Des HIMARS pour la France ?
Des lance-roquettes multiples HIMARS pour la France ? L’idée, qui aurait paru saugrenue il y a un an et fera bondir les partisans du principe de souveraineté, est désormais évoquée dans les rangs politiques. Principal argument avancé : le renouvellement et le renforcement anticipé des capacités de frappe dans la profondeur de l’armée de Terre.
C’est peut-être, à l’instar du missile antichar Javelin, l’un des armements les plus emblématiques parmi tous ceux fournis à l’Ukraine pour la soutenir dans son combat face à la Russie. Le HIMARS, ce lance-roquettes multiples fabriqué aux États-Unis par Lockheed Martin et livré à une vingtaine d’exemplaires aux forces ukrainiennes suscite toujours plus d’intérêt de la part des armées de l’OTAN. Jusqu’en France ? Un scénario en apparence impensable mais que le député François Cormier-Bouligeon (Renaissance) n’hésite pas à mentionner dans son rapport pour avis pour le projet de loi de finances 2023.
Dans son rapport sur les crédits alloués aux équipements, celui-ci relève que les personnes auditionnées « se sont, par ailleurs, accordées sur la nécessité de prioriser les équipements qui devront faire l’objet d’un effort rapide dans la prochaine loi de programmation militaire ». Il en ressort qu’un effort à court terme devrait porter sur les feux dans la profondeur. Un constat en partie partagé par l’État-major de l’armée de Terre (EMAT), qui, dans un document daté de juillet dernier, classe les feux dans les capacités « à acquérir en nombre suffisant ». La frappe dans la profondeur y repose sur deux piliers : la rénovation à mi-vie du lance-roquettes unitaire (RMV LRU) et les « feux longue portée terrestres ».
Des LRU français, il n’en reste en théorie que 13 exemplaires en service au sein du 1er régiment d’artillerie, voire probablement moins selon certains parlementaires. Trois d’entre eux pourraient être donnés à l’Ukraine. Est-il donc toujours opportun de lancer un programme de rénovation pour une poignée de véhicules ? D’après François Cormier-Bouligeon, il ressort des échanges menés en vue de son rapport « qu’un des objectifs de la prochaine LPM devrait être d’anticiper leur renouvellement, afin d’être en mesure d’acquérir une nouvelle capacité plus rapidement, à l’image des lance-roquettes M142 HIMARS américains, qui disposent d’une portée de 300 km (contre 40 km pour les systèmes de canons CAESAr) ».
L’idée d’un « HIMARS français » a un temps été étudié dans les rangs industriels français. Mais le projet, construit semble-t-il à partir d’un châssis de CAESAR, n’a pas dépassé le stade de la planche à dessin. Aujourd’hui, une solution nationale ne paraît pouvoir émerger avant au moins une quinzaine d’années, horizon d’ailleurs fixé pour le programme franco-allemand d’artillerie du futur (CIFS) supposé succéder aux CAESAR et LRU. Seul l’HIMARS est dès lors à même de répondre à l’urgence.
Reste que, à supposer que la France franchisse ce pas dans sa LPM 2024-2030, elle ne fera que s’ajouter à une liste déjà longue de clients. Dès le mois de mai, la Pologne a engagé un processus visant à l’acquisition de 500 exemplaires. D’autres ont suivi le mouvement, à commencer par les trois pays baltes. Tallinn en souhaite 36, Vilnius 8 et Riga 6. Et c’est sans compter sur les autres contrats à l’export en cours de réalisation et les besoins accrus du client national.
Face à une demande croissante, Lockheed Martin a décider de retrousser ses manches. Mi-octobre, son PDG, James Taiclet, a annoncé la mise en place d’un plan d’accélération en coordination avec sa chaîne de sous-traitance. Le géant américain a ainsi déjà investi 65 M$ sur fonds propres pour réduire les délais. Il espère à terme doubler sa capacité de production pour parvenir à sortir jusqu’à 96 HIMARS par an à compter de l’été prochain, contre 48 début 2022.