Derrière Cold Response, le 2e régiment de dragons prêt à « resplendir » si l’OTAN l’exige

Derrière Cold Response, le 2e régiment de dragons prêt à « resplendir » si l’OTAN l’exige


Clap de fin pour l’exercice Cold Response 2022, lancé mi-mars en Norvège. Seule unité française spécialisée dans les menaces NRBC, le 2e régiment de dragons de l’armée de Terre y aura contribué à la défense collective des troupes engagées et des populations. Sa mission continue, sur fond de guerre en Ukraine et d’activation de la Force de réaction de l’OTAN, dans laquelle le régiment mène le pilier NRBC. Entre la neutralisation d’un laboratoire clandestin et la désinfection d’un avion de ligne – toutes deux fictives -, son commandant, le colonel Thierry Pern, revient sur les enjeux de cet exercice et son rôle au sein du dispositif OTAN.

Le 2e RD est régulièrement intégré dans la Force de réaction de l’OTAN (NRF). Quelles sont vos missions ? Quels moyens maintenez-vous en alerte cette année et en coordination avec quels pays ?

COL Pern : Cette année, je commande la Task Force NRBC de la NRF, composée, hormis le 2e RD, d’Espagnols, Roumains, Slovaques, Polonais, Bulgares et Hongrois. Ce commandement résulte de deux années de préparation qui ont culminé par une étape de certification. Je suis ensuite placé sous la responsabilité de l’Allied Joint Force Command [JFC] de Brunssum, donc le niveau interarmées et interalliés responsable de la tenue de mon alerte. Depuis le début de la crise ukrainienne, cette alerte NRF a été désignée comme étant une réserve stratégique du SHAPE, le commandement suprême interalliés à la tête de plusieurs JFC.

Cette réserve stratégique comprend cinq unités complémentaires de commandement, de logistique, d’unités multifonctions NRBC et d’unités d’appui NRBC spécialisées dotées de capacités particulières d’analyse en laboratoire. Ces unités ont différents contrats opérationnels afin d’être capables de se déployer dans un délai compris entre deux jours et, actuellement, 30 jours. Cette composante NRBC intervient en complément des capacités génériques détenues par tout soldat, aviateur ou marin de l’Alliance. Nos capacités vont contribuer à prévenir et restaurer le danger grâce à des outils concrets de prélèvement, d’identification et de décontamination.

En ce moment, sept nations contribuent à la TF NRBC en complément de mon régiment. En terme de volume, le 2e RD comprend environ 1100 spécialistes NRBC, en ce y compris la réserve. Je n’engage pas la totalité dans cette Task Force. Pour Cold Response, j’avais deux unités déployées sur le terrain, en plus de moyens logistiques et de commandement. De même, les contributions de ces alliés peuvent évoluer au moment où l’on va se déclencher. Chacun décidera alors du niveau de flexibilité, en décidant éventuellement d’allouer un peu plus de moyens. L’alerte NRF n’est par ailleurs pas un bloc insécable. Aujourd’hui, on me demande d’être ‘activé’, c’est donc le dernier ‘clic’ avant un déploiement. Ce dernier ne s’effectuera pas forcément d’un seul bloc. Selon la mission attribuée, je vais sélectionner les éléments nécessaires et les capacités sur lesquelles il faut porter l’effort. Il y a une réelle flexibilité dans le choix des unités. Le 2e RD en comprend plusieurs, chacune d’un volume d’environ 120-125 militaires.

J’ajouterai qu’il n’y a pas de différences fondamentales entre les nations de la TF NRBC. Nous appliquons tous une même doctrine OTAN définissant des principes généraux. Derrière, nous avons évidemment des matériels différents mais complémentaires. Un pays disposera, par exemple, de moyens de reconnaissance blindés. Celui qui n’en dispose pas agira différemment mais, au fond, face aux risques et aux menaces NRBC, tout le monde va finalement se protéger de façon comparable, nous allons tous détecter et identifier le danger selon des méthodes comparables. Surtout, nous nous entraînons régulièrement ensemble. Ce fût le cas l’été dernier à proximité de Fontevraud avec cinq pays de l’OTAN, l’occasion notamment de tester nos moyens de communication.

Découverte et neutralisation d’un laboratoire clandestin de fabrication d’armes biologiques, mission réalisée en coopération avec la CBRN School norvégienne

Quelques mois plus tard, vous voilà déployés en Norvège pour l’exercice Cold Response 2022. Quels en sont les axes d’effort, les scénarios joués et quels sont les moyens envoyés ?

COL Pern : Durant les premiers jours et à l’occasion de l’exercice Brilliant Jump, nous avons surtout joué des missions de déploiement logistique et de soutien. Ce n’est peut-être pas spectaculaire mais cela reste fondamental d’être en mesure de déployer nos capacités de façon cohérente pour que, lorsqu’on arrive, les transmissions radio fonctionnent, que nos gens aient reçu leur dotation, leurs munitions, leurs solutions de décontamination, leurs appareils spécifiques. Il est avant tout essentiel que tous puissent vivre et durer sur le terrain dans un climat difficile.

Pour Cold Response, nous avons commencé par travailler sur différents scénarios dans une logique de montée en puissance. Ce fût tout d’abord de l’instruction dans de nouveaux milieux, sur de nouveaux matériels. Ensuite, nous nous sommes concentrés sur des savoir-faire métier avec nos partenaires norvégiens. Nous avons ainsi travaillé sur des vignettes NRBC en partenariat avec l’école NRBC norvégienne. C’est seulement au bout de deux semaines de montée pédagogique que nous avons basculé sur de l’intégration interarmes, interalliés et interarmées dans des scénarios complexes où, en plus des savoir-faire métier, nous retrouvions l’environnement tactique marqué par une situation de combat qui évolue, par une pression chronologique, par la fatigue. Cette phase finale était donc la plus exigeante.

Au bout, l’exercice ne s’arrêtait pas le 1er avril. Suivra alors une phase d’analyse après action émaillée de questionnements. Avons-nous été efficients ? Où sont nos marges de progrès ? Qu’est ce qui a bien fonctionné et doit être conservé ? Le tout avec l’objectif d’être au moins aussi bons la prochaine fois. Le tout aussi en conservant une posture strictement défensive, puisque notre mission ne relève en rien de la mise en œuvre d’armes dites « de destruction massive » mais bien de se préparer aux menaces allant de l’action délibérée de l’ennemi sur base de son armement à l’exploitation par cet ennemi de structures à risques, comme le tissu industriel.

Désinfection et restauration d’un VAB NRBC du 2e RD

Cold Response intervient sur fond d’invasion de l’Ukraine par la Russie. Au travers de la NRF, la TF NRBC a été activée pour la première fois, qu’est ce que cela signifie concrètement pour vous, vos soldats et les nations placées sous vos ordres ?

COL Pern : Cette activation est en effet une première depuis la mise sur pied de la NRF en 2004. Nous concernant, j’ai envie de dire que nous avons le ‘calme des vieilles troupes’, résultat du travail d’entraînement et de certification mené depuis des mois. Étant d’alerte depuis plusieurs semaines, cette annonce ne résonne donc pas comme un coup de tonnerre pour nous. Concrètement, l’activation se traduit par une révision ligne par ligne de nos tableaux d’effectifs, de nos matériels. Et si l’un ou l’autre dragon est, par exemple, en stage de formation, nous déterminons si, en cas de déclenchement, il faut battre le rappel ou le remplacer par quelqu’un d’autre. De même, nous déterminons si tel ou tel matériel tombé en panne le mois dernier doit être remplacé ou réparé au plus vite. L’entretien d’un véhicule sera parfois anticipé. En dehors de ce travail de fourmi, il n’y a pas eu d’affolement lors de l’activation.  

Je suis d’ailleurs très serein parce que ce qui peut m’être demandé sur ordre en cas de déploiement vient exactement d’être joué en Norvège. Nous avons joué la phase de projection, nous avons nos armes, nos munitions, nos équipements de protection. Les stocks de consommables propres au domaine NRBC, tant en régiment qu’ailleurs, sont constitués. Notre consommation étant élevée, nous disposons d’une logistique qui nous est spécifique. Et c’est bien pour cela que j’accorde une grande importance à la logistique spécialisée NRBC. Enfin, n’oublions pas que le 2e RD n’est pas ‘propriétaire’ de la capacité NRBC française. Chaque soldat, marin ou aviateur détient aussi des moyens de protection individuels et collectifs.

Aujourd’hui, le 2e RD est donc prêt à répondre à un éventuel appel de l’OTAN ?

COL Pern : Tout à fait fait, nous sommes prêts à être fidèle à la devise du régiment, qui est « Donnez m’en l’occasion et je resplendirai ». Mes soldats sont impatients d’être engagés. Ils ont travaillé dur pour cela et n’attendent que l’opportunité de montrer qu’ils sont prêts.