Le miroir aux Alaouites – Une brève histoire militaire de la guerre en Syrie

Le miroir aux Alaouites – Une brève histoire militaire de la guerre en Syrie

par Michel Goya – La voie de l’épée – publié le 14 décembre 2024

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Si l’on faisait défiler la carte de la guerre civile en Syrie depuis le 15 mars 2011, semaine après semaine, on verrait 681 images montrant des taches de couleur changeantes, puis un fort ralentissement à partir de la 400e, pour finalement ne pratiquement plus bouger jusqu’à la 682e. À ce moment précis, en une seule image, la couleur du camp assadiste serait remplacée par celle de la rébellion arabe sunnite.

Les effondrements rapides sont assez courants dans l’histoire des guerres, mais un effondrement aussi soudain survenant après des années de conflit lent ou même figé est très surprenant. Comme pour toutes les surprises stratégiques, cela mérite qu’on s’y intéresse en revenant loin en arrière.

Le problème des trois camps et Assad sauvé une première fois

Rappelons tout d’abord que le conflit syrien n’est pas un problème stratégique classique à deux camps, où l’action réciproque se fait à somme nulle et où une partie finit par imposer sa volonté à l’autre pour aboutir à une paix plus favorable. Le conflit syrien est un cas assez exceptionnel de conflit mosaïque, où plusieurs camps s’affrontent simultanément avec des configurations changeantes d’alliances et de rapports de force, d’autant plus complexes que plusieurs acteurs extérieurs sont intervenus. C’est une des raisons principales de la longue durée de ce conflit : la possible défaite définitive d’un des camps suscite des réactions étrangères mais aussi internes, finissant souvent par le sauver.

La guerre en Syrie a commencé par l’opposition de deux camps : le camp loyaliste au régime, s’appuyant surtout sur la minorité alaouite et la majorité de la bourgeoisie de toute origine, et disposant de la majorité des organes de force — que l’on appellera l’AAS (Armée arabe syrienne) pour simplifier —, contre ce que l’on va appeler par commodité la rébellion arabe sunnite (RAS), en réalité une multitude de groupes armés plus ou moins bien équipés. Les deux camps sont imbriqués géographiquement : l’AAS contrôle fermement la zone côtière alaouite, tandis que la RAS domine l’est du pays, à l’exception de quelques poches comme Deir-er-Zor. Mais les choses les plus importantes se passent sur l’axe de l’autoroute M5 ou à proximité, avec son chapelet de grandes villes — Alep, Idlib, Hama, Homs, Damas, Deraa — que se disputent loyalistes et rebelles. C’est sur cette bande nord-sud de 500 km de long sur 100 de large que se situeront la très grande majorité des combats de la guerre.

Un troisième camp se forme très rapidement avec le Parti de l’union démocratique (PYD) kurde, qui, contrairement à la RAS, est un mouvement unifié. Le PYD prend le contrôle des provinces frontalières de la Turquie jusqu’à l’Irak. Affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie, il se tient à l’écart des combats entre loyalistes et Arabes sunnites.

La RAS, initialement très disparate, finit par former des fédérations de groupes comme l’Armée syrienne libre (ASL), plutôt nationaliste baasiste, le Front islamique pour la libération de la Syrie (FILS), à dominante Frères musulmans, ou le Front islamique syrien (FIS), salafiste. Ces formations reçoivent une aide importante des monarchies du Golfe et de la Turquie selon leur obédience salafiste ou frériste, et plus timidement des pays occidentaux qui tâtonnent. Le printemps 2012 voit également la création du « Front pour la victoire » (Jabhat al-Nosra, JAN), sous la direction d’Abou Mohammed al-Joulani, venu des rangs de l’État islamique en Irak (alors branche d’Al-Qaïda), rejoint par des djihadistes syriens souvent libérés par le régime l’année précédente. Tous ces ensembles sont rivaux dans l’allocation des ressources, mais coopèrent contre le régime.

Ce combat imbriqué entre forces hétérogènes n’est pas fait de grandes manœuvres, mais d’une multitude de petits combats qui, au tournant de l’année 2013, donnent de plus en plus l’avantage à la rébellion arabe sunnite. L’Euphrate, les provinces d’Idlib et de Deraa (avec la participation des Druzes) passent presque entièrement sous le contrôle des rebelles, qui prennent également de plus en plus le dessus dans les villes du centre. Le régime est sauvé une première fois par l’intervention de l’Iran, via le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique-Force Qods, qui regroupe les gangs chabiha, les milices d’autodéfense locales et importées au sein des Forces de défense nationale, et surtout engage le Hezbollah et les Pasdarans de la division Sabin dans une contre-offensive.

L’intervention iranienne en Syrie suscite également celle d’Israël, qui n’hésite plus désormais à frapper sur le territoire syrien, en particulier près du Golan. En revanche, le refus américain de s’engager fin août 2013, après l’emploi d’armes chimiques sur le quartier rebelle de la Ghouta, discrédite les pays occidentaux auprès de la rébellion, qui recule et se reconfigure sous l’égide de nouvelles fédérations plus radicales.

Le problème à quatre camps et Assad sauvé une deuxième fois

La période voit également l’apparition en Syrie de l’État islamique. En sommeil depuis ses défaites de 2007, l’État islamique en Irak renaît soudainement à l’occasion du mouvement de révolte sunnite en Irak, durement réprimé et dont il se nourrit. Fin 2013, l’État islamique en Irak, devenu un temps aussi « au Levant », rompt avec JAN et avec Al-Qaïda. Le nouvel État islamique devient alors l’ennemi de tout le monde, mais il obtient des succès rapides, s’emparant de presque tout l’Euphrate syrien et irakien, approchant Alep d’un côté et tenant Falloujah de l’autre, ainsi que le désert syrien et Mossoul en Irak. Le régime de Damas, mais également la Turquie, ne sont pas mécontents de voir ce nouvel acteur affronter la rébellion arabe sunnite à l’arrière puis les Kurdes.

Ces victoires fulgurantes de l’EI et la création du califat ont au moins pour effet de faire réagir les États-Unis, qui organisent en 2014 une coalition pour lutter contre lui en Irak et en Syrie. Les États-Unis réussissent à former les Forces démocratiques syriennes (FDS), associant l’armée kurde (PYG) avec certains groupes arabes et assyriens, et installent la base d’al-Tanf au point de jonction des frontières de la Syrie, de la Jordanie et de l’Irak. La coalition américaine, avec une participation française, appuie les FDS et l’armée irakienne dans la lente reconquête des villes tenues par l’EI. En Irak, elle se retrouve alliée de fait avec la Force Qods, qui chapeaute les Unités de mobilisation populaires (Hachd al-Chaabi) chiites irakiennes. Les deux capitales de l’EI, Raqqa et Mossoul, sont reprises en 2017, et le califat est définitivement détruit fin 2018.

Pendant ce temps, l’association d’al-Nosra et d’Ahrar al-Sham, les deux mouvements rebelles syriens les plus puissants, ainsi que plusieurs autres factions au sein de l’Armée de la conquête (Jaish al-Fatah), change la donne au nord du front M5 avec l’aide de la Turquie et de l’Arabie Saoudite. L’AAS subit une défaite humiliante dans sa tentative de dégager Alep, tandis que la contre-attaque de l’Armée de la conquête permet aux rebelles de s’emparer de la province et de la ville d’Idlib et de menacer le port de Lattaquié. Très affaiblie, l’AAS est repoussée de Palmyre par l’EI, qui s’approche d’Homs. L’anticipation est une nouvelle fois à la défaite, et l’AAS commence à se désagréger tandis que le régime se déchire à Damas.

Cette fois, c’est la Russie qui sauve Assad en déployant, en septembre 2015, une puissante force anti-aérienne afin de protéger le régime de toute velléité américaine de campagne aérienne, et surtout une très puissante escadre de 70 aéronefs, chasseurs-bombardiers et hélicoptères d’attaque pour l’essentiel, sur la base de Hmeimim, ainsi que l’appui de l’escadre navale installée à Tartous et l’intervention de bombardiers depuis la Russie. La Russie déploie aussi quelques forces terrestres en soutien et appui à ses opérations, dont la société Wagner. Elle prend également un rôle très important dans la conduite des opérations, allant jusqu’à prendre directement le commandement des groupes du 5e corps d’armée de l’AAS. Forte de ce soudain soutien, l’AAS renforcée se dégage et entreprend le long siège d’Alep. Le siège est également l’occasion de la première intervention directe de la Turquie, qui s’empare, avec l’Armée nationale syrienne (ANS), dont Ahrar al-Sham, de la zone kurde au nord d’Alep entre le deuxième semestre 2016 et le printemps 2017, avant de s’attaquer à la province kurde d’Afrin au début de 2018.

La prise d’Alep en décembre 2016 est un point de bascule. L’anticipation générale se modifie, cette fois en faveur du régime, dont on ne voit plus comment il pourrait être vaincu avec le soutien russe. L’effort militaire se porte sur l’est du pays dans une course de vitesse avec les FDS et les Américains, tandis qu’un accord entre la coalition pro-Assad et la Turquie aboutit en mai 2017 à la formation de « zones de désescalade » — Idlib, Rastane entre Homs et Hama, Ghouta orientale (près de Damas) et Deraa — où l’on estime au moins possible de faire cesser les combats. Les rebelles sont désormais incapables de mener des opérations offensives autonomes d’une grande ampleur.

En 2018, après un violent combat entre Wagner et les forces américaines, les limites se figent à l’est du pays entre les FDS et l’AAS. Elles se figent également au nord-est, fin octobre 2019, après l’annonce d’un retrait partiel américain, suivi immédiatement d’une nouvelle offensive turque anti-kurde dans la zone de Tell Abyad à Ras al-Aïn. La moitié ou presque du Rojava, cette longue bande de 50 km de large occupée par les Kurdes le long de la frontière turco-syrienne, est entre les mains des Turcs et de leurs mercenaires arabes. Des forces américaines restent dès lors dans l’est du pays et sur la base d’al-Tanf pour continuer la lutte contre ce qui reste de l’EI et peser sur la route de l’« axe de la résistance » de Téhéran à Beyrouth via la Syrie. L’année est aussi marquée par une campagne de frappes israéliennes au printemps 2018 contre les Gardiens de la Révolution ou lors de l’attaque américano-franco-britannique en avril, après un nouvel emploi d’armes chimiques par l’AAS.

Au grand dam de leurs alliés, les Russes laissent faire. Ces interventions étrangères n’empêchent pas l’AAS, avec le Hezbollah en fer de lance et l’appui de l’armée russe, de s’emparer des « zones de désescalade » : la Ghouta en avril 2018, Rastane en mai et Deraa en juin, où le Front du Sud reste néanmoins présent en échange de la remise de ses armes lourdes sous l’égide russe (et non iranienne, à la demande d’Israël) et de l’acceptation de l’administration de Damas.

Reste la poche d’Idlib. Celle-ci, qui a accueilli beaucoup de réfugiés et de combattants rebelles arabes sunnites en échange des redditions des villes, est beaucoup plus résistante que les autres, d’autant plus qu’elle est limitrophe de la Turquie. Au deuxième semestre 2018, il y a au moins 50 000 combattants rebelles dans la poche : Hayat Tahrir al-Cham (HTC), ex-JAN, ex-Fatah al-Cham, et le Front national de libération, pro-turc, forment les organisations les plus puissantes.

L’offensive de l’AAS, lancée en septembre 2018, s’achève en mai 2019 sans résultat. L’AAS reprend l’offensive plus violemment en décembre 2019, provoquant la fuite d’un million de réfugiés en Turquie et, en retour, une intervention de l’armée turque, qui s’accroche avec les forces russes et inflige, début mars 2020, une sévère défaite à l’AAS. Le 5 mars 2020, la Russie et la Turquie signent un accord qui gèle la situation dans la région.

De la drôle de paix à la guerre éclair

Commence alors une « drôle de paix », où les positions ne bougent plus entre les différents camps, mais sont régulièrement frappées par des attaques aériennes d’avions ou de drones turcs contre les positions kurdes ou entre HTC depuis Idlib (dont l’attaque de l’Académie militaire d’Homs en octobre 2023) avec la réponse de l’AAS. La vraie bataille est alors celle de l’administration, et là, HTC s’impose clairement à Idlib. Sous la direction pragmatique d’al-Joulani, HTC parvient à prendre le contrôle du territoire, à imposer son autorité aux autres groupes, et à gérer, avec les ONG et les conseils locaux, l’administration d’une population qui a pu atteindre quatre millions sur l’équivalent d’un département français, notamment face aux crises du COVID-19 et du tremblement de terre de février 2023.

À l’inverse de la violence d’Al-Qaïda en Irak/EII envers les « déviants » musulmans et les minorités, qui avait provoqué un rejet général, y compris de l’opinion arabe sunnite, al-Joulani renouvelle une forme de statut de dhimmis aux Druzes et aux chrétiens, en les autorisant à pratiquer leur culte sous conditions (un statut bien supérieur à celui des chrétiens en Arabie saoudite, par exemple). Contrairement à Al-Qaïda, avec qui il a rompu en 2016, ou à l’EI, Mohammed al-Joulani ne prône plus le jihad international, jugé contre-productif. Par analogie au communisme soviétique, on pourrait parler de « salafisme dans un seul pays », en attendant la suite. Toujours est-il que cela réussit à Idlib, et que le contraste avec la gestion misérable, corrompue, inefficace et sous l’égide de la peur de l’administration du régime d’Assad est frappant. L’économie syrienne s’enfonce, hormis celle du captagon, et jamais le décalage entre la misère du peuple et le luxe des élites n’a été aussi grand.

Outre cet avantage comparatif incontestable lorsqu’il s’agit de conquérir les cœurs et les esprits, la « zone libérée » d’Idlib, là encore par comparaison avec les guérillas marxistes, est aussi le point de départ d’une montée en puissance militaire. Là où l’AAS, corrompue, tombe graduellement en déliquescence, HTC et les groupes alliés montent en puissance, s’entraînent et préparent une future offensive.

L’invasion russe en Ukraine, en février 2022, est le premier domino dont la chute va, des années plus tard, provoquer celle d’Assad, en absorbant progressivement toutes les forces russes présentes en Syrie, réduites à une dizaine d’appareils en 2024 et à des capacités d’intervention limitées. L’attaque du 7 octobre 2023 par le Hamas en Israël est le deuxième domino agissant depuis un autre axe. Dès le 7 octobre, l’Iran apporte son soutien au Hamas, et le Hezbollah commence à lancer des roquettes sur le nord d’Israël dès le lendemain. Ce soutien reste timide, car l’Iran ne veut pas d’une guerre à grande échelle contre Israël ou les États-Unis, mais il est suffisant pour donner un prétexte à Israël pour frapper sans retenue en Syrie.

Depuis le 8 octobre, l’artillerie ou surtout l’aviation israélienne frappe presque quotidiennement en Syrie contre les infrastructures ou les personnalités de la Force Qods, dont le chef au Levant est tué, ou contre tout ce qui appartient ou peut aider le Hezbollah. Avec l’offensive israélienne à partir de septembre 2024, le Hezbollah subit des coups très violents, perdant ses chefs, plus de 4 000 de ses combattants et une grande partie de son infrastructure. L’organisation n’est plus en mesure d’aider l’AAS, alors que l’Iran ne veut plus non plus le faire, sous peine de subir des dégâts irrémédiables.

En novembre 2024, le roi Assad est nu, mais il ne le perçoit visiblement pas, tout à son intransigeance, malgré les signes de bonne volonté de la Ligue arabe et de la Turquie. Excédé, Erdogan, qui sait forcément ce qui se prépare à Idlib et pourrait sans doute l’empêcher, ferme les yeux, et al-Joulani saisit l’opportunité de ce clignement très bref.

Si on savait le régime stratégiquement très faible, il fallait attendre le révélateur des combats pour connaître le niveau tactique réel des unités. Le nombre ne compte pas vraiment dans les points de contact : on ne s’y trouve que très rarement au-delà du 1 contre 2, et finalement le matériel compte assez peu. Ce qui importe vraiment – la valeur de la structure de commandement, la motivation et la compétence – est souvent peu tangible, d’où la nécessité d’un combat réel pour l’évaluer. À cet égard, l’attaque de la coalition menée par HTC vers Alep ne laisse aucun doute sur l’écart désormais immense entre les unités légères rebelles et les bataillons de l’AAS, un écart qui n’a jamais été aussi grand depuis le début de la guerre.

Avec la conquête très rapide d’Alep le 30 novembre 2024, tout le monde anticipe soudain la victoire possible des rebelles, et c’est là que l’effet d’avalanche commence. Le Front Sud, dominé par l’ASL, se réactive et se lance à l’assaut de Deraa puis de Damas. Ceux qui veulent participer à la victoire viennent grossir les rangs des deux coalitions, nord et sud. Au niveau tactique, à quoi bon combattre dans l’AAS quand on sait que l’on va forcément perdre ? Autant utiliser le numéro de téléphone de ralliement largué par les drones rebelles en avant de leur attaque.

Ne sachant pas encore qu’Assad a déjà prévu de les abandonner lâchement, les unités les plus fidèles, recrutées surtout parmi les Alaouites comme la 4e division blindée de Maher al-Assad, tentent de résister un peu du côté de Hama, mais elles sont rapidement dépassées. La route vers Damas est ouverte. La capitale est prise dans la nuit du 7 au 8 décembre. Le camp loyaliste dans son ensemble a disparu en même temps que son leader.

La rébellion arabe sunnite unie – au moins HTC, l’ASL et tous les groupes affiliés – l’a donc emporté et contrôle désormais tout l’axe M5 et les provinces de la côte, avec une inconnue sur le sort des bases russes. Qu’en sera-t-il maintenant de l’attaque préventive israélienne, détruisant autant que possible tous les instruments de frappe en profondeur de l’AAS et la défense anti-aérienne, mais occupant aussi une zone tampon au-delà du Golan annexé ? Qu’en sera-t-il des zones frontalières occupées cette fois par les Turcs avec l’ANS ? Qu’en sera-t-il surtout de tout le territoire occupé par les FDS ? Les groupes arabes sunnites vont-ils rester subordonnés aux Turcs ou aux Kurdes ou rallier le nouveau pouvoir à Damas ? Le danger est surtout grand pour les Kurdes qui, s’ils perdent la protection américaine – et cela est parfaitement possible avec la nouvelle administration Trump –, seront immédiatement attaqués par les Turcs et peut-être par les Arabes sunnites.

Beaucoup d’inconnues donc, en dehors même de la forme politique que prendra la Syrie centrale. Il est probable, au regard des premiers signaux donnés, que la coalition au pouvoir à Damas veuille passer d’abord par une nouvelle « drôle de paix », afin de consolider sa conquête et d’établir un État « salafiste à visage humain », avant de reprendre le combat au moins pour réunifier le pays.

Civil War par michel Goya

Civil War

par michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 17 juillet 2024

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Il s’en est donc fallu de quelques centimètres que l’histoire des États-Unis bifurque et donc par contrecoup aussi un peu celle du reste du monde. A 137 mètres, un tireur moyen armé d’un fusil AR-15 ne peut normalement pas rater une cible de la corpulence de Donald Trump, surtout peu mobile devant un pupitre. Thomas Matthew Crooks est pourtant parvenu à réaliser ce double exploit ce samedi 13 juillet à 18h00 locale à Butler (Pennsylvanie) : parvenir à tirer sur un ancien président des États-Unis à nouveau candidat et parvenir à le rater à aussi courte portée.

L’anomalie comme opium des complotistes

Comme toute chose surprenante en politique ces deux anomalies sont évidemment à l’origine de deux théories complotistes contradictoires qui ont circulé immédiatement après les faits. La première, que l’on retrouve évidemment du côté des gens très hostiles à Trump décrit un candidat organisant lui-même son agression afin de booster sa popularité, à la manière de Nelson Hayward, ce personnage de la série Columbo (S03E03)…qui en profitait aussi au passage pour éliminer un adjoint gênant. La seconde, étrangement plutôt parmi les partisans de Trump, où en France les amis de la Russie ce qui revient un peu au même, est que l’« État profond américain » a voulu se débarrasser de ce révolutionnaire acharné à le détruire. On a même vu le tireur dans un publicité de 2022 financé par le fonds d’investissement Black Rock, c’est dire.

Tout cela ne présente pas grand intérêt, sinon comme symptôme d’une tension particulière. Les pseudo-attentats ont peut-être existé depuis toujours. C’était même une spécialité russo-soviétique justifiant répressions diverses, purges ou effectivement tremplin électoral pour Vladimir Poutine, alors peu connu, mais élu triomphalement à la présidence après les attentats d’août-septembre 1999 organisés par le FSB à Moscou. Les tentatives d’assassinats contre soi sont en revanche beaucoup plus complexes à organiser parce qu’il faut bien prendre un peu de risque pour que cela ait l’air crédible, mais surtout éviter que l’enquête du Columbo ou du journaliste local ne révèle un pot aux roses qui pour le coup s’avérera désastreux politiquement et même judiciairement. Dangereux et délicat à manier donc. On se souvient de l’imbroglio de l’« attentat de l’observatoire » dans la nuit du 15 au 16 octobre 1959 à Paris contre François Mitterrand, alors sénateur. Ce fut une affaire assez minable dont on ne sait pas encore très bien qui a manipulé qui, mais qui a fait très mal à l’image de Mitterrand au lieu de la renforcer comme celui-ci l’espérait. En dehors de cette affaire rocambolesque, je ne connais aucun cas réel d’auto-attentat.

Les assassinats organisés de citoyens de son propre pays par l’État ou ses services de manière autonome sont évidemment plus courants, et c’est là encore plutôt une spécialité russe depuis quelques années. C’est toutefois assez rare dans les démocraties, ne serait-ce que parce que les capacités d’investigation et de révélation du complot sont plus importantes qu’ailleurs. Mais ce n’est pas impossible. Pour rester aux États-Unis, l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy le 22 novembre 1963 est sans aucun doute celui qui a donné naissance à la plus grande littérature et le plus grand nombre d’organisations suspectes, depuis la CIA, jusqu’aux anticastristes, en passant par la mafia de Chicago, l’Union soviétique, le complexe militaro-industriel et même le vice-président Johnson. Peut-être. Rappelons simplement que comme dans le cas de l’auto-attentat, on n’a pas droit à l’erreur dans ce genre d’exercice sous peine de retours politiques dévastateurs, au moins en démocratie. On s’efforce donc, sans certitude absolue, de faire en sorte que cela réussisse. En clair et pour revenir à l’attentat de Butler, on ne confie pas ce genre de mission à un gamin de vingt ans, un âge où aux États-Unis on a le droit d’acheter des armes mais pas de l’alcool, plutôt instable et par ailleurs mauvais tireur selon ses camarades du Clairton Sportsmen’s Club.

Avec Thomas Matthew Crooks on est effectivement loin assez loin de simplement Lee Harvey Oswald, mais bien plus proche de tous les presque toujours illuminés qui ont assassiné quatre présidents des États-Unis et essayé 17 fois de la faire sans réussir, ce qui au passage donne quand même une bonne moyenne pour 46 POTUS. Quant aux assassinats et tentatives d’assassinats de candidats à la présidence ou des personnalités politiques majeures, elles sont singulièrement nombreuses. Et pour tous ceux qui sont passés à l’acte, combien y ont songé mais n’ont pu passer à l’acte comme Travis Bickle, le héros de Taxi Driver car ils n’ont pas trouvé de faille dans le dispositif de sécurité ?

4,86 grammes de politique

Thomas M. Crooks, a, lui, pu accéder à la célébrité morbide, car il a trouvé une faille dans le dispositif, certes assez incroyable mais tout à fait possible dans le monde réel et non fantasmé des complotistes.

Un dispositif de sécurité comprend au moins deux cercles de protection. Le premier est très proche afin d’empêcher les attaques à très courte portée et protéger la cible si ces attaques ont quand même lieu puis procéder à l’évacuation, les soins éventuels, etc. Un deuxième cercle vise à protéger la cible des tireurs à quelques centaines de mètres de portée, mais aussi de possibles attaques de drones. Après reconnaissance des lieux, tous les emplacements de tir possibles sont soit occupés, soit lorsque c’est possible barricadés ou entravés, soit, au minimum, surveillés à vue directe ou par drone. On peut inclure aussi un troisième cercle plus large face aux menaces à plus longue portée, des mortiers par exemple, et surveiller les approches. Ce réseau de surveillance est doublé d’un dispositif de filtrage et de fouilles ou, pour faire simple, plus on s’approche de la cible et plus on doit être léger, à pied et sans moyen de dissimuler des objets lourds.

Après le quadrillage et l’occupation rationnelle du terrain, le point clé réside dans la coordination de tous les agents de sécurité dans le secteur, souvent issus de services différents. C’est là que le bât blesse le plus souvent. Il y a normalement un poste de commandement qui gère toutes les unités impliquées, avec un réseau de communication simple et parfois unique. Si les choses sont bien organisées tout le monde sait ce que font les autres et où. Cela n’a visiblement pas été complètement le cas à Butler où Crooks a pu assez facilement grimper sur un toit non surveillé avec un fusil. Il n’a même pas eu besoin d’actionner à distance l’explosif qu’il avait placé dans sa voiture, sans doute pour attirer l’attention des forces de sécurité. Plusieurs témoins l’ont fatalement vu ramper sur le toit et ont averti des policiers plusieurs minutes avant l’attaque. Il est possible aussi que l’équipe d’antisniping à proximité de Donald Trump l’ait vu également lorsqu’il s’est mis en position de tir, mais c’est là qu’intervient la deuxième faille après le trou dans le dispositif : faute de coordination tout le monde, des policiers dans la foule ou des antisnipers, se demandait probablement s’il ne s’agissait pas de collègues.

Ce flottement a laissé suffisamment de temps à Crooks pour tirer plusieurs coups, et heureusement l’AR-15 vendu dans le commerce ne permet normalement pas de tirer en rafale. Crooks a raté sa cible. Cela tient parfois à peu de choses. Je suis devenu bon tireur seulement après avoir admis qu’étant droitier je devais quand même tirer en gaucher parce que mon œil directeur était le gauche. Peut-être était-ce le cas. Il était en tout cas certainement très stressé parce qu’il voulait tuer, ce qui n’est jamais anodin, et savait qu’il allait probablement mourir à l’issue, ce qui l’est encore moins. La vision n’est alors plus la même et si on ajoute surtout de fortes pulsations cardiaques, avec le stress et l’effort fourni pour grimper sur le toit, ramper et se mettre très vite en position, on conçoit que la qualité du tir sera réduite par rapport à une situation normale au champ de tir, où rappelons-le, il était déjà médiocre. Crooks s’est apparemment compliqué également la tâche en visant la tête au lieu du corps, cible bien sûr plus petite et par ailleurs plus susceptible de bouger. Une balle de 5,56 mm, 2,6 grammes en 22 LR ou 4,86 en calibre OTAN, parcourt 137 mètres entre 1/3 et 1/6e de seconde. C’est court mais c’est suffisant pour une tête de bouger un peu et voir ainsi la balle frôler une oreille au lieu de toucher le front.

On notera la stupeur du public et bien sûr de Trump lui-même au moment des tirs. Le bruit des 5,56 est assez faible, surtout s’il s’agit du calibre 22LR, assez loin en tout cas de l’imagerie véhiculée par l’emploi des fusils d’assaut dans les films, et on peut aisément le confondre avec d’autres claquements, comme des ballons (et là on pense évidemment au discours de Reagan à Berlin en 1987). On rappellera aussi que ce bruit est d’abord une onde de Mach autour du projectile et donc directement sur la cible, rejoint en une demi-seconde par celui de la détonation de départ à 137 m de là. Très difficile alors de comprendre ce qui se passe sauf à voir des gens touchés autour de soi ou des impacts dans le sol ou des murs. Et même alors, un très rapide 5,56 ou tout autre petit calibre, peut traverser des chairs sans provoquer de choc. On peut être touché sans bouger si aucun élément dur, une plaque de protection, un casque ou un objet quelconque mais aussi simplement son ossature, n’est frappé et si c’est le cas, on partira en arrière si c’est en haut (ce que l’on voit toujours dans les films) et on chutera en avant si c’est dans les jambes tandis qu’on se cassera en deux et on tombera sur place si c’est dans le ventre. Trump ne bouge pas à cause du choc mais à cause de la douleur de l’éraflure de l’oreille.

Derrière lui, hormis les gardes du corps qui comprennent très vite, le public est dans l’expectative dans la situation de tension-incompréhension où on ne sait pas quoi faire et où on obéit immédiatement aux ordres, ou on imite ceux qui font quelque chose s’il n’y a pas d’ordre. C’est ce qui se passe lorsque quelqu’un crie « il a un fusil », en voyant simplement le tireur et que les agents de sécurité hurlent « à terre ! ». À ce moment-là, la menace est terminée puisque Crooks a déjà été repéré et abattu tout de suite par des tireurs d’élite.

Donald Trump réagit bien à l’attaque, sort vite de sa stupeur et a l’intelligence de parler tout de suite avec un ordre-slogan simple « Fight ! » qui dans ce contexte-là résonne dans une foule qui n’attend que ça et répond avec force « USA ! ». L’exploitation instinctive de l’agression par Trump est, il faut bien l’admettre, remarquable, ce qui donne l’impression qu’il est capable de résister à la pression – une qualité nécessaire, mais non suffisante, à un bon président. Appuyée par l’intelligence de placement du photographe Evan Vucci, la scène donne même naissance à une photo destinée à être iconique, à l’image de celle du mont Suribachi à Iwo Jima en 1945, et inestimable pour la popularité de Trump. Crooks voulait abattre Donald Trump, il l’a renforcé.

Trump est immédiatement transporté à l’hôpital de Butler à 17 km de là, dont il ressort très vite pour rejoindre la convention républicaine à Milwaukee (Wisconsin) où il est évidemment acclamé. Les croyants fans de Trump invoquent évidement la main de Dieu pour ce qu’ils considèrent comme un miracle et un signe. Cela signifierait donc que Dieu n’avait pas grand-chose à faire au même moment de Corcy Comperator tué par une balle perdue alors qu’il protégeait ses filles de son corps. La plupart de ces croyants politico-chrétiens étant également « pro-guns », ils oublient aussi que Dieu n’aurait pas eu à intervenir avec une législation « normale » de contrôle des armes.

Minutemen ou super-vilains ?

Les assassinats ou les tentatives d’assassinats politiques sont donc nombreux dans l’histoire des États-Unis, mais le plus étonnant est peut-être qu’il n’y en ait pas plus dans ce pays qui conjugue le culte de l’action individuelle et plus d’armes à feu que d’habitants. Nous sommes dans un pays qui a, dès sa naissance, mis en avant les Minutemen, ces citoyens capables de prendre les armes dans la minute pour défendre la Patrie et la liberté, alors que l’armée régulière permanente était longtemps interdite, car soupçonnée d’être l’instrument potentiel de la tyrannie. Dans cette conception où on se méfie plus de l’État que d’ennemis extérieurs, le monopole légitime de la force n’est pas attribué au gouvernement mais aux citoyens.

Quand on conjugue le culte du héros individuel et des centaines de millions d’armes à feu – dont au moins 11 millions d’AR-15 (certains parlent de 25 millions) et bien d’autres armes tout aussi dangereuses – on peut s’attendre à ce que certains se sentent investis d’une mission, sacrée ou pas, malgré la mort presque assurée au bout. Il y a en eu ainsi 38 en 2023 à s’être lancé dans des fusillades de masse provoquant 288 morts ou blessés, avec une préférence pour les écoles ou les supermarchés. Certains ont une conception plus politique de leur action, comme John Wilkes Booth lançant « Sic semper tyrannis » (« ainsi en est-il toujours des tyrans ») après avoir tiré sur Abraham Lincoln, une phrase attribuée à Brutus après l’assassinat de César et devise de l’État de Virginie.

Dans le long cycle des Princes d’Ambre, le romancier Roger Zelazny décrit l’affrontement entre des puissants mondialisés (en l’occurrence plutôt universalisés) et des modestes qui ont le pouvoir, dit du Logrus, de faire venir à eux tout ce qu’ils veulent. Des individus qui peuvent faire venir à eux facilement des armes de guerre disposent d’un super-pouvoir d’autant plus puissant qu’ils agissent désormais dans un contexte hypermédiatisé qui va amplifier les effets de leurs actes. Que l’on songe simplement à l’impact considérable en France des frères Kouachi et Amédy Coulibaly en janvier 2015, amenant quelques jours plus tard 44 chefs d’État à Paris et des millions de Français dans les rues après une émotion immense.

Que l’on songe aussi à ce qui se passerait en France, s’il y avait plusieurs millions de Kalachnikovs, même bridées au coup par coup, en circulation presque libre et non en passant par des réseaux criminels. On peut imaginer que beaucoup d’attaques que l’on parvient à maintenir au niveau- incompressible – de l’arme blanche, comme encore avant-hier contre un soldat français Gare de l’Est à Paris, se feraient au fusil d’assaut. Outre la menace jihadiste ou celle de tous ceux qui en veulent à la France, on peut imaginer aussi des possibilités terribles pour les groupuscules radicaux, type Action directe ou Charles Martel pour des bords opposés dans les années 1970-1980 mais dotés d’un arsenal militaire. Pour autant, on peut encore croire qu’il n’y a pas en France un quart de la population considérant la violence mortelle venant des citoyens eux-mêmes comme légitime pour sauver le pays, comme c’est le cas actuellement aux États-Unis selon un sondage du Public Religion Research Institute, avec même une proportion d’un tiers chez les électeurs républicains, ceux-là mêmes qui viennent de la subir à Butler et paradoxalement par un des leurs.

Les individus seuls lourdement armés sont donc des super-héros potentiels, du moins dans la croyance libertaire américaine, alors que dans les faits ce sont presque toujours des super-vilains. En 2006-2007, une série crossover de l’univers Marvel imaginait que l’État décide d’obliger tous les individus dotés de super-pouvoirs de servir le gouvernement au lieu d’agir individuellement. En clair, il s’agissait de rétablir le monopole de l’État sur l’usage de la force selon la description de Max Weber. Cette décision entraînait une scission entre les héros, les rebelles au gouvernement mais passionnément patriotes étant dirigés par Captain America, le plus vieux de tous les super-héros américains puisque né en 1917, incarnation de la great generation blanche et probablement électeur républicain. Captain America finit par être assassiné dans cette histoire par des gens qui veulent réellement instaurer une dictature aux États-Unis. Et c’est là que se situe toute l’ambiguïté de Butler, des gens d’un même camp pouvant simultanément voir en Donald Trump un champion de la liberté et un potentiel dictateur à éliminer, au risque de déclencher une guerre larvée des Minutemen de l’Amérique profonde contre le pouvoir jugé totalitaire d’un État mondialisé. La série Marvel s’appelait Civil War et cette idée de guerre civile, reprise entre autres dans un film récent, se promène dans le conscient collectif américain.  

Les grands conflits contemporains, une approche géopolitique

Les grands conflits contemporains, une approche géopolitique

 

par Bruno Modica – Revue Conflits – publié le 24 juin 2024


Cet ouvrage présente l’immense intérêt d’être très à jour sur les conflits en cours. Pour autant, surtout lorsque l’on subit le tourbillon des chaînes d’information en continu, cette publication permet de prendre du recul et de comprendre les ressorts des confrontations actuelles et à venir.

 Béatrice Giblin (Dir) Les grands conflits contemporains, une approche géopolitique. Armand Colin – Mai 2024. 

Une place privilégiée dans les différents articles, où l’on retrouve des spécialistes connus comme Frédéric Encel, Yves Lacoste, Myriam Benraad ou Philippe Subra, est accordée à ce que l’on appellera « les confrontations majeures ». La guerre en Ukraine ou le conflit israélo-palestinien relancé depuis le 7 octobre dernier, occupent évidemment une bonne place. Mais en réalité, l’orientation que la directrice de publication Béatrice Giblin a voulu donner à cet ouvrage échappe à cet écueil « journalistique », pour traiter les différents sujets au fond. Le premier enseignement que l’on trouvera est le suivant : « il n’y a pas de petits conflits géopolitiques ». Les conflits transnationaux comme l’Ukraine ou Gaza se trouvent en 5e partie, tandis que la première est consacrée à des conflits locaux urbains et ruraux à Marseille, Jérusalem, mais aussi dans les campagnes de France autour de « la question de l’eau », opposant agriculteurs et autres usagers.

La frontière comme lieu de confrontation est examinée sous l’angle des relations entre le Mexique et les États-Unis, mais également à propos de la guerre au Kivu, située à l’est de la république démocratique du Congo mais frontalière du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda. La guerre y est endémique depuis au moins 25 ans. Ce chapitre aurait pu d’ailleurs se situer dans la 4e partie de l’ouvrage qui traite de la conquête des ressources, en raison des enjeux miniers de ce territoire qui souffre de ce que l’on peut appeler la malédiction des matières premières. L’or et le diamant y sont évidemment convoités, au même titre que la cassitérite, le coltan ou le wolfram. Les usages de ces minéraux se retrouvent dans les composants électroniques comme dans les aciers spéciaux.

De la même façon, et surtout dans le contexte actuel envisager, comme le fait Frédéric Encel, Jérusalem comme une capitale frontière est d’autant plus pertinent qu’il ne sera pas possible d’évacuer le statut de cette ville dans l’hypothèse d’un règlement de la paix, même si ses perspectives s’éloignent.

Il n’y a pas de petits conflits, en effet, le premier article de l’ouvrage, après la mise en perspective de Béatrice Giblin, est consacré à Marseille. Son auteur, Simon Ronai, analyse avec beaucoup de soin les rapports de force entre la ville et son environnement, notamment celui des structures territoriales qui organisent la métropole avec 92 communes représentées par 240 membres. La périphérie se sent riche face à une ville centre appauvri. 

Frédéric Douzet et Thomas Cattin ne sont pas trop de 2 pour examiner la situation complexe de la frontière entre le Mexique et les États-Unis. 3 000 km, 40 points de passage, un fleuve comme le Rio Grande et des conurbations rendent cet espace qui sépare pays en développement et économie développée particulièrement sensible. 270 millions d’individus empruntent les points de passage, tandis que la circulation des biens, des capitaux, des informations et des produits illégaux a été largement favorisée par les différents accords de libre-échange.

Cette frontière est aussi un enjeu pour les élections majeures, au niveau des états concernés, comme pour l’élection présidentielle américaine.

La 3e partie aborde, après une introduction de Béatrice Giblin, les nationalismes régionaux. Le ressort est souvent le même, celui d’un sentiment de mépris subi de la part de l’État central, notamment pour ce qui peut concerner l’usage de la langue, la place des habitants dans les institutions de l’État, les politiques de développement.

Pour autant, les conflits engendrés peuvent être très différents, allant de l’affrontement comme au Kurdistan à la confrontation démocratique pour l’Espagne avec la question basque et catalane.

Yves Lacoste et Béatrice Giblin abordent pour leur part le nationalisme régional de la Kabylie. L’unité imposée par le FLN suscite un mécontentement qui peut s’exprimer par la revendication linguistique, une sorte de nationalisme culturel, avec dans le fond une certaine forme de résistance à une arabisation normalisatrice que la jeunesse refuse.

La 4e partie aborde 2 questions qui seront très largement étudiées par les candidats de la filière lettres du concours de l’école militaire interarmes, à savoir « les guerres de l’eau en question », avec un article de Leïla Oulkebous, et celui de « l’avenir géopolitique du pétrole à l’horizon 2050 », par Benjamin Augé

Paradoxalement, la volonté de diminuer les émissions de carbone, car les ressources naturelles qui permettent de développer les technologies bas-carbone suscitent des convoitises et bien souvent des phénomènes de corruption, des conflits environnementaux, et au final des affrontements.

Béatrice Giblin et Yves Lacoste traitent respectivement de la guerre en Ukraine et à Gaza, des sujets qui pourraient largement être développés plus longuement. Ce qu’il faut surtout noter à propos de ces 2 articles d’une trentaine de pages, c’est surtout celui de leurs conséquences géopolitiques à moyen et à court terme. La Russie joue son destin dans ce conflit, tout comme Israël d’ailleurs. Car il s’agit là de guerres existentielles, celles dans lesquelles les belligérants remettent en cause l’existence même de leur ennemi. La guerre du Nagorny Karabagh qui se termine en 2023 par la disparition d’une entité existant depuis plusieurs siècles aurait pu figurer dans cet inventaire.

Le dernier article de l’ouvrage, rédigé par Frédéric Douzet et Aude Géry, nous permet d’aborder une nouvelle dimension. « L’extension continue du champ de la conflictualité dans le cyberespace », cet environnement créé par l’interconnexion planétaire des systèmes d’information et de communication, est une dimension de plus en plus prise en compte par les militaires. Cela trouve son application au plus petit niveau, celui du groupe de combat ou de l’équipe, et celui que l’on a longtemps appelé le caporal stratégique est également un acteur de la guerre électronique, au même titre qu’un groupe informel ou un état. 

En un peu moins de 300 pages, cet ouvrage qui est condamné à vieillir, en raison des événements à venir, devrait quand même être précieusement conservé en référence. Car au-delà de l’actualité qui passe, les fondamentaux demeurent. Et puis l’immense mérite de tous les auteurs est celui qui consiste à prendre le risque de la prospective, avec un horizon au milieu du siècle, ce qui reste tout de même assez proche.

On me permettra pour conclure un souvenir personnel, celui de mes rencontres avec Béatrice Giblin et Yves Lacoste, dans une autre vie.

J’ai pour ces deux géographes qui ont accompagné ma formation une immense admiration pour leur savoir, mais aussi leur disponibilité et leur sens de l’écoute.


Bruno Modica est professeur agrégé d’Histoire. Il est chargé du cours d’histoire des relations internationales Prépa École militaire interarmes (EMIA). Entre 2001 et 2006, il a été chargé du cours de relations internationales à la section préparatoire de l’ENA. Depuis 2019, il est officier d’instruction préparation des concours – 11e BP. Il a été président des Clionautes de 2013 à 2019.
 

Les drones MQ-9 Reaper block 5 de l’armée de l’Air et de l’Espace ne sont toujours pas autorisés à voler en France

Les drones MQ-9 Reaper block 5 de l’armée de l’Air et de l’Espace ne sont toujours pas autorisés à voler en France

https://www.opex360.com/2023/07/16/les-drones-mq-9-reaper-block-5-de-larmee-de-lair-et-de-lespace-ne-sont-toujours-pas-autorises-a-voler-en-france/


 

Depuis, il a été décidé de porter ces MQ-9 Reaper au standard dit « Block 5 ». Ainsi modernisés, ces appareils disposent d’un nouveau système électrique, de capacités accrues, dont la possibilité d’emporter des missiles air-sol Hellfire et des bombes GBU-48 à guidage laser et GPS en plus des GBU-12 de 250 kg ainsi que d’une suite logicielle et des capteurs plus performants. En clair, il s’agit presque d’un nouveau drone… Et pour le faire voler en France, il faut à nouveau obtenir un certificat de navigabilité. Et, visiblement, cela pose un problème qui n’a toujours pas été réglé à ce jour.

Ainsi, lors d’une audition parlementaire, en juin 2021, Joël Barre, alors Délégué général pour l’armement, avait que expliqué la difficulté avec les MQ-9 Reaper Block 5 venait de ses équipements américains. « L’affaire montre notre degré de dépendance dans ce genre de processus, face à une configuration de logiciel entièrement nouvelle et à un niveau de qualité dont nous ne savons pas s’il est suffisant, alors que nous sommes responsables du niveau de sécurité associée à la mise en œuvre des matériels », avait-il développé.

« Il a fallu instruire la façon dont nous pourrions permettre l’emploi des Reaper Block 5 en opération au Mali, malgré l’incertitude liée au logiciel. Nous avons donc donné un avis technique permettant à l’autorité d’emploi [c’est à dire l’AAE, ndlr] d’utiliser ce drone, uniquement en opération », avait-il ensuite ajouté. Cependant, avait-il ensuite insisté, « il est hors de question qu’il survole le territoire national, parce que nous ne pouvons pas garantir la sécurité du vol d’un tel matériel ».

Deux ans plus tard, on en est toujours au même point. Actuellement, l’AAE – plus précisément la 33e Escadre de reconnaissance et de surveillance – dispose encore de trois MQ-9 Reaper Block 1, lesquels ont d’ailleurs récemment été engagés dans une campagne de tir de GBU-12 à Captieux. Trois autres ont été envoyés aux États-Unis pour être portés au standard Block 5. Quant aux six derniers, déjà « rétrofités », trois sont déployés au Niger et trois se trouvent sur la base aérienne 709 de Cognac… sans pouvoir être utilisés, faute de certificat de navigabilité valable pour l’espace aérien français.

« En France, nous avons trois Block 5 mais nous n’avons pas encore l’autorisation de les faire voler : nous sommes en attente de l’accréditation du certificat de navigabilité pour opérer dans l’espace aérien en métropole. Une nouvelle version logicielle doit être intégrée sur ces appareils, puis être testée et validée par la DGA [Direction générale de l’armement] », a expliqué le commandant de l’escadron de drones 2/33 Savoie au magazine spécialité Raids Aviation.

« Dès que nous aurons la ‘clearance’ pour voler avec les Block 5 en France, nous enverrons nos trois derniers Block 1 en rétrofit », a ajouté l’officier.

Le souci est que du retard est pris pour l’intégration des missiles Hellfire et des bombes GBU-49 sur le Reaper Block 5.

« Nous sommes tributaires de l’accréditation du certificat de navigabilité pour l’intégration de ces nouveaux armements », a en effet affirmé le commandant du 2/33 Savoie. « Le missile Hellfire sera intégré en premier, il sera suivi par la GBU-49 », a-t-il précisé.

Cela étant, un rapport du Sénat, publié en juin 2021, avait dénoncé des « règles de navigabilité et d’insertion dans le trafic aérien » trop « contraignantes » pour les drones militaires.

Ceux-ci sont « soumis à des règles spécifiques, inspirées de celles de l’aviation civile, en ce qui concerne tant leur navigabilité – que leur circulation dans l’espace aérien. Ces règles sont parfois souvent ressenties comme très contraignantes dans la mesure où elles conduisent à freiner la mise en service et l’utilisation de ces systèmes », avaient relevé ses auteurs, avant de recommander un « assouplissement ».

La « phase de certification, nécessaire à la sécurité des zones survolées, est parfois perçue comme excessivement longue , alors que les forces armées ont souvent un besoin urgent des équipements concernés » et les « restrictions constituent un frein à l’utilisation des drones sur le territoire national pour la formation, l’entraînement mais aussi pour les missions de surveillance [postures particulières de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime, missions intérieures comme Harpie…] », avaient encore soutenu les sénateurs.

Dans le brouillard de la guerre

Dans le brouillard de la guerre

.
Vincent Gourvil (*) -Esprit Surcouf – publié le 16 juillet 2023
Docteur en Sciences Politiques

https://espritsurcouf.fr/humeurs_dsns-le-brouillard-de-la-guerre_par_vincent-gourvil/


A Vilnius, mercredi dernier, les membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord l’ont solennellement acté : l’Ukraine ne peut pas aujourd’hui entrer dans l’Otan. Le verdict, même s’il était connu d’avance, est un revers pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais est-ce le seul ? Les nuages qui s’accumulent ne deviennent-ils pas menaçants ? C’est la question que se pose l’auteur, irrité de constater une sorte de pensée unique dans l’esprit des commentateurs.
.

« La vérité d’un jour n’est pas toujours celle du lendemain ». Il est regrettable qu’une majorité de nos dirigeants, experts en relations internationales, commentateurs… perdent de vue l’esprit de cette maxime populaire. Ancrés dans leurs convictions, ils sont persuadés de la linéarité de l’Histoire alors que nous sommes entrés dans une nouvelle ère stratégique. Comme les Ukrainiens étaient parvenus à mettre en échec la machine militaire russe, leur victoire était à portée de main. La contre-offensive annoncée par Kiev depuis plusieurs mois, lancée il y a peu, devait conduire à la défaite de l’ours face à l’agilité du renard. Jusque dans un passé récent, cette thèse ne souffrait pas la moindre contestation. Aujourd’hui, la situation semble plus complexe qu’hier si l’on veut bien affronter le réel dans ce qu’il peut avoir de dérangeant. La zone grise semble pourtant prendre le dessus sur la ligne claire. Saurons-nous concilier le désirable avec le possible ?

Victoire ukrainienne : vérité d’évidence
?

Depuis le début de « l’opération militaire spéciale » lancée le 24 février 2023, la promenade de santé s’est transformée en un véritable cauchemar pour l’armée russe. La conjonction de plusieurs facteurs explique cette « étrange défaite ». Citons les plus connus : volontarisme du président Zelensky, parfait communicant ; combat légitime pour lutter contre l’agresseur ; motivation du peuple retrouvant les accents d’un nationalisme de bon aloi ; moral élevé des troupes, disposition, grâce en particulier à l’aide occidentale à l’instar de l’OTAN dont l’Europe est toujours plus dépendante, de matériels modernes, de renseignements en temps réel ; maniement exemplaire de l’arme informationnelle ; faiblesse de l’adversaire dans toute une série de domaines (impréparation, absence de stratégie, matériels obsolètes, rôle de la milice Wagner jouant un jeu trouble comme l’a démontré sa chevauchée avortée du 24 juin 2023 …).

Mois après mois, celle que l’on pensait être l’une des premières armées au monde s’est prise à son propre piège, parfois ridiculisée par un adversaire de taille peu comparable. Selon les experts occidentaux, le colosse aux pieds d’argile devait/doit s’effondrer tôt ou tard sous le poids de ses propres défaillances plus que sous les coups de boutoir de l’Ukraine. Les Russes préfèrent la fiction d’un passé fantasmé à la réalité du présent, ajoutaient-ils. Certains prédisaient/prédisent une défaite rapide la Russie, accompagnée de l’éviction par le peuple de Vladimir Poutine. La messe était dite. Toutes les voix discordantes étaient écartées au nom d’un terrorisme intellectuel ambiant.

Or, le cours de l’Histoire peut s’inverser rapidement, de manière inattendue. Peut-être est-ce ce qui se passe depuis peu ? Comme le déclarait Louis XIV : « C’est toujours l’impatience de gagner qui fait perdre ».

Essoufflement ukrainien : hypothèse plausible

Depuis peu, les certitudes sur l’issue du conflit se transforment en interrogations. Elles peuvent ainsi se résumer. Et si la Russie parvenait, grâce à son pouvoir de nuisance, à mettre quelques grains de sable dans la machine parfaitement huilée ukrainienne. Même si nous ne disposons que de signaux faibles étayant cette thèse, elle progresse lentement. La contre-offensive, dont Kiev défend désormais la prudence, ne donne pas encore l’effet escompté, l’enfoncement décisif des défenses russes (gain territorial annoncé de 35km²). Les militaires du nouveau Tsar semblent tirer les leçons de leurs cuisants échecs, donnant du fil à retordre à leurs adversaires. Par ailleurs, ils n’hésitent pas à utiliser les vieilles ficelles ayant fait leurs preuves dans le passé : destruction du barrage de Kakhovka provoquant des inondations dans la région, menaces autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia faisant craindre le pire, exploitation d’un certain sentiment de lassitude dans la population ukrainienne, importance de la capacité de résilience… Par ailleurs, la multiplication des médiations (chinoise, africaine, indonésienne, vaticane …) donnerait à penser que le temps de la négociation (pour la paix ou pour un cessez-le-feu) n’est pas si éloigné. Que s’est-il vraiment dit lors de la visite du secrétaire d’état américain, Antony Blinken à Pékin, qui souhaitait rétablir une certaine forme de dialogue avec la Chine sur divers sujets dont l’Ukraine ?

Tous ces éléments ne doivent-ils pas nous interroger sur notre cécité stratégique ? Le cours de la guerre (le Pentagone l’estime « longue et violente ») n’est-il pas en train de s’inverser ? Les évidences ne sont-elles plus que des probabilités ? Ce que nous vivons traduit un grand bouleversement des paramètres de la guerre russo-ukrainienne, à distinguer d’une géopolitique des sentiments. Dérèglement rime souvent avec aveuglement. Tout ceci invite à une réflexion sans tabou. C’est le moins que l’on puisse faire pour prévenir une énième surprise stratégique. La seule certitude, en dehors de l’incertitude, relève de l’hypothèse. Gouverner, c’est prévoir surtout le pire, y compris une guerre qui dure, voire l’éventuelle victoire de l’agresseur qui viole les grands principes du droit international !

Les temps changent

« Mieux vaut combattre le pire que rêver perpétuellement au meilleur » (André Comte-Sponville). Et, c’est bien la question essentielle posée aux Occidentaux dans cette période de fluidité succédant à un temps d’une certaine stabilité. Les choses peuvent prendre un tour imprévisible. Les transitions sont toujours des moments de doutes qu’il faut savoir affronter avec réalisme. Le voulons-nous ? Le pouvons-nous ? Pour plagier la célèbre formule du général de Gaulle en 1940, avoir perdu une bataille ne signifie pas nécessairement avoir perdu la guerre. N’est-ce pas ce à quoi nous assistons aujourd’hui et encore plus demain ? Cultiver à la fois clarté et ambiguïté, conjuguer court et long terme, n’est-il pas le propre de toute bonne diplomatie ? Jamais l’ordre international n’a paru aussi complexe, imprévisible. Il nous met face à la fin de certaines illusions passées. Le conflit en Ukraine agit comme un accélérateur de mutations d’un monde en mouvement. Dans cet épais brouillard de la guerre, l’important est de se contraindre à penser l’impensable pour mieux s’y préparer.

Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur

 

Source de la photo : ©airsoftrang, – Page facebook des germans air-soft rangers

(*) Vincent Gourvil est le pseudonyme d’un haut fonctionnaire, par ailleurs Docteur en sciences politiques.

La chute de The Mozart Group et le financement des groupes combattants en Ukraine

La chute de The Mozart Group et le financement des groupes combattants en Ukraine

 

NOTE D’ACTUALITÉ N°611 / juin 2023

par Valère Llobet – Centre Français de Recherche sur le renseignement – juin 2023

https://cf2r.org/actualite/la-chute-de-the-mozart-group-et-le-financement-des-groupes-combattants-en-ukraine/


Chercheur, lauréat 2020 du Prix « Jeune chercheur » du CF2R

 


Le 31 janvier 2023, la très médiatique société militaire privée (SMP) The Mozart Group (TMG) fermait officiellement ses portes[1] après une véritable guerre interne. La cause principale : un dépôt de plainte du numéro 2 de l’entreprise. En effet, le 10 janvier dernier, Andrew Bain[2], actionnaire majoritaire et directeur financier de l’entreprise, a entamé des poursuites devant le tribunal du Wyoming[3], État américain où est enregistrée la SMP. Cette action en justice fait suite à de nombreuses polémiques qui ont visé TMG et surtout son très médiatique directeur, Andy Milburn. Citons, par exemple, une plainte pour diffamation déposée contre lui juste au début du conflit[4], ou encore une vidéo du mois de décembre 2023, où ce dernier, semblerait-il sous l’emprise d’alcool[5], accuse des unités ukrainiennes de crime de guerre sur les soldats russes[6], etc.

Précisons qu’en Andy Milburn a, de son côté, réfuté ces accusations, et en a porté d’autres en retour à l’encontre d’Andrew Bain en l’accusant d’entretenir des liens avec Moscou, de harcèlement sexuel ou encore d’avoir voulu vendre ses parts de l’entreprise aux taliban[7].

Outre les accusations de diffamation, d’alcoolisme, de vol[8], de menaces, d’absence de licence ITAR[9] ou encore de harcèlement sexuel[10], la plainte de Andrew Bain porte principalement sur la gestion financière du groupe et son opacité.

Grâce aux éléments fournis par les différentes parties à cette affaire et aux informations révélées depuis la dissolution de TMG, il est aujourd’hui évident que de nombreux autres groupes de combattants ou de soutien aux forces ukrainiennes ont recours, au moins en partie, au même type de financement pour leurs activités. Parmi celles-ci, l’on retrouve d’autres SMP, des bataillons étrangers venant d’anciennes républiques soviétiques, mais également des unités combattantes de taille plus modeste, appelées « teams » au sein des brigades internationales.

 

Un système de financement particulièrement développé

Pour rappel, The Mozart Group a été créée en mars 2022 avec un statut d’entreprise (Limited liability compagny/LLC). La société a opéré pour de nombreux clients comme l’ONG Allied Extract[11], le plus souvent pour effectuer des évacuations de civils. En plus de ces activités rémunérées, TMG recevait des dons par deux canaux distincts : le premier, direct, via le site officiel de la SMP[12] ; le second, via deux entités indirectement connectées à TMG : l’ONG Ukrainian FreedomFund (UFF), dont le fondateur n’est autre que Andrew Bain ; et la Task force Sunflower (TSF)[13] dont Andy Millburn serait le directeur[14]. Il s’agit d’une ONG[15] qui propose des services très similaires à TMG comme de l’extraction humanitaire, du soin aux blessés, de la formation médicale, du déminage, de l’acheminement de matériel[16], etc.

Grâce à l’ensemble de ces revenus, TMG a pu entretenir la confusion et abondamment communiquer sur les réseaux sociaux et auprès des médias en se faisant passer pour une organisation caritative[17]. Andrew Bain, dans son dépôt de plainte, accuse Andy Millburn d’être le seul responsable de cette situation et d’avoir sciemment mélangé ses fonds personnels, ceux de l’entreprise et ceux des entités caritatives[18].

Au total, The Mozart Group aurait réussi à lever presque un total de 1 million de dollars. Parmi ses donateurs, on compte des membres de la diaspora ukrainienne, mais aussi des sociétés comme Obsidian Group, un cabinet de renseignement privé américain[19] qui a donné environ 10 000 dollars, ce qui est étonnant lorsque l’on sait que TMG proposait également des prestations de renseignement à ses clients[20].

Bien que The Mozart Group ait été qualifié d’ONG, de « start-up militaire »[21] ou encore de « smart SMP » par certains auteurs, il n’en est rien ; l’entreprise a toujours été une société commerciale qui a utilisé le contexte ukrainien pour se forger une image d’humanitaire, en profitant des subtilités du droit américain pour récolter des dons, le tout en cherchant à obtenir des contrats avec les autorités ukrainiennes, ainsi que des marchés et des débouchés à l’étranger[22].

Notons que cette utilisation de l’action caritative n’est pas une nouveauté pour les sociétés militaires privées. Déjà, durant les conflits en Irak et en Afghanistan, des entreprises américaines et britanniques avaient développé des structures caritatives. Citons, par exemple, la société américaine Triple Canopy Inc[23],ou encore l’entreprise britannique Aegis, qui avait créé en 2006 une fondation qui intervenait en Irak, notamment dans le domaine de la reconstruction[24]. Mentionnons également Xe[25], qui avait créé un mémorial avec « un site dédié à tous ceux qui sont tombés en défendant les libertés et les valeurs de notre grand pays, les États-Unis » [26]. . Celui-ci fut financé par l’entreprise et des dons privés.  Ces actions de bienfaisance sont, pour ces sociétés, des arguments de communication et de marketing[27] qui permettent de légitimer leur présence et leurs actions.

 

De multiples entités aux modes de financement similaires

Des unités de toute nature composent les forces engagées en Ukraine : SMP, bataillons de volontaire étrangers, voire unités de combattantes intégrées au sein des brigades internationales. Les groupes présentés ci-après utilisent des modes de financement basés, comme TMG, sur des donations. Certains sont déclarés comme LLC, tandis que d’autres ne sont que des unités combattantes sans statut, ce qui ne peut qu’interroger quant à l’origine des dons et leur utilisation[28].

Précisons également que les hommes de la Légion étrangère française sont présents dans bon nombre de ces groupes. D’anciens membres de ce corps sont également engagés dans les forces armées ukrainiennes[29], voire dans les forces spéciales de ce pays[30].

 

La Team Berlioz

Écusson de la Team Berlioz[31]

La Team Berlioz serait une unité de tireurs de précision intégrée au sein des brigades internationales en Ukraine, chargée de missions de renseignement et d’appui. Elle serait composée d’au moins cinq hommes, britannique, américain, canadien et français[32]. Leur porte-parole, appelé « Franck », serait un ancien membre de la Légion étrangère, engagé dans le conflit depuis mars 2022. Le groupe aurait connu plusieurs formes avant janvier 2023 et Franck aurait fondé ce dernier avec des « chiens de guerre »[33], sans que l’on sache s’il s’agit de soldat des brigades internationales ou de mercenaires.

Une cagnotte d’aide à cette unité a été lancée début 2023 et relayée par des chaînes YouTube couvrant le conflit. Pour appuyer cette campagne, le groupe a réalisé des vidéos musicales diffusées sur le réseau social Tik Tok[34], l’objectif étant clair : rendre l’unité combattante sympathique pour engranger des dons. Leur porte-parole, à l’instar d’Andy Millburn, n’hésite pas à communiquer en ligne sur différents réseaux sociaux en déclarant combattre le « fascisme »[35]et en qualifiant les soldats russes de « bipèdes » et « d’orcs »[36].

Grâce à ces dons, les hommes de la Team Berlioz auraient pu acquérir du matériel comme des optiques pour leurs armes, un suppresseur de son ou encore « des systèmes de vision nocturne, des trépieds, (…) un drone » et également fournir du soutien à une autre équipe combattante[37].

Sur un modèle similaire, on peut citer la Task Force Baguette, qui serait composée de Français et d’Américains[38] et qui lancenégalement des appels aux dons via Paypal.[39]

 

Trident Defense Initiative

Logo de Trident Defense Initiative[40]

Il s’agit d’une SMP[41] fondée par Daniel Ridley, un ancien soldat britannique qui a servi dans les rangs de l’armée ukrainienne entre 2018 et 2022. Outre son fondateur, la société compte dans ses rangs plusieurs anciens soldats américains, un britannique et deux traducteurs ukrainiens[42]. Elle propose des formations médicales, des formations de combat aux standards OTAN et du renseignement.

Précisons que la SMP dit se financer par un système de dons et que ses personnels sont des bénévoles[43] ; pourtant la page de dons Paypal de l’entreprise renvoie vers un compte appartenant à une ONG fondée par deux anciens militaires[44] en 2021, nommée Allied Extract[45]. Cette dernière situation interroge en raison des similitudes avec le système de financement de TMG[46], notamment quand l’on se souvient que Allied Extract en fut un des clients réguliers. Depuis peu, les liens avec l’ONG ont été supprimés et Trident recueille ses dons sur les plateformes Donorbox et Buy me a coffee.

 

Ghosts of Liberty

Logo de Ghosts of Liberty[47]

Très similaire à la SMP précédente, Ghosts of Liberty est un groupe privé créé par Lance Zaal, un vétéran et entrepreneur américain spécialiste des circuits touristiques à thème horrifique. La société, composée d’anciens militaires américains, vise « à soutenir les volontaires en Ukraine en finançant des fournitures et du matériel et en dispensant des formations »[48]. L’entreprise dit se financer grâce à des dons, notamment en bitcoins et utilise le logiciel de paiement Stripe[49]

 

Backyard Camp- Skills to Defense

Image promotionnelle de BackYard Camp- Skills to Defense (crédit Wonder Україна[50])

Backyard est une structure de formation militaire installée dans la périphérie de Kiev[51]. L’organisation, que ses dirigeants qualifient de « plateforme d’éducation militaire », a été créée par Dmytro Zubkov et Artem Veselov en mars 2022[52]. Elle fournit à l’attention des civils et des militaires des stages de formation au combat et au maniement des armes.

Les cours seraient dispensés par des formateurs américains, estoniens, israéliens[53] ou encore français[54]. Le centre serait fréquenté par les forces spéciales ukrainiennes, des membres des brigades internationales[55], mais également des combattants du bataillon Azov qui y auraient suivi un stage à l’été 2022.

Bien que l’organisation assure ne pas avoir d’objectif commercial, elle accepte les dons[56] et demanderait une participation financière aux civils. A noter que la structure a disparu des réseaux sociaux dernièrement.

L’entité se veut similaire à « l’Université russe des forces spéciales » ou « l’Université russe des spetsnaz », créée en Tchétchénie, où sont formés les volontaires russes et tchétchènes qui sont envoyés en Ukraine[57].

 

Ukraine Defense Support Group (UDSG)

Logo de UDSG[58]

Il s’agit d’une entreprise ukrainienne, plus précisément d’une LLC. Composée en partie d’anciens membres de TMG[59], elle a été fondée par deux anciens militaires ayant été déployés en Afghanistan, Paul Schneider[60] et David Holdsworth[61]. Le premier aurait appartenu aux Bérets verts américains et le second à l’armée britannique. Le groupe dispense des formations à l’attention des forces militaires et une assistance aux ONG, médias et populations civiles impliquées en Ukraine. Malgré son statut de société, le groupe dit se financer par des dons PayPal[62].

 

Les bataillons de combattants étrangers

Un grand nombre de bataillons étranger sont engagés dans le conflit[63]. Certains d’entre eux utilisent également des systèmes de financement reposant sur les donations. Citons, par exemple : Kastuś Kalinoŭski Regiment[64], un groupe biélorusse ; la Georgian National Legion[65], qui intervient en Ukraine depuis 2014 ; ou encore la Norman Brigade, un groupe canadien, composé d’un ancien membre de la Légion étrangère française, de Néo-zélandais, de Sud-africains, d’Américains et de Canadiens. Le bataillon serait dirigé par un vétéran surnommé « Hrulf ». Ce dernier est accusé par les anciens membres de son groupe de sympathie néo-nazie[66] et d’emploi du groupe combattant à des fins personnelles[67].

Les deux premières organisations se financent grâce à des dons Paypal, en cryptomonnaie – Bitcoin ou Etherum[68]. La troisième a recours à la vente de produits divers (merchandising)[69].

Bien que les actions caritatives en faveur de l’Ukraine soient massivement relayées sur les réseaux sociaux et dans les médias, il semble clair qu’une partie de cet argent et des biens qui sont acheminés ne soit pas utilisée correctement. Ces derniers peuvent être mal gérés[70] ou détournés, car les contrôles sont presque inexistants[71]. Bon nombre de structures se sont d’ailleurs créées avec le conflit et sont dirigées par d’anciens militaires qui ne sont pas forcément des spécialistes de la gestion d’entreprise ou d’ONG en zone de guerre.

Concernant The Mozart Group, bien qu’il ait officiellement fermé ses portes, les activités initiées par TMG perdurent indirectement dans le pays, soit au travers de l’activité de son ancien directeur Andrew Milburn – qui, après avoir repris de nouveaux bureaux à Kiev[72], a recommencé une activité en ligne sur les réseaux sociaux, – soit par les structures qu’ont développé d’anciens membres de la SMP[73] en Ukraine, proposant des formations militaires à l’attention de forces classiques et des unités spéciales du pays[74].

Cette liste n’est pas exhaustive : de nombreuses autres structures interviennent dans le pays. Citons l’ESSD française Stratégie, qui y a effectué des évacuations de réfugiés en 2022[75], mais également des SMP britanniques, israéliennes, allemandes – comme Global.AG Security & Communication – ou estonienne- Iron Navy[76] -, etc.

Rappelons également qu’en 2014 déjà, des SMP étrangères étaient impliquées en Ukraine, à l’image d’Academi qui y avait déployé 400 contractors pour coordonner et diriger « des opérations de guérilla contre les séparatistes pro-russes autour de l’enclave de Sloviansk »[77].


[1] https://twitter.com/andymilburn8/status/1620509157370769408?cxt=HHwWgMDRhcWfmv0sAAAA

[2] Gris Mauricio, « Shadowy groups of Western military veterans are operating on the ground in Ukraine, largely unregulated », The Telegraph, 23 janvier 2023 (https://www.telegraph.co.uk/world-news/2023/01/23/ukraine-russia-invasion-private-military-wagner-mozart/).

[3] Andy Bain suit against Andy Milburn of Mozart Group 10 janvier 2023

(https://www.documentcloud.org/documents/23580905-andy-bain-suit-against-andy-milburn-of-mozart-group).

[4] Michael Ryan Burke suit against Task & Purpose, Recurrent Ventures, Inc., Andrew Milburn and The Mozart Group, LLC, 4 octobre 2022 (https://dockets.justia.com/docket/missouri/mowdce/2:2022cv04147/166137).

[5] Gettleman Jeffrey, « Hard Drinking and Murky Finances : How an American Veterans Group Imploded in Ukraine », The New York Times, 1 février 2023

(https://www.nytimes.com/2023/02/01/world/europe/american-veterans-ukraine-mozart.html).

[6] En réponse à la diffusion d’extraits, Andrew Milburn a accusé l’émission, où il était interviewé, d’être un relais de la propagande russe et d’avoir réalisé un deep fake.

(https://www.linkedin.com/posts/andrewmilburn2023_manipulation-the-subtle-art-of-taking-things-activity-7021478925742542848-MGp8?utm_source=share&utm_medium=member_desktop).

[7] Gris Mauricio, op. cit.

[8] Orizio Pietro, « Ascesa, declino e requiem del Gruppo Mozart », Analisidifesa, 22 février 2023 (https://www.analisidifesa.it/2023/02/ascesa-declino-e-requiem-del-gruppo-mozart/).

[9] L’International Trafic in Arms Regulations est une règlementation américaine qui encadre, entres autres, la vente, la fabrication ou encore l’exportation de matériel miliaire (cf. Intelligence Online, 27 janvier 2023).

[10] Mass Peter, « U.S. Military Vets in Ukraine Are Fighting Each Other in Court », The Intercept, 20 janvier 2023 (https://theintercept.com/2023/01/20/ukraine-mozart-group-us-veterans/).

[11] Orizio Pietro, op. cit.

[12] Dons privés via Paypal ou Venmo, en bitcoins et en équipement, « du crowdfunding ou encore de la vente de produits divers (merchandising) » (cf. Llobet Valère et Auret Nicolas, « The Mozart Group et l’action des sociétés militaires privées américaines en Ukraine », CF2R, Note d’actualité n°604, janvier 2023 (https://cf2r.org/actualite/the-mozart-group-et-laction-des-societes-militaires-privees-americaines-en-ukraine/).

[13] Ces deux structures récoltent des dons sur Donorbox, un logiciel de de collecte de fonds en ligne ; cf. « Donate », Task Force Sunflower (https://www.taskforcesunflower.org/donate/)

[14] Andy Bain suit against Andy Milburn of Mozart Group, part n°15, point O, op. cit.

[15] « About », Task Force Sunflower (https://www.taskforcesunflower.org/#about).

[16] « Services », Task Force Sunflower (https://www.taskforcesunflower.org/).

[17] Régis par l’article 501 paragraphe c alinéa 3 de l’Internal Revenue Code des États-Unis. Ce statut permet aux organisations caritatives de recevoir des donations défiscalisées ; cf. Isenberg David, « The rise and fall of the Mozart Group », Responsible Statecraft, 8 février 2023 (https://responsiblestatecraft.org/2023/02/08/the-rise-and-fall-of-the-mozart-group/)

[18] Orizio Pietro, op. cit.

[19] « About », Obsidian solutions group, (https://obsidiansg.com/about/).

[20] Llobet Valère, et Auret Nicolas, op. cit.

[21] Gettleman Jeffrey, « An American in Ukraine Finds the War he’s Been Searching for », The New York Times, 9 octobre 2022 (https://www.nytimes.com/2022/10/09/world/europe/ukraine-war-americans.html).

[22] Notamment sur d’autres théâtres de conflit comme l’Arménie (cf. Mass Peter, op. cit.).

[23] Bricet des Vallons, Georges-Henri, « Irak, terre mercenaire – Les armées privées remplacent les troupes américaines », éditions Favre, 2010.

[24] « Philanthropy & Campaigns », Private Military.org, 22 mai 2021

(http://www.privatemilitary.org/foundations.html).

[25] Rappelons que Xe fut le nom adopté par l’entreprise Blackwater en 2009, avant de devenir, en décembre 2011, Academi (cf. Cole August, « Blackwater Puts on a New Public Face », The Wall Street Journal, 14 février 2019 )

(https://www.wsj.com/articles/SB123454232273983709).

[26] « Philanthropy & Campaigns », op. cit.

[27] Bricet des Vallons G-H, op. cit.

[28] Dans de nombreux cas, l’argent des donations est gaspillé ou simplement utilisé pour fournir du matériel de piètre qualité (cf. Scheck Justin, Gibbons-Neff Thomas, « Stolen Valor: The U.S. Volunteers in Ukraine Who Lie, Waste and Bicker », The New York Times, 25 mars 2023.

(https://www.nytimes.com/2023/03/25/world/europe/volunteers-us-ukraine-lies.html).

[29] Souriau Vincent, « Guerre en Ukraine : des combattants français témoignent de la férocité des combats et du déficit de matériel », RFI, 9 mars 2023 (https://www.rfi.fr/fr/europe/20230309-guerre-en-ukraine-des-combattants-fran%C3%A7ais-t%C3%A9moignent-de-la-f%C3%A9rocit%C3%A9-des-combats-et-du-d%C3%A9ficit-de-mat%C3%A9riel).

[30] « [Ukraine] Franck, sniper dans la Légion des volontaires internationaux. Témoignage », Xavier Tytelman, 3 février 2023, (https://www.youtube.com/watch?v=vaHgCXShR1c).

[31] Extrait de la page de donation de la Team Berlioz

(https://www.paypal.com/donate/?hosted_button_id=PXN986BAF7XY2).

[32] https://www.youtube.com/shorts/zRhVAmpTcJw

[33] « [Ukraine] Franck, sniper dans la Légion des volontaires internationaux. Témoignage », op. cit.

[34] https://www.tiktok.com/@berliozteam

[35] https://www.paypal.com/donate/?hosted_button_id=PXN986BAF7XY2

[36] Comparaison régulièrement utilisée sur les forums internet depuis le début du conflit en Ukraine, pour parler des troupes russes. Il s’agit d’une référence aux orcs de la saga littéraire et filmique du Seigneur des anneaux.

[37] « Franck et la team vont bien, ils vous remercient pour les dons qui les ont bien aidés !», Xavier Tytelman, 13 mars 2023, (https://www.youtube.com/shorts/Z36ft5B5ozs).

[38] Parmi ces combattants américains, deux ont été fait prisonniers par les forces russes avant d’être relâchés à l’automne 2022 (Toropin Konstantin, « ‘Ambushed’: Former Marine Is Latest Veteran Killed in Ukraine War », Military.com, 1er mai 2023 (https://www.military.com/daily-news/2023/05/01/marine-veteran-killed-helping-evacuees-besieged-ukrainian-city.html)

[39] https://twitter.com/TFBaguette/status/1624070312856805376?cxt=HHwWgICzgYnW7YktAAAA

[40] Extrait de la page principale Trident Defense Initiative (https://tridentdefenseinitiative.com/).

[41] « Home », Trident Defense Initative (https://tridentdefenseinitiative.com/tdi-tactical).

[42] « TDIstaff », Trident Defense Initative (https://tridentdefenseinitiative.com/tdi-staff).

[43] « Donate », Trident Defense Initative (https://tridentdefenseinitiative.com/donate).

[44] L’un est Américain et l’autre Britannique (cf. «Our team», Allied Extract) (https://alliedextract.org/our-team/).

[45] https://www.paypal.com/donate?token=cGL0HczhcDpUrihK0wMLjtbykEGa06WYmDVQ54rzZNpwDwmZm42kX7oWnLPTB6ilpxSZPNexhDOBMXZY

[46] Notons que l’ONG intervient en Ukraine et en Afghanistan. (cf. «About our organisation », Allied Extrac)(https://alliedextract.org/about-us/).

[47] Extrait de la page principale de Ghost of Liberty (https://ghostsofliberty.com/).

[48] «US Ghost Adventures’ Founder and Marine Corp Veteran Launches ‘Ghosts of Liberty’ to Provide Training, Equipment and Supplies to Ukraine », PR Newswire, 30 juin 2022 (https://www.prnewswire.com/news-releases/us-ghost-adventures-founder-and-marine-corp-veteran-launches-ghosts-of-liberty-to-provide-training-equipment-and-supplies-to-ukraine-301579288.html).

[49] « Home », Ghosts of Liberty (https://ghostsofliberty.com/).

[50] Extrait de « Стрільба, медицина та самозахист. 11 навчальних курсів, які можна пройти у воєнний час », Wonder Україна, 16 septembre 2022 (https://www.wonderzine.com.ua/wonderzine/life/life/12539-strilba-meditsina-ta-samozahist-11-navchalnih-kursiv-yaki-mozhna-proyti-u-voenniy-chas).

[51] Ibid.

[52] « Дмитро Зубков про те, де можна отримати кваліфікаційну військову підготовку », KyivFM, 15 décembre 2022 (https://www.youtube.com/watch?v=w_fe37w1ynM).

[53] Ibid.

[54] Il s’agirait d’un ancien caporal de la Légion étrangère (cf. « Стрільба, медицина та самозахист. 11 навчальних курсів, які можна пройти у воєнний час », op. cit.

[55] Ibid.

[56] Gris Mauricio, op. cit.

[57] Barluet Alain, « En Tchétchénie, à l’Université des forces spéciales de Kadyrov : le récit de l’envoyé spécial » du Figaro », Le Figaro, 5 avril 2023 (https://www.lefigaro.fr/international/en-tchetchenie-a-l-universite-des-forces-speciales-de-kadyrov-le-recit-de-l-envoye-special-du-figaro-20230405).

[58] Extrait de UDSG, « About US », (https://ukrainedsg.com/).

[59] Brennan David, « How Russian Forces in Ukraine Are Learning to Fight: U.S. Veteran Trainer », News Week, 3 mars 2023 (https://www.newsweek.com/how-russian-forces-ukraine-learning-fight-american-veteran-trainer-1787239).

[60] https://www.linkedin.com/in/paul-schneider-863272159/

[61] https://www.linkedin.com/in/david-holdsworth-52630062/

[62] « Help our cause », UDSG (https://ukrainedsg.com/).

[63] Gaüzere David, « Le bataillon Touran, un nouveau venu en Ukraine », Note d’Actualité n°605, CF2R, janvier 2023 (https://cf2r.org/actualite/le-bataillon-touran-un-nouveau-venu-en-ukraine/).

[64], « Help », Kastuś Kalinoŭski Regiment (https://kalinouski.org/en/help/).

[65] « Help », Georgian National Legion (https://georgianlegion.com.ua/en/).

[66] Blackwell Tom, « Incompetence or the realities of war? Turmoil for Canadian-led foreign battalion in Ukraine », National Post, 6 mai 2022 (https://nationalpost.com/news/canada/turmoil-for-norman-brigade-canadian-led-foreign-battalion-in-ukraine).

[67] Le groupe basé dans le sud-est de l’Ukraine se cantonnerait à défendre un seul village où vivrait la femme et les enfants ukrainiens de « Hrulf » (cf. Blackwell Tom, op. cit.).

[68] « Help », Kastuś Kalinoŭski Regiment, op. cit.

[69] https://www.bonfire.com/store/norman-brigadebrigade-normande/

[70] Scheck Justin et Gibbons-Neff Thomas, op. cit.

[71] Timson Jamie, « Why are private military companies playing such a major role in Ukraine ? », The Week, 24 janvier 2023 (https://www.theweek.co.uk/news/world-news/russia/959374/why-are-private-military-companies-playing-a-such-a-large-role-in).

[72] Gettleman Jeffrey, « Hard Drinking and Murky Finances : How an American Veterans Group Imploded in Ukraine », The New York Times, 1 février 2023

(https://www.nytimes.com/2023/02/01/world/europe/american-veterans-ukraine-mozart.html).

[73] Brennan David, « How Russian Forces in Ukraine Are Learning to Fight: U.S. Veteran Trainer », News Week, 3 mars 2023 (https://www.newsweek.com/how-russian-forces-ukraine-learning-fight-american-veteran-trainer-1787239).

[74] Ibid.

[75] « Ukraine2022-Ykpaïha », Stratégie, 8 mars 2023 (https://www.youtube.com/watch?v=lPJ4w6Wa4Fg).

[76] Intelligence Online, 3 mars 2023.

[77] « Des mercenaires américains en Ukraine », Le Figaro, 11 mai 2014, (https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/05/11/97001-20140511FILWWW00036-des-mercenaires-americains-presents-en-ukraine.php).

Madagascar: l’ex-colonel Philippe François, condamné pour tentative de coup d’État, transféré en France

Madagascar: l’ex-colonel Philippe François, condamné pour tentative de coup d’État, transféré en France


Cet ex-colonel français, reconverti dans les affaires, avait été condamné en 2021 à dix ans de travaux forcés pour un coup d’État à l’encontre du président malgache.

L’ex-colonel de l’armée française, Philippe François, condamné par la justice malgache à dix ans de «travaux forcés» pour coup d’État et tentative d’assassinat du président Rajoelina, a été transféré vendredi en France, selon plusieurs sources politiques.

«Il a été transféré aujourd’hui (vendredi, ndlr)», a déclaré à l’AFP une source politique malgache. «Il s’agit d’un transfèrement et non d’une extradition», a précisé une autre source politique, expliquant que ce transfert permet au condamné français de purger sa peine en France, où il devait arriver dans la journée en passant par la Réunion.

L’affaire «Apollo 21»

Philippe François, 55 ans, reconverti dans les affaires, avait été arrêté à Madagascar en juillet 2021 dans l’affaire dite «Apollo 21». La justice du pays l’avait condamné la même année en première instance, décision confirmée l’année suivante en cassation. Il était incarcéré depuis son arrestation à la prison de haute sécurité de Tsiafahy, dans la banlieue de la capitale Antanarivo.

À Madagascar, les travaux forcés et le bagne ont été abolis en 2010 mais la notion est restée et correspond en pratique à une peine de prison. Au total, 20 personnes ont été mises en cause dans cette affaire, dont des membres des forces spéciales soupçonnés d’avoir été recrutés pour former un commando en vue de perpétrer le coup lors d’une opération répondant au nom de code «Apollo 21». Un fusil de chasse, un document compromettant intitulé «Budget Apollo 21» et d’importantes sommes en liquide ont été retrouvées par les enquêteurs.

Philippe François a été reconnu coupable d’avoir joué les complices en dissimulant le projet à travers une société écran. Il avait été condamné en même temps que le franco-malgache, Paul Rafanoharana. Ancien conseiller d’Andry Rajoelina et considéré comme le cerveau du complot, Paul Rafanoharana avait écopé de 20 ans de prison assortis de travaux forcés. Il n’a pas bénéficié d’un transfert à ce stade, selon ses avocats.

Les équipements des armées légèrement rabotés dans la dernière mouture du budget 2023

Les équipements des armées légèrement rabotés dans la dernière mouture du budget 2023

– Forces opérations Blog – publié le

Le projet de loi de finances pour 2023 a été définitivement adopté le 15 décembre, moyennant un nouveau recours à l’article 49.3 de la Constitution. S’il entérine une hausse de 3 Md€ pour le budget des armées, l’exercice se solde aussi par un petit mouvement défavorable aux équipements des forces.

Il faut une certaine dextérité visuelle pour le détecter dans la masse de chiffres, mais le programme 146 « Équipements des forces » s’est vu ponctionner de 74 M€ en autorisations d’engagement et de 23,2 M€ en crédits de paiement dans la dernière mouture du PLF.

La raison invoquée ? Assurer la recevabilité financière d’un amendement déposé par le sénateur Joël Guérriau (Les Indépendants – République et territoires) et grâce auquel les armées pourront « accélérer l’effort » et « accroître le budget consacré en 2023 à la rénovation des restaurants gérés par le Service du commissariat des armées ».

L’effort de rénovation, à l’origine crédité de 147 M€ pour 2023, apparaît « comme une préoccupation importante portée par le ministère des armées afin de proposer à nos militaires et civils de la défense une restauration de meilleure qualité », complétait-t-il. Message reçu par le gouvernement, qui a donc intégré un amendement pourtant rejeté plus tôt par le Sénat « en raison de son gage sur les crédits destinés à l’équipement des forces armées ».

Selon l’amendement déposé, l’opération se fera au détriment de l’action 09 « Engagement au combat » du programme 146, la plus importante devant la dissuasion avec près de 5,2 Md€ de crédits de paiement. Elle englobe notamment des sujets terrestre clés tels que le VBCI – programme à effet majeur dont la clôture était prévue pour 2022-, l’hélicoptère Tigre, le missile moyenne portée ou encore l’environnement SCORPION. Même si elle n’est jamais plaisante, la ponction reste minime et aura au moins le mérite de rappeler que la qualité de l’alimentation est au moins aussi importante que celle des équipements.

Crédits image : armée de Terre

Var : le parquet militaire ouvre une enquête après le tir ayant déclenché un incendie

Var : le parquet militaire ouvre une enquête après le tir ayant déclenché un incendie

Le feu s’est déclenché samedi, après un exercice d’artillerie au camp militaire de Canjuers (Var). Toujours actif ce lundi, il a décimé 700 ha de végétation sans faire de blessés.

 

L’incendie de Canjuers vu depuis un avion reliant Paris à Nice. LP/Matthieu de Martignac
L’incendie de Canjuers vu depuis un avion reliant Paris à Nice. LP/Matthieu de Martignac
20 juin 2022
https://www.leparisien.fr/faits-divers/var-le-parquet-militaire-ouvre-une-enquete-apres-le-tir-ayant-declenche-un-incendie-20-06-2022-2WVASFRCCBCK3D6JPODSLKLPBA.php


Alors que les pompiers sont toujours à pied d’œuvre pour tenter d’éteindre le violent incendie qui s’est déclenché samedi dans le camp militaire de Canjuers (Var) après un exercice d’artillerie, le parquet militaire de Marseille s’est saisi d’une enquête, a appris ce lundi Var-Matin de source judiciaire.

Les investigations confiées à la gendarmerie devraient notamment porter sur les conditions de sécurité dans lesquelles les manœuvres militaires ont été effectuées ce jour-là, précise le journal régional.

Le feu, qui s’est déclaré samedi à l’intérieur de ce vaste camp d’entraînement de l’armée française à la suite d’un tir d’artillerie, était toujours actif dimanche soir et a brûlé quelque 700 ha de végétation, a-t-on appris auprès des pompiers.

« Grosse reprise » dimanche

Samedi dans la soirée, l’incendie était « presque fixé », c’est-à-dire qu’il n’avançait plus, avait indiqué la préfecture du Var, mais dimanche après-midi « on a assisté à une grosse reprise », a indiqué dimanche soir le capitaine des pompiers du Var Stéphane Nepper.

Quelque 100 ha supplémentaires d’herbe ont été brûlés dimanche après-midi et étaient « en cours de traitement » grâce notamment à sept avions bombardiers d’eau, a précisé vers 20 heures le service communication des pompiers du Var.

Depuis samedi, environ 300 pompiers sont mobilisés, certains venant de départements voisins, pour éteindre les flammes – circonscrites dans l’enceinte du camp – et 85 véhicules ont été déployés. Isolé, le complexe militaire de Canjuers se situe à des dizaines de kilomètres des habitations.

À noter que le département du Var ne faisait pas partie des zones placées en vigilance canicule samedi, au moment du tir, mais comptait deux communes en crise sécheresse et 96 en alerte sécheresse et les températures étaient particulièrement élevées. Le risque d’incendie était cependant qualifié de « modéré ».

Un événement similaire s’était déjà produit en juillet 2009 dans le sud de la France. Aux portes de Marseille, un énorme incendie provoqué par des tirs d’entraînement avec des balles traçantes – munies d’un dispositif pyrotechnique -, s’était déclaré dans le camp militaire de Carpiagne, au-dessus des calanques.

Le feu, qui avait parcouru quelque 1 300 ha, s’était propagé dans les collines surplombant la deuxième ville de France, et n’avait été circonscrit qu’au bout de trois jours, faisant deux blessés. Les autorités avaient dénoncé « l’imbécillité du geste » des militaires. Un légionnaire qui avait ordonné les tirs avait été condamné en 2015 à six mois de prison avec sursis.

Ukraine : la vision et les rappels du CEMA

Ukraine : la vision et les rappels du CEMA

 

 

par le Mamouth – publié le 11 mars 2022

https://lemamouth.blogspot.com/2022/03/ukraine-la-vision-et-les-rappels-du-cema.html#more


Dans un courrier qui n’avait sans doute pas vocation à être rendu public, en tout cas, pas aussi vite, le CEMA livre son appréciation de situation de la guerre entre l’Ukraine et la Russie (qui l’a commencée). Le courrier aux officiers généraux est daté du 9 mars.

Le général Thierry Burkhard, qui avait prophétisé la haute intensité dans sa vision de CEMAT (il y a plus de 3 ans, avant le CEMA en poste…) estime que l’objectif de la Russie est notamment, après la prise de Kiev et du président ukrainien, de « couper en deux les forces ukrainiennes pour empêcher une résistance coordonnée dans la durée« .

« Il est clair que Vladimir Poutine a sous-estimé plusieurs points, poursuit-il : la combativité des forces ukrainiennes qui leur permet de mener une résistance efficace, la solidarité européenne extrêmement forte, l’ampleur de l’émotion internationale (à mon sens, encore surestimée tant que les horreurs de la guerre russe ne sera pas bien visible, NDLR) ».

« Il est désormais dans une situation stratégique qu’il n’avait sans doute pas anticipée. Alors que l’opération spéciale devait montrer la force de la Russie, c’est l’inverse qui se produit. Cela rend Vladimir Poutine d’autant plus imprévisible (…) Tout peut arriver et nous devons y être prêts.« 
« Pour ce qui concerne la suite des évènements, je considère qu’en dépit de la remarquable résistance dont elles font preuve, les forces ukrainiennes, confrontées à la difficulté de tenir un dispositif étiré, sans réserve opérative, pourraient connaître un effondrement subit. La défense civile -ou territoriale- ne prendra pas pour autant fin, notamment dans les localités assiégées. La guerre pourrait durer. Dans la mesure où le deuxième échelon russe est déjà engagé, Moscou sera contraint de déployer des moyens supplémentaires. Se posera alors la question des armées russes à tenir un tel engagement de manière prolongée, ce qui pourrait ouvrir la porte à des négociations plus équilibrées qu’attendu ».

« Plus que jamais, la cohésion nationale est une condition de l’efficacité opérationnelle des armées, dont la mission n’a jamais été aussi claire ni aussi essentielle depuis la fin de la guerre froide : forces conventionnelles et forces nucléaires s’épaulent en permanence« .