Les autorités maliennes ont relâché une centaine de jihadistes en échange de l’éventuelle libération de deux otages
Après le coup d’État qui, formenté par des militaires, a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta [IBK] en août dernier, le Mali s’est doté d’une « charte de la transition », laquelle doit permettre d’arriver, au bout de 18 mois, à une normalisation politique.
Durant cette période, un ancien officier de l’armée de l’Air malienne, Bah N’Daw, assurera les fonctions de président par intérim tandis que celles de vice-président sont revenues au colonel Assimi Goïta, l’un des meneurs de la junte ayant pris le pouvoir. Enfin, Moctar Ouane a été nommé Premier ministre, alors que le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques [M5-RFP] avait soumis pas moins de quatorze noms pour ce poste.
Mais l’une des premières décisions de cette équipe de transition aura été de remettre dans la nature une centaine de jihadistes, a priori appartenant au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, lié à al-Qaïda], en échange de la libération « éventuelle » de l’humanitaire française Sophie Pétronin, enlevée en décembre 2016 à Gao, et de Soumaïla Cissé, un opposant à l’ex-président Keïta kidnappé dans la région de Tombouctou en mars dernier, alors qu’il faisait campagne pour être élu député.
La remise en liberté de ces jihadistes a été confirmée à l’AFP par un responsable des services de sécurité maliens, qui a précisé qu’ils ont été relâchés dans le secteur de Niono [centre] et dans celui de Tessalit [nord], où ils ont été « acheminés par avion ». Un élu de Tessalit a parlé de l’arrivée de « très nombreux prisonniers jihadistes ».
La dernière preuve de vie de Sophie Pétronin, retenue par le GSIM alors que son état de santé s’est visiblement dégradé lors de sa détention, a été transmise à sa famille par le gouvernement français en avril dernier. Quant à Soumaïla Cissé, et à défaut de preuves, il est estimé qu’il a été enlevé par la katiba Macina du prédicateur Amadou Koufa, liée au GSIM. Sa libération est l’une des priorités du pouvoir désormais en place à Bamako.
Cela étant, le président Keïta avait admis l’existence de « contacts » avec des chefs jihadistes, en particulier avec Iyad Ag Ghali, le chef du GSIM, et Amadou Koufa.
« Cette histoire de dialoguer avec [Amadou] Koufa et Iyad [Ag Ghali] n’a pas surgi comme ça, au réveil d’un somme de IBK. Nous avons au Mali tenté la gageure d’un dialogue national inclusif et, parmi nos recommandations, il y a cet aspect-là. Pourquoi ne pas essayer le contact avec ceux-là, dont nous savons qu’ils tirent les ficelles de la situation au Mali? », avait-il expliqué, en février, lors d’un entretien accordé à France24 et à RFI.
L’éventualité d’une négociation entre Bamako et les jihadistes avait été très mal vue par le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA]. Aussi, l’annonce de cette libération d’une centaine de jihadiste, qui remettra autant de combattants dans le circuit, risque fort d’être mal accueillie par la force Barkhane, même si cette dernière se concentre sur l’État islamique au grand Sahara [EIGS] dans la région dite des trois frontières.