Rénucléarisation en Europe : l’OTAN serre les rangs

Rénucléarisation en Europe : l’OTAN serre les rangs

Jens Stoltenberg, Secrétaire-Général de l’OTAN, a pris la parole au sujet de la re-nucléarisation du territoire européen. Les membres de l’Alliance s’inquiètent.

Iskander-M (Photo : Vitaly Kuzmin)

 

Le Secrétaire-Général de l’OTAN l’affirme : le fait que, depuis quelques années, la Russie déploie en divers points des missiles qui peuvent être équipés d’une tête nucléaire ne fait que compliquer une situation déjà difficile. L’OTAN maintient le dialogue avec Moscou mais Jens Stoltenberg souligne que, si la Russie n’a pas encore déployé de missiles spécifiquement nucléaires sur les territoires précisé dans le traité de 1987 sur les armes nucléaires intermédiaires, elle aligne déjà des missiles Iskander-M à Kaliningrad depuis 2013.

L’emplacement de ces missiles n’a fait qu’accentuer le sentiment de vulnérabilité des États européens: la 152e Brigade de Missiles du District Occidental basée à Chernyakhovsk (Kaliningrad) possède plus de 50 Iskander-M (lanceurs, postes de contrôle et véhicules de maintenance confondus) selon le Département de la Défense américain. Cette base temporaire pourrait devenir permanente dans un futur proche, ce qui représenterait un réel danger pour la Pologne, ainsi que pour d’autres pays de l’Union européenne.

Pour mémoire, le traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire (FNI), signé en 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, interdit aux États-Unis et à la Russie de tester, produire et déployer des missiles nucléaires sol-sol d’une portée comprise entre 500 et 5.500 km menaçant l’Europe occidentale. Ce traité offre théoriquement la garantie à l’Europe qu’aucun missile russe ou américain ne menace l’intégrité de son territoire. Or, ces missiles Iskander-M déployés dans l’enclave russe ont changé la donne. Washington menace donc de suspendre ses obligations découlant du traité si la Russie ne se conforme pas à ses obligations endéans les 60 jours.

Mais voilà… La Russie affirme que ce déploiement d’Iskander-M avait été décidé en réponse au déploiement de missiles américains Patriot d’une portée de 700 à 2.500 km (utilisés dans la lutte contre les missiles balistiques à courte et moyenne portée) en Roumanie et en Pologne. Les Russes clament que ces missiles pourraient être armés de têtes nucléaires. Les Patriot seraient donc des missiles nucléaires déguisés en un système de défense antimissiles, une menace pour leur pays dont ils peuvent se prévaloir pour aligner des Iskander, ce qu’ils font donc, de leur point de vue, de manière légitime.

Les États-Unis se trouvent, qui plus est, confrontés à la menace que représente la Chine, non-signataire du traité FNI, qui n’a de cesse de développer son arsenal de missiles et qui renforce chaque jour sa présence en Mer de Chine et dans l’Océan Indien.

C’est pour ces raisons que, en plus d’un accroissement de ses forces conventionnelles en Europe, les États-Unis envisagent sérieusement un retrait du traité FNI si la Russie n’annule pas le déploiement de ses Iskander d’ici les 14 et 15 février 2019, dates auxquelles se réuniront les ministres de la Défense de l’OTAN (comment Trump parviendra à gérer ce grand écart entre un tel déploiement tous azimuts et sa politique isolationniste, ça…).

Voilà ce qui alimente les craintes d’une renucléarisation du vieux continent. L’Europe de l’Ouest craint à nouveau pour sa sécurité. Mais cette sortie du FNI qu’étudient les États-Unis engendrerait une insécurité de taille pour les membres de l’Union Européenne, directement concernés par la portée des missiles russes. C’est pourquoi ces pays se sont rangés du côté de leur allié américain dans cet ultimatum adressé au gouvernement russe, enjoignant « la Russie à revenir sans délai à un respect total et vérifiable ».

En plus de la menace de ne plus honorer le traité FNI, les États-Unis envisagent l’installation d’une base militaire permanente en Pologne, juste à côté de Kaliningrad (même si ce projet d’un coût faramineux est un peu comme le Monstre du Loch Ness). Ce projet, qui a reçu un accueil mitigé au sein de l’OTAN, a été encore moins bien accueilli par Moscou, ce qui justifie la crainte d’une nouvelle escalade nucléaire en Europe.

Mais c’est surtout en Biélorussie que l’éventuelle installation d’une base américaine en Pologne a été la moins bien reçue. En effet, le ministre biélorusse de la Défense percevrait celle-ci comme une menace directe et la Biélorussie ne resterait pas sans y répondre. Elle serait même déjà en négociation afin d’obtenir des missiles Iskander russes. Les Polonais ont pris les devants en commandant huit batteries de missiles Patriot. La spirale infernale s’enclenche.

L’OTAN ne veut pas se montrer inopportunément ou exagérément alarmiste mais… Jens Stoltenberg appelle les membres de l’Alliance à rester soudés dans la gestion de cette préoccupation.

Article rédigé avec Loïc Renier et Nicolas Lefebvre.