« La résilience, c’est pour le jour d’après » : Lettre ASAF du mois de février 2022
Le 25 mars 2020, au titre de sa contribution à l’engagement interministériel contre la propagation de l’épidémie de la Covid-19 dont nous n’étions, hélas, qu’aux prémices, l’armée française menait une opération militaire sur le territoire national baptisée Résilience.
Le 25 mars 2020, au titre de sa contribution à l’engagement interministériel contre la propagation de l’épidémie de la Covid-19 dont nous n’étions, hélas, qu’aux prémices, l’armée française menait une opération militaire sur le territoire national baptisée Résilience. Cela ne fit que conforter, dans l’esprit de nos concitoyens, l’assimilation de ce terme avec l’idée de résistance, de réaction face à l’adversité dans le moment présent. Or, il s’agit là d’une acception partiellement erronée de ce mot, car la résilience, c’est surtout la reprise d’un nouveau développement, d’une nouvelle marche en avant, après un traumatisme auquel, en effet, il a fallu préalablement résister.
La résilience, ce sera donc surtout pour le jour d’après, quand nous serons sortis de l’épidémie ce qui n’est toujours pas le cas aujourd’hui. Dès le début de celle-ci, c’est-à-dire il y a maintenant près de deux ans, nous écrivions : « Après des morts nombreux et, tant au niveau des certitudes de chacun que des relations entre le citoyen et l’État, il faudra reconstruire et réapprendre à vivre. Peut-être aussi notre société devra-t-elle inventer une nouvelle culture ? Alors, il faut s’y préparer dès maintenant. »
Pour l’heure, rien n’a véritablement changé et nous n’en sommes pas encore là. Alors, espérons que demain, après l’épidémie dont on nous annonce chaque mois la fin pour le mois suivant, nous aurons pris conscience de nos excès souvent liés à notre individualisme pour aller vers, précisément, une résilience collective. Peut-être s’interrogera-t-on sur notre désir d’accumuler sans cesse des objets souvent venus d’ailleurs, sur nos habitudes alimentaires ayant conduit à une agriculture excessive avec des élevages industriels disproportionnés ? On y regardera peut-être à deux fois avant de sauter dans un avion pour aller passer une semaine de vacances en Thaïlande ou au Mexique. On se posera aussi certainement la question de savoir pourquoi, alors qu’en Occident les conditions matérielles de vie n’ont jamais été aussi favorables, il n’y a jamais eu autant de dépressions et de maladies psychiatriques diverses.
En France, le concept de résilience a été introduit dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale dès 2008 et repris dans celui de 2013, ce qui a conféré à ce mot de la visibilité voire une certaine notoriété. Dans ces documents, il est écrit qu’au niveau de la nation entière « la résilience se définit comme la volonté et la capacité d’un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou tout le moins dans un mode socialement acceptable. Elle concerne non seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques et la société civile toute entière ».
L’accroissement de la résilience sociétale a été défini comme l’un des objectifs de la stratégie de sécurité nationale française. Dans une certaine mesure, les armées peuvent y participer. Leur apport est d’autant plus intéressant que les sociétés modernes semblent avoir développé une aversion à certains risques comme le montre le développement excessif du principe de précaution. Or, la résilience est fondée sur une modification des logiques de lutte contre les risques et les menaces ; il ne s’agit plus d’appliquer le principe du « risque zéro » en tentant d’anticiper tous les problèmes potentiels, mais bien de lui substituer une logique du risque accepté car estimé assimilable par le pays.
Face à la survenue d’événements de grande ampleur sur le territoire national, la participation des armées est souvent limitée à la mise à disposition de moyens, matériels et humains, au profit des gestionnaires de crise. Cette dimension est particulièrement importante pour trois raisons. La première réside dans le fait que les armées et services du ministère des Armées sont parfois les seuls (ou presque) à disposer de certains équipements et compétences spécifiques. Secondement, le statut général des militaires impose une sujétion en tout temps et en tout lieu des personnels, fort utile dans ces contextes particuliers. Enfin, et surtout, les soldats sont pour la plupart des individus habitués et préparés à agir en période de crise. Les différents plans adoptés dans notre pays prévoient ainsi la possibilité de réquisitionner personnels et matériels militaires.
Mais limiter la contribution des armées au renforcement de la résilience nationale à leur seule participation à la gestion de crises particulièrement aiguës a pour conséquence de se priver des autres ressources dont elles disposent et qui pourraient utilement être mises au profit de la société en de nombreuses autres circonstances. Cela existe d’ailleurs déjà à travers des unités militaires spécialisées comme la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, le bataillon de marins- pompiers de Marseille, les unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile ou encore les hôpitaux d’instruction des Armées. Il suffirait pour cela de consentir une augmentation des effectifs et du budget des armées permettant de couvrir ces dépenses nouvelles.
La RÉDACTION de L’ASAF
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