“Allons médecins de la patrie… Ce que la médecine civile doit à la médecine militaire” d’Elisabeth Segard : nos vies – leur combat

“Allons médecins de la patrie… Ce que la médecine civile doit à la médecine militaire” d’Elisabeth Segard : nos vies – leur combat

Le livre “Allons médecins de la patrie… Ce que la médecine civile doit à la médecine militaire” d’Elisabeth Segard est publié aux éditions du Rocher.

“Allons médecins de la patrie… Ce que la médecine civile doit à la médecine militaire” d’Elisabeth Segard : nos vies – leur combat

 

avec Bertrand Devevey pour Culture-Tops – atlantico.fr – publié le 8 juillet 2023

https://atlantico.fr/article/decryptage/allons-medecins-de-la-patrie-ce-que-la-medecine-civile-doit-a-la-medecine-militaire-d-elisabeth-segard-nos-vies-leur-combat


Allons médecins de la patrie… Ce que la médecine civile doit à la médecine militaire” 

De Elisabeth Segard

Edition du Rocher

 

THÈME

Les blessures aux combats, sans doute parce qu’elles impliquaient simultanément de nombreuses victimes, ont conduit les belligérants à se préoccuper de leurs blessés – qu’il s’agisse de préoccupations purement humanistes ou qu’il s’agisse prosaïquement de les remettre au combat… au plus vite ! 

C’est sans doute à Ambroise Paré, qui n’était pas militaire mais médecin au service des princes, que l’on doit les premiers principes de la médecine réparatrice de guerre, appliquée à la chirurgie des membres, aux premières tentatives de maîtrise des hémorragies, et des sutures en tous genres. 

Elisabeth Segard, journaliste de son état, a parcouru les archives militaires, des institutions médicales de l’armée, et rencontré de nombreux médecins généraux et chefs de service pour composer cet essai qui raconte l’essaimage de la médecine traumatologique de guerre vers les applications civiles, de plus en plus nombreuses au cours de ces dernières décennies.

Sur le champ de bataille, d’abord, sauver ! C’est recoudre, amputer, lutter contre les infections, contre le temps du rapatriement à l’arrière. Il est question de chirurgie bien sûr, d’anesthésies, d’asepsie, de brancardage, d’ambulances, de postes de soins avancés. Mais il s’agit aussi, dans les pays conquis, de lutter contre les maladies infectieuses, d’inventer les vaccins, de leur trouver des formes galéniques adaptées aux territoires, aux températures, à la conservation dans des conditions “extrêmes”. Il s’agit encore d’inventer des médicaments ou des dispositifs médicaux, des formes d’interventions innovantes – l’hélicoptère et l’ambulance pour le secours des blessés, qui deviendront des outils courants de la sécurité civile, recherches pour lutter contre les nouveaux périls, chimiques, bactériologiques, radioactifs, ou encore les carences en tous genres comme en connaissaient les équipages de bateaux. 

Bref, toutes ces inventions des services de santé des armées, sous contraintes du terrain d’affrontement, de confinements, d’expéditions en milieux hostiles pour préserver des vies, leur essaimage dans la médecine hospitalière et de ville sont l’objet de cet essai.

POINTS FORTS

Le point fort de cet essai est tout simple : nous expliquer comment la science militaire et son corollaire de combats, ont très “généreusement” contribué à la médecine moderne. L’ouvrage est didactique et thématique, qui part des traumas les plus évidents – ceux suscités par les armes blanches et à feu, vers des développements plus complexes – les enseignements de la guerre de 14-18, dont l’extraordinaire audace de la chirurgie réparatrice de la face et de l’orthodontie (au profit des “gueules cassées”), la résistance aux gaz toxiques, la prise en compte des traumatismes psychologiques, la résolution des problèmes spécifiques de santé publique liés aux territoires, la mise en œuvre des premiers cahiers des charges agro alimentaires, sans oublier le rôle des pharmaciens (dont le fameux Parmentier), des médecins embarqués à bord des navires, des technologies modernes, notamment appliquées à la médecine d’urgence – expérimentée – on s’en doute- sur les terrains de combats. 

Cet ouvrage est enrichi d’un petit cahier d’illustrations en couleur, d’une présentation du service de santé des armées dans son organisation actuelle, des sources documentaires, et de remerciements, qu’il est toujours intéressant de parcourir afin de mesurer la profondeur du travail d’enquête.

QUELQUES RÉSERVES

Il va être question dans ces pages de quelques termes techniques, pharmacologiques et médicaux – mais ils sont peu nombreux à être d’un niveau expert. Il est aussi question de tous ces précurseurs, inventeurs, chercheurs, médecins, pharmaciens qui se sont illustrés au front, à l’arrière et dans les labos. Pas sûr qu’on puisse tous les retenir. Mais il est aussi intéressant de voir que quelques grands noms de la médecine sont pour tout ou partie de leur carrière, des militaires de formation.

Et une (probable) délicieuse petite coquille en page 184, qui écrit qu’un médecin est soupçonné d’avoir assaisonné à la digitaline son ancienne maîtresse. Il est donc -probable que le terme exact soit “assassiné”, voire empoisonné !!

ENCORE UN MOT…

Le saviez-vous ? Notre santé doit beaucoup à la médecine militaire. Allons médecins de la patrie est un titre clin d’œil fort bien vu car les découvertes et pratiques validées souvent sous la contrainte des combats, ont eu un véritable retentissement pour l’ensemble de la population, française, mais aussi mondiale. Cela est moins connu du grand public que l’essaimage des technologies de défense dans les équipements et infrastructures civiles, la lecture de cet essai explique clairement que la médecine militaire a véritablement ensemencé la médecine civile et accéléré, bien souvent, le passage de techniques réservées aux combattants vers l’ensemble de la population. Toute la médecine d’urgence, qui nous est familière, en est un parfait exemple. Cet essai, qui flirte naturellement avec les grands faits d’arme de l’histoire de France et de ses “colonies”, vous fera découvrir au fil de ses pages, à l’image de la création de l’Hôtel des Invalides à Paris ordonné par Louis XIV, que la médecine militaire française est à l’origine de nombreuses “premières mondiales”. “Votre vie, notre combat”, adaptée à l’exergue de cette chronique, est la devise du Service de Santé des Armées.

UNE PHRASE

[A propos de Valérie André, médecin militaire, pilote d’avion devenue pilote d’hélicoptère, première femme à devenir Officier Général et femme la plus décorée de France]

“Quand deux pilotes effectuent une démonstration de leur hélicoptère au-dessus de la cathédrale de Saigon, Valérie André est fascinée : des appareils qui décollent à la verticale ! Qui peuvent se poser dans un mouchoir de poche ! Ces deux appareils viennent d’être acquis par le Service de santé des armées et sont destinés aux évacuations sanitaires. La jeune médecin explique à son supérieur, le général Robert, qu’elle doit absolument apprendre à piloter pour évacuer les blessés perdus dans des zones inaccessibles en voiture ou en avion”. P 162

La médecine d’urgence préhospitalière se concrétise à la fin des années 1960, au sein de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris ; jusque- là, c’étaient les équipes de police-secours qui amenaient les blessés à l’hôpital. La brigade des sapeurs-pompiers de Marseille ayant la particularité d’être des corps de militaires, leurs médecins-chefs sont passés par différents régiments et ont exercé sur le champ de bataille. Ils en tireront l’expérience qui mènera à la naissance de la médecine d’urgence et de la médecine de catastrophe.” P 164

L’AUTEUR

Elisabeth Segard est journaliste pour le quotidien La Nouvelle République du Centre, et romancière. Son roman Si fragiles et si forts a été lauréat du prix Srias Centre Val de Loire 2021. Elle a écrit plusieurs romans, qui ont notamment pour cadre le centre de la France (Mouy sur Loire – qui n’existe pas vraiment !), sa région de prédilection.