Le port de Nome va devenir le premier port en eau profonde d’Alaska
par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 21 juin 2023
https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/
Dans un post du 9 janvier 2019, j’écrivais que “l’US Navy pourrait s’installer dans le détroit de Béring”.
Les choses évoluent: le 17 mai, l’US Army Corps of Engineers, a organisé une réunion publique d’information sur le projet d’agrandissement du port de Nome, en Alaska.
Le port de Nome va devenir, d’ici à 2030, le premier port américain en eau profonde aux portes de l’Arctique, au terme de travaux d’aménagement d’une valeur de 600 millions de dollars.
La ville fondée après la découverte d’or en 1898, compte 3 500 habitants. Son port est situé à 545 miles d’Anchorage et il n’est relié à aucune infrastructure autoroutière.
Actuellement, le port de Nome, un petit hub régional qui dessert une soixantaine de villages, ne peut pas accueillir de navires de fort tonnage.
Mais un nouveau bassin de 12,2 mètres de profondeur et de nouvelles digues permettront aux grands navires de croisière (qui actuellement doivent jeter l’ancre devant le port), aux cargos et à tous les navires militaires américains (à l’exception des porte-avions) d’accoster.
Pourquoi un tel projet?
D’abord parce que le réchauffement climatique change la donne en mer de Béring où les voies de navigation sont devenues plus fréquentées depuis 2009, permettant un accroissement du transit (262 mouvements de navires en 2009 et 509 en 2022). L’Arctique pourrait être privé de glace de mer en été dès les années 2030, soit bien plus tôt qu’estimé jusqu’à présent, et même dans un scénario de faibles émissions de gaz à effet de serre, affirment des chercheurs dans un article très récemment publié dans la revue Nature Communications. Pour sa part, Nome connaît des hivers de plus en plus chauds.
Ensuite parce que l’accès désormais plus aisée aux eaux arctiques attisent les appétits russes et chinois. Et leurs marines ont accru leur présence dans cette zone.
Plus grande présence militaire.
D’où la décision du Pentagone de doper ses moyens dans cette zone.
En 2019, le DoD avait présenté sa stratégie globale dans l’Arctique. L’US Air Force, la Navy, les Coast Guards et l’armée de Terre US avaient publié des déclinaisons de ce rapport, précisant leurs ambitions et leurs besoins spécifiques (voir mon post du 17 mars 2021).
Depuis 20019, plusieurs initiatives ont été lancées. En 2020, le président Trump a signé un “Memorandum on Safeguarding U.S. National Interests in the Arctic and Antarctic Regions”. Donald Trump y annonçait son souhait de voir les USA et leurs alliés “garder une présence significative dans l’Arctique” (cette présence est aussi décrite comme “constante”) et de “disposer d’une flotte de brise-glaces opérationnelle et déployée d’ici à l’année fiscale 2029”.
Cette flotte comprendrait “au moins 3 navires brise-glaces lourds”, des “polar-class security cutters (PSC)”. Sur ce projet, voir le rapport d’avril dernier du CRS: “Coast Guard Polar Security Cutter (Polar Icebreaker) Program: Background and Issues for Congress“. A l’évidence le projet des ” Polar Security Cutter” reste à la traîne.
Côté US Army, les choses bougent. En 2022, le Pentagone a décidé de créer une 11e division parachutiste à partir des 1ere et 4e brigades de combat de la 25e division d’infanterie. Ces deux BCT (brigade combat team) étaient déployées en Alaska. La 1ere BCT est une unité mécanisée sur Stryker et la 4e BCT une unité parachutiste.
On attend que la Navy annonce ses propres projets.