Munitions rôdeuses: une solution souveraine ou un achat sur étagère?
par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 9 juin 2022
http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/
La Direction générale de l’armement (DGA) et l’Agence de l’innovation de défense (AID) ont lancé, début mai, deux appels à projets pour le développement de « munitions rôdeuses », aussi appelées drones kamikazes, munitions maraudeuses, vecteurs opérationnels à charge active… Voir mon post sur ce sujet.
Ces armes téléopérées (les Loitering Munitions, en anglais) tiennent à la fois du drone téléopéré et du missile guidé visant une cible désignée.
Elles ont déjà été développées dans des pays comme Israël, la Pologne et surtout les USA qui ont récemment fourni aux Ukrainiens des Switchblade et des Ghost Phoenix.
La demande française porte deux types de munitions.Le premier, baptisé « Larinae » (une famille d’oiseau marin de type mouette), doit être en mesure de détruire un blindé en mouvement (par impact direct du système ou en délivrant une munition) dans un rayon de 50 km avec une autonomie minimale de 60 minutes.
Le second type de munitions, baptisé « Colibri », sera utilisé pour la neutralisation d’un véhicule léger et de troupes débarquées. Il devra disposer d’une autonomie de 30 mn et une portée de 5 km.
Quel est le calendrier? La DGA attend des réponses pour le 6 juillet puis lancera une pré-sélection des projets avant des démonstrations annoncées pour le 1er semestre 2024.
Mais il faudrait aller plus vite ! C’est pourquoi la DGA pourrait ne pas attendre le résultat de l’appel à projets. Elle serait tentée de s’équiper en drones kamikazes américains de type Switchblade. Un tel achat sur étagère pourrait porter sur 82 munitions.
La firme américaine AeroVironment a présenté son Switchblade 300 dès 2012. D’une masse de 2,7 kg au décollage, il a une portée de l’ordre de 10 km et une autonomie de 15 minutes. Ce système téléopéré a été produit à plusieurs milliers d’exemplaires, mais sa charge explosive a vite été jugée limitée. L’industriel a donc présenté leSwitchblade 600 en octobre 2020. Avec cette fois une masse de 22,7 kg, sa portée est de 40 km et son endurance est d’environ 40 minutes.
La tentation de s’équiper en munitions rôdeuses américaines ne satisfait pas les industriels français qui préconisent une solution souveraine. C’est pourquoi le Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) dévoilera, le 6 juillet, les projets que ses membres auront soumis à la DGA.
L’idée est de ne pas s’en tenir à des charges opérationnelles actives de type explosives mais de proposer à d’autres clients que les Armées (Intérieur en particulier) d’autres charges opérationnelles, comme des paralyseurs (de type Taser), des lasers, des brouilleurs, des dispenseurs de fumigènes et de lacrymogènes.