Vers une nouvelle LPM dans “une économie de guerre”

Vers une nouvelle LPM dans “une économie de guerre”

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 10 juillet 2022

http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


C’est une armée française rutilante qui défilera le 14 juillet à Paris et dans de nombreuses villes de France. Une armée qui a toutefois échappé à la paupérisation et à l’exténuation grâce à une loi de programmation militaire (2019-2025) ambitieuse et respectée une fois n’est pas coutume.

Pour 2023, le nouveau ministre des Armées, Sébastien Lecornu, entend s’en tenir scrupuleusement à son déroulement; le budget des Armées franchira alors un nouveau seuil, passant de 41 à 44 milliards d’euros.

A moins que le chef de l’État n’impose une nouvelle LPM qui, espérons-le, ne sera pas que l’occasion d’une de ces guéguerres budgétaires que maîtrisent les états-majors.

Elisabeth Borne a déjà précisé que “le président de la République annoncera les contours d’une nouvelle loi de programmation militaire. Il donnera une vision et un cap à nos Armées comme à notre industrie de défense, en tirant tous les enseignements de l’engagement de nos forces et de la coopération avec d’autres armées.”

Cette future LPM s’impose puisque l’environnement stratégique a évolué et que certaines carences ont ré-émergé.

Le déplacement des pôles de tensions est évident mais cette bascule vers l’Europe de l’Est n’est pas intervenue avec l’attaque russe contre l’Ukraine. Sur ce flanc Est, face à la Russie, les tensions s’exacerbent depuis 2014. Pour l’armée française, cette évolution s’est traduite par la projection de forces terrestres dans les pays baltes d’abord puis, plus récemment, en Roumanie. Ces forces sont soutenues par l’armée de l’Air et de l’Espace et par la marine.

Cette bascule n’a aucune incidence sur le redéploiement français au Sahel. Il ne s’agit pas de dégarnir le Mali, où la France poursuit son retrait, pour renforcer les groupements tactiques d’Estonie ou de Roumanie. Au Sahel, comme le répète Sébastien Lecornu, “la lutte contre le terrorisme n’est pas finie. La question est de savoir avec qui et comment cette lutte sera menée “. Poursuivre la lutte au Sahel n’implique pas de transformation radicale du profil des forces engagées. L’armée française, aguerrie par dix ans d’opérations, y dispose de matériels adaptés et d’un réseau de bases qui lui permet de se déployer et de frapper. 

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La future LPM, en revanche, va devoir tenir compte des modalités et des exigences du combat de haute intensité, tel qu’il est pratiqué actuellement en Ukraine et qui se caractérise par une attrition humaine et matérielle intense. Le défi, c’est désormais de disposer d’une masse permettant un engagement dans la durée (court/moyen terme toutefois). D’où l’identification de carences à réduire d’urgence et l’acceptation d’une économie de guerre. Acceptation qui suscite deux interrogations.

La première question est de savoir d’une part comment “produire plus vite, en grande quantité et à des prix soutenables“​. L’outil industriel existe. Mais la tension sur les matières premières pour produire armes et munitions n’est pas infime. En outre, l’érosion du savoir-faire et de la ressource humaine de nos industries de défense ne peut être ignorée.

La seconde question est tout aussi cruciale : comment constituer des stocks pérennes de munitions et carburants, comment mieux préparer et équiper les réserves et comment impliquer l’intégralité de la nation dans un effort militaire durable?

Que l’on se rassure ! La perspective d’affrontements armés de haute intensité sur le sol métropolitain est réduite mais le risque de voir des soldats français engagés, au sein d’une coalition, sur des champs de bataille d’Europe de l’Est, voire d’Asie, n’est pas à écarter. Certes nous ne sommes pas en guerre. Mais certaines puissances étrangères pourraient le décider pour nous et rendre ainsi caduc notre actuelle affirmation que la France n’est actuellement aucunement un cobelligérant.