Face à la menace russe, l’armée de terre française muscle sa logistique

Face à la menace russe, l’armée de terre française muscle sa logistique

L’armée de terre va participer à plusieurs exercices d’envergure sur le flanc est de l’Europe. La France veut montrer à ses alliés ses capacités de projection.

Par Clément Machecourt – Le Point –

https://www.lepoint.fr/monde/face-a-la-menace-russe-l-armee-de-terre-francaise-muscle-sa-logistique-10-10-2024-2572354_24.php


 

Rentrée studieuse pour l’armée de terre française. Son chef d’état-major (Cemat), le général Pierre Schill, a dressé, vendredi 4 octobre à Lille, les grandes lignes du programme qui attend les quelque 130 000 soldats français dans les mois et les années à venir. Le lieu n’a pas été choisi au hasard. C’est dans la ville du Nord que se trouve le Commandement Terre Europe (CTE) et le Commandement de la Force et des opérations terrestres (CFOT). Deux états-majors qui regardent désormais en grande partie vers l’est de l’Europe.

Un engagement important de nos forces est devenu une hypothèse crédible, a prévenu le général Schill, avec une « menace russe présente pour les années à venir à l’est de notre continent ». L’armée française doit être prête à la fois à intervenir « ce soir » tout en préparant les engagements du futur. La LPM de 2024-2030 et ses 413 milliards d’euros pour les armées, permet d’envoyer un premier message de volonté aux alliés et pays compétiteurs de la France.

Une brigade déployée en dix jours

Expérience du combat, force morale présente, polyvalence… Le Cemat a listé les différents points forts de l’armée de terre, qui doit maintenant gagner en réactivité et passer à une autre échelle d’engagement et de projection de force. Dans le cadre de l’exercice Dacian Spring, c’est une brigade interarmes (7 000 à 8 000 soldats) « bonne de guerre », c’est-à-dire tout de suite apte au combat et capable de tenir dans la durée, qui sera déployée en 10 jours sur le sol roumain en avril 2025.

Cela représente un effort logistique conséquent, avec 1 500 conteneurs qui, mis bout à bout, forme un convoi ferroviaire long de neuf kilomètres. « Un jour de combat, c’est une consommation de 80 conteneurs, dont 20 rien que pour les munitions », détaille le Général Guillot, adjoint au CTE.

En 2022, sept jours seulement après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France avait déployé le Sparhead Battalion de la force de réaction rapide de l’Otan en Roumanie, composée de 500 Français et 300 Belges. Une vingtaine de rotations d’Antonov 124, plus gros avion du monde, trois de KC130 et trois d’A330 MRTT avaient été nécessaires. Depuis, 2 500 militaires de la mission Aigle sont relevés tous les quatre mois, et 500 véhicules par an. Une année de logistique représente 36 vols pour transporter le personnel, 10 vols, 35 trains et 25 convois routiers pour le fret.

L’importance du fret ferroviaire

Un transport multimodal qui, malgré la menace russe, connaît encore quelques ratés. À l’image de contrôles douaniers tatillons de la part d’un pays voisin de la France, obligeant, pour une histoire de tampon mal placée, à faire descendre un char Leclerc de son wagon porte-char. L’Union européenne a investi 1,7 milliard d’euros dans la création d’un « Schengen militaire », pour permettre le déplacement rapide de troupes d’ouest en est sans les tracasseries administratives de chaque pays traversé.

En Roumanie, c’était un pont trop fragile qui imposait il y a peu encore les convois blindés français à faire un détour de plusieurs heures avant d’atteindre leur base. Signe de l’importance d’un bon réseau ferroviaire, la Finlande, arrivée dans l’Otan en 2023, songe à remplacer l’écartement russe de 1 520 mm d’une de ses voies de chemin de fer pour passer à un écartement standard de 1 453 mm.

Pikne, Diodore, Hedgehog, le cahier d’exercices chargé de l’armée française

Au-delà de l’échéance de Dacian Spring, d’autres exercices vont ponctuer le calendrier déjà chargé de l’armée française, afin de travailler l’interopérabilité avec ses alliés. Le nord de la mer Baltique sera, en décembre 2024, le théâtre de l’exercice Pikne mené au côté des forces britanniques et estoniennes. Des tirs interarmes, commandés depuis des PC en France, seront effectués sur terre, mais également depuis des frégates et des avions en appui air-sol.

Mars 2025, l’exercice Diodore devra démonter les capacités du Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (Capr). Créé en 2024, il vise à mener des actions dans la profondeur de l’ennemi au niveau corps d’armée ou division entre 30 et 500 km. En avril, l’exercice Hedgehog en Estonie enverra un autre bataillon français dans le cadre de la mission lynx. Enfin, en juin, Warfighter, entraînera la 1ʳᵉ division française au côté d’un corps d’armée américain. Mis bout à bout, ces exercices envoient des signaux stratégiques à la Russie, visant à la dissuader d’aller plus en avant contre l’est de l’Europe. Pour « gagner la guerre avant la guerre », l’armée française espère pouvoir déployer une division (environ 25 000 soldats) en 30 jours en Europe de l’Est dès 2027.

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