Le chef d’état-major de l’armée de Terre veut « mieux tirer parti du renseignement de terrain »
par Laurent Lagneau – Zone militaire – Le 01-03-2018
Hussards du 2e RH au Mali (c) – EMA
Créé en juillet 2016 en reprenant les traditions de la brigade de renseignement, le commandement du renseignement (COM.RENS) a pour mission de contribuer « à la à la production du renseignement d’intérêt Terre des forces terrestres pour leur préparation et leurs engagements opérationnel » et d’apporter « aux autorités de l’armée de Terre l’appréciation globale de situation du milieu aéroterrestre dont elles ont besoin pour l’exercice de leur commandement et la conduite du dialogue interarmées, en coopération étroite avec la DRM [Direction du renseignement militaire, ndlr], autorité interarmées du renseignement. »
Pour cela, le COM.RENS s’appuie sur plusieurs unités spécialisées, dont le 61e Régiment d’Artillerie (drones tactiques), les 44e et 54e Régiments de transmissions (guerre électronique et acquisition du renseignement d’origine électromagnétique), le 28e Groupe géographique et le 2e Régiment de Hussards (le « régiment de recherche humaine des forces terrestres »).
Cela étant, pour le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), qui connaît bien ses questions pour avoir été directeur de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD, désormais DRSD), le renseignement de terrain doit être davantage valorisé.
« Nous devons mieux organiser et mieux tirer parti du renseignement de niveau tactique, le renseignement de terrain », a en effet récemment affirmé le CEMAT devant les députés de la commission de la Défense.
« Au cours de nos opérations, nous avons pris l’habitude de travailler avec du renseignement fourni par des capteurs très perfectionnés et nous avons peut-être sous-évalué l’intérêt du renseignement tactique », a ensuite expliqué le général Bosser. Et d’ajouter : « Moi-même, en créant le pilier renseignement de l’armée de terre, j’ai vu une partie de mes hommes formés s’en aller vers le haut, vers les services de renseignement, par exemple vers la DRM pour travailler dans le renseignement de niveau stratégique. »
Du coup, comme l’a souligné le CEMAT, « en habillant Paul, on a un peu déshabillé Pierre. » Or, a-t-il continué, le renseignement tactique est un « vrai » métier. « Entrer dans un village, demander qui est venu s’approvisionner sur le marché la semaine dernière, etc. C’est intéressant », a-t-il fait valoir. D’autant plus que ces informations sont susceptibles « d’améliorer le renseignement fourni par ailleurs grâce à d’autres capteurs. »
Aussi, avec les nouveaux moyens technologiques, le renseignement d’origine humaine (ROHUM) est sans doute délaissé. Or, pour le général Bosser, c’est un piège qu’il faut éviter. C’est ce qu’il a fait comprendre quand il a nouvelle fois aborder cette question au cours de cette audition.
« Actuellement, on laisse à penser qu’on peut faire la guerre – comme dans les téléfilms – grâce aux drones, opérationnels de jour comme de nuit. En réalité, si vous interrogez le général Guibert qui commande l’opération Barkhane, il vous expliquera que le Reaper est certes efficace, mais dans un cadre espace-temps assez limité. Il est également utile pour confirmer un renseignement dans un espace extrêmement restreint », a souligné le CEMAT.
« Un Reaper transmet une image de cent cinquante mètres sur cent cinquante. À l’échelle de l’Europe ou du Mali – aussi grand que la France, le Portugal et l’Espagne réunis –, un Reaper ne permettra donc pas de faire du renseignement », a-t-il ajouté.
« En revanche, vous apprenez beaucoup quand vous vous promenez dans les villages, quand vous discutez avec les gens sur les marchés, ou plus généralement lorsque vous faites du renseignement d’origine humaine. Ces informations peuvent ensuite être éventuellement confirmées par des moyens de renseignement technique », a conclu le général Bosser.