai projet ambitieux et un vrai projet de société, mais en réalité, il n’y a sans doute que deux voies cohérentes. La première est le retour à une forme de service national élargi à l’ensemble du service public. Cela suppose de surmonter la réticence juridique de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui considère cela comme du travail forcé et bien sûr de traquer et donc sanctionner les inévitables resquilleurs, condition sine qua non de la justice de ce service. L’effort est considérable, mais on peut imaginer qu’un renfort de 800 000 jeunes peut être utile à des services publics souvent en grande difficulté.

La seconde consiste à s’appuyer sur l’existant des services volontaires. Rappelons que le projet insensé de SNU prévoit de dépenser 1,5 milliard d’euros par an pour fondamentalement organiser deux semaines de stage découverte à tous les jeunes d’une classe d’âge et ce chiffre ne comprend pas les dépenses d’infrastructure sans doute nécessaires. Ce chiffre représente le quadruple de celui du Service civique et ses stages rémunérés de 6 à 12 mois, ou dix fois celui des 30 000 contrats de la réserve opérationnelle n° 1 des armées, mais on pourrait aussi évoquer les sapeurs-pompiers volontaires ou les réservistes du ministère de l’Intérieur.

Hors de ces deux options, me semble-t-il, on sera dans de la «fantaisie militaire», pour reprendre le titre d’un album d’Alain Bashung, de la part de gens qui n’ont jamais voulu porter l’uniforme.

Faut-il rétablir le service national ? (Dossier n°26 du G2S : “Vers un retour du combat de haute intensité”)

Faut-il rétablir le service national ? (Dossier n°26 du G2S : “Vers un retour du combat de haute intensité”)

Doit-on rétablir le service militaire pour faire face aux menaces qui montent ? Pour le GCA (2S) Alain BOUQUIN la réponse est clairement non, ce qui n’exclut pas de nous doter d’une organisation solide pour appuyer et relever le combattant de première ligne et pour compenser les pertes.

————————

Historiquement, la conscription a été conçue et mise en œuvre pour répondre aux défis posés par une menace existentielle : la « Patrie était en danger », il convenait d’opérer « une levée en masse » pour fournir les effectifs militaires nécessaires aux forces de « la Nation en armes ».

Mobilisation, gros corps de bataille, espaces d’entraînement, réserves, service militaire, puis national… sont devenus au fil des réformes les rouages majeurs d’une organisation visant à doter le pays d’une armée « de gros bataillons » apte à s’opposer à l’invasion du territoire national par un ennemi nombreux et puissant. La conscription était, dans la conscience collective nationale, la réponse incontournable du pays face à la menace d’un conflit majeur.

Mais avec le temps, la conscription est progressivement devenue également un outil éducatif : le lieu de l’apprentissage de l’esprit de défense. Elle a ainsi revêtu une double vocation, militaire et citoyenne : elle était l’endroit où on apprenait à se battre pour son pays, mais aussi celui où on découvrait, et on comprenait, pourquoi ce pays méritait qu’on se batte pour lui…

Si on réfléchit à doter à nouveau la France des capacités lui permettant de faire face à un conflit majeur de haute intensité, la question se pose donc presque naturellement : doit-on rétablir le service national sous une forme militaire ?

Il semble cependant que les conditions de son utilité aient changé. Et que la double vocation évoquée plus haut ait perdu une partie de son sens…

Aura-t-on besoin d’effectifs ?

Oui, mais pas autant que ce que l’on pense. Les armées contemporaines sont des outils de haute technologie ; les équipements modernes sont devenus très onéreux et leur nombre diminue au fur et à mesure que leur prix augmente. Elles sont ainsi devenues petites par la force des choses, du fait du poids des budgets qu’elles exigent : dans l’armée de terre, ce ne sont pas aujourd’hui les hommes qui font défaut mais les équipements dont il faudrait les doter ![1]

Même si on retrouve de la masse ― et cela est hautement souhaitable, ainsi que le rappellent les chefs militaires, car nos armées sont objectivement sous-dimensionnées ― même si on double ou on triple les dotations matérielles, on restera sur un format réduit. Il serait d’ailleurs intéressant d’identifier s’il existe un effet de seuil et une taille minimale pour la haute intensité… ce qui est un autre sujet.

Ces forces réduites n’ont donc plus vraiment besoin d’effectifs pléthoriques : à quoi servent les 800 000 jeunes d’une classe d’âge quand on n’a que 200 chars LECLERC à armer ? On serait très loin de pouvoir donner des emplois de combattants à toute la ressource humaine que permet la conscription. C’est ainsi : la taille des armées est désormais déterminée par la quantité des moyens dont on peut les doter. On ne doit donc pas se leurrer en parlant de masse : on ne retrouvera jamais celle qui fut la nôtre lors des grandes guerres du XXe siècle car son coût est devenu inaccessible, sauf à accepter un déclassement technologique dangereux…

La question des pertes et de leur remplacement doit en revanche être posée pour la haute intensité. C’est en fait la question de la durée et de l’aptitude à entretenir un effort de guerre de longue haleine. Il faudra probablement évaluer la ressource qui serait nécessaire pour reconstituer des forces ayant subi une forte attrition.  En rappelant que le volume total de la force opérationnelle terrestre est aujourd’hui de moins de 80 000 militaires… Les effectifs supplémentaires pourraient également servir à couvrir les missions de défense du territoire.

On peut imaginer diverses pistes : engagés, réservistes opérationnels, volontaires…

La priorité semble être d’accroître les effectifs d’engagés, pour atteindre un ratio raisonnable (de l’ordre de 1,2 à 1,3 à estimer finement) entre ressource humaine disponible et postes à honorer.

Il faut certainement aussi travailler sur une augmentation de la réserve et sur une adaptation des conditions de son emploi opérationnel. Car elle aura sans aucun doute, plus encore qu’aujourd’hui, sa place pour assurer le fonctionnement des bases arrière, reprendre à son compte des missions sur le territoire national, en lieu et place des soldats d’active, mais aussi sans doute pour recompléter les unités engagées qui subiront une forte attrition. La formation de nos réservistes, leurs équipements et leur concept d’emploi doivent donc être revus avec ces perspectives d’emploi.

L’organisation, les missions et le fonctionnement de la garde nationale des États-Unis pourraient servir de base de réflexion pour une telle réforme…

La composante réserve de type RO2[2] (réserve opérationnelle de deuxième niveau) sera la plus à même de combler les pertes subies dans les unités, en raison de la formation récente des personnels concernés. Il faudra cependant les remettre à niveau dans des centres d’entrainement dédiés à concevoir et à organiser en amont.

La réutilisation d’équipements récemment retirés du service peut être également une piste à explorer pour mieux équiper notre réserve, en lui donnant des moyens qu’elle n’a pas aujourd’hui pour remplir des missions sur le territoire national.

L’appel de volontaires est une troisième piste. Mais pour être opératoire, cette piste doit avoir été mise en forme et organisée au préalable. Le temps n’est sans doute plus où il suffisait d’accueillir dans nos casernes des étrangers qui voulaient servir la France attaquée en tant que « engagés pour la durée de la guerre » et qui n’avaient aucune formation militaire.

Et enfin il faut, dans les trois cas, se poser la question de la montée en puissance de cette ressource surnuméraire : doit-elle être permanente ? Ou faut-il prévoir de l’activer en cas de crise ? En espérant que le temps requis pour atteindre son aptitude opérationnelle n’excèdera pas celui de la dégradation de la situation internationale…

Aura-t-on besoin de rusticité, de résilience, d’esprit de défense ?

Ces dispositions collectives resteront indispensables pour que les forces armées conservent leur efficacité dans un contexte de conflit majeur. Or, plus que jamais, les jeunes Français ont besoin de repères et de convictions. Dans un monde qui cultive l’individualisme, le confort, la liberté… il sera vital qu’ils retrouvent les vertus qui ont été celles de leurs aïeux, grognards, poilus ou tirailleurs, si on veut faire d’eux des guerriers aptes à la haute intensité, aptes aux plus grandes épreuves collectives.

Dans des conditions extrêmes, lorsque le sang coulera, lorsque des moyens mécaniques puissants satureront le champ de bataille, lorsque la peur sera revenue, il faudra des hommes et des femmes éduqués à l’esprit guerrier. La résilience reprendra sa plus simple signification : rester capables de remplir sa mission quand tout va mal ! Et seuls ceux et celles qui auront des vertus de défense profondément ancrées en eux seront en mesure de pratiquer cette résilience élémentaire. Seuls ceux et celles qui savent pourquoi on combat, et pourquoi on meurt, resteront fermes dans l’enfer que constitue un combat de haute intensité poussé à son paroxysme.

Ces vertus sont connues : courage, esprit de sacrifice, sens du service, don de soi, endurance, rusticité… Elles ne sont pas innées ; il faut les susciter, les motiver, les inculquer, les entretenir. Et c’est précisément le rôle que le service national peut jouer au profit de la jeunesse. C’est dans cette perspective que le rétablissement, sous une forme à définir, d’un service national doit être envisagé.

Le Service national universel (SNU) voulu par le Président peut-il remplir ce rôle ? Cela dépendra de la forme, du contenu, de la durée qu’on lui donnera… Il ne pourra disposer les jeunes Français à combattre dans les environnements les plus violents et les situations les plus désespérées que s’il les prépare à affronter une certaine brutalité, à endurer l’insoutenable, à rester digne dans la tempête. Il doit donc comporter une dose de mise en condition permettant de forger les caractères et de durcir les corps… Il n’est pas certain que le SNU prenne cette direction… Alors qu’il est rassurant de constater qu’il ne manque pas grand-chose aux jeunes Français pour se réapproprier les vertus guerrières de leurs pères !

Une autre question est celle du « déficit générationnel » : le service national est suspendu depuis 1997. Une génération complète de Français (et de Françaises !) a « échappé » à cette contrainte et en a perdu les bénéfices. Combien faudrait-il de temps entre un éventuel rétablissement et de réels effets sur la volonté collective de ne pas subir en cas de situation exceptionnelle ou de conflit majeur ?

* * *

La question du rétablissement d’un service national, sous une forme éventuellement militaire, doit donc être examinée avec soin dans le cadre des travaux sur la haute intensité. C’est en fait la question de sa vocation profonde qui doit être posée : outil de génération de masse militaire et/ou outil d’éducation à l’esprit de défense résilient ?

Ce double besoin appelle peut-être une double réponse.

Sur la question des effectifs, il est évident que le combat de haute intensité est une activité consommatrice de ressources de toutes natures. Des recomplètements en hommes seront donc indispensables pour durer. Mais la conscription est probablement une réponse trop riche pour le besoin. Surnombre d’engagés, adaptation de la réserve et dispositif pour les volontaires sont des réponses mieux adaptées et en tout état de cause suffisantes.

Sur le sujet de la capacité morale du soldat, et plus globalement du niveau de préparation de nos concitoyens à un conflit majeur (« dans les cœurs et dans les esprits »), c’est de toute évidence une action pédagogique en profondeur qui est attendue. Le SNU a vocation à jouer une large part à cette action. Il est important de s’assurer que ses conditions de mise en œuvre (durée, cadre matériel, matières enseignées, rusticité, mise à l’épreuve…) correspondent bien à un objectif de résilience bâtie sur la volonté et l’endurance insufflées…

Dans ces deux directions, le facteur temps sera déterminant : le sursaut attendu pour redevenir capable de faire face aux grandes épreuves qui peuvent menacer l’existence de la Nation est une urgence, mais les dispositions à prendre n’auront pas d’effets immédiats…


NOTES :

[1] C’était déjà le cas dans les années 90, avant la professionnalisation : les besoins en appelés étaient très inférieurs aux ressources fournies par la partie masculine d’une classe d’âge.

[2] La réserve opérationnelle est composée d’une réserve opérationnelle de premier niveau (RO1), regroupant les citoyens français volontaires, issus de la société civile, avec ou sans expérience militaire et d’une réserve opérationnelle de deuxième niveau (RO2) constituée de tous les ex-militaires d’active soumis à une obligation de disponibilité durant les 5 ans suivant leur départ des forces armées

Rapport sur la pertinence du rétablissement d’un service militaire de conscription

Rapport sur la pertinence du rétablissement d’un service militaire de conscription


Nous publions ici un document que nous a soumis l’Alliance Démocratique Peuplarchique (A.D.P.), un comité de citoyens qui s’est formé à la suite du mouvement de révolte des « gilets jaunes ». Ce comité produit une série de réflexions sur les moyens qui permettraient à la population de renouer avec des institutions réellement citoyennes dans le cadre d’une souveraineté politique retrouvée. Il s’agit ici d’un document qui traite de « la pertinence du rétablissement d’un service militaire de conscription » et qui a été produit par la commission « Défense et sécurité » de l’ADP. Ce texte fait suite au texte récemment publié sur Strategika issu du Centre de Réflexion Interarmées, texte qui nous a été proposé et présenté par le Général Dominique Delawarde. Il s’agit ici d’une réflexion plus « populaire » et civique sur les moyens de réconcilier la mission des forces armées avec le corps national. Une entente mise à mal par la crise des gilets jaunes durant laquelle les forces de l’ordre furent perçues par la population comme des forces de répression du peuple et de protection d’une oligarchie corrompue.

Ces deux textes nourrissent la réflexion globale que Strategika entend mener sur les questions politiques et militaires à l’aune d’une convergence des forces vives de la France face à l’émergence du globalisme politique comme acteur géostratégique majeur qui cherche à dissoudre les États-nations afin de soumettre les populations à son mode de gouvernance post-étatique planétaire.

Ces deux réflexions lues ensemble illustrent selon nous une possible stratégie politique face à la déréliction du système politique français que la gestion chaotique de la crise du covid-19 est encore venue illustrer. A savoir la coopération entre des personnes issues de ce peuple qui s’est soulevé durant l’insurrection des gilets jaunes avec des représentants de ce que nous appelons l’« État stable ». Officiers généraux, diplomates, hauts fonctionnaires, universitaires, chercheurs etc qui assurent, chacun dans leur domaine, la continuité de la forme stato-nationale française face aux assauts constants et croissants d’un « État profond » parasitaire acquis à des intérêts exogènes à ceux du peuple et de l’État français depuis plusieurs décennies.

Pierre-Antoine Plaquevent – directeur de publication de Strategika

Alliance Démocratique Peuplarchique (A.D.P.)

Commission : Défense et sécurité           

Objet : Rapport sur la pertinence du rétablissement d’un service militaire de Conscription

Préambule

                Dans ses propositions en matière de programme politique, l’A.D.P. défend celle du rétablissement d’un service national Citoyen, soit civil (durée de 12 mois), soit militaire (durée de 9 mois), laissant ainsi le choix aux conscrites et conscrits, en vertu du principe de responsabilité Citoyenne, responsabilité incluant « la défense de la Nation ».

                Sur quels arguments, et à partir de quels faits survenus, tant au niveau national qu’international, doit-on considérer qu’il est nécessaire, voire urgent d’en revenir au principe d’une armée de Conscription, basé sur un service militaire national optionnel, alors que depuis 1997, l’obligation d’un service militaire a été suspendu en France ?

                Pour traiter de cet important sujet, qui dans notre esprit est une condition requise, pour exercer pleinement sa citoyenneté et qui renvoie à un faisceau de considérations multiples, faisant appel non seulement à des valeurs morales, culturelles, éthiques, mais aussi à des aspects politiques, sociaux, historiques, et présentement géopolitiques, avant que d’être proprement militaires.

Rappel de la doctrine-modèle du Citoyen-soldat, dans le cadre de son contexte historique et politique :

                La doctrine-modèle du Citoyen-soldat renvoie aux principes de responsabilité Citoyenne, incluant la défense de la Nation.

                Cette doctrine se fonde sur des notions d’égalité et de devoir civique, donc des notions de nature d’abord morale, avant que d’être militaires.

                Les valeurs martiales d’abnégation, de courage, de fraternité, de patriotisme, et de vertu civique, celle de placer le bien commun au-dessus de l’intérêt personnel, y compris la sauvegarde de sa propre vie, sont ainsi intégrées à une moralité exigeante, mais partagée par l’ensemble de la Nation, laquelle est ainsi appelée à faire corps avec son armée.

                Cette doctrine a ses racines dans le patriotisme et les idéaux révolutionnaires.

                Pourtant le principe d’une armée de conscription rencontra de fortes oppositions dès le début de la révolution de 1789, les députés constituants d’alors avaient à cœur les questions des libertés individuelles, et le recours à toute forme de coercition leur semblait un déni de cette liberté promise par la révolution.

                Ce n’est qu’en 1798 qu’en France, sous la pression des nécessités extérieures, qu’un système de conscription fut mis en place.

                Avec la montée des nationalismes en Europe, puis dans le monde, et l’augmentation significative de conflits entre nations, suivi de l’embrasement de l’Europe en 1914, les armées de conscription devinrent la règle générale.

                La guerre était devenue et pensée comme un fait social et culturel total, car elle ne concernait pas seulement les militaires, les chefs d’Etat et les diplomates, mais toutes les forces de la société civile, et au-delà tous les individus, dans le cadre d’une économie nationale restructurée globalement comme économie de guerre.

                Cette internationalisation des conflits, de même que l’implication totale des sociétés des pays belligérants, bousculèrent entre autres, les rapports entre les sexes, les femmes devinrent auxiliaires des armées, chef d’entreprise, chef d’exploitation agricole … 

                Les transformations sociales s’accélérèrent, et firent naître de nouveaux rapports entre combattant et « ceux de l’arrière », confortèrent les rituels patriotiques et ultérieurement mémoriels. Chaque Peuple se devait d’être en phase avec son armée.

Cette guerre conventionnelle fût également idéologique avec une internationalisation des masses porteuses de significations patriotiques.

                Les deux guerres mondiales eurent pour effet d’impulser des avancées technologiques, dont les conséquences transformèrent profondément le paradigme de la guerre, de même que sa signification. La puissance de feu, la technicité des hommes, se substituèrent dès lors aux gros bataillons d’infanterie. A l’issue de la seconde guerre mondiale, nombre de pays, parmi les plus développés (Angleterre, Etats-Unis, …), renoncèrent au service militaire universel au profit d’une armée de métier, moins gourmande en hommes, plus sophistiquée en moyens matériels et en capacité de destruction.

                En France, la tradition du Citoyen-soldat résista plus longtemps du fait des « évènements d’Algérie », et de l’engagement des conscrits dans le conflit, suivi de leur opposition passive face au coup d’Etat militaire fomenté à Alger en 1961. Cette armée de conscription se dressa face à des unités d’engagés (légion, parachutistes, …) et de sous-officiers et officiers de carrière préfigurant l’armée de métier du futur. Cet épisode eut pour conséquence, qu’à droite comme à gauche, on soutint le principe d’une armée de conscription jusqu’à sa suspension de 1997.

                Dès les années 90, les bénéfices moraux, sociaux et politiques, à conserver le service national, furent balayés face aux arguments de nature économico-comptable, type coût/efficacité, prônant la mise en place d’une armée de métier. La première guerre du Golfe (1990-1991) fut déterminante de ce point de vue, notamment en termes de capacité opérationnelle :

  • L’armée Britannique, forte de 150.000 hommes, envoya sur place un corps expéditionnaire de 35.000 hommes, tandis que l’armée Française de conscription forte de 280.000 hommes, ne put engager que 12.500 hommes sur le théâtre d’opération.
  • Flexibilité, opérationnalité, capacité de projection, économies sur les charges fixes et variables, le concept d’une armée de métier s’est finalement imposé dans l’esprit d’une technocratie politico-militaire « otanisée ». A cette vision technocratique, se greffait le constat d’un monde unipolaire. Les politiques, comme les militaires, pensaient comme définitivement acquise l’idée d’une fin de l’histoire que parachevait la puissance désormais sans rivale des Etats-Unis.

Le temps des armées de projection au service de l’impérialisme américain :

                Ces armées projetées furent conçues dans un premier temps, en tant que force d’intervention extérieure au service d’une politique impériale, celle de la « Pax Americana », dont la doctrine suivit la chute de l’empire soviétique. Cette politique impérialiste reposait sur deux volontés antagonistes, l’une moralisatrice, cherchant à imposer au monde son « modèle de démocratie », l’autre prédatrice, s’emparant le cas échéant, des richesses pétrolières et gazières du pays envahi (ce qui fut le cas pour l’Irak qui dû subir le double service d’une démocratie douteuse et d’une prédation exorbitante).

                Une telle politique présupposait, moyennant quelques soubresauts, une paix durable sous l’aile protectrice de l’aigle américain.                                                                                    

                Cette doctrine impériale est aujourd’hui d’autant plus à reconsidérer que la situation géopolitique du monde s’est considérablement transformée en devenant politiquement comme militairement multipolaire, et économiquement comme financièrement globalisée.                                                                                                                        

Des guerres symétriques et conventionnelles aux guerres asymétriques protéiformes en termes d’engagement :

                A une guerre commencée de manière conventionnelle en 2003, en Irak, succéda très vite un conflit asymétrique dans lequel l’armée U.S. dut faire face à deux types d’adversaires, les actions terroristes islamistes d’Al Qaida, et à s’interposer dans une guerre civile d’intensité variable, entre Sunnites, Chiites et Kurdes.

                Avec le retour de la Russie sur la scène internationale, ainsi que la montée en puissance de la Chine accédant progressivement au rang de superpuissance, enfin avec la percée de puissances régionales (Iran, Turquie, Pakistan, Inde), la multipolarisation du monde devenait une nouvelle réalité géopolitique. Ceci eut pour conséquences, qu’entre guerre et paix, la différence de situation fut de moins en moins nette et de plus en plus poreuse. On put distinguer alors une grande variété de modèles de guerres, comme des opérations de maintien de la paix, de nouvelles formes fluctuantes, voire ponctuelles de coalitions internationales, des opérations de contre-insurrections (par exemple en Afrique subsaharienne), enfin des opérations anti-terroristes, partout dans le monde.

                Une typologie à triple composantes (guerre civile / guérilla / actions terroristes), est apparue, générant en pratique des périodes floues entre guerre et paix, psychologiquement et socialement destructrices, au sein des pays atteints par ces formes nouvelles de violence, quelle qu’en soit l’origine.

                Le type de triple conflit interne existe aux portes de chez nous, suite à l’éclatement de la fédération Yougoslave, et à la création de l’Etat du Kosovo, création soutenue par l’union européenne et par les Etats-Unis. Cet Etat-voyou est à ce jour impliqué dans un grand nombre d’actions criminelles et terroristes en Allemagne, en Italie, et en France.   

                L’asymétrie est devenue le mode dominant des violences tant formelles qu’informelles. La France quant à elle est aussi concernée, depuis son engagement au Liban en 1978, sur son propre sol par la menace directe d’actions terroristes, et de situations nouvelles de violences.

La fin d’un modèle de citoyenneté partagée et le nécessaire retour à la défense d’une patrie menacée :

                Cette situation géopolitique influe sur la sécurité de la France comme pour celle des autres pays d’Europe, d’autant que les actions terroristes ne sont pas les seules formes de violence formelles.

                Les frontières extérieures de l’Europe de Schengen, tant au sud qu’à l’est, sont perméables et soumises à des pressions migratoires multiples. Ces phénomènes migratoires permettent à un flux de mouvements organisés de transiter dans toute l’union européenne, prenant ainsi des formes de submersion informelles, instrumentalisées ensuite comme formes actives de subversion en vue d’actions terroristes.

                Le groupe terroriste Daesh a structuré ainsi des réseaux actifs et dormants dans toute l’Europe, recrutant des volontaires, dont la majorité provient des banlieues Françaises.

                A ces groupes terroristes, il convient d’ajouter, ce qui est à considérer comme un type nouveau de conflits internes, qui se définissent en tant qu’action criminelle organisée de violation de droits humains s’appuyant sur une économie criminalisée.                                      

A ces pressions aux frontières de l’Europe, dont les démographes nous disent qu’elles ne font que commencer, s’ajoutent les pressions communautaires, de la part de populations d’origine étrangère disposant d’assises territoriales de plus en plus importantes au sein des pays européens, et dont le contrôle échappe toujours plus à l’autorité comme aux administrations publiques.                                                                                                                                

Dans le cas de la France, selon l’expression bien connue ce sont « les territoires perdus de la république ». Ces communautés ont fourni une véritable armée à Daesh. C’est en leur sein qu’ont été recrutés les commandos qui sont passé à l’action en France et notamment à Paris.

Ces actions nouvelles ont nécessité l’intervention des forces armées, montrant par ailleurs que les forces gendarmiques, ajoutées à celles du ministère de l’intérieur, seraient à terme un rempart insuffisant contre les types nouveaux de conflits intérieurs, à portée sociétale et civilisationnelle redoutables qui s’annoncent.

L’engagement sans faille de la Nation devient face à ces circonstances un impératif, si l’on se place dans la perspective d’une politique de restauration nationale et patriotique, ainsi que d’un réarmement moral du Citoyen.           

Les « forces professionnelles », qui constituent présentement une garde nationale républicaine de défense et de sécurité intérieure incluant la gendarmerie et les forces du ministère de l’intérieur, se heurtent dans le cadre de leur mission habituelle à une double hostilité latente et bien réelle, ainsi que l’a montré la révolte des « Gilets Jaunes », non seulement de la part des publics allogènes, mais aussi de la part des classes populaires Françaises (le Peuple de France). Les uns comme les autres, ne voient que les forces de répression d’un régime, au lieu d’y voir des forces de défense et de protection des Citoyens et du Peuple.

Le problème de la sécurité intérieure est devenu plus que jamais un problème politique.

L’idée qu’il faille deux entités distinctes, l’une consacrée à la défense de la souveraineté de l’espace national contre des agresseurs : l’armée, tandis que l’autre aurait pour mission de protéger les institutions, les Citoyens, et de garantir la paix intérieure, ne tient que lorsque le Peuple reconnaît, comme découlant de sa volonté, les institutions et le pouvoir politique en place.

Dès lors que les institutions sont verrouillées par un pouvoir politique qui, pour sa survie n’espère plus que dans la violence de L’État, sans que le Peuple Citoyen ne puisse trouver aucune issue démocratique à cette situation, délégitimise un pouvoir transformant les forces de sécurité intérieures en tant que forces de répression et d’oppression.

Le concept de forces de l’intérieur, constituées de soldats-Citoyens, reprend donc tout son sens devant ces nouvelles formes de menaces visant l’intégrité, de même que l’inviolabilité du territoire national.

La conscription d’une classe d’âge, en regard du réarmement moral et patriotique nécessaire pour toute une génération, redevient dès lors une question sociale et politique de premier plan. L’objectif est ainsi d’assurer un minimum de cohésion sociale et nationale, que viendra renforcer un rite de passage et de mixage sous l’uniforme. Une garde nationale Citoyenne, relevant exclusivement du ministère des armées, dont l’encadrement serait confié à des militaires de carrière, viendrait s’ajouter aux forces déjà constituées d’une armée de métier. Cette armée de l’intérieur, dont les missions pourraient être élargies par rapport aux missions actuelles relevant de la défense civile, serait alimentée par le dynamisme autant que par les motivations implicites ou explicites des conscrits, qui rappelons-le feront le choix des armes pour défendre la communauté nationale. Ces conscrits et conscrites associeraient ainsi à leur service militaire les valeurs Citoyennes qui feraient d’eux réellement des fils et des filles au service de la Nation. Cette garde Nationale refondée, dont la popularité bien gérée et décomplexée, offrirait au Peuple Français un gage de réconciliation, de considération, et aussi d’unité, auxquelles les forces actuelles de police, comme de gendarmerie ne peuvent prétendre.

Un Peuple, pour être en phase avec son armée, doit en être le géniteur et le rester.     

On ne peut en aucune manière traiter le Peuple en tant qu’ennemi de la Nation, car 

« La Nation, c’est le Peuple ».