Une taupe russe au cabinet Le Drian ? Pas si vite…

Une taupe russe au cabinet Le Drian ? Pas si vite…

La réaction de Bernard Bajolet, ancien DGSE. Il dément avoir fait remonter « un cas individuel ».

 

Bernard Bajolet

Bernard Bajolet © Sipa Press


Y a-t-il eu une « taupe » russe au sein du cabinet du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian (2012-2017). C’est ce que laisserait entendre l’ancien directeur de la DGSE Bernard Bajolet, dans un entretien accordé à C dans l’Air pour une émission spéciale consacrée à la Russie, qui a été diffusée dimanche soir sur France 5. La réalité est nettement plus nuancée.


A la question de Caroline Roux ( «  Vous avez eu à traiter un cas de ce type. C’était en 2017. Une taupe avait intégré le cabinet du ministre Jean-Yves Le Drian  »), Bernard Bajolet répond «  En effet, quand j’étais DGSE, j’avais fait remonter  » et il enchaîne sur le contre-espionnage en général.

Bernard Bajolet, qui souhaite obtenir l’intégrale de son interview sur France 5, nous précise que « l’extrait de ma réponse a fait l’objet d’une interprétation erronée. Je n’ai jamais voulu réagir à un cas individuel ni mentionner un cabinet en particulier. En aucun cas ma réponse ne peut être considérée comme une confirmation de la réalité des allégations dont a fait état Caroline Roux sur la présence d’un agent étranger dans le cabinet d’un ministre de l’époque ».

« J’ai voulu souligner l’intensité des activités d’espionnage menées à l’encontre de notre pays par des puissances étrangères, dont la Russie, et l’importance de la fonction de contre-espionnage confiée aux services de renseignement, que j’ai remontée dans les priorités lorsque j’étais directeur général de la sécurité extérieure. C’est bien la priorité du contre-espionnage que j’évoquais et non pas une information quelconque aux autorités de l’époque. »

A l’origine de cette « affaire », on trouve un article de Mediapart, du 27 avril 2018, rédigé par deux journalistes spécialisés dans les questions de renseignement, Matthieu Suc et Jacques Massey. L’article affirme qu’en 2017 « Bernard Bajolet [avait] saisi le procureur de la République de Paris » à la suite d’une enquête visant « un espion russe suspecté d’avoir recruté une taupe au sein même du cabinet militaire de Jean-Yves Le Drian. Des notes de la DGSE relatent en particulier des rendez-vous entre l’officier supérieur français et son officier traitant russe. Des comptes rendus de réunions ministérielles auraient été transmis ».

Selon nos informations, il y a à la fois une part de vérité et une confusion dans cet article. La part de vérité est qu’effectivement, un colonel affecté au cabinet militaire de Jean-Yves Le Drian a été écarté de son poste et expédié au Mali, à la suite d’un contact sans doute imprudent avec un représentant de l’ambassade de Russie qui s’intéressait à l’engagement militaire français dans les pays baltes. Cet officier des troupes de marine a ensuite poursuivi sa carrière. A la même époque, un amiral aurait, lui aussi, été écarté suite à des contacts avec des Israéliens.

En revanche, la confusion porte sur le signalement au procureur. Celui-ci a bien eu lieu, mais il concerne une autre affaire, celle de deux anciens de la DGSE qui ont travaillé pour la Chine. Ils ont été condamnés pour trahison par la justice en juillet 2020.

Rappelons enfin que les relations entre Bernard Bajolet, aujourd’hui à la retraite, et le cabinet du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian n’ont pas toujours été au beau fixe.