Le VBCI est-il adapté au Mali ? (suite)

Le VBCI est-il adapté au Mali ? (suite)

Par jean-Dominique Merchet – Secret défense – 07 Mars 2018

Lopinion.fr/blog/secret-defense/vbci-est-il-adapte-mali-suite-144620

Manœuvre des troupes terrestres dans le camp militaire qatarien d’AL Qalayel. VBCI sable et félin du 35e RI en MCD la 13e DBLE aux Emirats Arabes Unis

Deux internautes, visiblement bien informés, me font part de leurs réflexions sur le VBCI à la suite du post précédent. Elles méritent toute notre attention (souligné par nos soins) :

« Jaguar » nous explique ainsi que « pendant de longues années, on a demandé aux armées de limiter les frais en opérations afin de limiter les surcoûts des opex. L’utilisation du VAB participe à cela, maintenir le VBCI nécessite des moyens supplémentaires et des infrastructures plus lourde que pour le VAB (pour la maintenance, le dépannage etc…), c’est une réalité, même si on peut remettre en question la disponibilité plus faible du VAB qui pousse à engager plus de véhicules que nécessaire pour comparer les coûts finaux. Autre réalité, le VBCI n’est pas un véhicule lambda et multi-rôle, il est un véhicule qui n’existe qu’en deux versions (avec un canon de 25mm et l’autre en poste de commandement) dédié a des unités d’infanterie.Vous n’avez pas de VBCI sanitaire, vous ne faîtes pas de la reco avec, ni de génie (d’ou les aravis) vous n’allez pas mettre des unités des régiments du train dessus pour escorter des convois. Le VBCI reste le véhicule de la compagnie d’infanterie (des régiments qui le possède et non des régiments sur VAB) engagé sur place et ne peut pas se substituer à des missions vouées au VAB et VBL (même si moins bien blindé) en utilisation dans d’autres unités. Alors le renforcement VBCI sur Barkhane, ne se fera que sur les unités d’infanterie.A part transformer un peu Barkhane en choisissant par exemple de remplacer des unités comme celle du 1er régiment de spahis qui sont déployés sur VBL/VAB (et non sur leur 10 RC, leur cœur) par des compagnies d’infanterie VBCI, on ne peut pas faire autre chose.On aura alors des unités d’infanterie qui feront de la reconnaissance.Le nombre de VBCI peut doubler Malheureusement on ne peut qu’attendre le VBMR et on ne peut pas compter sur le VBCI pour améliorer la situation dans le fond. Reste également que le terrain au Mali impose tout de même du léger et de la mobilité, même si le risque est plus grand d’avoir des pertes, pour l’objectif opérationnelle d’une reconnaissance (on ne fait pas la guerre là bas pour avoir le moins de morts possible), la mobilité d’un VBL reste avantageuse par rapport à un VBCI. Mais ce qu’il faudrait faire en priorité, ce serait de construire des routes, cela faciliterait grandement les déplacements, réduiraient la menace (car une route creusée, ça se voit), puis de faire “tourner” les équipes du génie en ouverture d’itinéraire.Aujourd’hui il ne sert à rien d’avoir un véhicule pour ouvrir un itinéraire car on roule sur des pistes ou il n’est pas simple de rester dans les “traces du premier” sur des centaines de km à 40° pendant plusieurs heures et qu’il suffit de quelques cm pour éviter ou se prendre une mine.Des routes, de belles routes reliant les principales villes, c’est ce qu’il faut pour plus de sécurité, pour plus de mobilité, pour moins de casse matériel. Concernant le coup de chaud du VBCI, en 2013, c’était surtout une problématique au niveau du moteur. Ce problème a été réglé par un nouveau dispositif de refroidissement. Pour la caméra numérique, c’est un peu pareil que pour tout le reste, c’est certain que sous 60° au soleil en période chaude, pas mal de choses ne fonctionnent pas comme ça fonctionne dans un climat tempéré, ce n’est pas un problème propre au VBCI ou aux produits de chez nous, que ce soit américain ou russe ça fera la même chose.De toute façon le thermique dans un environnement de plus de 45° cela perd de son intérêt, car l’image n’est pas formidable. Et n’oublions pas de préciser que la tourelle du VBCI ne fonctionne pas juste avec une caméra numérique, il y a une voie directe d’observation pour le tireur, la caméra numérique, également appelée MOP (moyen d’observation panoramique) c’est cette petite boule au dessus de la tourelle, sert au chef de char, un oeil supplémentaire et si ça ne fonctionne pas trop bien 3-4h par jour pendant 6 mois (période chaude) dans l’année, ça n’est pas catastrophique, on peut toujours sortir la tête et la paire de jumelle si vraiment… »

Quant à « Ronin », il estime que «  le VBCI n’est pas adapté à ce type d’intervention. Envoyer des blindés de 30 tonnes, contre des pickups et quelques bandes d’irréguliers, quel bien drôle d’idée est encore passé dans la tête de nos « responsables » ? ! En plus des matériels aussi sophistiqués, à 75 000 euros le coût moyen de MCO annuel, le VBCI, on comprend que l’on veuille en limiter l’emploi. C’est à dire trois fois le coût logistique du pourtant bien, et trop vieux VAB avec ses quarante ans de service : environ 24 000 euros annuel, vu le vieillissement avancé, initialement le cout MCO du VAB était inférieur à 10 000 euros : Il faut savoir qu’au bout d’une vingtaine d’année le coût de maintien en condition des matériels et véhicules terrestres ayant tendance à exploser (jusqu’à rapidement deux, trois fois son cout initial, et avec notamment une usure trois ou quatre fois plus rapide). Un véhicule moderne actuel, d’une quinzaine de tonnes, mais nettement mieux protégé et blindé que notre pauvre VAB, dont sont bien obligé de faire avec nos soldats sur le terrain, est aux alentours de 15 000 euros annuel aujourd’hui. Véhicule qui devait être, et aurait dû être le véritable remplaçant du VAB, en devenant la nouvelle « mule bonne à tout faire » de l’armée de terre, comme cela était d’ailleurs initialement prévu (mais c’était sans « compter » sur « nos » industriels !). Malheureusement, ce n’est pas pour demain, non plus, puisqu’avec le griffon et ces 25 tonnes (et son cout) le problème sera quasiment le même, avec un MCO probablement doublé, si ce n’est encore plus comme le VBCI en vertu du niveau de sur sophistication prévu ! Le principal problème étant qu’en se focalisant encore, et désormais et de plus en plus, sur le seul secteur des blindés médians, avec pas moins de trois modèles différents d’une même catégorie de véhicules (Sur roue et de 25 tonnes, initiales pour le VBCI, et désormais pour le Griffon et la Jaguar), on risque de retrouver ce même problème, un peu partout : Trop lourd (en logistique), et trop couteux (à l’achat, à déployer, et à maintenir), pour des opération de simple maintien de la paix et de très basse intensité ; et pas assez lourd, trop léger (dans tous les sens du terme), et insuffisamment protégé et blindé pour faire de la haute intensité, et notamment les guerres de demain, dans l’urbain. Elle n’apparait, en fait que seulement et relativement, appropriée dans des situations hybrides, et très spécifiques. Et c’est pourtant dans cette seule catégorie que l’on est en train de spécialiser toute notre armée de terre, à coups de gaspillage de milliards d’euros (ne pas oublier qu’à chaque fois c’est plusieurs milliards d’euros de R&D dépensés), en plus !? ! Cela en devient même presque un luxe, au lieu de développer, simplement deux catégories de blindés, une légère, d’une quinzaine de tonnes sur roue, et une lourde, de 35 à 45 tonnes sur chenille et très fortement blindée, et protégée. Une fois de plus, on préfère faire du « moyen », voulu sans doute plus polyvalent (encore un des mythes actuels dans nos armées), et qui en fait se révèle inadapté, ceci à la fois et non seulement vers le haut du spectre, mais aussi vers le bas et dans son emploi réel ».