Exercice Orion : quand l’armée française envahit le sud de la France
La deuxième phase d’un entraînement majeur de l’armée française se déroule cette semaine dans le sud du pays. Sept mille militaires sont impliqués.
Par Théo Sauvignet – Le point – publié le 23 février 2023
Pas de panique si vous habitez dans le sud de la France et que des centaines de soldats français envahissent subitement votre village : ils participent simplement à un exercice d’une grande ampleur, inédite ces trente dernières années : Hemex-Orion. Sept mille militaires ont entamé depuis le mardi 21 février la phase 2 de cet entraînement international qui simulera « l’entrée en premier » des forces françaises dans 14 départements, de la Garonne au Var.
Le scénario de cet exercice a été écrit par un groupe canadien et met en scène un pays fictif dont le territoire correspond à la France : Arnland. Le sud de ce territoire est déstabilisé par des milices soutenues par un voisin hostile à l’est, Mercure. Sous l’égide de l’ONU, la France décide d’intervenir et de lancer une vaste opération depuis les mers et les airs en Arnland pour les combattre. Les forces françaises devront donc entrer dans un territoire hostile, dit « contesté », et rapidement se déployer pour sécuriser la zone et établir une tête de pont à Sète : c’est ce que les militaires appellent « l’entrée en premier ».
Un exercice international
Mille soldats français joueront les « rouges » (on qualifie ainsi les ennemis lors d’un exercice, ici les milices), soit un volume considérable et à l’échelle d’un théâtre de haute intensité. En face d’eux, une force dirigée par les Français mais incluant aussi des éléments alliés : des soldats de la British Army, des aviateurs américains, et des éléments de sept autres marines européennes qui s’ajouteront à la flotte notamment composée de deux porte-hélicoptères amphibies français au large des côtes du golfe du Lion.
Au programme, notamment : des simulations de frappes aériennes, des parachutages autour de Castres, un débarquement amphibie depuis deux porte-hélicoptères à Sète, le tout en terrain libre. Cela signifie que les soldats n’évolueront pas uniquement sur des terrains militaires, mais parmi la population civile. Orion renouera donc avec ce type de manœuvres, largement délaissées depuis les années 2000 et la contraction des forces françaises. En 2019, le général Thierry Burkhard, alors nouvellement chef d’état-major des armées, annonçait déjà le retour de cette pratique, essentielle pour se préparer aux futurs conflits.
L’objectif est de recentrer l’entraînement des armées sur la conflictualité moderne, notamment la haute intensité.général Le Nen
L’opération sera dirigée depuis la base de Lyon-Mont Verdun par le général Nicolas Le Nen, chef du commandement pour les opérations interarmées, qui prépare cette opération depuis un an dans le cadre de la phase 1 de l’exercice. « L’objectif est de recentrer l’entraînement des armées sur la conflictualité moderne, notamment la haute intensité », expliquait-il à la presse. Il s’agira aussi de s’assurer de l’interopérabilité des forces françaises avec leurs alliées lors d’un tel déploiement. Par ailleurs, l’exercice permettra d’« évaluer les compétences internes de commandement pour une opération d’une telle envergure, et de tester des capacités nouvelles, notamment dans le domaine de la lutte informationnelle », ajoute le général.
Une dernière phase d’Orion prendra place en avril, dans l’est de la France, et y simulera un conflit de haute intensité ; le scénario prévoit que le voisin Mercure attaque le pays fictif Arnland soutenu par l’ONU et la France de manière symétrique : avec son armée et en violant son intégrité territoriale. Un déroulement qui semble faire écho à l’actualité : la Russie qui a supporté des milices dans le Donbass depuis dix ans pour déstabiliser l’Ukraine et qui a fini par déclencher une invasion du pays. Le général Le Nen assure que, s’il semble d’actualité, son déroulement est toutefois inspiré d’un scénario d’exercice de l’Otan écrit en 2012 et remis au goût du jour pour coller aux besoins de l’armée française.