Face aux manœuvres militaires de la Chine, « Taïwan ne reculera pas », assure la présidente de l’île
La réponse ne s’est pas faite attendre. La Chine, qui voyait d’un mauvais œil la visite de la présidente de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi, arrivée à Taïwan mardi pour une visite de 24 heures, a promis des manœuvres d’envergure dans les environs de l’île en représailles. Le ministère chinois de la Défense a ainsi prévenu que des « actions militaires ciblées » seraient menées, avec une série de manœuvres militaires autour de l’île qui commenceront ce mercredi, dont « le tir à munitions réelles de longue portée » dans le détroit de Taïwan, qui sépare l’île de la Chine continentale. Selon les coordonnées publiées par l’armée chinoise, une partie des opérations militaires auront lieu à 20 kilomètres des côtes de Taïwan.
De leurs côtés, les autorités taïwanaises ont signalé dans la nuit de mardi à mercredi que 21 avions militaires chinois avaient pénétré dans la zone d’identification de défense aérienne de l’île – une zone bien plus large que son espace aérien. Le ministère de la Défense a, également, dénoncé, ce mercredi, les exercices militaires chinois qui violent les eaux territoriales taïwanaises. « Certaines des zones des manœuvres de la Chine empiètent sur (…) les eaux territoriales de Taïwan », a déclaré le porte-parole du ministère, Sun Li-fang, lors d’une conférence de presse. « Il s’agit d’un acte irrationnel visant à défier l’ordre international », a-t-il ajouté.
Nancy Pelosi a quitté Taïwan ce mercredi à midi (heure française) à bord d’un avion militaire américain après avoir salué les dignitaires sur le tarmac de l’aéroport de Songshan à Taipei, d’après des images retransmises en direct par les télévisions. Dès l’annonce de son atterrissage au même aéroport la veille au soir, le ministère chinois des Affaires étrangères avait dénoncé « une grave violation » des engagements américains vis-à-vis de la Chine, qui « porte gravement atteinte à la paix et à la stabilité » régionales. Ce mercredi, il a prévenu que « ceux qui offensent la Chine devront être punis, de façon inéluctable », au moment où la cheffe des députés américains Nancy Pelosi visitait Taïwan. « C’est une farce pure et simple. Sous couvert de »démocratie », les États-Unis violent la souveraineté de la Chine », a-t-il aussi déclaré, en marge d’une réunion de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) à Phnom Penh.
Le gouvernement chinois a également convoqué, dans le même temps, l’ambassadeur américain Nicholas Burns. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Xie Feng, lui a exprimé les « protestations fermes » de son pays, ajoutant que « l’initiative (de Nancy Pelosi de se rendre à Taïwan) est extrêmement choquante et les conséquences seront très graves », a rapporté l’agence Chine Nouvelle. Le ministère du commerce de Pékin a, quant à lui, annoncé des sanctions économiques, annonçant une suspension de l’exportation vers Taïwan de sable naturel – un composant clé dans la fabrication de semi-conducteurs, l’une des principales exportations de l’île.
L’armée va protéger la sécurité nationale
Réagissant aux opérations militaires menées par la Chine ces dernières heures, le ministère taïwanais de la Défense a dénoncé « une tentative de menacer nos ports et nos zones urbaines importantes, et de saper unilatéralement la paix et la stabilité régionales ». « L’armée va assurément rester à son poste et protéger la sécurité nationale. Nous demandons au public d’être rassuré et de soutenir l’armée », a-t-il ajouté. Plusieurs navires américains croisent également dans la région, dont le porte-avions USS Ronald Reagan, selon des sources militaires américaines.
La présidente taïwanaise, Tsai Ing Wen a, elle, assuré que « face à des menaces militaires délibérément accrues, Taïwan ne reculera pas ». « Nous allons (…) continuer à défendre la démocratie », a-t-elle affirmé lors d’une rencontre avec Nancy Pelosi, qu’elle a remercié pour avoir « pris des mesures concrètes pour montrer (son) soutien indéfectible à Taïwan en ce moment critique ». Nancy Pelosi a, de son côté, affirmé être venue « en paix » dans la région tout en assurant que les Etats-Unis n’abandonneront pas leurs engagements envers l’île démocratique menacée d’invasion par Pékin. « Aujourd’hui, notre délégation (…) est venue à Taïwan pour dire sans équivoque que nous n’abandonnerons pas notre engagement envers Taïwan et que nous sommes fiers de notre amitié durable », a déclaré celle qui est désormais la plus haute responsable américaine à visiter l’île depuis 25 ans. Et bien que des responsables américains se rendent régulièrement sur l’île, la Chine juge qu’une visite de celle-ci, troisième personnage de l’Etat américain, est une provocation majeure.
Ambiguïté stratégique des États-Unis
D’autant que les États-Unis pratiquent, à l’égard de Taïwan, « l’ambiguïté stratégique », s’abstenant de dire s’ils défendraient ou non militairement Taïwan en cas d’invasion. Si Washington ne reconnaît qu’un seul gouvernement chinois, celui de Pékin, depuis 1979, les Américains continuent d’apporter un soutien aux autorités taïwanaises, via notamment d’importantes ventes d’armes.
Dans un entretien téléphonique avec le président chinois, Xi Jinping, son homologue américain, Joe Biden lui avait précisé que la politique américaine à l’égard de Taïwan n’avait pas changé et que Washington s’opposait fermement aux efforts unilatéraux visant à modifier le statu quo ou à compromettre la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan. Nancy Pelosi a d’ailleurs assuré, la veille, que sa visite, si de « la solidarité de l’Amérique avec les 23 millions d’habitants de Taïwan » ne contredisait « en rien » la politique d’« une seule Chine » appliquée par Washington. Ce qu’a également déclaré le porte-parole du conseil de sécurité nationale de la Maison blanche, mardi soir, assurant que cette visite ne constituait pas une violation de la souveraineté chinoise et ne contrevenait pas à la politique américaine de longue date d’« une seule Chine ». « Nous ne voulons pas voir cela se transformer en une quelconque crise ou conflit », a déclaré John Kirby au cours d’un point presse, ajoutant qu’il « n’y a aucune raison d’amplifier cela ».
Sans toutefois que cela ne calme la colère de Pékin qui estime que Taïwan, avec ses 23 millions d’habitants, est l’une de ses provinces, qu’elle n’a pas encore réussi à rattacher au reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Le pays s’oppose donc à toute initiative donnant aux autorités taïwanaises une légitimité internationale et s’insurge contre tout contact officiel entre Taïwan et d’autres pays.
Le Japon « préoccupé » par les exercices militaires chinois
Alliée majeure de la Chine, la Russie a accusé mardi les Américains de « déstabiliser le monde » et décrit la visite de Nancy Pelosi comme une « pure provocation ». Autre alliée de Pékin, la Corée du Nord lui a exprimé son « soutien total ».
Ce climat de tension accrues autour de Taïwan inquiète son voisin japonais qui s’est dit « préoccupé » par les exercices militaires chinois, dont certains devraient, selon Tokyo, déborder sur la zone économique exclusive (ZEE) japonaise. « La zone maritime annoncée par la Chine pour les exercices militaires qui seront menés à partir du 4 août à midi (05H00, heure française) inclut la ZEE du Japon », a déclaré le porte-parole du gouvernement nippon Hirokazu Matsuno. Tokyo «a exprimé sa préoccupation auprès de la Chine, compte tenu de la nature des activités militaires », qui incluent « le tir de munitions réelles », a-t-il ajouté.
« La paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan sont importantes non seulement pour la sécurité de notre pays, mais aussi pour la stabilité internationale », a jugé Hirokazu Matsuno. « La position constante du Japon a toujours été qu’il attend que les questions relatives à Taïwan soient réglées pacifiquement, par le dialogue ». Interrogé sur un éventuel soutien de Tokyo à la visite de Nancy Pelosi, il a répondu que le gouvernement nippon n’était « pas en mesure de commenter les visites internationales de la présidente Pelosi ».
Les Bourses européennes en chute quand la Bourse chinoise grimpe
L’annonce de l’arrivée de la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi suivie de la réaction chinoise promettant des manœuvres militaires en représailles, ont fait chuter les Bourses mondiales. Après avoir clôturé en baisse, les places européennes étaient à nouveau en légère baisse à l’ouverture, ce mercredi. La Bourse de Paris cédait 0,09% à 6.404,10 points à 09H00 (07H00 GMT), Francfort 0,38% et Londres 0,21%.La veille, à Wall Street, au terme d’une séance fluctuante, l’indice Dow Jones a chuté de 1,23%, le Nasdaq s’est replié de 0,16% et le S&P 500 de 0,67%.
Le mouvement de baisse avait été initié dans la matinée par les Bourses asiatiques, qui ont chuté franchement, réagissant au rumeurs concernant la visite de la femme politique américaine. Mais, ce mercredi, les Bourses chinoises ont ouvert en hausse. Dans les premiers échanges à Hong Kong, l’indice Hang Seng gagnait 0,90% à 19.865,69 points. De son côté, l’indice composite de la Bourse de Shanghai prenait 0,08% à 3.188,89 points, tandis que la place de Shenzhen était en hausse de 0,14% à 2.141,23 points.
Quant à la Bourse de Tokyo, elle repartait, elle aussi, à la hausse, soutenue notamment par le repli du yen face au dollar, après avoir reculé la veille. L’indice vedette Nikkei reprenait 0,47% à 27.723,72 points vers 01H10 GMT et l’indice élargi Topix regagnait 0,14% à 1.928,10 points.
(Avec AFP)