Les effectifs des forces américaines en Europe sont passés de 78 000 hommes en 2021 (67 000 au plus bas, en 2019) à 102 000 en 2022, a précisé lundi le général Milley (le CEMA américain, devant les élèves officiers de West Point, avait, la veille, prédit de pertes américaines conséquentes : “des dizaines de milliers de morts américains”, en cas de conflit avec la Russie et la Chine).
Pour en revenir avec les forces terrestres US en Europe, elles sont réparties au sein de 6 brigades de combat (Brigade Combat Teams) , de deux divisions et d’éléments de deux corps d’armée.
Du côté des forces navales (en Méditerranée et dans la Baltique), sont déployés 15 000 marins, 24 navires de surface (contre six en fin d’année 2021) et 4 sous-marins.
Les forces aériennes ne sont pas en reste avec 12 escadrons de chasse et deux brigades d’hélicoptères de combat, toujours selon Milley.
On est certes loin des effectifs et des moyens de l’époque de la guerre froide (400 000 hommes en 1953) mais la tendance est résolument d’une part au renforcement en hommes et en moyens et d’autre part à la mise en place d’une barrière défensive le long de la frontière avec la Russie. L’activité ISR alliée de la Baltique à la mer Noire (hors survol de l’Ukraine que l’Otan évite) en témoigne, comme le montre cette carte:
Faut-il craindre qu’en cas d’enlisement en Ukraine et l’avènement d’un front figé, un nouveau “mur” entre l’Ouest et l’Est soit mis en place, comme au “bon vieux” temps de la Guerre froide (1400 km de frontière fortifiée entre 1950 et 1990)? Si ce scénario se concrétisait, la nouvelle frontière fortifiée du nord de la Finlande à la mer Noire, parallèlement aux frontières russe, biélorusse et probablement de l’Ukraine sécessionniste, courrait sur au moins 4000 km.
Ces derniers mois, l’US Navy conduit au moins deux « Dual Carrier Operations », c’est à dire des opérations qui, associant deux groupes aéronavals, visent à faire une démonstration de force dans une région donnée. En l’occurrence, celles récemment menées ont concerné la mer de Chine méridionale.
La dernière opération de ce type a lieu actuellement en mer d’Arabie. Et elle implique les porte-avions USS Dwight D. Eisenhower et Charles de Gaulle, le navire amiral de la Marine nationale ayant pris, le 31 mars dernier, la tête de la « Task Force 50 », une flottille relevant de la 5e Flotte de l’US Navy.
Les deux bâtiments ont désormais l’habitude d’opérer ensemble. L’an passé, lors de la mission Foch, le Charles de Gaulle avait échangé des avions avec l’USS Dwight D. Eisenhower, alors que les deux porte-avions naviguaient en Méditerranée.
Ces derniers ont commence leurs opérations « combinées » le 13 avril. « L’IKE [surnom du porte-avions américain, ndlr] et le Charles de Gaulle partagent une place particulière dans l’histoire, les noms qu’ils portent étant ceux de deux personnalités ayant travaillé ensemble pour la liberté et qui, en tant que chefs d’État, ont tous deux œuvré pour assurer la paix et la stabilité », a fait valoir le vice-amiral Scott F. Robertson, le « pacha » du Carrier Strike Group 2 de l’US Navy.
« Aujourd’hui, plus de 70 ans après, l’esprit d’amitié et de service perdure chez les hommes et les femmes qui travaillent à bord des deux porte-avions. Nos forces combinées assurent la sécurité et la stabilité, mais soulignent également que nous sommes plus forts lorsque nous travaillons ensemble pour promouvoir un environnement maritime sûr », a-t-il ajouté.
Ce que le contre-amiral Marc Aussedat, qui commande le groupe aéronaval formé autour du Charles de Gaulle [TF 473], a confirmé. « Notre coopération est profondément enracinée dans une histoire commune », d’autant plus que « nous sommes les deux seules marines à mettre en œuvre des porte-avions nucléaires avec des catapultes et des brins d’arrêt », a-t-il souligné.
« Ces points communs, ces moyens et ces savoir-faire lient nos deux marines et représentent une opportunité unique de former et de renforcer notre interopérabilité. Ainsi nos groupes aéronavals sont prêts à travailler ensemble, comme actuellement au sein de la TF 50 contre Daesh et demain, là où nos intérêts communs l’exigeront», a expliqué le contre-amiral Aussedat.
Et l’US Navy n’a pas manqué d’enfoncer le clou en rappelant que « la France est le plus ancien allié des États-Unis » étant donné qu’elle a soutenu ces derniers durant leur guerre d’indépendance dès 1781.
Actuellement, l’escorte du Charles de Gaulle est assurée par la frégate de défense aérienne [FDA] Chevalier Paul, la frégate multimissions [FREMM] Provence et le Bâtiment de commandement et de ravitaillement [BCR] Var. Quant à celle de l’USS Dwight Eisenhower, elle s’appuie sur quatre destroyers [ou contre-torpilleurs en français], dont les USS Mitscher, USS Laboon, USS Mahan et USS Thomas Hudnet, ainsi que sur le croiseur USS Monterey.
L’an passé, la marine américaine avait affirmé avoir abattu un drone iranien qui s’était approché d’un peu trop près du porte-hélicoptères USS Boxer, alors en mission dans le golfe arabo-persique. A priori, l’appareil aurait été détruit par le système anti-drone, le LMADIS [Light Marine Air Defense Integrated System], mis en oeuvre par deux véhicules Polaris MRZR de l’US Marine Corps depuis le pont du navire.
Mais il est probable que, à l’avenir, un autre moyen soit utilisé. En effet, cela a fait longtemps maintenant que l’US Navy cherche à doter ses navires d’armes à effet dirigé, c’est à dire des lasers. En 2011, un essai prometteur fut réalisé dans le cadre du programme Maritime Laser Demonstrator [MLD], conduit par Northrop Grumman. Une petite embarcation avait en effet été détruit, le laser ayant réussi à enflammer ses réservoires de caburant, après avoir percé l’enveloppe de ses réservoirs.
Puis, en 2014, l’USS Ponce fut désigné pour tester dans des conditions opérationnelles le Laser Weapon System [LaWS – AN/SEQ-3] dans le golfe arabo-persique. D’une puissance comprise entre 30 et 50 kw, son principe consistait à diriger le faisceau de 6 lasers en fibre optique vers une cible afin de la détruire sous l’effet de la chaleur. Les résultats de cette campagne d’essais devaient ensuite servir à Northrop Grumman pour développer une arme plus puissante.
Ce qui a donc été fait, avec le Laser Weapon System Demonstrator [LWSD] Mk 2 Mod 0 qui, d’une puissance de 150 kw, a été installé à bord du navire d’assaut amphibie USS Portland.
Le 22 mai, l’US Navy a indiqué qu’une telle arme, développée sous l’égide de l’Office of Naval Research [ONR], avait réussi, pour la première fois, à détruire un drone en vol, lors d’un essai effectué quelques jours plus tôt dans la région de Hawaï.
Dans une très courte vidéo [15 secondes], on voit un puissant rayon lumineux dirigé horizontalement, puis un drone prendre feu avant de piquer vers la terre. La vidéo étant courte [15 secondes].
La difficulté est de pouvoir maintenir le faisceau laser sur une cible mouvante.
« En effectuant des tests avancés en mer contre les drones aériens et les petites embarcations, nous obtiendrons des informations précieuses sur les capacités de ce démonstrateur de système d’armes laser à semi-conducteurs contre les menaces potentielles », a fait valoir le capitaine de vaisseau Kerry Sanders, le commandant de l’USS Portland. « Avec cette nouvelle capacité avancée, nous redéfinissons la guerre en mer pour la Marine », a-t-il ajouté.
L’US Navy conduit plusieurs projets d’armes laser, dont certaines sont plus ou moins puissantes, l’idée étant qu’elles soient adaptées aux capacités de production d’énergie de ses navires. Si le LWSD Mk Mod 0 ne pose pas de problème pour un bâtiment comme l’USS Portland, il en va autrement pour d’autres, aux capacités plus réduites, comme, par exemple, les destroyers de type Arleigh Burke.
Ainsi, la marine américaine travaille également sur une arme d’une puissance de 60 kW, appelée HELIOS [High Energy Laser and Integrated Optical-dazzler and Surveillance] et développée par Lockheed-Martin. Il est aussi question du système ODIN [Optical Dazzling Interdictor, Navy], lequel ne serait pas utilisé pour détruire des cibles mais plutôt pour avertir des drones ou des embarcations ennemis de ne pas s’approcher d’un navire ou pour « aveugler » les capteurs. Le destroyer USS Dewey en a été récemment équipé.
Enfin, Lockheed-Martin travaille sur une autre arme laser de 150 kw, destinée à équiper les Littoral Combat Ship [LCS]. Un tel système doit être installé à bord de l’USS Little Rock cette année.
Pour rappel, les armes laser présentent plusieurs avantages : elles sont extrêmement précises et leur coût d’utiliser est très faible [un « tir » coûte 1 dollar]. En outre, si elles se généralisent, alors il ne sera plus utile de stocker des explosifs à bord d’un navire. À noter que le ministère allemand de la Défense a attribué un contrat à MBDA Deutschland et à Rheinmetall pour « construire, intégrer et tester » un démonstrateur d’arme laser destiné aux corvettes K130 [Classe Braunschweig] de la Deutsche Marine.
Que se passerait-il si, par une « erreur de calcul », la Chine et les États-Unis en arrivaient à s’affronter militairement dans la région Indo-Pacifique en 2030? Pour répondre à cette question, le Pentagone s’est livré à des « jeux de guerre » [War Games], c’est à dire à des exercices visant à examiner des scénarios possibles [voire improbables] sous toutes les coutures. Et, selon le quotidien The Times, le résultat est sans appel : les forces américaines seraient « écrasées ».
« Toutes les simulations menées sur la menace que représente la Chine d’ici 2030 se sont toutes soldées par la défaite des États-Unis », a confirmé Bonnie Glaser, directrice du projet China Power au Center for Strategic and International Studies de Washington, dans les colonnes du quotidien britannique. Et d’ajouter que le cas le plus problèmatique est celui de Taïwan, car il pourrait dégénérer en guerre, sachant que le président chinois, Xi Jinping, ne fait pas mystère de ses intentions au sujet de l’île, considérée à Pékin comme une « province rebelle ».
Dans un récent entretien, le général Qiao Liang, co-auteur de l’essai « La Guerre hors limites » a évoqué ce point. « Nous devons aussi nous demander si la question de ‘l’indépendance de Taïwan’ ne risque pas de nous entraîner trop loin si nous envisageons la guerre pour résoudre cette question. Face au soutien des États-Unis et des pays occidentaux, pouvons-nous seulement faire quelque chose? Pas nécessairement. Pour freiner ‘l’indépendance de Taïwan’, en plus des options de guerre, davantage d’options doivent être prises en considération. Nous pouvons penser à des moyens d’agir dans l’immense zone grise entre la guerre et la paix, et nous pouvons même envisager des moyens plus particuliers, comme lancer des opérations militaires qui ne déclencheront pas de guerre, mais qui peuvent consister en un usage modéré de la force modérée pour dissuader ‘l’indépendance de Taïwan’ », a-t-il expliqué.
En tout cas, ce qui est certain, c’est que la Chine n’a pas hésité à montrer ses muscles durant la crise liée à l’épidémie de Covid-19… alors que la marine américaine s’est retrouvée en difficulté avec la contamination du porte-avions USS Theodore Roosevelt. En outre, les tensions, que ce soit en mer de Chine méridionale ou dans le détroit de Taïwan, n’ont pas baissé d’un iota… Ce qui a accru, justement, le risque d’erreur de calcul.
Quoi qu’il en soit, d’après les sources du « Times », les « jeux de guerre » du Pentagone ont révélé, sans surprise d’ailleurs, que l’accumulation par la Chine de missiles balistiques à moyenne portée mettait en péril les bases américaines de Guam ou d’Okinawa, voire les groupes aéronavals de l’US Navy.
L’apparition d’armes hypersoniques, les capacités de déni et d’interdiction d’accès et le saut qualitatif des navires militaires chinois font que les forces américaines n’ont nullement la garantie d’avoir un avantage opérationnel décisif. C’est ce qu’avait d’ailleurs déjà souligné l’amiral Harry Harris, quand il était à la tête du commandement militaire américain pour la région Indo-Pacifique [USINDOPACOM], en 2017.
« Les années 2020 seront décisives car la Chine commencera à avoir la capacité de défier les États-Unis en mer et dans les airs, également dans l’espace et le cyberespace. Cela pourrait pousser Pékin à agir en mer de Chine méridionale et contre Taïwan si les Américains ne sont pas prêts à relever le gant », a commenté le Dr Malcolm Davis, de l’Australian Strategic Policy Institute [ASPI], dans la presse australienne.
Cela étant, la simulation faite par le Pentagone ne fait que confirmer une étude publié l’an passée par le Centre d’études sur les États-Unis de l’Université de Sydney. Ainsi, cette dernière avait remis en cause la supériorité militaire américaine dans la région Indo-Pacifique et affirmé que la capacité des États-Unis à maintenir un rapport de forces favorable était « de plus en plus incertaine. »
« De nombreuses bases américaines et alliées dans la région Indo-Pacifique sont exposées à une possible attaque de missiles par la Chine et manquent d’infrastructures renforcées. Les munitions et les approvisionnements déployés à l’avenir ne sont pas adaptés aux besoins de la guerre et, ce qui est inquiétant, la capacité logistique des États-Unis a fortement diminué », avait relevé cette étude.
Le 21 février, le port de Bremerhaven, en Allemagne, accueillera le premier navire transportant du matériel américain déployé dans le cadre de Defender Europe 20. Un ro-ro livrera des blindés, tant chenillés qu’à roues, de la 2nd Brigade Combat Team, de la 3rd Infantry Division.
Ces matériels de la 2nd ABCT (la Spartan Brigade) ont quitté le port de Savannah, en Géorgie (photo ci-dessus US Army). D’autres unités ont aussi commencé à préparer l’acheminement par voie maritime des équipements. Sur les 20 000 pièces d’équipements engagés dans Defender Europe 20, 7000 viennent des USA, le reste provient des APS (les stocks prépositionnés) d’Europe de l’ouest.
Les ro-ro de la société ARC, habitués des projections vers l’Europe, sont mobilisés. Le MV Endurance, en cours de chargement sur la photo ci-dessous, sera le premier à atteindre l’Europe. ARC est une filiale du groupe norvégien Wilh. Wilhelmsen Holding ASA.