Des pays européens s’interrogent sur leur possible recours à des munitions prohibées

Des pays européens s’interrogent sur leur possible recours à des munitions prohibées

Déminage en cours dans le village de Davydiv Brid, dans la region de Kherson, le 27 novembre 2024. (Photo by Fiora Garenzi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

C’est effectif depuis le 6 mars: en se retirant de la Convention sur les armes à sous-munitions, la Lituanie est devenue le premier État à quitter la convention conclue à Dublin le 30 mai 2008 et entrée en vigueur le 1er août 2010.

Pour rappel, le 18 juillet 2024, le Parlement lituanien avait voté pour confirmer la décision du gouvernement de se retirer de la Convention sur les fameuses armes à sous-munitions qui font des ravages tant parmi les combattants que parmi les populations civiles de pays en guerre. Le processus de retrait a commencé lorsque, le 6 septembre suivant, la Lituanie a officiellement notifié aux Nations unies son intention de se retirer. Conformément aux règles de la convention, tout retrait prend effet six mois après la notification, ce qui fixait la date effective au 6 mars 2025.

Cette décision lituanienne pourrait ouvrir la voie à une tendance dangereuse.

Comme le regrette Handicap International, « la décision de la Lituanie intervient à un moment où la stigmatisation de ces armes a été affaiblie : des armes interdites, comme les armes à sous-munitions et les mines antipersonnel, ont été largement utilisées dans des conflits tels que l’Ukraine et la Syrie, causant de nombreuses victimes et souffrances parmi les civils. Elle fait également suite à la décision des États-Unis de livrer des armes à sous-munitions à l’Ukraine en 2023″.

D’autres pays d’Europe de l’est et du nord envisagent aussi de se retirer de certains traités limitant le recours à certains types d’armes.

La Finlande a signé la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel en juillet 2012. Helsinki a depuis détruit la totalité de son stock de mines antipersonnel, soit un million d’exemplaires. Mais la Finlande estime que la situation sécuritaire n’est plus la même aujourd’hui. C’est pourquoi les forces de défense finlandaises envisagent de réintroduire les mines antipersonnel dans leur arsenal. Le 23 novembre 2024, le chef d’état-major des armées, le général Janne Jaakkola, s’exprimant sur la télé MTV, avait estimé que son pays devrait réfléchir à l’emploi des mines antipersonnel. Une étude en ce sens a donc été lancée, tout comme une pétition pour le retrait de la Convention d’Ottawa qui a recueilli, entre le 6 et le 10 décembre, dernier 50000 signatures.

L’Estonie envisage aussi de se retirer de la Convention d’Ottawa et le pays Balte qui s’alarme des appétits russes se disait en novembre dernier prêt à suivre l’exemple finlandais.

La Lettonie, en revanche, reste opposée à un retrait de la Convention. Toutefois, le débat est lancé au sein de la classe politique.

Un démineur de l’ONG HALO Trust, près de Mykolaiv, en juin 2024. (Photo by Genya SAVILOV / AFP)

Plus vite et plus loin

Sur ces questions de retrait des conventions internationales, la Pologne pourrait devancer la Finlande et l’Estonie.

Dans un discours au Parlement, vendredi 7 mars, le chef du gouvernement polonais, le pro-européen Donald Tusk, a annoncé qu’il allait « recommander un avis favorable au retrait de la Pologne de la Convention d’Ottawa et éventuellement de la Convention de Dublin ».

« Je parle ici des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions », a-t-il précisé, avant d’ajouter: « Nous devons être conscients que la Pologne doit exploiter les possibilités les plus modernes, y compris en ce qui concerne les armes nucléaires et les armes modernes non conventionnelles ».

Tentation européenne

En février, le think tank britannique RUSI (Royal United Services Institute) a publié une étude intitulée « Tactical Developments During the Third Year of the Russo–Ukrainian War. «Il y est recommandé que les membres européens de l’OTAN « régénèrent leurs capacités à déployer des mines AT [antitanks] et AP [antipersonnel]. » L’étude avertit que si les armées européennes ne retrouvent pas cette capacité à stocker et à déployer des mines pour une future guerre terrestre, elles « risquent de ne pas avoir la létalité nécessaire pour combattre efficacement ».

David Galbreath va plus loin. Lui qui enseigne les questions militaires et technologiques à l’Université britannique de Bath, estime que « tout traité sur la réduction des armements qui pénaliserait les actions défensives doit être remis en question quand c’est la défense qui l’emporte sur toute autre considération ». Il estime aussi que, depuis la décision américaine, en 2024, de livrer des mines antipersonnel aux Ukrainiens, « le tabou sur le recours aux mines a été levé ».

Il y a donc fort à craindre que le gel des positions des armées russes et ukrainiennes sur l’actuel front, ainsi que la construction de murs et de réseaux défensifs de la Finlande à l’Ukraine, face à la Russie et à la Biélorussie, ne s’accompagnent d’un recours massif  aux mines AP (antipersonnel) et AT (antitanks) pour fortifier les frontières. Et pour dissuader le Kremlin de se lancer dans toute nouvelle manœuvre impérialiste.