Sabotage de Nord Stream : un acte de guerre contre la Russie et l’Europe dans l’intérêt de Washington et de l’Initiative des trois mers ?
par Pierre-Emmanuel THomann* – Centre français de recherche sur le renseignement – publié en mai 2023
Le sabotage des gazoducs Nord Stream et le débat sur ses responsabilités restera comme l’un des grands épisodes de la désinformation du camp atlantiste dans le conflit en Ukraine. Il n’y aura probablement jamais de confirmation officielle de l’identité du commanditaire de cet acte de terrorisme d’État puisque tout est fait pour étouffer l’affaire.
Les gouvernements concernés, Berlin et Paris en particulier, sont en état de sidération complice. Leur silence sur cette affaire, ou bien le brouillage des pistes, appuyé par les médias dominants et les pseudo-experts qui passent en boucle sur les plateaux télévisés pour relayer les narratifs atlantistes, s’explique aisément. Ils ne peuvent révéler à leurs peuples que leur soi-disant allié principal, Washington, a commis un acte de guerre contre ses propres alliés, puisque ce serait démontrer que le conflit en Ukraine est une guerre provoquée et entretenue par Washington, non pas seulement contre la Russie, mais contre l’Europe tout entière. Tout le discours sur la soi-disant unité occidentale et transatlantique serait irrémédiablement fissuré
Dès l’explosion des gazoducs en septembre 2022, alors que la Russie a été immédiatement pointée du doigt par les experts au service du camp atlantiste, Moscou avait accusé Washington d’être derrière cet acte terroriste Les révélations du journaliste d’investigation américain Seymour Hersh[1] à propos du sabotage des gazoducs Nord Stream ont pourtant renforcé la thèse de la responsabilité de Washington. Cette version a fait sans surprise l’objet d’un embargo des médias dominants qui se font les porte-voix des gouvernements des États-membres de l’UE et de l’OTAN. La tentative maladroite de diversion de Washington par l’intermédiaire du New York Times[2], pointant la responsabilité d’un groupe pro-ukrainien, n’a convaincu personne et le ministre de la Défense Ukrainien a été obligé de démentir, rare épisode où le régime de Kiev a été obligé de contredire son mentor[3].
Il faut aussi rappeler que Washington avait explicitement annoncé son intention de se débarrasser des gazoducs par la voix du président Biden[4]. Les États impliqués dans l’enquête ont par ailleurs souligné que les résultats des investigations resteraient confidentiels, la vérité n’étant évidemment pas bonne à dire[5]. L’hypothèse de la responsabilité de Washington comme commanditaire du sabotage des gazoducs Nord Stream est donc la plus vraisemblable, et à vrai dire, la seule piste crédible.
L’absence de réaction des gouvernements des États européens concernés, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, directement visés par cet acte terrorise qui peut être assimilé à un acte de guerre, révèle le degré sans précédent de soumission géopolitique de cette classe politique à Washington,
Et si l’on analyse cet événement sous l’angle géopolitique, on aboutit à la même conclusion : la responsabilité de Washington. Replacer cet acte de guerre dans le contexte du projet géopolitique « Initiative des trois mers », initié par Varsovie avec le soutien de Washington, mais imaginé par un think tank américain permet de révéler le dessous des cartes géopolitiques.
L’Initiative des trois mers
Le projet « Initiative des trois mers » (ITM) rassemble douze pays d’Europe centrale et orientale situés entre la mer Baltique, la mer Noire et la mer Adriatique : Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie, Lituanie, Estonie, Lettonie, Croatie, Slovénie et Autriche. Quinze autres participants ont choisi de s’associer à certains projets, parmi lesquels l’Ukraine. Cette initiative a pour finalité de renforcer la connectivité au sein de cet espace géographique par le développement des infrastructures de transport routières, ferroviaires et par voies navigables, des infrastructures énergétiques comme les gazoducs et les réseaux électriques, et des infrastructures numériques. Les objectifs affichés sont le renforcement du développement économique, de la cohésion au sein de l’Union européenne et des liens transatlantiques[6].
Carte 1
L’idée centrale est de développer des infrastructures énergétiques et de communication selon un axe nord-sud, car les infrastructures actuelles sont orientées dans le sens est-ouest en provenance de Russie. Ces infrastructures héritées de l’histoire sont considérées comme des facteurs de dépendance géopolitique vis-à-vis de Moscou, mais favorisent aussi la domination économique de l’Allemagne depuis l’élargissement de l’UE aux pays d’Europe centrale et orientale. L’Initiative des trois mers a été conjointement inaugurée en 2016 par la Pologne et la Croatie. Formalisée lors du premier sommet de Dubrovnik les 25 et 26 août 2016, un deuxième sommet s’est tenu à Varsovie les 6 et 7 juillet 2017. Ce projet a commencé à attirer l’attention des autres membres de l’Union européenne, notamment en raison de la présence de Donald Trump.
Le président autrichien Alexander Von der Bellen, a souligné que le projet était issu des think tank américains[7] et qu’il a été dès l’origine activement promu par le groupe de réflexion atlantiste Atlantic Council. Ian Brzezinski, le fils de Zbigniew Brzezinski, soutient activement l’Initiative des trois mers en tant que conseiller stratégique de l’Atlantic Council.[8] Une publication de ce think tank préfigure de manière très précise l’Initiative des trois mers dès 2014[9], c’est-à-dire sous la présidence Obama. Il fait la promotion d’un corridor de transports nord-sud, en adéquation avec les intérêts géopolitiques des Etats-Unis, afin d’assurer la résilience des pays d’Europe centrale et orientale face à la Russie.
Les origines géopolitiques du projet et sa renaissance actuelle
Les origines de l’Initiative des trois mers sont anciennes. L’ITM est l’héritière des représentations géopolitiques polonaises qui ont émergé après la Première Guerre mondiale, plus précisément du projet d’Intermarium (traduction latine de Międzymorze en polonais) du général Josef Pilsudski. Les idées-forces de cet ancien projet ont refait leur apparition dans la configuration géopolitique actuelle. Comme la Pologne avait été dépecée plusieurs fois dans son histoire au profit de l’Empire allemand et de la Russie, le général Pilsudski a cherché, dès les années 1920, à promouvoir une Europe centrale et orientale préservée des appétits géopolitiques de ses voisins, en créant une fédération des États situés entre les mers Baltique, Noire et Adriatique – l’Intermarium – pour se protéger de l’URSS et de l’Allemagne. Le projet du général Pilsudski était destiné à assurer la survie de la Pologne, mais il fut abandonné à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Cette idée a cependant survécu au sein de la diaspora polonaise des États-Unis, proche des stratégistes américains. Cela a abouti à créer une synergie forte entre les visions géopolitiques américaine et polonaise, depuis la Guerre froide jusqu’à aujourd’hui[10]. L’Initiative des trois mers est ainsi une reprise américano-polonaise de l’Intermarium. Initialement, pour Varsovie, l’Intermarium avait pour objectif de promouvoir une troisième voie entre empires russe et allemand. Mais la configuration géopolitique est aujourd’hui différente car la Pologne et l’Allemagne, toutes deux membres de l’Alliance atlantique, sont désormais alliées. Il n’y a donc plus de volonté de former une Europe médiane indépendante de l’UE et de l’OTAN. Aujourd’hui le projet est mis en avant avec des arguments géoéconomiques, comme la nécessité de réduire la dépendance au gaz russe et à l’hégémonie économique et politique allemande dans l’UE. Toutefois, les enjeux géostratégiques sont bien réels et demeurent implicites.En effet, depuis le retour de la rivalité entre les puissances européennes et mondiales – Russie, États-Unis, Chine et pays membres de l’Union européenne –, le dilemme géopolitique de l’Europe médiane et de sa sécurité resurgit. Les pays d’Europe centrale et orientale membres de l’UE et l’OTAN sont aujourd’hui considérés comme des pivots géopolitiques. Bien que la configuration internationale ait évoluée, la géographie et les constantes géopolitiques demeurent, et la perception de sa sécurité par la Pologne découle des représentations historiques qui persistent quels que soient les gouvernements. La méfiance de Varsovie vis-à-vis de la Russie a connu une nouvelle actualité avec la crise en Ukraine à partir de 2014 et poussé les Polonais à consolider leur sécurité. A leurs yeux, couple franco-allemand, n’est pas considéré comme totalement fiable, car trop accommodant vis-à-vis de la Russie, et l’UE trop divisée pour s’affirmer. Le projet a donc désormais pour objectif de se développer en synergie avec l’UE et de l’OTAN. Le premier objectif des Polonais est de contenir la Russie perçue comme la menace principale, mais aussi d’équilibrer l’Allemagne avec qui les désaccords se sont accumulés. L’Initiative des trois mers est donc, pour la Pologne, un projet destiné à réduire la dépendance à l’égard de Moscou et maintenir le lien transatlantique. Pour Varsovie et ses alliés au sein de l’ITM, l’alliance privilégiée avec les Etats-Unis est jugée nécessaire pour accroître leur marge de manoeuvre dans l’UE. La focalisation sur la menace russe permet à la Pologne de se positionner comme pivot géopolitique régional sur le flanc est de l’OTAN. Elle est assurée du soutien des Etats-Unis afin de devenir le chef de file régional de l’UE et de l’OTAN. Varsovie participe à de nombreux projets de défense avec les Etats-Unis[11], domaine dans lequel l’Union européenne reste secondaire malgré les progrès récents. L’UE est par contre une organisation utile pour obtenir des financements – fonds structurels et fonds de cohésion – destinés aux infrastructures[12].La méfiance vis-à-vis de l’Allemagne s’est aussi cristallisée à propos de la mise en service du gazoduc Nord Stream I[13], inauguré en 2001, qui approvisionne Berlin en gaz russe via la mer Baltique, et qui devait être doublé grâce à Nord Stream II. Ce projet a été qualifié abusivement par Varsovie de « second pacte Molotov-Ribentrop ». Les anciennes représentations historiques ont été réactivées en cette occasion, illustrant la permanence des craintes historiques des pays d’Europe centrale vis-à-vis des puissances voisines qui les ont toujours dominés.
La synergie entre l’OTAN, le Partenariat oriental de l’UE, le programme PESCO
et l’Initiative des trois mers
Les Polonais sont parvenus à faire converger à leur bénéfice les différentes initiatives prises au niveau européen, comme le Partenariat oriental de l’UE, mais aussi le nouveau programme PESCO[14] lancé par Bruxelles en matière de défense. Leur objectif est d’attirer le maximum de financements européens sur leurs priorités. – Le programme PESCO a pour volet principal le projet « Mobility[15] » destiné à mettre à niveau et à développer les infrastructures pour améliorer la mobilité des forces armées de l’OTAN. Cette priorité est aussi un objectif des services de la Commission européenne consacrés aux infrastructures[16], souligné dans la déclaration commune OTAN-UE.[17] Le lien entre l’Initiative des trois mers et les intérêts de l’Alliance atlantique apparaissent donc de manière évidente. Le général américain Ben Hodges, ancien commandant des forces américaines en Europe (EUCOM), a ainsi déclaré que les infrastructures du projet PESCO correspondant aux priorités de l’Initiative des trois mers – notamment Rail Baltica et Via Carpatia – étaient prioritaires[18]. Il s’est par contre prononcé contre l’installation d’une base américaine en Pologne, pour ne pas diviser les alliés.[19] – Le Partenariat oriental de l’UE a été imaginé par les Polonais et promu avec les Suédois. Il est issu de la doctrine Sikorski, qui a pour objectif d’établir une zone tampon face à la Russie[20]. Ainsi, le Partenariat oriental, l’Initiative des trois mers et le projet PESCO s’inscrivent dans la stratégie de sécurité de Varsovie face à Moscou. Le souhait du gouvernement polonais d’accueillir une base militaire de l’OTAN sur son territoire est une autre preuve de la cohérence des intentions polonaises. Cette convergence des projets au niveau régional permet de percevoir que la Pologne exploite l’Initiative des trois mers comme outil d’influence et de développement économique, mais aussi comme instrument pour assurer sa sécurité. Varsovie se repose également sur les Etats-Unis qui sont engagés dans une manœuvre à l’échelle européenne – principalement pour endiguer l’Allemagne et garder l’UE sous leur influence –, mais aussi à l’échelle mondiale vis-à-vis de la Russie et la Chine. Examinons ces enjeux.
La synergie entre l’Initiative des trois mers et le projet géopolitique des Etats-Unis : la rivalité avec la Russie et l’Allemagne
Si l’on se réfère aux enjeux géopolitiques à l’échelle mondiale, l’Initiative des trois mers est un projet qui s’inscrit également dans les priorités géopolitiques des Etats-Unis. Leur implication dans le projet, dès son origine, est en cohérence avec leur manœuvre stratégique vis-à-vis de l’Eurasie pour contrer la Russie et la Chine, mais aussi avec leur ambition de devenir un exportateur majeur de gaz de schiste.
Carte 2
Washington a en effet pour objectif prioritaire le contrôle de l’Eurasie. Cette préoccupation ancienne se réaffirme aujourd’hui de manière explicite afin de préserver son leadership mondial et de ralentir l’émergence d’un monde multipolaire[21]. Avec une continuité remarquable, la stratégie des Etats-Unis est donc de faire front contre la Russie et d’élargir le Rimland (selon la doctrine géopolitique de Spykman), mais aussi de fragmenter l’Eurasie (selon la doctrine de Mackinder) et de détacher l’Ukraine de la Russie (doctrine Brzezinski). Cette constante géopolitique a été réaffirmée dès la fin de la Guerre froide avec la doctrine Wolfowitz (1992). Celui-ci avait souligné que la mission de l’Amérique dans l’ère de l’après-Guerre froide consisterait à s’assurer qu’aucune superpuissance rivale n’émerge en Europe occidentale, en Asie ou sur le territoire de l’ancienne Union soviétique[22]. La représentation stratégique de Zbigniew Zbrezinski[23] – qui fait de la fragmentation géopolitique du continent eurasien un objectif afin de provoquer une intégration renforcée des Etats de l’Europe occidentale dans l’espace euro-atlantique sur un axe Paris-Berlin-Kiev – a aussi exercé une influence importante[24] sur l’administration américaine. Cet objectif a été explicitement repris par Wess Mitchell, secrétaire d’État adjoint pour l’Europe et l’Eurasie au département d’État sous la présidence de Donald Trump. Il préconise de poursuivre de la consolidation par les Etats-Unis du Rimland européen[25]. Cette stratégie, combinée à celle conduite dans la région indopacifique, permet d’assurer l’encerclement du continent eurasien par les Etats-Unis. L’Initiative des trois mers s’intègre ainsi parfaitement dans cette vision et constitue un des instruments de Washington. Les Etats-Unis réinvestissent à nouveau l’Europe centrale et orientale dans le cadre de leur manœuvre vis-à-vis de l’Eurasie. La Pologne est donc le pivot qu’ils ont choisi pour préserver leur domination sur le projet européen, raison pour laquelle ils s’attachent à renforcer le poids de Varsovie au sein de l’UE. L’Ukraine était également destinée à prendre de l’importance dans l’Initiative des trois mers. En effet, arrimer Kiev à l’Europe de l’Ouest était déjà dans leurs plans initiaux et confirme le caractère très géopolitique de ce projet. Le rôle de l’Ukraine est celui d’un territoire de transit pour les corridors énergétiques permettant d’éviter la Russie via l’axe Asie centrale/Caucase du Sud/mer Noire. L’intervention russe en Ukraine à partir de 2023 est venue contrecarrer ces plans, du moins en ce qui concerne l’inclusion de Kiev dans le projet, option qui reste tributaire de l’issue du conflit. C’est dans ce contexte que l’Initiative des trois mers a été soutenue par Donald Trump à l’occasion de sa participation au sommet de Varsovie[26], en 2017. Le soutien très appuyé du président à l’ITM américain s’inscrit bien sûr dans le cadre de la rivalité géopolitique entre les Etats-Unis et la Russie. Mais il est également lié à la volonté de Washington d’exporter son gaz de schiste, lequel est devenu une arme géopolitique pour les Etats-Unis.[27] Ce soutien se comprend aussi dans le cadre d’une rivalité devenue explicite entre les Etats-Unis et l’Allemagne. La politique « America First !», de Donald Trump – objectif autrefois plus implicite qu’explicite – s’est traduite par une intense pression politique sur l’Allemagne, en donnant plus de poids aux critiques de la Pologne. En liant les dossiers énergie et sécurité[28], Trump a accusé Berlin d’importer du gaz russe, d’aggraver le déficit commercial américain et de ne pas contribuer financièrement suffisamment à l’OTAN. Cette mise sous pression a conduit Berlin à importer du gaz de schiste américain et à ouvrir un port destiné à accueillir le gaz naturel liquéfie (GNL) dans le nord de l’Allemagne. Berlin a pourtant continué de défendre fermement le projet de gazoduc Nord Stream II contre l’avis de Washington et de Varsovie, jusqu’au déclenchement de l’opération spéciale russe, en février 2022.
Le sabotage de Nord Stream par Washington : un acte en synergie avec les objectifs de l’Initiative des trois mers
L’arme énergétique comme instrument géopolitique est particulièrement importante pour Washington. Le sabotage des gazoducs Nord Stream, infrastructures qui évitaient l’Ukraine mais favorisaient la Russie et l’Allemagne, doit être replacé dans le contexte du conflit actuel dont il aggrave les enjeux et fait monter les enchères. Le déclenchement du conflit en Ukraine provoqué par Washington et Londres – notamment en raison du projet d’élargissement de l’OTAN – a été l’occasion de prendre des décisions radicales pour affaiblir la Russie et les États européens, en particulier l’Allemagne, mais aussi la France, par la même occasion. Les États-Unis ont l’ambition d’exporter leur gaz de schiste au détriment des sociétés énergétiques européennes impliquées dans l’exploration de ressources de Sibérie (Russie) et le projet de gazoduc Nord-Stream II. Dès le début de l’opération spéciale russe en Ukraine, les Etats-Unis ont fait pression sur leurs alliés de l’OTAN pour stopper les importations de gaz en provenance de Russie par les gazoducs Nord Stream, mais sans mettre un terme à celles ayant lieu via les gazoducs traversant l’Ukraine, pour donner des ressources et un levier à Kiev. Washington est arrivé à ses fins et le sabotage de Nord Stream, en septembre 2022, lui a permis de pérenniser ce gain en faisant clairement comprendre à l’Allemagne et à ses partenaires qu’il ne serait pas question d’utiliser ces gazoducs lorsque le conflit serait terminé, car la Russie a envisagé de les réparer[29] Avec ce sabotage, les Etats-Unis forcent donc les Européens à opérer une réorientation géopolitique radicale dans le sens des objectifs de l’Initiative des trois mers, destinée in fine, à détacher la Russie de l’Europe de l’Ouest en réorientant les infrastructures énergétiques et de transport et en les rendant plus dépendants au gaz de schiste américain. L’Union européenne se trouve ainsi réduite au statut de zone tampon dans le cadre de la manœuvre américaine en Eurasie, dont elle devient une périphérie de plus en plus divisée et instrumentalisée par Washington.
Forcer l’Allemagne à choisir son camp et se détacher de la Russie
Il convient de souligner la position de Berlin par rapport au projet. Aujourd’hui, l’Allemagne est une puissance centrale qui poursuit son expansion en direction des pays des Balkans, d’Europe orientale et des anciennes républiques de l’ex-URSS (Ostmitteleuropa). L’idéologie qui sous-tend cette expansion est différente de l’idéologie pangermaniste de la veille de la Première Guerre mondiale car elle se fait aujourd’hui au nom de « l’occidentalisation » et de « l’européanisation » de son flanc oriental, d’où sa rivalité géopolitique croissante avec la Russie. Mais si l’idéologie change les tropismes géographiques demeurent. Du point de vue géopolitique, l’Allemagne, cherche à arrimer les pays d’Europe centrale et orientale – dont l’Ukraine –à l’espace euro-atlantique. Le soutien des Etats-Unis à l’Initiative des trois mers, dans le contexte des désaccords croissants avec Donald Trump, a sans doute poussé Berlin à participer à l’ITM afin d’empêcher qu’il prenne une orientation trop antiallemande et afin de contrer la politique américaine de soutien aux initiatives de la Pologne. Les gouvernements allemands successifs poursuivent ainsi la construction d’une zone tampon à l’est, face à la Russie, grâce au Partenariat oriental de l’UE que l’ITM vient compléter.
Sur le plan économique, l’Allemagne table aussi sur l’ouverture des marchés des pays du Partenariat oriental, notamment l’Ukraine. Berlin se considère responsable de la trajectoire géopolitique de ce pays et utilise le narratif euro-atlantique pour parvenir à son objectif. Cependant, jusqu’au déclenchement de l’offensive russe, l’Allemagne considérait qu’elle avait besoin du gaz et du pétrole russes pour maintenir son statut de puissance économique. Elle reste pourtant toujours sous protection militaire américaine, le parapluie nucléaire des Etats-Unis étant la défense ultime du territoire allemand. Le soutien au projet d’Initiative des trois mers et l’acceptation des importations de gaz de schiste américain étaient sans doute considérés par Berlin comme le prix à payer pour préserver Nord Stream II et sa position de puissance centrale dans l’UE, en prenant garde à contenir l’attitude hostile des Etats-Unis[30] à l’égard de Moscou. Le soutien de l’Allemagne à l’ITM n’a toutefois pas effacé la méfiance de Varsovie vis-à-vis de Berlin, très prononcée dans les milieux conservateurs et pro-américains[31] en Pologne et dans la diaspora aux Etats-Unis. Varsovie est ainsi confronté à dilemme : conserver son emprise sur l’Initiative des trois mers, mais en même temps attirer les financements de l’UE avec le soutien de l’Allemagne.
C’est à l’occasion de l’aggravation de la crise en Ukraine en 2022 que Washington a décidé de ne plus tolérer la politique d’équilibre des Allemands combinant alliance stratégique avec l’OTAN et alliance énergétique avec la Russie. Le sabotage de Nord Stream par les Etats-Unis force Berlin à choisir définitivement le camp occidental contre la Russie et à abandonner sa politique d’équilibre pour se ranger sous l’hégémonie américaine, tant géostratégique que géoéconomique.
La domination sans partage de Washington est aussi rendue possible par l’incapacité des Français et des Allemands à s’entendre sur une architecture européenne de sécurité pouvant conférer plus d’indépendance à l’UE vis- à-vis des Etats-Unis, comme sur les questions énergétiques où ils restent des rivaux. La décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire et de compter massivement sur l’importation de gaz russe, sans consultation avec la France, explique sans doute l’absence de réaction de Paris au sabotage des Américains, selon un sentiment de schadenfreude (« se réjouir du malheur d’autrui »), même si les intérêts de Paris sont également touchés. Le camp des atlantistes français, qui a toujours craint l’axe germano-russe, en sort aussi renforcé. La rivalité géopolitique franco-allemande est une faille du projet européen que les Américains ont toujours exploitée pour l’affaiblir et l’orienter à leur avantage.
Le succès de la stratégie américaine et le déplacement du centre de gravité de l’UE
Le sabotage de Nord Stream par les Etats-Unis s’inscrit dans leur stratégie géopolitique de fragmentation du vieux continent afin de torpiller toute entente européenne – mais aussi eurasienne – et la constitution d’un axe Paris-Berlin-Moscou. Par ailleurs, Washington est bien décidé à poursuivre son encerclement de l’Eurasie contre la Russie et la Chine, afin de préserver sa suprématie en Europe et dans le monde. L’Initiative des trois mers est l’un des instruments de cette stratégie. Dans ce contexte, le sabotage des gazoducs Nord Stream est un acte de guerre contre la Russie, mais aussi contre l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, et une atteinte à leur souveraineté. C’est un acte d’hostilité contre l’idée d’un projet européen indépendant incluant la Russie, selon la vision gaullienne d’une « Europe européenne » qui s’oppose à « l’Europe américaine ».
L’UE est la dernière zone dans le monde où les Etats-Unis, peuvent encore exercer aujourd’hui leur hégémonie sans obstacle réel. Mais ils ne peuvent durablement maintenir la pression sur la classe politique du vieux continent qu’en terrorisant les Européens par des actes comme le sabotage des gazoducs. La politique de Washington, dictée par des idéologues néoconservateurs mus par la préservation à tout prix de la suprématie américaine, constitue une menace géopolitique majeure pour les nations européennes, en particulier pour la France et l’Allemagne. Leur absence de réaction s’explique par l’asservissement géopolitique de leurs gouvernements qui ne tiennent leur légitimité que de leur appartenance au camp atlantiste sous la direction de Washington, à qui ils ont fait allégeance, et non plus de leurs peuples qu’ils sont incapables de protéger. Paris et Berlin sont ainsi engagés dans une fuite en avant qui les place en situation de cobelligérance avec la Russie, au grand bénéfice des intérêts américains et de leur instrument, le régime de Kiev. Les conséquences prévisibles pour les Européens sont une nouvelle crise économique, une désindustrialisation au profit des Etats-Unis, une baisse du niveau de vie et une déstabilisation durable du continent par un conflit militaire qui pourrait déboucher sur une troisième guerre mondiale.
Le projet d’Initiative des trois mers, qui attire de manière croissante des investissements de l’UE et de l’Allemagne, amène le centre de gravité géopolitique de l’Union européenne à se déplacer vers l’est. La consolidation de l’Allemagne en posture centrale et la confirmation d’une rupture entre la Russie et une UE dominée par les priorités allemandes et polonaises appuyées par les Etats-Unis, vont renforcer les déséquilibres géopolitiques au sein de l’Europe. Une telle évolution se fait au détriment de l’axe franco-allemand et aggrave la rivalité avec la Russie. Toutefois, l’affaiblissement économique éventuel de l’Allemagne – dont l’accès au gaz et pétrole russes bon marché est désormais plus limité – va toutefois peut-être réduire son avantage géopolitique.
Depuis la réunification allemande et l’élargissement de l’UE en Europe centrale et orientale, une nouvelle rivalité géopolitique entre l’Allemagne et la France émerge[32]. En effet, le renforcement du statut de puissance centrale de l’Allemagne entre en contradiction avec le projet d’avant-garde franco-allemande et celui d’une Europe à plusieurs « cercles » défendu par la France. Dans le passé, Paris a cherché à rééquilibrer l’UE vers la Méditerranée pour contrer le déplacement de son centre de gravité géopolitique vers l’est, provoquant à son tour des initiatives comme le Partenariat oriental[33]
Il se peut que la crise économique ralentisse la montée en puissance de l’Initiative des trois mers, mais si les flux énergétiques en provenance de Russie se tarissent, alors son objectif géopolitique sera atteint. Sa consolidation se traduira-t-elle par une politique de compensation vis-vis de la France, ainsi que cela a été pratiqué depuis la réunification allemande ? Selon les plans de Washington, l’ITM devrait permettre de faire des pays membres de l’UE, des « États-fronts » contre la Russie, car l’Europe se verrait coupée de son espace oriental, comme pendant la Guerre froide, ce qui l’empêcherait de conduire une politique d’équilibre.
Berlin et Paris oseront-ils un jour riposter au sabotage des gazoducs ? La France va-t-elle enfin contester de manière ferme cette fuite en avant de l’UE sur son flanc oriental ? En ce qui concerne l’Initiative des trois mers, il n’y a aucune raison pour que Paris participe, au travers de l’UE, au financement d’un projet menant à sa marginalisation géopolitique. Si la construction d’infrastructures entre les pays d’Europe centrale et orientale est légitime, la rupture des flux dans le sens est-ouest devrait être évitée. La France a intérêt à ce que les États participant à l’ITM se positionnent comme des ponts entre la Russie et l’UE, à l’image de la Hongrie, et non pas comme un sous-ensemble farouchement opposé à Moscou, ce qui fracture l’Europe.
En 2014, la Russie avait proposé à l’Ukraine d’intégrer son projet d’Union eurasiatique, mais le coup d’État à Kiev a réorienté le pays vers l’espace euro-atlantique et un accord de libre-échange avec l’UE. La Russie a ensuite élaboré en 2016 le projet de Grande Eurasie, qui n’était pas fermé à une participation de l’Union européenne car sa vision était celle d’une convergence des intérêts géopolitiques communs à tout le continent[34]. L’Initiative des trois mers, qui tend à privilégier les relations nord-sud, entre en contradiction avec la vision est-ouest que la Russie cherche à maintenir. Or depuis février 2022, on observe une véritable hystérie au sujet d’une menace russe, en réalité inexistante pour les membres OTAN[35], alors même que le conflit actuel est principalement dû à la non prise en compte des intérêts de sécurité de la Russie. Moscou réagit en effet selon ses propres représentations, lesquelles proviennent de son sentiment d’encerclement par l’OTAN en raison de son élargissement, de l’installation de bases américaines en Europe de l’Est et du nouveau projet de bouclier antimissiles. Les crises géorgienne (2008) et ukrainienne s’inscrivent dans ce contexte[36].
Un meilleur équilibre géopolitique en Europe est nécessaire pour éviter l’hégémonie de Washington laquelle entraine la France et les Européens dans des conflits contre la Russie et la Chine, au détriment de leurs intérêts et au seul profit des néoconservateurs de Washington et des bureaucraties alignées de l’OTAN et de l’UE. Une confrontation de long terme avec Moscou doit être évitée car toute l’Europe et sa proximité géographique s’en trouveront affectées.
A l’issue du conflit en cours, la meilleure politique pour la France serait de s’affirmer comme puissance d’équilibre grâce à un rapprochement franco-russe pour contrebalancer l’axe euro-atlantiste sous hégémonie américaine. Pratiquer l’équilibre n’est pas la neutralité, mais permet de contrebalancer le pôle trop dominant par un autre. Il serait judicieux pour la France et les États ouverts à une reprise des relations avec la Russie – l’Italie, l’Espagne, la Grèce, Chypre, mais aussi la Hongrie et la Croatie, et espérons l’Allemagne, si elle se détache de ses illusions atlantistes – de promouvoir un nouvel équilibre plus favorable à leurs intérêts.
Si Moscou restait en conflit avec ce qu’elle appelle « l’Occident collectif », la coopération avec les pays occidentaux – ceux du temps de la Guerre froide –restera toutefois d’actualité selon le Kremlin.[37] A l’échelle mondiale, l’enjeu pour les Européens est d’éviter un éventuel condominium américano-chinois et la Russie peut jouer dans cette perspective un rôle important. Une nouvelle architecture européenne de sécurité, maintes fois évoquée mais jamais mise en œuvre, incluant la Russie et l’Ukraine, reste la condition, non seulement de la paix en Europe, mais aussi de la relance du projet européen vers une Europe des nations souveraines, alliées et interdépendantes, à l’échelle continentale.
[1] https://seymourhersh.substack.com/p/how-america-took-out-the-nord-stream
[2] https://www.nytimes.com/2023/03/07/us/politics/nord-stream-pipeline-sabotage-ukraine.html
[3] https://www.reuters.com/world/europe/zelenskiy-aide-kyiv-absolutely-not-involved-nord-stream-attack-2023-03-07/
[4] https://www.youtube.com/watch?v=k93WTecbbks
[5] https://www.epochtimes.fr/la-suede-quitte-lenquete-conjointe-sur-la-fuite-du-nord-stream-et-refuse-de-partager-ses-conclusions-invoquant-la-securite-nationale-2135764.html
[6] « The overarching pillars of the Three Seas Initiative are threefold – economic development, European cohesion and transatlantic ties. The changing nature of global environment calls for their strengthening in order to be able to face new challenges and overcome dynamic threats.
Firstly, the Initiative seeks to contribute to the economic development of the Central and Eastern Europe through infrastructure connectivity, mainly, but not only on the North-South axis, in three main fields – transport, energy and digital.
The second objective is to increase real convergence among EU Member States, thereby contributing to enhanced unity and cohesion within the EU. This allows avoiding artificial East-West divides and further stimulate EU integration.
Thirdly, the Initiative is intended to contribute to the strengthening of transatlantic ties. The US economic presence in the region provides a catalyst for an enhanced transatlantic partnership. » (https://www.three.si/2019-summit).
[7] https://www.bundespraesident.at/aktuelles/detail/drei-meere-initiative-2018
[9] http://www.atlanticcouncil.org/images/publications/Completing-Europe_web.pdf
[10] Laruelle Marlène, Riviera Ellen, Imagined Geographies of Central and Eastern Europe: The Concept of Intermarium, Institute for Russian European, and Eurasian studies, The Georges Washington University, IERES Occasional Papers, March 2019 (https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/laruelle-rivera-ieres_papers_march_2019_1.pdf).
[11] Montgrenier Jean-Sylvestre, Dubois-Grasset Jeanne, La Pologne, acteur géostratégique émergent et puissance européenne, http://institut-thomas-more.org/2018/06/30/la-pologne-acteur-geostrategique-emergent-et-puissance-europeenne/
[12] https://www.ft.com/content/2e328cba-c8be-11e8-86e6-19f5b7134d1c
[13] https://www.ft.com/content/eb1ebca8-9514-11e5-ac15-0f7f7945adba
[14] « Permanent Structured Cooperation ». Ce projet a pour objectif de rendre la politique de sécurité et de défense européenne plus contraignante. Les États membres s’engagent à mettre en œuvre ensemble des projets de défense sélectionnés.
[15] https://www.consilium.europa.eu/media/32079/pesco-overview-of-first-collaborative-of-projects-for-press.pdf
[16] https://ec.europa.eu/transport/themes/infrastructure/news/2018-03-28-action-plan-military-mobility_en
[17] https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2016/07/08/eu-nato-joint-declaration/
[18] https://biznesalert.pl/hodges-centralny-port-komunikacyjny-mobilnosc-nato/
[19] https://www.politico.eu/article/dont-put-us-bases-in-poland/
[20] https://wikileaks.org/plusd/cables/08WARSAW1409_a.html
[21] Foucher Michel, La bataille des cartes, Analyse critique des visions du monde, Françoise Bourin, 2011.
[22] https://www.nytimes.com/1992/03/08/world/us-strategy-plan-calls-for-insuring-no-rivals-develop.html
[23] Brzezinski Zbigniew, The Grand Chessboard: American Primacy and its Geostrategic Imperatives, Basic Books, 1997.
[24] Justin Vaïsse, Zbigniew Brzezinski, stratège de l’empire, Odile Jacob, 2016.
[25] Selon Mitchell, l’objectif des Etats-Unis est d’éviter la domination des masses eurasiennes par des puissances hostiles. Ainsi, il précise que « lors de trois guerres mondiales, deux chaudes et une froide, nous avons aidé à unifier l’Occident démocratique pour empêcher nos opposants brutaux de dominer l’Europe et le Rimland à l’ouest de l’Eurasie »[25]. Sans surprise, la Russie et la Chine sont désignées comme les adversaires stratégiques des Etats-Unis alors que la Guerre froide est terminée depuis plus d’un quart de siècle, car ils « contestent la suprématie des USA et leur leadership au XXIe siècle.» On retrouve donc avec constance l’objectif des Etats-Unis de contrôler l’Eurasie afin d’empêcher un rival géopolitique d’y émerger à nouveau et de relativiser leur propre puissance mondiale (https://ee.usembassy.gov/a-s-mitchells-speec).
[26] Le Président Donald Trump a déclaré lors du sommet de l’Initiative des trois mers le 6 juillet 2017 à Varsovie que « L’Initiative des Trois Mers transformera et reconstruira l’ensemble de la région et veillera à ce que vos infrastructures, tout comme votre engagement en faveur de la liberté et l’état de droit, vous lient à toute l’Europe et, en fait, à l’Occident. (…) L’Initiative des trois mers permettra non seulement à vos peuples de prospérer, mais aussi à vos nations de rester souveraines, sûres et libres de toute coercition étrangère. Les nations libres d’Europe sont plus fortes et l’Occident l’est aussi. Les États-Unis sont fiers de constater qu’ils aident déjà les pays des trois mers à atteindre la diversification énergétique dont ils ont tant besoin. L’Amérique sera un partenaire fiable et sûr dans la production de ressources et de technologies énergétiques de haute qualité et à faible coût. »
[27] Le Financial Times a souligné que « Donald Trump est en train d’opérer un changement radical dans la politique énergétique américaine en utilisant les exportations de gaz naturel comme un instrument de politique commerciale, en se faisant le champion des ventes à la Chine et à d’autres régions d’Asie dans le but de créer des emplois et de réduire les déficits commerciaux américains. Dans une tentative de libérer les ressources énergétiques américaines, M. Trump essaie de promouvoir davantage d’exportations de gaz naturel liquéfié et pas seulement d’utiliser le GNL comme une arme géopolitique visant des nations telles que la Russie, comme c’était la position de son prédécesseur Barack Obama. ». « Trump looks to lift LNG exports in US trade shift », Financial Times, June 22, 2017 (https://www.ft.com/content/c5c1958c-5761-11e7-80b6-9bfa4c1f83d2).
[28]https://www.euractiv.com/section/energy/news/kremlin-accuses-trump-of-trying-to-bully-europe-into-buying-us-lng/
[29] https://www.lalibre.be/economie/conjoncture/2022/10/14/nord-stream-une-grande-section-du-tuyau-doit-etre-coupee-et-remplacee-G6ROQC3BGZF4RLFWETGX7NQ6Q4/
[30] Les sanctions allemandes contre la Russie étaient toujours calibrées afin de ne pas mettre en danger les intérêts fondamentaux de sa puissance économique, tout en satisfaisant les Etats-Unis mais aussi les pays d’Europe centrale et orientale, méfiants vis-à-vis de Moscou. Il s’agissait à la fois d’une politique d’équilibre, de réassurance, et d’endiguement de la Russie sur le plan géostratégique.
[31] https://www.tysol.pl/a23593-Najnowszy-numer-%E2%80%9ETygodnika-Solidarnosc%E2%80%9D-Po-co-Niemcom-Trojmorze-
[32] Thomann Pierre-Emmanuel, Le couple, franco-allemand et le projet européen, représentations géopolitiques, unité et rivalités, L’Harmattan, Paris, 2015.
[33] Le partenariat oriental avait été promu par la Pologne et la Suède pour contrer le tropisme euro-méditerranéen de la France, dans le contexte de la crise provoquée par le projet d’Union méditerranéenne de Nicolas Sarkozy en 2007/2008. L’Allemagne a toujours soutenu le partenariat oriental, mais en agissant dans les coulisses de l’Union européenne. Berlin a bloqué le projet d’Union méditerranéenne de la France pour éviter une division de l’UE et contrer l’émergence de Paris comme chef de file des pays méditerranéens en contrepoids de l’Europe allemande, afin d’éviter une fragmentation de l’Europe en alliances variables, et maintenir la France et les pays du sud de l’Europe dans le giron de l’UE.
[34] Glaser Kukartseva, M. et Thomann, P.-E., “The concept of “Greater Eurasia”: The Russian “turn to the East” and its consequences for the European Union from the geopolitical angle of analysis”, Journal of Eurasian Studies, 13(1), 3-15, 2022, (https://doi.org/10.1177/18793665211034183).
[35] Aucun État membre de l’OTAN protégé par l’article V n’a pourtant eu de différend militaire avec la Russie.
[36] Thomann Pierre-Emmanuel, « Guerre Russie-Géorgie : première guerre du monde multipolaire », Défense nationale, n°10, octobre 2008 (http://www.ieri.be/fr/node/329).
[37] Vladimir Putin Meets with Members of the Valdai Discussion Club. Transcript of the Plenary Session of the 19th Annual Meeting, october 27, 2022
https://valdaiclub.com/events/posts/articles/vladimir-putin-meets-with-members-of-the-valdai-club/