L’armée de Terre compte un nouveau régiment, dédié à la cyberdéfense

L’armée de Terre compte un nouveau régiment, dédié à la cyberdéfense


Au lendemain des attentats de janvier 2015, avec le lancement de l’opération Sentinelle et la décision de porter l’effectif de la Force opérationnelle terrestre [FOT] de 66 000 à 77 000 hommes, les régiments d’infanterie ont chacun été doté d’une cinquième compagnie de combat.

Seulement, sept ans plus tard, ces mêmes régiments ont dû se résoudre à dissoudre ces unités récemment créées… et donc retrouver un format à quatre compagnies.

« De nouvelles adaptations sont apparues nécessaires pour permettre à l’armée de Terre de conserver la supériorité opérationnelle dans la perspective d’engagements majeurs », avait alors expliqué le ministère des Armées, en 2022. Et de préciser : « Une partie des effectifs récemment attribués à la mêlée [sera] réorientée pour renforcer les états-majors de régiment et les capacités de numérisation et de simulation, densifier la maintenance aéronautique et terrestre, développer la capacité drone et affecter des moyens à la préparation opérationnelle, à la formation et à l’intégration des effets dans les champs immatériels ».

En clair, il s’agissait de faire en sorte que l’armée de Terre fût en mesure de renforcer ses capacités dans certains domaines sans augmenter ses effectifs. Cette orientation a depuis été confirmée dans son nouveau plan stratégique [« Une armée de Terre de combat »] qui, dévoilé en 2023, s’est notamment concrétisé par la création de quatre commandements « alpha », dont le Commandement de l’Appui Terrestre Numérique et Cyber [CATNC].

Ayant la responsabilité de la « manœuvre numérique et cyber », ce dernier s’appuie sur la Brigade d’Appui Numérique et Cyber [BANC], à laquelle sont notamment affiliés cinq régiments de transmissions [28e RT, 40e RT, 41e RT, 48e RT et 53e RT]. L’an passé, il était question de former, en 2025, un bataillon « cyber » en associant les 807e et 808e compagnie de transmissions [CTRS], la seconde devant alors être créée.

Finalement, ce n’est pas un bataillon mais un « régiment de cyberdéfense » qui vient de voir le jour. C’est en effet ce qu’a annoncé l’armée de Terre, le 24 janvier.

« Le régiment de cyberdéfense a vu le jour le 1er janvier 2025 à Saint-Jacques de la Lande [Ille-et-Vilaine, ndlr]. Cette création marque l’effort porté par l’armée de Terre […] dans les domaines du numérique et du cyber. Cette nouvelle unité prend appui sur la 807e CTRS et le bureau cyber de la brigade d’appui numérique et cyber », a-t-elle en effet expliqué.

Outre son état-major, ce nouveau régiment compte quatre unités spécialisées, à savoir la 1ère compagnie [ex-807e CTRS], dédiée à la lutte informatique défense [LID], la 2e compagnie [héritière de la 808e CTRS], spécialisée, entre autres, dans la lutte informatique adaptée aux systèmes d’armes [LID SCORPION], d’une compagnie de réserve chargée d’appuyer les entités du régiment et d’armer ses unités opérationnelles et d’un Centre technique cyber [CTC].

Ce dernier est constitué d’un centre opérationnel [SOC-TERRE], chargé de surveiller les systèmes numériques de l’armée de Terre, y compris en opérations extérieures, d’une cellule d’ingénierie pour la veille technologique, d’une section de cyberprotection et d’un groupe de soutien SIC.

Pour l’armée de Terre, ce régiment de cyberdéfense « concrétise la densification et la mise en cohérence des capacités de sécurité numérique de la Force opérationnelle terrestre ».

Photo : Ministère des Armées

Le Sommet international des troupes de montagne : une première mondiale prometteuse (II de II)

Le Sommet international des troupes de montagne : une première mondiale prometteuse (II de II)


Par Murielle Delaporte – Pour la première fois dans l’histoire des salons militaires, un « sommet international » dédié aux communautés des troupes de montagne et du combat en milieu grand froid va voir le jour les 12 et 13 février prochains au parc évènementiel de Grenoble Alpexpo.

Né d’un partenariat entre le COGES, puissance organisatrice, d’une part, et la 27e BIM – Brigade d’infanterie de montagne de l’armée de Terre –, puissance invitante, d’autre part, cette initiative conjointe est une réponse à l’actualité géostratégique et à la nécessité de renforcer les capacités de combat à la fois en montagne et dans les conditions extrêmes de grand froid dans un environnement pas forcément montagneux.

Au travers de deux entretiens avec les responsables des entités en charge de ce Sommet international des troupes de montagne (SITM), à savoir le général de division (2S) Charles Beaudouin, président du COGES, et le général de brigade Lionel Catar, commandant la 27e BIM, cette série de deux articles explore les raisons ayant conduit à la genèse d’un tel évènement voué à perdurer et les enjeux tant techniques qu’opérationnels dont ce dernier va pouvoir donner la mesure.

Voici la seconde partie de cette série.

pour lire la première partie de cette série :

https://operationnels.com/2025/01/25/le-sommet-international-des-troupes-de-montagne-une-premiere-mondiale-prometteuse-i-de-ii/

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Le SITM : promouvoir un esprit de cordée interalliés

Entretien avec le général Lionel Catar, commandant de la 27e BIM

Conçu pour devenir « un forum d’échanges pour industriels et unités militaires spécialisées opérant dans des milieux variés », le général Catar est heureux de « recevoir cette communauté à Grenoble, capitale des Alpes et de la 27e BIM » et se montre confiant dans la réussite de la première édition du Sommet international des Troupes de montagne, lequel enregistre déjà une participation et un volume d’exposants et d’équipementiers conformes aux attentes.

La vocation de cette « Première mondiale » est de « faire réfléchir sur des thématiques communes à des milieux traditionnellement cloisonnés, la montagne pouvant relever d’un milieu froid, mais aussi d’un milieu chaud, et étant considérée selon les nations comme une zone frontière, une zone refuge ou encore un espace stratégique de rapports de force ».

Pour le commandant de la 27e brigade d’infanterie de montagne, il s’agit de « créer un esprit de cordée permettant de se soutenir entre alliés », tandis qu’existent déjà une forte dynamique internationale et de nombreux partenariats historiques.
Militaires – interarmes, interarmées et interalliés – et équipementiers seront ainsi à même pendant ces deux jours de « parler innovation et de multiplier les échanges d’enseignement » selon un fil directeur correspondant aux « axes élémentaires du combattant, à savoir se déplacer, stationner et utiliser ses armes ». « Avec ces trois familles », explique le général Catar, « vous couvrez toutes les conséquences infligées par ces milieux montagne et grand froid, (…) milieux les plus engageants qui exigent ce type de dialogue. »

 

Une Première, fruit d’une coopération internationale historique

Le SITM répond à « l’intuition et la finalité de faire rencontrer une communauté d’unités militaires opérant dans des milieux variés » et correspondant à des enjeux opérationnels bien spécifiques : d’un côté la montagne où la manœuvre en milieux chauds et froids nécessite une constante adaptation des tactiques et des équipements ; de l’autre le grand froid reflet des enjeux stratégiques et menaces actuelles en zone arctique et sur le flanc « Grand Nord » de l’OTAN.

Ces préoccupations se reflètent au travers des partenariats noués au fil des années par la 27e BIM de façon bilatérale et multilatérale, en raison de sa polyvalence et de sa maîtrise de savoir-faire relevant de l’ensemble de ces milieux – une spécificité partagée uniquement avec la brigade alpine Taurinense Italienne. Toutes deux – « créées mutuellement par menace croisée en 1888 » et aujourd’hui les plus volumineuses – avaient en particulier été déployées à plusieurs reprises en Afghanistan pour la guerre contre le terrorisme menée par l’OTAN au lendemain des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis.

 

Accords de défense et « offre intégrée » à la française

« La brigade de montagne est la brigade de l’armée de Terre qui a le plus d’activité à l’international, avec un nombre de partenaires très variés qui viennent chercher nos expertises, tandis que nous venons manœuver dans d’autres milieux qui nous intéressent », explique le général Catar, qui souligne la structure très intégrée de cette dernière et donc l’offre intégrée qu’elle peut proposer à ses partenaires étrangers : « nous avons en effet au sein de la 27e BIM une structure très intégrée avec une école de milieu pour former les sous-officiers, des équipements spécifiques, un espace de préparation opérationnelle réparti sur l’ensemble de l’arc alpin et doté de champs de tir et de postes militaires en montagne ».

C’est cet ensemble qui intéresse les partenaires de la 27e BIM avec laquelle la France a conclu des accords de défense, tels les Emirats arabes unis avec lesquels celle-ci a construit une « nouvelle capacité de montagne » axée sur la défense des frontières et la protection des voies de transit en montagne : « nous formons le 11e Bataillon de montagne émirati depuis dix ans et nous entraînons ensemble par le biais d’exercices qui progressent d’année en année. (…) Avec 35 degrés celsius et un taux d’humidité important, nous recherchons de notre côté un entraînement plus dur que dans d’autres montagnes chaudes. »

De tels plans de coopération bilatérale existent également avec la Jordanie et le Maroc, avec lesquels des manœuvres communes sont menées, ainsi que des échanges en matière de formation technique et tactique et de retour d’expérience opérationnelle.

 

Solidarité stratégique dans le Grand Nord et exercices multilatéraux

L’actualité récente a non seulement renforcé les partenariats existants traditionnellement entre troupes de montagne « de proximité », mais a également entraîné la création de nouvelles coopérations au sein de l’OTAN et de l’Union européenne.

La 27e BIM est ainsi engagée depuis le début des années 2000 dans tous les exercices Otaniens, tels Nordic Response et Dynamic Front, dans une « logique de solidarité stratégique dans le Grand Nord » en vue d’être en mesure de projeter rapidement des unités spécialisées dans cette région en vertu de l’Article V du Traité de l’Atlantique Nord, ainsi que dans une logique de dissuasion contribuant à l’expression du « poids militaire et diplomatique de la France ». La présence française est ainsi récurrente dans les Pays Baltes (actuellement en Estonie), en Norvège et depuis sa récente adhésion à l’OTAN, en Finlande. Pendant Nordic Response 2024, le 7e BCA (bataillon de chasseurs alpins) s’est intégré à un groupement tactique et une brigade norvégienne avec pour la première fois un soutien finlandais(1) : « grâce au concept de défense totale caractéristique des pays scandinaves et de la Finlande, les moyens projetés des troupes françaises – motoneiges et quads notamment – ont été complétés par des véhicules chenillés finlandais pendant trois semaines », raconte le commandant de la brigade française.

« Nous travaillons également avec les Américains en Alaska (qui ont récemment remonté une unité complète « Grand Froid ») dans le cadre de l’exercice Nanook, lequel nous permet de nous entraîner en milieu « très grand froid ». (…) Pour avoir de telles conditions de mise en tension des organismes et des matériels en France, il nous faut nous élever fortement en montagne. L’avantage de pays comme le Canada, la Norvège et la Finlande est d’offrir des plages de grand froid plus importantes pour opérer », explique le général Catar.

Les missions annuelles « Uppick » qui ont lieu au Groenland sous la forme de raids de trois semaines en autonomie complète participent à cette recherche d’entraînement en zone de très grand froid(2). Y participent le Groupe militaire de haute montagne (3) et le Groupement commando de montagne(4).

Le partage de RETEX (retours d’expérience) est devenu un acte réflexe au sein de l’armée de Terre, mais aussi au sein des Alliés, notamment par le biais des centres d’excellence de l’OTAN. Deux concernent particulièrement les activités de la 27e BIM : celui sur le combat en montagne situé en Slovénie et celui sur le combat en zone grand froid situé en Norvège.

La France a par ailleurs accueilli en automne dernier l’édition 2024 du forum MTI – une initiative européenne dédiée au combat en montagne et appelée « Mountain Training Initiative », laquelle inclut différents partenaires européens, dont certains non-membres de l’OTAN comme la Suisse qui y participe comme membre observateur(5).

 

Un nouveau terrain d’échanges dédié à la préparation opérationnelle en milieu exigeant

Une approche tout terrain

Peu d’équipements sont conçus pour pouvoir résister à la fois en milieu chaud et en milieu froid : au contraire les savoir faire tendent à être très différents en raison d’expression de besoins adaptés à chaque mission : « en montagne chaude la tenue du combattant devra être respirante et légère, alors qu’elle devra être respirante et isolante en montagne froide. En milieu froid, il faut jouer sur des combinaisons d’équipements et des couches techniques de matériels », rappelle le général Catar.

L’Homme demeure au cœur de toute action et ce dernier « n’aime pas trop les extrêmes qu’ils soient chauds ou froids », d’où l’importance de savoir-faire spécifique à chaque milieu, une spécificité qu’ont les Brigades française et italienne, ayant servi toutes deux en Afghanistan : « la 27e BIM a été déployée en Aghanistan pour les mandats hiver quatre années d’affilée ; elle a également servi au Sahel et est régulièrement déployée pour la Mission Harpie en Guyane. (…) C’est cette compétence des deux extrêmes qu’il nous a semblé intéressant de mettre en valeur pour ce Sommet international des troupes de montagne. (…) Il s’agit également d’un état d’esprit, en ce sens que tout milieu exigeant vous prépare à des engagements dans tous les milieux exigeants. La maîtrise technique des matériels par grand froid vous prépare à une bonne préparation opérationnelle pour n’importe quelle mission … ».

Cette polyvalence de la 27e BIM en est une autre spécificité, tandis que « le ticket d’entrée n’est pas atteignable par tous pour opérer dans le grand froid », d’où le besoin de diffuser certains savoir-faire devenus nécessaires pour la majorité des forces conventionnelles, d’autant qu’elles doivent s’entraîner dans des endroits où les températures ne sont pas forcément très clémentes (Jura par exemple). C’est ce que font déjà les troupes de montagne par le biais de stages de formateur « zone froide » s’adressant à toutes les armes et à l’ensemble de l’armée de Terre et permettant de se familiariser avec les premières mesures de la vie en campagne par températures négatives. La 27e BIM a également participé à la généralisation de certains équipements grand froid au profit du reste des forces appelées à renforcer le flanc Est de l’OTAN depuis 2022 et a rédigé des documents de maintenance des véhicules en milieu froid destinés à être diffusés plus largement.

Non seulement certains matériels sont spécifiques, mais leur entretien est spécifique également : l’humidité est ainsi l’ennemi numéro un en zone froide, car se transformant en glace elle fendillera les écrans. Eviter la condensation et les chocs thermiques font partie des principes à acquérir tant pour l’homme que pour le matériel. Comment éviter le choc thermique de son équipement alors que l’homme doit se régénérer dans la chaleur ? « Vous faites dormir le matériel dans la fosse à froid de votre igloo à -5 ou -6 degrés tandis que vous dormez sur une petite banquette avec un confort à 0 ou 1 degré… », répond le général. Idem : fonctionner en autonomie totale y compris en matière de connectivité requiert des savoir faire spécifiques au sein des unités de transmetteurs.

Malgré des déploiements en zone chaude au cours des dernières décennies, la 27e BIM a pu préserver ses compétences « zone modérée » grâce à son Ecole militaire de haute montagne(6) et au groupement d’aguerrissement montagne(7), mais aussi « grand froid » grâce aux interactions avec les alliés scandinaves. Un secteur où ces savoir faire sont particulièrement essentiels, mais demandent à être toujours améliorés, concernent les équipes de secours au combat : « réaliser une perfusion par – 20 degrés n’est pas un sport de masse », ainsi que le souligne le général Catar. Le SSA (Service de Santé des Armées, qui exposera au SITM) développe des produits spécifiques à ce milieu exigeant.

 

Une approche interarmes et interarmées intrinsèque

La 27e BIM se caractérise par une approche interarmes constante et opère sous la forme d’un GTIA (Groupement Tactique Interarmes) intégrant de nombreuses unités, y compris en matière de soutien (avec notamment le 511e Régiment du Train, le 7e Régiment du matériel de Lyon, le 7e centre médical des Armées, le Commissariat de l’armée de Terre de Grenoble).
La 4e BAC (brigade aéroterrestre) de l’ALAT (aviation légère de l’armée de Terre) fait notamment partie des unités venant se qualifier « Montagne » dans le cadre des stages offerts par la 27e BIM où sont par exemple enseignés flux logistiques et gestion de l’énergie.

Les échanges militaires sur le grand froid se font également en mode interarmées par le biais de séminaires et sur le terrain. Les évènements récents en Ukraine et le regain d’intérêt pour les grandes voies maritimes du Nord en pleine transformation en raison du changement climatique ont ainsi été le catalyseur d’une coopération nouvelle entre la 27e BIM et la Marine nationale : expertise Grand Froid en milieu marin, mais aussi « mise à terre d’unités dans le cadre de la surveillance de l’Atlantique Nord et de la zone arctique » font partie des échanges en cours de développement entre armée de Terre et Marine nationale, tandis que l’interopérabilité avec l’armée de l’Air et de l’Espace est permanente en raison des besoins d’acheminement et de livraison par air.

Une telle approche est logique en ce sens que « le grand froid touche l’ensemble des capacités militaires », d’où le fil directeur adopté pendant le Sommet international des troupes de montagne couvrant « les axes élémentaires du combattant, à savoir se déplacer, stationner et utiliser ses armes ». Mobilité, soutien du combattant, protection contre le froid, régénération et « points chauds », camouflage visuel et thermique (« un corps à 37 par -15 degrés celsius se remarque… », souligne le général Catar), gestion de l’énergie, gestion des fluides « qui sont très perturbés dans de tels milieux », optique, connectivité (laquelle demande beaucoup d’énergie), simulation pour l’entraînement et pour évaluer l’impact du combat en milieu froid sur les hommes et les matériels … Autant de sujets où toute solution innovante est la bienvenue pour améliorer les capacités au combat et à s’inscrire dans la durée en montagne et en milieu grand froid.

Cette durée peut varier selon les missions allant d’opérations commandos de 3-4 jours à des raids de 3 semaines en autonomie totale, « le diktat du poids notamment pour la nourriture et de l’autonomie en énergie » devant être géré et faisant partie des exigences et du label de ce milieu.

Les équipementiers attendus au SITM, ainsi que certains exposants tels le Commissariat à l’énergie atomique avec lequel la 27e BIM est partenaire, vont couvrir ces grandes familles de matériels, mais ce qui est intéressant est qu’il n’y a pas qu’une nuance de froid ou de neige et que les matériels doivent se décliner en fonction de l’environnement géographique : « une adaptation en termes de mobilité est nécessaire pour chaque déploiement. (…) Les chenillettes dans le Grand Nord sont faites pour une neige légère et pulvérulente n’ayant rien à voir avec nos neiges des Alpes, beaucoup plus humides … »

Pour le général Catar, le SITM offre un moyen de répondre à toutes ces problématiques et à certaines lacunes capacitaires. Il en identifie deux majeures pour les troupes de montagne : « La manœuvre du renseignement est le premier enjeu important. Le second est le soutien et une logistique intégrée et poussée vers l’avant : la capacité à être bien soutenu – ravitaillement, maintien en condition opérationnelle, soutien sanitaire – est ce qui donne la supériorité opérationnelle en pourvoyant la capacité à résister dans les milieux extrêmes et à délivrer les effets militaires dans la durée. (…) Il ne faut pas juste « donner un coup d’épée dans la neige », mais s’inscrire dans la durée en anticipant ce type d’opérations, ce qui exige une grosse planification », conclut-il.


Notes :

 (1) Voir : https://www.youtube.com/watch?v=Kyr0OYSEqAg

(2) Voir par exemple sur l’expédition Uppick de 2019 : https://www.youtube.com/watch?v=l5w3wi1sWR4

(3) Voir : https://www.gmhm.fr/

(4) Voir : http://le.cos.free.fr/gcm.htm

(5) Voir : https://www.mti.bmlv.gv.at/

(6) https://www.defense.gouv.fr/terre/unites-larmee-terre/nos-brigades/27e-brigade-dinfanterie-montagne-27e-bim/ecole-militaire-haute-montagne

(7) https://www.defense.gouv.fr/terre/groupe


Photo : Test de drones en milieu montagne grand froid pendant l’exercice Cerces © 27e BIM, décembre 2024

De l’usage du retour d’expérience (CMF – Dossier 31)

De l’usage du retour d’expérience (CMF – Dossier 31)


 

Pour bâtir la défense du futur il est essentiel de s’appuyer sur le retour d’expérience (RETEX) que l’on peut tirer des opérations en cours ou passées. C’est ce à quoi nous invite le colonel (ER) Claude Franc qui, à la lumière de l’histoire, met en avant les erreurs à éviter et les obstacles à surmonter car, ne l’oublions pas, le RETEX épargne des vies !

* * *

Après les succès des campagnes napoléoniennes, ses anciens vaincus ont cherché à les décortiquer pour tenter, sinon de trouver ses « recettes », au moins pour définir un certain nombre de principes. Les plus célèbres furent Clausewitz[1] et Jomini[2], qui parvinrent d’ailleurs à des conclusions fort différentes, ce qui illustre bien l’idée selon laquelle ce genre d’exercice est loin d’être une science exacte. En France, le plus connu est sans contexte Foch, qui a tiré de l’étude des campagnes napoléoniennes ses Principes[3] qui font toujours autorité.

Après avoir survolé la façon dont les enseignements tirés des conflits ont – ou non – innervé la pensée militaire des grandes nations militaires durant les deux siècles passés, la question à laquelle il va falloir répondre est la suivante : aujourd’hui, et demain, les grands choix capacitaires qui sont prononcés en France reposent-ils sur des enseignements tangibles et pérennes, si tant est qu’ils puissent l’être, des grands conflits en cours ? Pour répondre à cette question, l’exemple du conflit ukrainien peut servir de support.

Le premier constat qui s’impose est que la victoire est fort mauvaise conseillère. Des enseignements réalistes ont toujours été mieux tirés à la suite d’une défaite que d’une victoire, qui par nature ankylose la pensée. Les exemples foisonnent : le réveil militaire prussien qui aboutira aux grandes victoires décisives de Sadowa[4] et de Sedan date de la réaction intellectuelle de Scharnhorst et Gneisenau[5] après Iéna. La France en a fait de même après Sedan, puisque la grande réforme de l’armée du début de la Troisième République n’est que la copie du système prussien qui l’avait battue.

A contrario, les grandes armées vainqueurs sont souvent les futures armées vaincues. Le cas le plus édifiant est donné par l’armée française, vainqueur en 1918 et auréolé du titre de « première armée du monde », ce qui ne l’empêchera pas, quelque vingt-deux ans plus tard, de subir la plus grande défaite qu’elle ait connue depuis Azincourt. Ce constat vaut également pour les armées hors d’Europe : Tsahal, grande vainqueur de la Guerre des Six jours s’est reposée sur ses lauriers et est passée à deux doigts d’une défaite cinglante lors de la Guerre du Kippour, où elle a profité de la pusillanimité de l’armée égyptienne. Ce constat est identique même dans les armées de culture différente : Giap, vaincu à Na San en 1952, en tire les enseignements, corrige l’organisation de son armée, notamment les dotations de ses grandes unités en moyens d’appui et gagne à Diên Biên Phu dix-huit mois plus tard. L’armée vietnamienne disposait, du fait de sa culture marxiste-léniniste, d’un redoutable outil de « retour d’expérience », l’autocritique. En revanche, auréolé de sa victoire et ayant conservé son commandent lors de la guerre contre les États-Unis, Giap se fait battre à Khe San[6] (un Diên Biên Phu qui a réussi) car il n’avait pas intégré les capacités d’appui aérien fournies par les moyens aéronavals de la VIIe Flotte.

Le deuxième constat qui s’impose en termes de piètre retour d’expérience est que la suffisance d’une « grande » armée par rapport à une « petite » débouche également sur de mauvais enseignements. C’est typiquement le cas de l’armée française dans l’entre-deux guerres, comme le souligne le général Beaufre dans son ouvrage magistral Le drame de 1940[7] : « La guerre de 1914 –1918, codifiée par Pétain et Debeney avait conduit à tout placer sous le signe de barèmes, d’effectifs, de munitions, de tonnes, de délais, de pertes, le tout ramené au kilomètre courant. C’était technique et commode, voire rassurant, mais foncièrement faux ; on le vit bien en 1940… Les moindres réflexions sur les fronts de Russie, de Salonique et de Palestine en eussent montré l’inanité. Mais c’étaient là des fronts secondaires, sans intérêt pour l’armée française ».

Les Allemands, eux, s’étaient intéressés aux « fronts secondaires » !

Le cas le plus emblématique demeure les enseignements tirés des deux guerres balkaniques de 1912 et 1913. L’armée française avait pourtant envoyé sur place une commission chargée d’en recueillir « les enseignements susceptibles d’éclairer la doctrine d’emploi de nos unités dans l’hypothèse d’une guerre générale en Europe ». Évidemment, quand on parle de « guerre générale européenne », un conflit local balkanique, mettant aux prises des armées aussi « importantes » que les armées serbe, bulgare ou grecque n’avait pas de quoi soulever l’enthousiasme des bureaux du ministère de la guerre de l’Îlot-Saint-Germain à Paris. Personne n’en tint le moindre compte. Et pourtant !

Ces enseignements se sont révélés – après coup bien sûr – singulièrement prémonitoires : la supériorité du feu direct (les mitrailleuses) ou indirect (l’artillerie lourde) interdisait toute manœuvre fondée sur le mouvement. En effet, la seule façon de se prémunir des effets de ce feu devenu tyrannique a consisté à recourir aux principes de la guerre de siège et de s’enterrer dans des tranchées. Ceci a été écrit en 1912 par une commission composée de professeurs de l’École Supérieure de Guerre, mais leur prose n’a intéressé personne, et n’a jamais été lue. Pensez donc ! L’armée grecque ou l’armée bulgare ! C’est en raisonnant de la sorte que, pendant la seule journée du 22 août 1914, l’armée française a accusé 22 000 tués.

À cet égard, les enseignements tirés par le commandement français de la campagne éclair de Pologne, en septembre 1939, par la Wehrmacht sont également révélateurs. Alors que la manœuvre blindée allemande aurait largement dû ouvrir les yeux du commandement, en mars 1940, le général Boucherie, éminent « spécialiste » des blindés, écrivait dans la Revue de Défense nationale, lancée un an auparavant pour redynamiser la pensée stratégique française « L’armée française n’est pas l’armée polonaise. La plaine polonaise n’est pas comparable au terrain compartimenté qui domine en France. Et, de toutes façons, l’armée française veille ! ». Deux mois avant Sedan ! En janvier, dans un mémorandum adressé à quatre-vingts personnalités politiques et militaires, le commandant des chars de la 5e Armée, en tirait, pour sa part, des conclusions radicalement opposées. Il s’agissait d’un certain colonel de Gaulle. Son étude a été annotée en marge de façon fort condescendante par le général Georges.

Le troisième et dernier obstacle s’opposant à tirer des enseignements justes et pérennes est l’esprit de système qui prévaut encore parfois. Le cas le plus flagrant consiste à adapter à un niveau de commandement donné la solution qui avait fonctionné à un autre niveau, le plus souvent, subalterne. À cet égard, le cas de Nivelle est parfaitement révélateur. À Verdun, en octobre et décembre 1916, comme commandant d’armée, il avait actionné Mangin, commandant de corps d’armée, de telle sorte que les Allemands ont été reconduits en deçà de leur ligne de débouché de février. À ce titre, Nivelle peut s’enorgueillir du titre de véritable vainqueur de Verdun. C’est du moins ce qu’écrit Joffre dans ses Mémoires. Fort de ce succès, Joffre limogé, Nivelle a été promu directement de tout jeune commandant d’armée au commandement suprême, assuré d’avoir « la » solution pour résoudre l’impasse tactique qui durait depuis plus de deux ans, l’impossibilité de percer les défenses ennemies. Ce fut l’échec du Chemin des Dames[8], car un mode d’action qui est probant au niveau d’une armée et d’un corps d’armée sur un terrain donné, n’est pas transposable en l’état, au niveau d’un groupe d’armées et sur un terrain radicalement différent.

Ceci posé, parmi beaucoup d’autres, il existe deux exemples par lesquels une mise à jour, voire une innovation, des procédés tactiques est directement issue des enseignements tirés d’opérations en cours ou récentes : la découverte de l’aéromobilité, ancêtre de l’aérocombat, grâce à l’étude de l’engagement de la First Cav au Vietnam à la fin des années soixante et la modification radicale de la manœuvre blindée, eu égard aux enseignements tirés de la guerre du Kippour de 1973, au cours de laquelle les missiles antichars soviétiques qui équipaient l’armée égyptienne ont fait subir des hécatombes aux escadrons de chars israéliens.

S’agissant du premier cas, l’US Army avait conçu une grande unité originale, au sein de laquelle les bataillons de combat se trouvaient intégrés à des sous-groupements d’hélicoptères. La nouveauté résidait dans le rythme de la manœuvre : tandis que jusqu’alors, les hélicoptères agissaient en soutien des forces terrestres, la manœuvre se déroulait au rythme de ces dernières. Dans le cas de la First Cav, les bataillons manœuvraient au rythme des hélicoptères, ce qui changeait tout. C’est ainsi, qu’en France, le concept d’aéromobilité a progressivement vu le jour : d’abord par la création des régiments d’hélicoptères de combat (RHC) en 1975, puis, par leur regroupement au sein des éléments organiques de corps d’armée (EOCA) dans les groupements de reconnaissance des corps d’armée (GRCA) ce qui leur procurait une allonge considérable, véritable atout dans des actions de reconnaissance. Puis enfin, en 1984, par la création d’une grande unité aéromobile autonome, la 4e DAM. La France disposait alors de sa First Cav ! Le concept a ensuite évolué en aérocombat, le terme étant beaucoup plus évocateur que celui d’aéromobilité, qui pouvait passer pour réducteur, la mobilité ne constituant qu’un aspect du combat. En tactique, comme en toute chose, la sémantique a son importance.

Dans le second exemple, il s’agit des enseignements tirés « à chaud » des opérations de la guerre du Kippour. Toutes les armées occidentales avaient été surprises par les pertes considérables en blindés que les divisions blindées israéliennes avaient subies au cours du conflit, que ce soit dans la première phase, défensive pour Tsahal, comme dans la seconde, au cours de laquelle l’armée israélienne avait repris l’offensive. Pour schématiser, le concept d’emploi blindé israélien privilégiait la puissance, la vitesse et la mobilité de leurs chars aux dépens de leur environnement interarmes. De la sorte, agissant en masse et seuls, sans soutien d’infanterie, les chars israéliens sont rapidement devenus des objectifs de choix pour les missiliers égyptiens. La leçon n’a pas été perdue. Un an plus tard, l’Inspection de l’arme blindée cavalerie (ABC) faisait diffuser une note prohibant les « déboulés de chars à la Guderian » et privilégiant l’utilisation du terrain entre deux positions de tir. Simultanément, le manuel ABC 101, la « bible » du combat blindé était refondu et diffusé en 1978. Quant à l’Infanterie, elle devait privilégier les missiles antichars à courte et moyenne portée, et progressivement substituer des AMX 30 aux AMX 13 dans les unités de chars de ses régiments mécanisés. La vérité oblige à dire que si les documents de doctrine ou d’organisation ont été publiés rapidement, l’évolution des mentalités fut plus lente.

 

Et de nos jours ?

Depuis plus de deux ans, une guerre majeure a lieu sous nos yeux en Europe, en Ukraine. Des enseignements probants en sont-ils tirés ou bien, le commandement agit-il comme Gamelin face à la campagne de Pologne ? Force est de constater que la vérité se situe un peu entre ces deux positions. Pour s’en rendre compte, il suffit de se livrer à un exercice assez simple : confronter les évènements d’Ukraine (même s’ils ne représentent pas l’alpha et l’oméga de toute guerre future, car il y aura une guerre future, ne le perdons surtout pas de vue) avec les arbitrages capacitaires de la dernière loi de programmation.

Tous les grands programmes sont maintenus. Dont acte. Mais sont-ils tous d’actualité, eu égard à ce qui se passe en Ukraine ? Sur ce théâtre, manifestement, le drone et le missile ont supplanté l’avion piloté, car, compte tenu de la densité de la défense sol-air, dans les deux camps, peu d’avions volent dans l’espace aérien des zones de combat[9]. Aujourd’hui, si le chef de l’État ukrainien attend toujours de recevoir un nombre plus conséquent de F-16 américains, il réclame surtout des missiles à longue portée. Développe-t-on en France un armement de défense sol-air d’accompagnement dont l’absence se fait cruellement sentir ? Il semblerait que oui, ce domaine est redevenu un sujet de préoccupation pour les armées dont l’armée de Terre et les industriels planchent sur des solutions que l’on regroupe sous le vocable de SABC (sol-air basse couche). Il reste à pouvoir concrétiser ce besoin dans un contexte politique incertain.

Au niveau de l’organisation du commandement, le modèle ukrainien prouve toute la pertinence d’un commandement largement décentralisé, sans « mille feuilles » hiérarchique et disposant de PC légers et manœuvrants. Aujourd’hui, en France, comme dans toutes les armées occidentales, la tendance est aux PC lourds, étoffés et peu ou pas manœuvrants. La cause en semble double, l’héritage otanien et la nécessité de traiter des fonctions qui n’existaient pas dans un passé encore proche. Mais est-ce une raison suffisante pour s’interdire de réfléchir à un allègement des PC, quitte à revoir leur fonctionnement, en déportant ailleurs certaines de leurs fonctions ?

Le programme MGCS[10], (programme franco-allemand pour le développement d’un système multiplateformes habitées et non habitées, dont l’une d’elle sera dite « plateforme canon » correspondant à un char futur) devant déboucher à la moitié du siècle. La France disposerait alors d’un char encore en service à l’aube du XXIIe siècle. Qu’en sera-t-il du char de bataille à cette échéance ? Des systèmes d’armes robotisés, couplés à des programmes d’intelligence artificielle mis à jour au fur et à mesure des avancées technologiques en ce domaines, ne produiraient-ils pas le même effet, pour un coût d’acquisition et de possession bien moindre ? Car, l’effet premier attendu d’un char de bataille est avant tout la destruction du système d’armes adverse, tout en protégeant son équipage de la « ferraille du champ de bataille ». Conçu lors de la Première Guerre mondiale, il arrivera bien un jour où le char de bataille sera révolu. Il convient non seulement d’y penser, mais également d’anticiper ce moment. Le retour d’expérience, par une juste appréciation des enseignements tirés, peut y aider.

Il en va de même pour l’avion piloté, dont l’arrivée sur le champ de bataille a d’ailleurs été concomitante avec celle du char. Commandant en chef en 1918, alors que Foch le poussait à adopter une posture offensive, Pétain répliquait « J’attends les chars et les avions »[11]. C’était il y a un siècle. L’attaque massive de drones (encore lents, mais leur vitesse ne pourra que croître) dont le territoire israélien a été l’objectif de la part de l’Iran ne préfigure-t-elle pas une nouvelle forme de guerre, à court terme ?

Le programme du porte-avions futur ne sera pas évoqué car il répond à une autre logique. Sa seule justification est de faire figurer la Marine nationale parmi les rares marines qui en sont dotées, ce qui peut, à la limite, se concevoir.

Même les moyens de la dissuasion nucléaire ne sauraient échapper à ce qui se passe de nos jours, sur les marches de l’Est, et ce, d’autant mieux que l’Occident se trouve soumis, depuis deux ans, à une récurrence de la dialectique nucléaire (pour rester aimable) de la part du chef de l’État russe et ses siloviki.

Avoir négligé les enseignements de la guerre de Sécession (disparition du rôle de choc de la cavalerie sur le champ de bataille et importance de la voie ferrée pour les mouvements et la logistique) nous a conduits à Sedan. S’être endormis sur nos lauriers en 1918 nous a amenés à un nouveau Sedan (il existe décidément des terres fatales à nos armes !).

Mais encore conviendrait-il de se concentrer sur le bon niveau d’enseignements des conflits, celui de la manœuvre. J’observe que, depuis 1914 et ce, jusqu’à l’adoption du système Félin, l’armée française a toujours clamé sur tous les tons que le sac du fantassin était trop lourd ! Ce qui est vrai. Mais j’observe également que malgré ce RETEX de bon sens, vieux de plus d’un siècle, le problème n’a jamais été résolu. Sortons de la norme, et, en matière de RETEX, retournons à notre cœur de métier, à savoir faire la guerre.

Pour conclure, au regard de l’Histoire et des menaces futures, il apparait clairement que ce que l’armée française appelle « Retour d’expérience » devrait aller au-delà de son aspect actuel, essentiellement normatif, pour atteindre le niveau opérationnel le plus haut, celui de la conception des opérations. Une telle démarche se révélerait de nature à pouvoir tirer de véritables enseignements pour l’avenir, à partir des conflits qui ont cours aujourd’hui.


NOTES :

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_von_Clausewitz
  2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_de_Jomini
  3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Des_Principes_de_la_Guerre
  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Sadowa
  5. https://www.universalis.fr/encyclopedie/gerhardt-johann-david-von-scharnhorst/
  6. https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/915086
  7. Général Beaufre, Mémoires 1920 – 1940 – 1945,Tome 1, le drame de 1940, Paris, Plon, 1965, p. 56.
  8. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_du_Chemin_des_Dames
  9. Il ne s’agit pas ici de faire le procès de l’avion qui révèle tout son intérêt par ailleurs : au-dessus de la Mer noire, protégés par les chasseurs, les AWACS renseignent l’Ukraine, de la Russie les chasseurs-bombardiers délivrent leurs « bombes planantes »…
  10. https://fr.wikipedia.org/wiki/MGCS
  11. Il s’agit du Pétain d’avant 1940, donc fréquentable dans nos études.

CERCLE MARÉCHAL FOCH

CERCLE MARÉCHAL FOCH

Le Cercle Maréchal Foch est une association d’officiers généraux en 2e section de l’armée de Terre, fidèles à notre volonté de contribuer de manière aussi objective et équilibrée que possible à la réflexion nationale sur les enjeux de sécurité et de défense. Nous proposons de mettre en commun notre expérience et notre expertise des problématiques de Défense, incluant leurs aspects stratégiques et économiques, afin de vous faire partager notre vision des perspectives d’évolution souhaitables. Le CMF est partenaire du site THEATRUM BELLI depuis 2017. (Nous contacter : Cercle Maréchal Foch – 1, place Joffre – BP 23 – 75700 Paris SP 07).

Et maintenant le Léopard 3 !

Et maintenant le Léopard 3 !

 

Blablachars – publié le 24 janvier 2025

https://blablachars.blogspot.com/2025/01/et-maintenant-le-leopard-3.html#more


Les hasards du calendrier sont parfois surprenants comme en témoigne l’actualité blindée de ces derniers jours, au cours desquels deux nouvelles se sont télescopées. La première de ces informations nous parvient de Farnoborough où se tient l’édition 2025 de l’IAV (International Armoured Vehicle) Conference. C’est dans cette enceinte que le colonel Armin Dirks, chef des opérations de l’équipe de projet combiné MGCS au sein de l’Office fédéral de l’équipement de la Bundeswehr, des technologies de l’information et de l’appui en cours d’emploi (BAAINBw) a livré quelques informations sur le programme. Cette intervention a été « percutée » par l’annonce de la signature en présence des ministres français et allemands du pacte d’actionnaire de la MGCS project company réunissant KNDS France, Thales, KNDS Deutschland et Rheinmetall.  

L’intervention du colonel Dirks dans l’enceinte de Farnoborough a confirmé les propos qu’il avait tenus il y a un an dans cette même enceinte. Le concept déjà présenté l’année dernière s’articule autour de plusieurs plateformes d’un poids inférieur à cinquante tonnes qui seraient équipées d’armements divers comme de missiles hypervéloces, des missiles NLOS (Non Line Of Sight) ou de capteurs dédiés. Le calendrier du projet a subi quelques modifications imposées par des considérations de politique interne allemande. Selon le colonel Dirks, la signature du contrat de développement initialement prévue avant les élections au Bundestag est désormais reportées à l’automne 2025, en espérant que la chambre issue des urnes ne s’oppose pas au projet. Évoquée la veille par le colonel Dirks comme préalable indispensable au démarrage des négociations, la MGCS projet company est fondée le lendemain.  

Signature du pacte d’actionnaires de la société de projet

Hasard du calendrier ou simple coïncidence C’est en effet de façon quasi simultanée que l’on a appris par la voix de Nicolas Chamussy (CEO de KNDS France) la création de la société par Sébastien Lecornu et Boris Pistorius. Celle-ci doit donc servir de cadre aux discussions entre les partenaires sur les différents sujets parmi lesquels le partage du pilier 2 sobrement intitulé « feu principal. » On ne peut que se réjouir de cette avancée essentiellement structurelle du projet dont on attend encore la présentation, que Boris Pistorius avait annoncée à la fin de l’année 2023. S’inscrivant dans le calendrier du projet franco-allemand, la création de cette société n’apporte aucune précision sur les prochaine échéances que l’on découvre dans la suite du propos de l’officier allemand. 

Les plateformes du MGCS (Conception graphique Bundeswehr)

Selon lui, l’arrivée du MGCS prévue à partir de 2040, échéance jugée irréaliste par de nombreux observateurs, motive la modernisation au standard A7 des deux tiers du parc de Leopard en service dans la Bundeswehr. Parallèlement à cette opération, l’Allemagne devrait recevoir d’ici 2030 les 123 Leopard 2A8, commandés cet été. Ces engins étant destinés à rejoindre la Lituanie, à la fois au sein de la future brigade allemande et des forces armées lituaniennes. Évoquant le délai existant entre la mise en service de ces chars, pour lesquels le colonel Dirks évoque une durée de vie opérationnelle de vingt ans, et la pleine efficacité opérationnelle du MGCS, l’officier allemand souligne la nécessité de développer une solution de transition. Cette opération a déjà débuté par le recensement des compétences pouvant être intégrées dans un char de transition, avant un gel de la configuration retenue en 2026. Cet engin à la sauce allemande conçu sur la base du Leopard 2 actuel serait donc une plateforme unique sur laquelle seraient intégrées un certain nombre de technologies existantes, telles qu’une numérisation accrue des systèmes, une capacité drone et un canon de 130mm. Ce char de transition à la sauce allemande pourrait être baptisé Leopard 3 !

 

Leopard 2A-RC 3.0 à Eurosatory

Les propos du colonel Dirks révèlent toute l’ambiguïté allemande vis à vis du projet franco-allemand. Alors qu’il fixe l’arrivée du MGCS en 2040, le colonel Dirks n’apporte aucune précision sur la date d’atteinte de la capacité opérationnelle, qu’elle soit initiale (IOC) ou finale (FOC) alors que celles-ci peuvent nécessiter plusieurs années. A titre d’exemple, le Leclerc introduit dans l’armée de Terre en janvier 1994 a vu sa Mise en Service Opérationnelle prononcée en 1999, Boris Pistorius évoque quand à lui une durée de dix ans pour l’intégration des chars de combat.  Il est clair que pour la partie allemande le MGCS, projet essentiellement politique selon Ralf Ketzel, le calendrier du programme ne sera pas respecté, ce décalage impose donc le développement dès maintenant d’une solution de transition. Évidemment celle-ci est développée à partir du Leopard 2 qui, toujours selon le CEO de KNDS est « vraiment le fondement des forces terrestres en Europe » et surtout une véritable réussite commerciale dont il faut préserver le succès dans les années à venir. Le choix du nom de Leopard 3 répond à cette exigence, introduisant une véritable continuité technologique destinée à rassurer les futurs clients et conforter la position du char allemand en Europe. Le Leopard 2A-RC 3.0, présenté en juin dernier à Eurosatory semble donc posséder les caractéristiques nécessaires pour devenir dans un futur proche le Leopard 3. Quelques modifications pourraient apporter au projet initial comme l’introduction du canon Rh-130 de Rheinmetall en lieu et place du canon L-55 de 120 mm équipant actuellement les Leopard 2. Cette intégration scellerait l’union des deux « frères ennemis » allemands autour d’un projet unique et permettrait à Berlin d’imposer le canon de 130mm comme standard européen. Cette fusion placerait en outre l’Allemagne en très bonne position au moment où l’on évoque un renforcement de la base industrielle de défense européenne.

Leopard 2A-RC 3.0 ou Leopard 3

A la différence de la France, l’Allemagne suit une feuille de route précise, adaptée à l’arrivée du MGCS à la date qui leur conviendra le mieux et à laquelle la France devra s’adapter, de gré ou de force. L’évocation d’un Leopard 3 comme solution de transition répond à de nécessaires nécessités commerciales et vise à préserver la position dominante de l’Allemagne sur le marché des chars lourds en Europe. L’intervention du colonel Dirks nous montre que, comme l’a écrit Blablachars, 2025 est bien une année capitale pour notre segment de décision pour lequel la simple question budgétaire ne peut plus être une excuse ! 

Le Leclerc Evo ou la transition Made in France

 

L’armée de Terre a commandé 49 véhicules utilitaires Mercedes Sprinter 4×4 pour les régiments du Génie

L’armée de Terre a commandé 49 véhicules utilitaires Mercedes Sprinter 4×4 pour les régiments du Génie


En 2017, le programme VLTP-NP SAN [pour Véhicule léger tactique polyvalent non protégé SANitaire] étant encore dans les limbes, l’armée de Terre fit savoir qu’elle avait commandé, en urgence, quatre-vingts véhicules utilitaires Sprinter 4×4 du constructeur allemand Mercedes, via l’Union des groupements d’achats publics [UGAP], c’est-à-dire la centrale d’achat interministérielle.

Cet achat, qui allait lui permettre de remplacer ses véhicules C-25 [Citroën] et J5 [Peugeot], ne devait pas remettre en cause le VLTP-NP SAN, dont la réalisation devait être renvoyée après 2020. Il s’agissait alors de répondre de « manière immédiate et optimale » à ses besoins en matière de soutien sanitaire.

En décembre 2023, dans le cadre, justement du programme VLTP-NP SAN, la Direction générale de l’armement [DGA] annonça qu’elle avait retenu le Ford Ranger, transformé par l’entreprise BSE. Et d’ajouter qu’elle allait en commander 103 exemplaires, via l’UGAP, pour un peu plus de 10 millions d’euros.

Pour autant, cela ne signifie pas la fin du Sprinter 4×4 au sein de l’armée de Terre. En effet, le 22 janvier, celle-ci en a commandé 49 nouveaux exemplaires [toujours via l’UGAP] pour ses régiments du Génie. C’est ce qu’a annoncé Mercedes France, dans un communiqué publié le 22 janvier.

« Suite à un appel d’offres de l’UGAP, le service des achats de matériel a récemment pris livraison de près de 50 Sprinter », a indiqué l’industriel. Et d’ajouter que « deux types d’utilisation sont prévus pour ces Sprinter 319 4×4 boite automatique 9G TRONIC à convertisseur et répondant aux dernières normes de sécurité GSR II ».

Dans le détail, trente Sprinter 319 CDI [vingt-trois bennes et sept plateaux] ont été carrossées par JPM. Ils seront utilisés pour acheminer outils et matériaux sur les terrains de manœuvre. Quant aux dix-neuf autres, transformés par la PME Cornut, ils seront dédiés au transport de matières dangereuses, conformément à la réglementation ADR.

L’armée de Terre a donné la priorité à « des véhicules fiables, dotés d’excellentes capacités routières et offroad », explique Mercedes France, pour qui ses Sprinter, avec leur transmission 4×4 « à la demande », seront « parfaitement adaptés pour rouler sur les pistes de pierre et de terre et accéder aux chantiers ».

Ces véhicules sont « destinés à être conservés au-delà de sept ans et à parcourir plusieurs centaines de milliers de kilomètres », poursuit l’industriel, pour qui les « coûts d’entretien bas qui en découlent ont également été un critère décisif ».

Photo : Mercedes Benz France

Variations sur un thème

Variations sur un thème

Blablachars – publié le 22 janvier 2025

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L’International Armoured Vehicles (IAV) Conference qui a débuté hier à Farnoborough a déjà permis de se faire une idée assez précise des tendances en matière de blindés. La principale ligne de force constatée au vu des présentations effectuées hier semble être la constitution de familles de véhicules blindés, issue d’un châssis unique. Ainsi, la présentation de General Dynamics United Kingdom (GDUK) a permis de découvrir la composition de la famille issue de la plateforme Ajax, déjà déclinée en six versions répondant aux noms d’Ajax, Ares, Athena, Argus, Atlas et Apollo. Le futur de l’Ajax pourrait être constitué par le développement de huit autres versions : véhicule de combat d’infanterie (VCI), mortier (sous tourelle), appui feu direct, défense sol-air (DSA), surveillance, ambulance, poseur de pont et  soutien. L’autre déclinaison annoncée est celle du blindé de Rheinmetall pour lequel l’armée italienne envisage pas moins de seize versions ! Selon les informations disponibles, la plateforme du Lynx italien servirait de base pour des versions VCI, Reconnaissance 120mm, Appui feu, commandement, antichar, génie (déminage), transport de munitions, mortier sous tourelle 120mm, lutte anti drone (LAD), ambulance, Reconnaissance (spécifications inconnues), génie (lame dozer), dépannage, mortier de 81mm et entraînement. Le programme A2CS prévoit la fourniture de 1050 véhicules pour un montant global de 16 milliards d’euros, avec l’objectif de disposer d’une première brigade équipée d’ici cinq ans.

Ces deux présentations appellent quelques commentaires. La prise en compte de la nécessité de posséder une véritable composante blindée mécanisée s’impose désormais à la quasi totalité des armées en Europe ou ailleurs. Cette volonté se traduit de plus en plus par le choix d’une plateforme unique, dont la polyvalence autorise le développement de nombreuses versions. Un autre aspect notable de cette tendance est la présence au sein des familles évoquées d’une version char médian doté d’un armement de 120 ou de 105mm, ce dernier pouvant être suffisant pour certains pays confrontés à des menaces mixtes. Cette nouvelle tendance est une véritable aubaine commerciale pour les industriels concernés qui trouvent là une réelle opportunité de développement et rentabilité pour le VCI. Sur le plan technique, la création d’une famille de blindés à partir d’une plateforme unique impose de doter cette dernière de caractéristiques spécifiques telles que : Implantation du groupe moto propulseur à l’avant permettant de dégager l’espace arrière, poids contenu pour se constituer une réserve de masse suffisante ou encore architecture ouverte permettant d’intégrer des modules de mission en mode « plug and play ». Pour le moment, Rheinmetall avec le Lynx, General Dynamics Land Systems avec l’Ajax avec l’Ajax et l’Ascod II et BAE Systems Hagglunds avec le CV90 offrent déjà des possibilités. Il est probable que demain, ces constructeurs seront rejoints par d’autres, désireux de profiter à leur tour de cette tendance. 

 

 

Variations proposées par GDUK pour l’Ajax

 

Les versions du Lynx pour le programme A2CS

 

Enfin, il est dommage (pour ne pas triste) de constater que le pays inventeur du concept de famille blindée reste pour le moment absent de ce marché. Avons-nous le droit d’assister en simple spectateur à l’émergence de cette tendance, quand on peut revendiquer la création des familles d’AMX 13, AMX 30 et dans une moindre mesure AMX 10 ? Il est intéressant de noter que les trois firmes déjà présentes sur le marché ont développé les engins sur leurs fonds propres sans attendre d’hypothétiques commandes étatiques pour leur produit. Devrons nous attendre la mise en route du programme Titan ou celui du MGCS pour voir des engins chenillés peupler nos brigades mécanisées. Outre l’aspect blindé mécanisé d’une telle composante, une initiative française en ce sens contribuerait à redonner une véritable masse de manœuvre à l’armée de terre, facteur essentiel de conflits de haute intensité ! Sébastien Lecornu a récemment demandé aux armées françaises « de prendre des risques » et a rappelé que « la France n’échangera pas sa « sécurité militaire contre des hamburgers et des voitures allemandes » traçant la voie pour les industriels concernés sans attendre les financements nécessaires pour rattraper trente années d’abandon de la composante blindée mécanisée !

L’armée de Terre a réceptionné son premier Griffon MEPAC

L’armée de Terre a réceptionné son premier Griffon MEPAC

par – Forces opérations Blog – publié le

Comme prévu, la Direction générale de l’armement a livré le premier Griffon « mortier embarqué pour l’appui au contact » (MEPAC) à l’armée de Terre en fin d’année dernière. Une cinquantaine d’exemplaires suivront pour armer une batterie complète dans chaque régiment d’artillerie.

Dix ans après la notification d’un premier marché majeur, la famille de véhicules SCORPION est désormais au complet. Après le Griffon, le Jaguar et le Serval, le Griffon MEPAC a rejoint les rangs de l’armée de Terre le 19 décembre dernier. Livré au 8e régiment du matériel, il servira dans un premier temps à la réalisation d’une évaluation technico-opérationnelle (EVTO) par la Section technique de l’armée de Terre. 

« Une livraison de 10 autres véhicules est prévue en 2025 », annonce aujourd’hui le ministère des Armées conformément au calendrier annoncé plus tôt. Les 43 autres seront livrés à l’armée de Terre d’ici à fin 2028. 

Derrière l’exemplaire pris en main par la STAT, d’autres sont attendus au printemps pour commencer à équiper les six régiments d’artillerie « sol-sol canon » de l’armée de Terre. Chaque unité disposera à terme d’une batterie à huit pièces venant remplacer des mortiers de 120 mm tractés reversés dans l’infanterie.

Aérotransportable par A400M et armé par quatre militaires, le Griffon MEPAC viendra renforcer la mobilité tactique des batteries opérant en appui d’un groupement ou d’un sous-groupement tactique interarmes. Il bénéficie en effet de la chaîne de mobilité, de la vétronique et des moyens de protection communs à l’ensemble des variantes et sous-variantes du Griffon. 

La principale différence relève du mortier 2R2M et des 32 munitions embarquées en tranche arrière. Son système de chargement semi-automatique permet à une équipe de pièce aguerrie de tirer jusqu’à 12 obus en 90 secondes, dont six sont prêts au tir. Derrière le mortier, le Griffon MEPAC repose également sur une centrale de navigation inertielle, un calculateur de pièce (CALP) et un boitier de commande de l’arme. 

Le tout permet de traiter un objectif au-delà de 8 km avec la gamme d’obus prérayés actuellement en service, soit via le logiciel de conduite des feux ATLAS, soit de manière autonome. Quant à l’adoption d’une munition guidée, le sujet serait repassé au second plan pour concentrer l’effort sur le calibre 155 mm du canon CAESAR. 

La tranche de production du Griffon MEPAC avait été notifiée début 2022 auprès du groupement momentané d’entreprises formé par KNDS France, Arquus et Thales. Un an plus tard, le système engrangeait un premier succès à l’export avec la commande par la Belgique de 24 pièces dans le cadre du partenariat binational CaMo. Leur livraison au profit de la Composante Terre est programmée pour 2028-2029. 

Crédits image : DGA Techniques Terrestres

Organisation des soutiens de l’armée de Terre : un demi-siècle de transformation (III de III)

Organisation des soutiens de l’armée de Terre : un demi-siècle de transformation (III de III


Par le chef d’escadron Jérôme Guilbert, Officier Officier breveté de l’armée de Terre – Partie III : vers un retour de la haute intensité 

Réconciliation : les enjeux opérationnels actuels, bien compris et assumés par les soutiens interarmées et les chefs logistiques de l’armée de Terre, favorisent un équilibre entre le nécessaire retour de la verticalité du commandement et l’incontournable interdépendance

2023 – ? : retour de la haute-intensité et recherche d’autonomie

En 2023, le modèle « au Contact » cède à nouveau sa place à une autre organisation, l’armée de Terre « de Combat », plus adaptée aux défis de l’hypothèse d’engagement majeur, à laquelle on préfère aujourd’hui le terme d’opération d’envergure, et au combat de haute-intensité, mais aussi plus cohérente avec la nouvelle loi de programmation militaire qui ne prévoit pas d’augmentation significative des effectifs ou des moyens.

Ce modèle abandonne l’idée des commandements en piliers pour adopter une approche matricielle, au sein de laquelle le commandement de l’appui et de la logistique de théâtre (CALT) continue d’assumer un rôle opératif en opérations tout en cherchant à se recentrer sur le soutien d’une composante terrestre apte à l’engagement : la division projetée doit désormais être soutenue par la base de soutien divisionnaire (BSD) commandée par le PCFL, devenu état-major de la brigade logistique (BLOG).

Les DSIA déploient leurs zones fonctionnelles sur la BSD comme autorités de tutelle, le commandeur organique et intégrateur des soutiens étant le chef de la brigade logistique qui conçoit et conduit désormais la manœuvre des soutiens. La BSD devient un échelon tactique de même pied que les brigades interarmes de la division : elle s’inscrit ainsi mieux dans la manœuvre tactique et y est parfaitement intégrée. En 2024, la 1ère Division a commencé à faire apparaître la brigade logistique dans le tableau des rôles de son ordre d’opérations, au même niveau que les brigades interarmes : elle est ainsi parfaitement considérée comme échelon de la manœuvre interarmes du commandeur tactique.

Articulation organique (de temps de paix, ou « au quartier ») et opérationnelle (de temps de guerre, ou « projetée) sont rapprochées. L’appellation même de BSD, plutôt que de bataillon logistique (BATLOG) ou de groupement tactique logistique (GTLOG), permet de mieux situer l’échelon de soutien dans l’articulation de la division. Elle permet de réconcilier le chef tactique avec le « fait soutien », notion perdue depuis la dissociation entre « soutenant » et « soutenu ».

En parallèle, l’hiver 2023 est aussi celui de la création d’un commandement pour les opérations aéroterrestres en Europe (CTE), état-major terrestre ayant vocation à assumer sur ordre et dans une logique de milieu certaines fonctions de niveau opératif en Europe. Elles induisent jusqu’à aujourd’hui et pour l’essentiel des enjeux logistiques interarmées. Moins bien maîtrisées par les autres armées, dont les milieux et les besoins logistiques sont particuliers, ces responsabilités logistiques opératives interarmées sont en grande partie assumées par le CALT, dont le périmètre dépasse alors celui de la composante terrestre. En opération, Il intègre et synchronise également les DSIA, responsables de leur zone fonctionnelle respective au sein d’un unique GSIAT : le Groupement de soutien interarmées de théâtre est le plus haut niveau de la chaîne des soutiens déployés en opérations et dont la responsabilité échoyait auparavant au PCFL.

 

De l’indépendance à l’interdépendance : un changement de paradigme à prendre en compte

Ainsi, on peut identifier, en cinquante ans, six grandes phases de transformation de l’organisation de la logistique directement liée au changement de contexte géopolitique, politique, budgétaire et, par déclinaison, doctrinal. Elles s’inscrivent dans un système en mouvement, passant de phases ou les forces à soutenir sont plus importantes mais utilisées en réassurance ou en dissuasion à des phases d’engagement plus systématiques mais aux ambitions modérées.

Le soutien de l’armée de Terre doit désormais prendre en compte dans son agencement les interdépendances entre des acteurs distincts, autrefois parfaitement intégrés, et la recherche de cohérence entre l’organique et l’opérationnel.

Avec l’externalisation et la mutualisation, le soutien « pour la composante tactique » (ici, la composante terrestre) ne sera désormais plus le soutien « de la composante ». Cette perte d’autonomie du chef tactique a également provoqué son désintérêt pour un « fait soutien » devenu trop complexe. Il doit se le réapproprier pour mieux l’intégrer dans une manœuvre qui tend elle-même à intégrer d’autres champs et d’autres milieux.

 

Conclusion : une interdépendance aux effets atténués par le respect des grands principes du C2

Pour l’armée de Terre, les facteurs de transformation exogènes sont liés à l’appréciation de situation stratégique et ses implications tactiques. Cependant, cette dernière, qui devrait par essence n’être rapportée qu’au contexte militaire, dépend de choix organisationnels et budgétaires plus larges, de niveau politique, qui s’appuient ou conditionne le narratif stratégique (par exemple, les « dividendes de la paix »). Ces facteurs exogènes, dans tous les cas, obligent les organisations à s’adapter.

On constate cependant qu’ils ne permettent pas, pour l’armée de Terre, d’inscrire une transformation dans la durée : dans un contexte en perpétuel mouvement, la solution optimale n’est jamais acquise.

  • Premièrement, à la guerre, les adversaires cherchent en permanence la rupture organisationnelle ou technique qui provoquera la surprise et lui donnera l’avantage.
  • Deuxièmement, l’armée de Terre s’intègre dans une stratégie dont elle n’est pas propriétaire et où le cadre espace-temps de son action est restreint, impermanent.
  • Troisièmement, la composante terrestre est soumise à trois risques interdépendants que sont l’essoufflement logistique, l’isolement ou l’éloignement de ses bases.

Là où les théories de supply chain management supposent une forme de linéarité et une solution conceptuelle dans le perfectionnement et l’efficience du modèle logistique, cette singularité de l’armée de Terre peut l’amener à « revenir » sur un modèle ante.

Les effectifs perdus lors de la RGPP ne seront pas retrouvés et la mutualisation des soutiens a aussi montré des avantages, il est alors possible de paraphraser Paul Valéry et considérer, en matière de soutien, qu’il ne s’agit pas de « refaire ce que les autres ont fait, mais de retrouver l’esprit qui a fait ces choses et en fera d’autres en d’autres temps ».

L’esprit, ou les principes, survivent aux évolutions doctrinales, qu’elles proposent un modèle centralisé ou bien déconcentré, des soutiens intégrés au sein des composantes ou bien mutualisés. Pour que les fonctions dites « de contact » (unités d’infanterie, blindées ou aéromobiles) bénéficient d’appuis et de soutien, la chaine de commandement doit être simple et efficace, c’est-à-dire anticipée, décrite, connue, unique, acceptée et assumée.

Ainsi, l’articulation logistique peut évoluer, pourvu qu’elle soit dotée d’une structure de command and control robuste. Autrement dit, plutôt que craindre ces transformations et se désoler de leurs conséquences, on peut s’y adapter en maîtrisant la question du C2 logistique, et en étant capable de la faire évoluer, de façon dépassionnée et rationnelle.

Photo : manoeuvre de franchissement du Vistule pendant l’exercice Dragon 24 © A.Thomas-Trophime, armée de Terre, Pologne, mars 2024 >>>

https://www.defense.gouv.fr/terre/actualites/larmee-terre-pologne-lexercice-dragon-24

Le 4e Régiment de Chasseurs innove pour accroître le réalisme de sa préparation opérationnelle

Le 4e Régiment de Chasseurs innove pour accroître le réalisme de sa préparation opérationnelle


Le 15 janvier, le Commandement du combat futur [CCF] de l’armée de Terre a levé le voile sur le plan ATHENA [Accélération de la Transformation à la Hauteur des ENgagements de l’Avenir], lequel doit permettre d’identifier des technologies innovantes susceptibles d’avoir un intérêt militaire, de les expérimenter au sein d’unités « pilotes » et, le cas échéant, d’accélérer leur appropriation par les régiments.

Pour cela, le CCF entend s’appuyer sur les centres de recherche et sur les entreprises tout en encourageant l’innovation venant de la base [c’est-à-dire l’innovation « participative »]. Comme l’a récemment expliqué son commandant, le général Bruno Baratz, il s’agit de faire en sorte qu’elle soit « plus réactive » afin d’exploiter « l’accélération technologique » qui, de nos jours, est « sans précédent ».

Grâce à cette innovation participative, de nombreuses solutions ont été trouvées pour améliorer l’efficacité opérationnelle. Récemment, deux sous-officiers du 3e Régiment du Génie ont eu l’idée d’associer un drone Parrot ANAFI à un détecteur de métal afin de reconnaître les axes ou les points susceptibles d’avoir été piégés avec des mines ou des engins explosifs improvisés. Autre exemple : un militaire du 1er Régiment de Hussard Parachutistes a développé la munition téléopérée « Fronde » en adaptant d’anciennes grenades à fusil [AC58 et APAV40] à un drone FPV Racer.

La dernière innovation évoquée par l’armée de Terre est le fait du 4e Régiment de Chasseurs [RCh]. Et elle n’a pas hésité à parler de « procédé révolutionnaire ».

Ainsi, afin d’améliorer le réalisme des entraînement au tir de ses AMX-10RC, le régiment a développé une solution permettant de « projeter des cibles modulaires à l’aide d’un laser ».

« Cette idée géniale résulte d’une culture très présente au sein du régiment, celle de faire de l’innovation une pierre angulaire de la préparation opérationnelle. Pour cela, le 4e RCh s’appuie sur sa cellule ‘Transformation et innovation ‘ », a souligné l’Inspection de l’armée de Terre, via le réseau social LinkedIn.

Cette solution repose sur un « boîtier laser, qui est relié à un ordinateur, avec un logiciel. L’alimentation nécessite un groupe électrogène », a succinctement expliqué l’adjudant-chef « Rudy », du 4e RCh.

« L’utilisation du système de projection laser pour l’entraînement est adaptable à une large gamme d’armements. Cela permet de personnaliser l’entraînement selon les besoins de chaque unité [fantassins, chars, artilleurs, missiles]. Cette technologie permet d’améliorer les compétences tactiques, la précision, la gestion des situations, tout en maintenant un environnement d’entraînement sécurisé et flexible », a ajouté le sous-officier.

Testé lors de la dernière édition de l’exercice CERCES 2024 de la 27e Brigade d’Infanterie de Montagne [BIM], ce dispositif, appelé « Laser RK », a donné pleinement satisfaction… au point qu’il fait désormais l’objet d’un financement pour qu’il soit déployé dans d’autres unités de l’armée de Terre.

Photo : armée de Terre

Général Schill : Alors que la « place du char reste primordiale », l’armée de Terre a « besoin du MGCS »

Général Schill : Alors que la « place du char reste primordiale », l’armée de Terre a « besoin du MGCS »


Censé avoir été relancé après la signature d’un protocole d’accord par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, et son homologue allemand, Boris Pistorius en avril 2024, le projet de Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System] est toujours au même point.

Si les turbulences politiques de part et d’autre du Rhin n’y sont pas étrangères, il n’a pas encore été possible de notifier les premiers contrats à la société de projet devant être créée par les principaux industriels concernés [KNDS France, KNDS Deutschland, Thales et Rheinmetall], la constitution de cette dernière ayant pris du retard. En outre, la chambre basse du Parlement allemand [Bundestag] ne s’est pas encore prononcée sur l’accord signé par MM. Lecornu et Pistorius.

Pour rappel, comme il vise à développer une « famille de systèmes » [chars de nouvelle génération, drones, robots, etc.] reposant sur un  » cloud de combat », le MGCS doit être réorganisé selon huit piliers capacitaires distincts [plateforme, tourelles et canons, armement secondaire, système de communication et de commandement, simulation, capteurs, protection contre les drones, logistique], tout en assurant un partage industriel à 50-50 entre la France et l’Allemagne.

En outre, certains choix technologiques, comme l’armement principal du futur char de combat, n’ont pas encore été tranchés.

Quoi qu’il en soit, après s’être mis d’accord avec son homologue allemand sur une fiche commune d’expression des besoins [HLCORD], le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, s’est dit convaincu que le MGCS allait incarner une « bascule technologique ».

« En 2045, le char que nous utiliserons ne sera pas un char actuel amélioré, pour la simple raison que s’il faut équiper un seul véhicule de tous les équipements de protection et d’agression nécessaires, nos analyses montrent qu’il atteindrait un poids rédhibitoire de 70 ou 80 tonnes », a-t-il expliqué en novembre, lors d’une audition au Sénat dont le compte rendu vient d’être publié.
« C’est pourquoi nous nous orientons – et les Américains sont sur la même ligne – vers des systèmes combinant plusieurs véhicules. Ce ne sera pas une évolution des chars actuels, mais un système de systèmes au sein d’un cloud de combat », a poursuivi le CEMAT.

Au regard des implications technologiques et financières que cela suppose, le général Schill a estimé qu’un projet comme le MGCS ne peut qu’être conduit à « l’échelle européenne » car « aucun pays du continent n’aura la capacité de fabriquer seul les centaines d’équipements nécessaires à un coût contrôlé ».

Aussi, « nous sommes dans la ligne fixée […] par le préaccord industriel », a-t-il ajouté, alors que, de leur côté, Rheinmetall et Leonardo ont créé une coentreprise afin de proposer le char KF-51 « Panther » et le véhicule de combat d’infanterie KF-41 « Lynx » à l’armée italienne… A priori, le CEMAT ne pense pas que cette approche puisse être viable…

Quoi qu’il en soit, « l’armée de Terre a besoin du MGCS » car « la place du char reste primordiale », a insisté le général Schill.

Seulement, aussi « primordiale » soit-elle, cette place du char au sein de l’armée de Terre est réduite : la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prévoit un parc de seulement 160 Leclerc rénovés [a minima] à l’horizon 2030… et de 200 en 2035.