Lancé en 2019 par la notification d’un contrat de 1,7 milliard d’euros par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr] aux Chantiers de l’Altantique et à Naval Group, le programme FLOTLOG [Flotte Logistique], qui vise à remplacer les Bâtiments de commandement et de ravitaillement [BCR, classe Durance] de la Marine nationale, se poursuit à un rythme soutenu.
Pour rappel, FLOTLOG s’inscrit dans le programme franco-italien LSS [Logistic Support Ship], mené pour le compte de la Direction générale de l’armement [DGA] et la Direzione degli Armamenti Navali [NAVARM]. Il repose sur le pétrolier-ravitailleur A5335 Vulcano, conçu par Fincantieri.
Ainsi, livré en 2023 à la Marine nationale, le premier Bâtiment ravitailleur de forces [BRF], le « Jacques Chevallier », a déjà effectué plus de 100 ravitaillements à la mer. Il attend désormais d’être officiellement admis au service actif.
Quant au second, BRF « Jacques Stosskopf », il a fait l’objet d’une première cérémonie militaire en avril dernier, avec la remise de son fanion, ce qui marque la création de son équipage d’armement. Il doit être mis à l’eau d’ici la fin de cette année, soit un peu plus de deux ans après celle du premier navire de la série.
Enfin, la construction du BRF « Émile Bertin » a d’ores et déjà commencé. Après avoir découpé la première tôle, en décembre dernier, Fincantieri a annoncé, cette semaine, que la quille de la section avant de ce futur navire avait été posée lors d’une cérémonie organisée à Castellammare di Stabia [Italie].
« Le projet LSS, caractérisé par un très haut niveau d’innovation, rend les unités extrêmement flexibles dans différents profils d’utilisation, avec un haut degré d’efficacité. Grâce au programme FLOTLOG, nous embarquons des produits technologiquement avancés conçus pour assurer la défense et la sécurité de nos eaux », a fait valoir l’industriel italien, via le réseau social X.
Comme pour les deux précédents navires du programme FLOTLOG, la partie avant de l’Émile Bertin sera ensuite transférée à Saint-Nazaire, les Chantiers navals de l’Atlantique étant chargés de l’assembler à la partie arrière qu’ils auront construite.La Marine nationale devrait prendre possession de son troisième BRF en 2027.Quant à la quatrième unité prévue [le « Gustave Zédé »], elle ne sera pas livrée avant 2031.
D’une longueur de 194 mètres pour une largeur de 24 mètres et un déplacement de 31’000 tonnes en charge [16’000 tonnes à vide], le BRF a une capacité d’emport de 1500 tonnes de fret et de 13’000 m³ de carburants. Doté d’une double coque [contrairement aux BCR actuels…], il dispose d’une passerelle de navigation à 360°, de quatre mâts de ravitaillement polyvalents lui permettant le soutien simultané de deux navires et d’une plateforme aéronautique. Enfin, il est armé de deux systèmes RAPIDFire de 40 mm.
Après les camions-citernes, place aux camions logistiques. L’acquisition de jusqu’à 7000 nouveaux véhicules est désormais dans le collimateur des armées françaises, lancement d’une autre compétition à la clef.
Le ministère des Armées semble avoir mis sur les rails ce qui semble être le coeur du programme à effet majeur « flotte logistique et tactique terrestre » (FTLT). Trois mois après l’attribution d’un premier incrément à Arquus, il s’agit cette fois de renouveler le segment des porteurs de charge utile 6 tonnes (PL6T).
Selon l’appel d’offres publié hier, un maximum de 7000 véhicules tout terrain protégés ou non pourraient être livrés en plusieurs versions au travers d’un marché notifié par la Direction générale de l’armement (DGA) pour un peu plus de 12 ans. Hormis le développement des porteurs, ce dernier comprendra deux tranches relatives à la constitution du système de soutien et au soutien proprement dit du parc. Le volet financier n’est pas détaillé.
Le sujet FTLT, ce sont plus de 2080 camions potentiellement livrés d’ici à 2030 toutes versions confondues et jusqu’à 9466 à horizon 2035. Une tranche de 75 M€ est prévue cette année en autorisations d’engagement pour acter principalement la première commande du deuxième incrément, celui portant notamment sur des porteurs polyvalents de l’avant « dédiés au transport de systèmes d’armes et de ressources pondéreuses ».
Cette nouvelle étape confirme à son tour l’approche incrémentale finalement privilégiée afin de « s’adapter à l’évolution du besoin capacitaire, de la menace, du vieillissement du parc en service et l’arrivée des nouvelles technologies ». Plutôt que de miser sur un opérateur unique, chaque incrément sera donc l’objet d’une mise en concurrence dédiée.
Au vu des volumes pressentis, la DGA accorde une attention particulière à la robustesse financière et industrielle des potentiels candidats. Pour espérer être retenu, il faudra démontrer un chiffre d’affaires d’au minimum 600 M€ sur les trois dernières années et une capacité de production annuelle de 1000 camions. Pour certains comme Arquus, il s’agira donc de s’allier. Désormais intégré dans le groupe belge John Cockerill, le champion national a en effet enregistré un résultat inférieur au seuil exigé au cours des derniers exercices.
Attendu de longue date, FTLT permettra de renouveler des capacités dont l’obsolescence et les limites auront été démontrées l’an dernier lors de l’exercice majeur ORION. Densifier la flotte et renforcer sa mise sous blindage, voilà l’une des recommandations inscrites dans un récent rapport parlementaire relatif aux leçons d’ORION et auxquelles cet appel d’offres tentera justement de répondre.
Système de tir à travers l’arc de l’hélice imaginé par le lieutenant [aviateur] Roland Garros, obusier portable pneumatique de 60 mm, « Sauterelle d’Imphy »… Lors de la Première Guerre Mondiale, nombreuses furent les inventions venues de la base, les combattants étant les mieux placés pour trouver des solutions à des problèmes pratiques.
Cette démarche a ensuite été « institutionnalisée » par le ministère des Armées vers la fin des années 1980, avec la création de la « Mission innovation participative » [MIP], récemment transformée en « Cellule d’innovation participative » [CIP] et placée sous l’égide de l’Agence de l’innovation de défense [AID].
Les projets que celle-ci soutient laissent entrevoir des gains capacitaires intéressants à moindres coûts. Certains sont d’ailleurs devenus incontournables, comme le smartphone « Auxylium », qui permet de se passer des radios tactiques en milieu urbain. Sera-ce le cas du « FUSHYB », évoqué par l’AID dans son bilan de l’année 2023 qu’elle a publié la semaine passée ?
Ainsi, il s’agit d’un « fusil hybride » imaginé par un officier marinier du commando Marine « Hubert » qui, basé à Saint-Mandrier-sur-Mer [Var], est spécialisé dans l’action sous-marine et le contre-terrorisme maritime.
Selon les explications – succinctes – données par l’AID, FUSHYB est un fusil « deux en un » destiné aux tireurs d’élite, doté de deux capacités « complémentaires », à savoir la puissance de feu et la porté d’un côté et la précision et la discrétion de l’autre. Le calibre de cette arme n’a pas été précisé.
« Les dernières opérations ont montré l’utilité de disposer d’un fusil offrant ces deux capacités primordiales dans un seul et même système », souligne l’AID. Et d’expliquer : « Concrètement l’arme permet, sans changement de configuration, l’utilisation de munitions supersoniques en mode semi-automatique [pour la puissance de feu et la portée] et de munitions subsoniques en mode réarmement manuel et culasse calée [pour la précision, la discrétion et le silence].
En 2023, l’AID a soutenu 27 nouveaux projets issus de l’innovation participative, pour un montant total – et modeste – de 1,89 million d’euros.
La Marine nationale devra remplacer ses deux frégates de défense aérienne classe Forbin à la fin de la prochaine décennie.
Voilà qui est fait ! Le Parlement néerlandais a avalisé, ce 11 juin, l’acquisition des quatre sous-marins de type Blacksword Barracuda du Français Naval Group, pour remplacer les sous-marins de la classe Walrus actuellement en service dans la Marine néerlandaise. Le dernier obstacle pour que la commande officielle, est dorénavant le recours juridique porté par TKMS devant la cour de La Haye, et qui doit être jugée le 26 juin.
Si les parlementaires bataves font majoritairement confiance à l’offre française, il n’en demeure pas moins vrai que certaines des interrogations qui ont émergé lors des débats, méritent une prise en compte proactive de la part de Paris, et de l’industriel français.
En particulier, la question du partage de l’activité industrielle avec l’industrie navale néerlandaise, et plus spécifiquement avec Damen, représente un point particulièrement sensible et clivant, qu’il conviendrait de traiter avant que le nouveau gouvernement de La Haye, prenne les manettes du pays.
À ce sujet, la Marine néerlandaise a lancé, il y a peu, l’étude préalable d’une nouvelle frégate antiaérienne lourde, inscrite sur un calendrier proche de celui qui va s’imposer à la Marine nationale pour remplacer les frégates Horizon de la classe Forbin.
Dans ce contexte, serait-il pertinent, et efficace, pour la France, comme pour Naval Group, de rejoindre le programme néerlandais confié à Damen, pour réduire les couts de developper d’une nouvelle frégate de defense aérienne française, et pour donner aux autorités néerlandaises, des garanties de coopération pertinentes pour son industrie navale, sur le moyen et long terme ?
Sommaire
Le Parlement néerlandais approuve officiellement l’acquisition des Blacksword Barracuda de Naval Group
Il y a un peu plus d’une semaine, le programme ORKA pour remplacer les sous-marins de la classe Walrus de la Koninklijke Marine, la Marine royale néerlandaise, avait franchi une étape déterminante.
Le Blacksword Barracuda de Naval Group est plus proche que jamais de trouver son chemin vers la Koninklijke Marine.
Après que le gouvernement sortant avait annoncé la victoire de Naval Group, avec le modèle Blacksword Barracuda, lors de la compétition qui l’opposait à l’allemand TKMS, et au couple Saab-Damen, le programme devait, en effet, recevoir l’aval du nouveau Parlement néerlandais, à majorité nationaliste depuis les élections législatives de l’automne 2023.
Loin d’être une formalité, le ministre de la Défense sortant, Christophe Van der Maat, a, en effet, dû répondre à de nombreuses interrogations et attaques qui avaient émergé dans la presse néerlandaise dans les semaines ayant précédé l’audition parlementaire, en particulier concernant les garanties quant au prix proposé par l’industriel français, 25 % moins cher que ses autres concurrents, et au sujet des engagements d’investissements de Naval group dans l’industrie locale.
Les réponses apportées par le ministre de la Défense et ses équipes, aux questions des parlementaires, avaient semble-t-il fait mouche, puisqu’à la sortie de cette session, les parties majoritaires annoncèrent qu’ils soutenaient le programme. Il fallait toutefois atteindre qu’une série de motions déposées par le Chris Stoffer du Parti politique réformé (SPG), ne représentant que 3 des 150 sièges de la nouvelle chambre, soient votées pour poursuivre.
C’est désormais chose faite. En effet, les trois motions déposées par M Stoffer ont été rejetées, ouvrant la voie à la signature officielle de la commande, qui doit intervenir avant la fin du mois de juillet 2024. Il faudra cependant attendre que la plainte déposée par l’allemand TKMS, au sujet de l’appel d’offre lui-même, soit statuée par al justice néerlandaise, le sujet étant présenté le 26 juin devant la cour de justice de La Haye.
2 des 3 grands programmes de la Marine néerlandaise attribuée à Naval Group
Sachant que depuis le 4 juin, et les conclusions non officielles du débat parlementaire, Damen et Saab, pourtant particulièrement véhéments avant cela, ont, semble-t-il, jeté l’éponge pour se tourner vers d’autres combats plus porteurs, on peut penser que les chances que le recours engagé par TKMS, n’a que peu de chances d’aboutir, et qu’il sert surtout à faire peser un certain doute sur la validité du prix proposé par Naval group, dans les compétitions à venir.
Les six grands batiments de guerre des mines néeralndais auront été conçu et fabriqués par Naval Group et ECA.
Quoi qu’il en soit, avec cette décision parlementaire, et en anticipant une décision de justice favorable à l’arbitrage gouvernemental néerlandais, il apparait que la Koninklijke Marine aura confié deux des trois grands programmes navals du moment, au français Naval Group, que ce soit directement, avec les sous-marins Blacksword Barracuda du programme ORKA, ou indirectement, avec les grands navires de guerre des mines du programme rMCM.
Dans ces conditions, on peut comprendre les différents avis publiés dans la presse spécialisés Batave, au sujet des contreparties que la France pourrait faire à l’industrie de défense néerlandaise. Ce d’autant que la confiance de La Haye dans les équipements français a connu une nouvelle jeunesse ces derniers mois, comme la commande de 14 hélicoptères de manœuvre H225M Caracal pour les forces spéciales en octobre 2023.
Toutefois, la chose apparait plus simple à dire qu’à faire. En effet, l’industrie de défense néerlandaise excelle particulièrement dans deux domaines. Le premier est celui des radars et senseurs navals, avec Thales Nederland.
En 1990, le spécialiste néerlandais des radars Signaal a été racheté par le Français Thomson-CSF, devenu, depuis, Thales. L’entreprise produit certains radars navals et les systèmes IR les plus efficaces et largement répandus dans les marines mondiales, comme la gamme SMART-S et le NS-100. Difficile de toucher à cette coopération déjà parfaitement huilée et mutuellement bénéfique au sein du groupe Thales.
Le radar S1850 des frégates Horizon de la classe Forbin est une evolution du SMART-L de Thales Nederland.
Le second domaine d’excellence de la BITD néerlandaise, et celui de la construction navale, avec les chantiers navals du groupe Damen. Celui réalise, chaque année, un chiffre d’affaires de 2 à 2,5 Md€, et dispose de 32 chantiers navals. Il a récemment remporté d’importants succès dans le domaine militaire avec les corvettes de la famille SIGMA, acquises par les marines indonésiennes, marocaines, mexicaines et colombiennes.
Le groupe a également remporté, en janvier 2020, la conception des frégates F126 de la Bundesmarine allemande, avec les chantiers navals Blohm&Voss et Lurssen, passé de 4 à 6 navires en avril 2024, après que le ministère de la Défense a levé l’option attachée au contrat. Enfin, Damen conçoit et fabrique les unités majeures de surface de la Marine néerlandaise, et notamment les nouvelles M-fregates codéveloppées avec la Belgique.
Toutefois, Damen ayant fait le pari de l’offre conjointe avec Saab dans le cadre du programme ORKA, Naval Group n’a pas, et c’est compréhensible, intégré une coopération avancée avec ce groupe dans sa proposition et, en particulier, dans l’enveloppe budgétaire y étant attachée, celle-là même qui a été déterminante dans ce dossier.
L’opportunité de codévelopper avec Damen une frégate antiaérienne pour remplacer les frégates Horizon de la classe Forbin
Reste qu’une coopération avec Damen constituerait, certainement, l’axe le plus pertinent, pour mettre en œuvre une coopération de réciprocité avec l’industrie néerlandaise, et ce, en dépit des tensions qui ont parfois émaillé les relations entre les deux groupes.
le concept de frégate antiaérienne de nouvelle génération présentée en avril au parlement néerlandais par la Koninklijke Marine. Le navire pourra emporter jusqu’à 96 silos verticaux, soit autant que les DDG(x) américains.
Les quatre frégates néerlandaises, sont entrées en service de 2002 à 2005, et devront donc être remplacées entre 2032 et 2040, selon que la durée de vie des navires s’établit à 30 ou 35 ans. Or, sur cette période, la Marine nationale, elle aussi, va devoir remplacer deux de ses frégates antiaériennes, en l’occurrence, les frégates Horizon de la classe Forbin, entrées en service en 2008 et 2009.
Pour le ministère des Armées, et la Marine nationale, l’hypothèse de codévelopper les remplaçants de ces deux navires, avec un pays européen, s’avèrerait certainement un calcul pertinent.
En effet, rapporter la conception de ces navires clés sur une flotte de seulement deux navires, entrainerait des surcouts particulièrement élevés, d’autant que les opportunités d’exportation pour ces navires lourds et très onéreux, sont évidemment faibles. D’ailleurs, ni la France ni l’Italie ne sont parvenues à exporter le modèle Horizon.
Le remplacement des frégates de la classe De Zeven Provincien constitue peut-être une opportunité pour la France, Naval Group et la Marine nationale.
À l’inverse, si une coopération avec les Pays-Bas, et Damen, venait à être négociée, cela ramènerait les couts de conception sur six coques, quatre pour la Koninklijke Marine, et deux pour la Marine nationale, bien plus supportables.
En outre, une coopération franco-néerlandaise, à ce sujet, permettrait peut-être d’inciter la Marine néerlandaise à se tourner vers une missilerie surface-air européenne, avec le missile Aster et son évolution du programme Hydis, auquel, justement, participent les Pays-Bas, quitte, pour cela, à accepter de faire construire les navires aux Pays-Bas, ce qui représenterait, sans le moindre doute, un geste de coopération très apprécié à La Haye.
Concevoir une classe de destroyers d’assaut outre-mer avec les Pays-Bas
Bien évidemment, l’hypothèse d’aller faire construire les deux navires de surface combattant les plus puissants de la Marine nationale, aux Pays-Bas, risque de créer une levée de bouclier auprès de Naval group et de ses sous-traitants, même s’il s’agit de promouvoir l’utilisation d’équipements français, sur l’ensemble de la classe.
Toutefois, les économies réalisées, en matière de conception et d’études, permettrait à la Marine nationale et Naval group de lancer la conception d’une autre classe de navire, plus innovante, répondant à des besoins importants non couverts, et disposant d’un potentiel export sensiblement plus important, que ne le seront les futurs frégates antiaériennes franco-néerlandaises, le cas échéant.
Il s’agirait, en l’occurrence, de developper une classe de destroyers d’assaut, comparables, dans l’esprit, au programme Multi-Role Support Ship, ou MRSS, de la Royal Navy. Pour rappel, il s’agit, ici, d’un navire hybride, disposant, à la fois, de la puissance de feu d’une frégate, que ce soit vers la terre ou pour son autodéfense, et d’un radier et d’une plateforme aérienne permettant la projection aéro-amphibie, mais de manière plus réduite que concernant les PHA Mistral.
Le projet MRSS Fearless préfigure ler concept de destroyer d’assaut imaginé par la Royal Navy.
De fait, la conception et la construction d’une telle classe de navire permettrait largement de compenser le déficit industriel lié au codéveloppement des remplaçants des frégates Forbin, avec les Pays-Bas, que ce soit pour les Bureaux d’études comme pour le site de Lorient. En outre, rien n’empêche que d’autres partenaires européens se joignent à ce programme, bien au contraire, pour peu que le pilotage du programme reste assuré par Naval Group.
De manière intéressante, d’ailleurs, la Marine néerlandaise pourrait y trouver un intérêt, même si elle a annoncé, conjointement au lancement du développement de ses nouvelles frégates antiaériennes, celui d’une nouvelle classe de LHD compacts, pour renouveler ses capacités aéro-amphibies.
En effet, la Koninklijke Marine est l’une des rares marines européennes, avec la Royal Navy et la Marine nationale, à avoir des déploiements outre-mer, en particulier dans les Caraïbes. Et ces destroyers d’assaut apporteraient une importante plus-value opérationnelle par la polyvalence de ses capacités.
Conclusion
On le voit, bien que contre-intuitives à priori, les opportunités pour Paris, comme pour Naval group et la Marine nationale, concernant l’approfondissement des coopérations en matière de construction navale militaire avec La Haye, Damen et la Marine néerlandaise, sont nombreuses.
la préservation des compétences indsutrielles du site de Lorient de Naval Group est un enjeu prioritaire pour le Ministère des Armées et la DGA.
C’est en particulier le programme de frégates lourdes antiaériennes, annoncée en avril par la Marine néerlandaise, qui représente le support le plus adapté pour simultanément optimiser les moyens de la Marine nationale, tout en anticipant les légitimes attentes néerlandaises pour un partage industriel direct ou induit, spécialement avec Damen, concernant le programme ORKA.
Pour autant, cette opportunité ne doit pas se faire au détriment de la préservation des compétences de conception et de fabrication de Naval group en matière de grands navires de surface combattants, et doit être associée à d’autres initiatives, destinée à faire d’un arbitrage initialement défavorable, un atout opérationnel pour la Marine nationale, et concurrentiel pour l’industriel français.
Pour autant, en liant les initiatives et les besoins, par exemple, en réinjectant les économies d’études réalisées au sujet du remplacement des Forbin, vers la conception d’une classe de destroyers d’assaut outre-mer, il est possible de trouver un équilibre mutuellement profitable pour l’ensemble des six acteurs concernés.
Reste que pour donner corps à une vision non linéaire comme ici développée, il est nécessaire d’accepter de concevoir la coopération de manière globale, et d’anticiper tant les besoins industriels et politiques à venir, que les besoins opérationnels émergents.
Article du 13 juin en version intégrale jusqu’au 28 juillet 2024
Un partenariat stratégique pour la réserve industrielle
Le 17 juillet 2024 marque une date importante pour l’industrie de défense française. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, et Hugo Brugière, PDG de Verney-Carron, ont signé une convention de partenariat à Saint-Étienne, Loire. Cette collaboration pionnière permet à une entreprise de l’industrie française de défense de bénéficier pour la première fois du renfort de réservistes, mettant en lumière un nouveau modèle de réactivité industrielle en période de crise.
La convention, établie pour cinq ans, s’inscrit dans la dynamique de montée en puissance de la Base industrielle et technologique de défense (BITD). Le ministère des Armées joue un rôle central en avançant la rémunération ainsi que les cotisations et prestations sociales des réservistes, tandis que Verney-Carron s’engage à rembourser ces sommes. Les réservistes, mobilisables sur des missions spécifiques grâce à leurs compétences, peuvent ainsi renforcer rapidement les cadences de production lors de crises majeures, répondant ainsi efficacement aux besoins étatiques.
Emmanuel Chiva a souligné l’importance de cette convention en déclarant : « Ce partenariat inédit renforce notre capacité à répondre rapidement et efficacement aux besoins de défense nationale en période de crise » . Hugo Brugière a ajouté : « Verney-Carron est fier de contribuer à l’effort national en intégrant des réservistes au sein de nos équipes ».
La réserve industrielle de défense : un atout pour la BITD
La Réserve industrielle de défense (RID) est un dispositif innovant ouvert aux professionnels possédant des compétences industrielles, visant à renforcer les chaînes de production et le maintien en condition opérationnelle de l’industrie d’armement en cas de crise. Destinée prioritairement aux ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs, la RID englobe également des compétences en fabrication, usinage, chaudronnerie, contrôles non destructifs, et qualité produit.
Les réservistes s’engagent sur une base de 10 jours par an, avec un dépassement autorisé pour la formation, l’entretien des compétences et la mise en situation. Leur statut de militaire, avec une rémunération calculée sur la même base qu’un militaire d’active du même grade, leur permet d’intégrer les équipes de la BITD ou des industriels étatiques tels que le SMITer, le SLM, le SIAé, et le SIMu.
Le dispositif ambitionne de constituer un vivier de 3 000 réservistes industriels, prêts à être déployés chez les industriels de la BITD en cas de besoin. Pour intégrer la réserve, plusieurs conditions sont requises : être actif dans l’industrie civile ou récemment retraité des domaines industriels, être de nationalité française, être en règle avec le service national, et être apte médicalement. De plus, les candidats doivent s’engager à respecter la charte de déontologie du réserviste.
Paolo Garoscio
Journaliste chez EconomieMatin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.
La livraison du bâtiment militaire est prévue pour la fin d’année 2024.
Le 12 juillet 2024, la Direction générale de l’armement (DGA), par l’intermédiaire du Ministère des Armées, annonçait que le nouveau sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Tourville avait débuté ses premiers essais en mer au large de la Normandie.
Ces premiers tests ont eu lieu dans le cadre du programme Barracuda. Ce dernier est mené de front par NavalGroup et TechnicAtome et supervisé par l’armée française pour construire et livrer des sous-marins nucléaires à l’armée française.
D’abord des essais en mer, puis dans l’océan
Transféré vers le “dispositif de mise à l’eau” en juillet 2023, le Tourville a démarré ses premiers tests en conditions réelles le 12 juillet 2024, comme l’annonçaient en cœur le Ministère des Armées ainsi que NavalGroup.
Une avancée majeure dans le programme Barracuda qui devrait voir le Tourville être livré dans les temps d’ici la fin de l’année 2024. Il ne s’agissait que des premiers tests et ont “pour objectif de vérifier, de manière progressive, l’ensemble des capacités techniques et opérationnelles du sous-marin” peut-on lire sur le communiqué du Ministère des Armées du 12 juillet 2024.
Si les tests viennent à être concluants après ses premiers pas dans la mère de la Manche, le Tourville prendra la direction de l’Océan Atlantique pour continuer ses essais en situation.
Le Tourville en quelques chiffres
Si l’on se fie à la fiche technique qu’en donne NavalGroup, le Tourville, un sous-marin de type Suffren a de quoi impressionner :
99 mètres de long
8,8 mètres de large
5200 tonnes de déplacement en plongée
peut accueillir jusqu’à 65 personnes à bord
peut rester en mer plus de 270 jours par an en mer
bénéficie d’un armement divers : missiles de croisière navals, torpilles lourdes filoguidées (guidées par un laser), missile antinavire
Pourtant, bien qu’il soit massif, il est plus petit que les monstres marins que sont les SNLE ou sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La France en possède quatre : Le Triomphant, Le Téméraire, Le Vigilant et Le Terrible. Mis en service entre 1997 et 2010, voici leurs caractéristiques qui servent notamment à permettre la dissuasion nucléaire partout dans le monde :
138 mètres de long
12,5 mètres de large
14 200 tonnes de déplacement en plongée
pouvant accueillir 2 équipages de 110 marins
bénéficie d’un armement de 16 missiles stratégiques M51 de type mer-sol qui peuvent contenir jusqu’à 10 têtes nucléaires chacun et avec une portée estimée entre 9000 et 10 000 km
Un arsenal auquel viennent s’ajouter des torpilles anti-navires et anti-sous-marines.
Barracuda, un programme de six sous-marins
Dans le programme Barracuda, le Tourville est le troisième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) qui sera livré à la Marine nationale vers la fin d’année 2024. Avant lui, le Suffren (juin 2022) et le Duguay-Trouin (avril 2024) ont rejoint les rangs de l’armée française. Le Suffren, étant le premier sorti, c’est pour cela qu’il donne le nom de la classe des sous-marins du programme Barracuda.
Les trois SNA qui succèderont au Tourville sont le de Grasse, le Rubis et le Casabianca et devraient être livrés d’ici 2030 pour compléter le programme Barracuda.
Ces bâtiments militaires de haute technologie se distinguent des anciennes générations grâce à l’amélioration de leurs performances. En effet, le Ministère des Armées appuie sur le fait qu’ils sont “plus rapides, plus endurants et plus polyvalents que les SNA de la génération précédente. […] Ils représentent un bon technologique qui permet à la France de rester dans le club très restreint des nations qui mettent en œuvre des SNA modernes et performants.”
Ce 14 juillet, l’Agence de l’innovation de défense [AID] présente une soixantaine de projets innovants portés par les armées et les centres de recherche relevant de la Direction générale de l’armement [DGA] dans la cour des Invalides.
S’il sera beaucoup question de robots, de drones et d’intelligence artificielle, un certain nombre d’entre eux sont déjà connus, comme le canon électromagnétique de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis [ISL], le « patrouilleur-guetteur » spatial YODA ou encore l’avion hypersonique « Espadon » sur lequel travaille l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA].
Cela étant, certains de ces projets paraissent bien mystérieux, faute d’explications apportées par l’AID. Ainsi, le Commandemment des actions spéciales Terre [CAST] présentera un « véhicule de ravitaillement dans la profondeur » et un « vélo électrique pliable et largable dans une gaine individuelle de chuteur opérationnel » dont on ne sait que très peu de choses…
En revanche, outre le système de porte-mortier Alakran destiné au petit véhicule tout-terrain Polaris MRZR dont il a été récemment question, l’AID a révélé que les Forces spéciales Terre étaient en train d’évaluer le HUTP [Haulotte Ultralightweight Tactical Platform], un « véhicule 4×4 innovant du segment ‘haute mobilité’ ».
Là encore, les informations à son sujet sont parcellaires… Pour autant, le HUTP n’est pas un inconnu. En effet, celui-ci avait été présenté par l’entreprise française Haulotte, jusqu’alors spécialisée dans la conception et la production de nacelles élévatrices, en 2019.
Le HUTP a effectivement des atouts de taille à faire valoir. Doté d’un moteur diesel de 160 ch et d’une boîte automatique de cinq rapports, il est capable de transporter une charge utile de 1,2 tonne et rouler à la vitesse maximale de 150 km/h, pour un autonomie d’au moins 1000 km. Mais c’est surtout sa mobilité qui est intéressante puisqu’il peut franchir des pentes de 60 % et des devers de 40 %.
Aérotransportable et aérolargable, le HUTP dispose d’une électronique embarquée réduite au maximum. Celle-ci se limite à un calculateur GMP et à quatre prises USB pour son équipage. L’idée est de faciliter ainsi les opérations de maintenance.
Au moment de la présentation de son véhicule, Haulotte avait expliqué que le soutien logistique avait été intégré dès sa conception, avec un accès aux « organes principaux » facilité et un « système d’acquisition et de gestion » des pièces de rechange basé sur « des solutions rapides ». Un autre atout est que le HUTP peut se décliner en plusieurs versions : reconnaissance, logistique et « X-tra logistique ».
Si le CAST va exposer le HUTP au public, c’est sans doute parce que son évaluation a donné de bons résultats… Reste à voir s’il sera effectivement adopté par le 1er Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine et le 13e Régiment de Dragons Parachutistes… ou par d’autres unités de l’armée de Terre. Lors de la dernière commémoration du combat de Camerone, à Aubagne, Haulotte l’avait présenté au chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, ainsi qu’au « Père Légion », le général Cyrille Youchtchenko.
Un réducteur de traînée de culot [ou Base Bleed en anglais] est un dispositif pyrotechnique à base de propergol qui, à la sortie de la bouche d’un canon, dégage des gaz chauds, permettant ainsi de réduire la traînée aérodynamique du projectile sur lequel il a été fixé et, donc, d’augmenter sa portée.
Si cette technologie est ancienne, la Direction générale de l’armement [DGA] entend l’améliorer, via le marché EC3B [Étude sur l’amélioration de la méthodologie de caractérisation aérobalistique du Base Bleed]. Celui-ci a été confié à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA] et KNDS Ammo France, la filiale munitionnaire de KNDS, en 2019.
Lors de la dernière édition du salon de l’armement aéroterrestre EuroSatory, l’ONERA a fait savoir qu’il venait de franchir une « étape importante dans le développement d’un moyen de caractérisation des Base Bleed au profit de la DGA et de KNDS Ammo France ».
Ainsi, l’ONERA a amélioré son logiciel de simulation multi-physique pour l’énergétique et la propulsion CEDRE afin de prendre en compte les « conditions de fonctionnement des Base Bleed » et a développé un banc d’essais dédié sur son site du Fauga Mauzac, près de Toulouse.
« L’énergétique est la science de l’énergie. Dans le processus de combustion [simplifié], l’énergie arrive sous forme chimique, concentrée dans le carburant [kérosène, ergols, propergol], pour être transformée en chaleur [énergie thermique] et enfin se transformer en poussée [énergie mécanique] », explique l’ONERA. Aussi, poursuit-il, les modèles de CEDRE « décrivent les physiques de la chimie, de la thermodynamique, de l’aérodynamique ».
S’agissant du banc d’essais du Fauga Mauzac, celui-ci a récemment réalisé des essais « pour des vitesses de rotation du propergol jamais atteintes allant jusqu’à 12000 tours par minute », ce qui permettra désormais d’étudier très précisément les Base Bleed en « simulant l’emploi d’une munition dans les conditions réalistes [vitesse de rotation, altitude…]. Le prochain objectif est de tester un niveau de rotations de 18000 tours par minute.
De son côté, KNDS Ammo France conduit des « travaux de recherches expérimentaux et numériques complémentaires » à ceux de l’ONERA. Mais leur nature exacte n’a pas été précisée.
Ce projet EC3B, « financé par la DGA et mené à bien en partenariat avec KNDS au profit de nos armées, aboutit à un moyen d’essai unique qui va améliorer les performances de nos armements et permettre à notre industrie d’être au meilleur niveau mondial», a résumé René Mathurin, directeur de programme Défense à l’ONERA.
En 2021, le ministère des Armées fit part de son intention de relancer une filière industrielle « souveraine » dans le domaine des bouées acoustiques, lesquelles sont essentielles pour la lutte anti-sous-marine et la surveillance des approches maritimes. Et cela alors que, encore aujourd’hui, les approvisionnements de la Marine nationalee dépendent des États-Unis.
Pour rappel, il existe deux types de bouées acoustiques. Celles dites actives émettent une impulsion sonore et reçoivent l’écho éventuellement renvoyés avant de le relayer, via un émetteur UHF/VHF resté en surface, vers un avion ou un navire. Celles tdies passives captent les signaux acoustiques avant de les transmettre à l’aéronef qui les a larguées.
Or, le projet porté par le ministère repose sur une nouvelle bouée acoustique « haute performance » développée par Thales. Appelée « SonoFlash », elle a la particularité d’être à la fois active et passive. En outre, elle est interopérable avec le sonar trempé Flash et les sonars remorqués CAPTAS des frégates multimissions [FREMM].
« La bouée acoustique SonoFlash, déployable par tout type d’aéronef de lutte anti-sous-marine, constituera un élément clé de protection face à une menace sous-marine croissante », a encore fait valoir la Direction générale de l’armement [DGA], à l’issue des premiers essais de « déploiement » de cette bouée depuis un avion de patrouille maritime Atlantique 2, en décembre dernier.
La livraison de ces bouées SonoFlash devrait commencer en 2025. Aussi, l’appel d’offres publié par le ministère des Armées, le 24 juin, a de quoi intriguer.
En effet, il est question de notifier un accord-cadre d’une durée de cinq ans pour livrer à la Marine nationale. « Il s’agit de fournir des bouées acoustiques et/ou passives, aérolargables, de type Otan. Ces bouées sont mises en œuvre par les avions de patrouilles maritimes ATL2 et les hélicoptères de lutte anti-sous-marine », lit-on dans cet appel d’offres.
« Sans engagement de la part de l’État, la quantité annuelle de bouées à approvisionner est, à titre indicatif, de l’ordre de 1000 bouées actives [de type Otan AN/SSQ62E par exemple] et de 2000 à 3000 bouées passives [de type Otan AN/SSQ 53D ou AN/SSQ 53G par exemple] », y est-il précisé. En clair, il est question d’acquérir un maximum de 20’000 bouées sur la période considérée.
Le montant de cet accord-cadre est significatif car il pourrait atteindre les 200 millions d’euros. En outre, comme le souligne le document, « cette procédure « n’est pas ouverte aux opérateurs économiques des pays tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen ». Ce qui exclut, de facto, les entreprises américaines.
« Pour l’exécution, les prestations seront réalisées dans les établissements du titulaire et de ses éventuels sous-contractants ainsi que dans les locaux du Centre d’Expérimentations Pratiques de l’Aéronautique navale [CEPA/10S], à Hyères, pour les essais de réception. La livraison des fournitures aura lieu sur la base de Lann Bihoué ou au CEPA », indique encore cet appel d’offres.
Lacroix, le grand spécialiste français des solutions d’autoprotection, a profité du salon Eurosatory pour dévoiler une évolution de sa suite d’autoprotection pour véhicules terrestres S-KAPS. Désormais, la solution soft-kill de Lacroix peut en effet prendre en compte les menaces dites « top-attack », le tout avec un minimum de modifications.
Une protection top-attack simple et efficace
Lacroix propose déjà depuis quelques années une suite d’autoprotection modulaire, S-KAPS (Soft-Kill Advanced Protection System). Constitué de lance-leurres Galix couplés à différents capteurs (détecteurs d’alerte laser, acoustique, électromagnétiques, etc.) et à une petite centrale météo, S-KAPS est capable de déployer des nuages de fumigènes autour d’un véhicule pris pour cible et de recommander un cap et une vitesse d’évasive, en fonction du sens du vent et d’autres paramètres environnementaux. Très réputé sur le marché export, S-KAPS évolue en continu et a récemment été adapté aux nouvelles menaces, notamment les munitions top-attack (missiles antichars, drones largueurs, munitions rôdeuses, obus et roquettes à sous-munitions, etc.) qui ciblent le toit des blindés, nettement moins protégé.
Pour contrer toutes ces menaces, Lacroix a procédé à une amélioration incrémentale de son système S-KAPS, qui est désormais capable de couvrir le dessus du véhicule à 360°, offrant une protection semi-sphérique plutôt que circulaire. Comme nous l’explique Éric Galvani, responsable programme pour Lacroix Defense, « il s’agit d’une solution quasiment sur étagère. Les munitions multispectrales utilisées sont celles qu’on utilise déjà sur Galix, avec juste un réglage pour les faire fonctionner un peu plus proche du véhicules, et elles sont disponibles sur étagère. Le lanceur que l’on utilise est un lanceur existant, simplement réorienté vers le haut. La centrale météo et le système d’aide à la manœuvre sont également identiques. Ce qu’il faut rajouter au système, c’est avant tout un système de détection de la menace, notamment du drone. Et pour le moment, on ne souhaite pas partir sur des designs très sophistiqués. On veut au contraire privilégier des systèmes à relativement bas coût, mais que l’on peut combiner pour avoir plus d’information sur l’environnement ».
Cette amélioration de la protection vers la lutte antidrones passe par l’utilisation d’un système d’écoute électromagnétique assez standard, permettant de détecter les liaisons de données utilisées par les drones et munitions vagabondes. A cela se rajoute une solution de vision périmétrique et hémisphérique PeriSight, fournie par Bertin Technologies, composée de quatre caméras IR latérales et d’une caméra-dôme orientée vers le haut. C’est suffisant pour détecter la plupart des menaces drones et munitions-suicides. Couplé aux capteurs acoustiques type PILAR de Metravib, cette vision hémisphérique peut aussi permettre de caractériser la menace représentée par des obus à sous-munitions antichars, comme BONUS. Bertin et Lacroix travaillent également sur une amélioration des algorithmes d’analyse d’image pour que ces derniers puissent fournir une confirmation de menace via une étude de la trajectoire des munitions rôdeuses par exemple.
La menace, qu’elle que soit sa nature, est signalée à l’équipage qui déclenche alors la solution soft-kill. En moins d’une seconde et demi, les lanceurs Galix déploient des fumigènes multispectraux tout autour du véhicule ainsi qu’au-dessus de lui. Les fumées qui se dissipent avec le vent forment une sorte de tunnel de fumigène que le véhicule va pouvoir suivre grâce au système d’aide à la manœuvre intégré à S-KAPS.
Une solution déjà remarquée ?
L’intégration de cette brique top-attack sur S-KAPS se veut aussi simple que possible. Les capteurs fournis par Bertin sont assez compacts pour pouvoir prendre place sur un véhicule léger, et s’interfacent directement avec le système S-KAPS. Pour le déploiement des leurres vers le haut, il faut généralement intégrer de nouveaux lanceurs verticaux, même si certains véhicules comme certains chars Leclerc disposent déjà de lanceurs Galix verticaux actuellement inutilisés. La munition fumigène, quant à elle, est simplement modifiée pour pouvoir exploser après 0,8 secondes de vol, afin de se déployer environ 8 m au-dessus du véhicule, là où les munitions latérales portent généralement à une vingtaine de mètres. Il en résulte une solution simple, polyvalente, abordable et très simple à intégrer. Pour Lacroix, la qualification de ce système pourrait se faire très rapidement, en quelques mois.
Dans les couloirs du salon, au gré des discussions, plusieurs interlocuteurs nous ont confirmé de leur intérêt pour une telle solution. Un officier de l’Armée de Terre nous l’a ainsi décrite comme « probablement la seule solution techniquement réaliste, et qu’on pourrait obtenir rapidement et à bas-coût ». Chez Lacroix, on ne cache pas non plus l’intérêt de certains prospects au cours du salon : « On aimerait naturellement se positionner sur le marché de la revalorisation des chars et autres véhicules du GCC, où les solutions Galix et S-KAPS sont déjà très bien implantées. Nous avons aussi été contactés par des véhiculiers qui ont entendu parler de S-KAPS et s’y intéressent. Et puis bien sûr, on se positionne aussi sur le marché européen, avec une solution sur étagère disponible rapidement et à relativement bas-coût. »
De fait, on pourrait effectivement imaginer un tel système embarqué un jour à bord des véhicules Scorpion belges et luxembourgeois, ou sur d’autres programmes exportations portés par KNDS ou Arquus, entre autres. En France, l’horizon est un peu plus lointain, et l’objectif fixé par le projet PRONOÏA est d’obtenir une solution soft-kill avancée totalement souveraine à l’horizon 2030. Reste que certaines briques de S-KAPS, y compris dans sa version top-attack, pourraient bien un jour se retrouver sur des véhicules français.
D’ici là, force est de constater que Lacroix monte régulièrement en puissance depuis quelques années. Après avoir exporté des dizaines de milliers de munitions Galix, l’industriel toulousain s’est récemment attaqué (avec succès) au marché des systèmes d’autoprotection intégrés. En achetant le droniste Milton (voir notre papier dédié à ce point), Lacroix dispose désormais de l’ensemble des compétences lui permettant de démontrer, en interne, la pertinence des nouvelles briques anti-drones de S-KAPS, qui ont de plus l’immense intérêt d’offrir une protection top-attack globale. Au-delà de S-KAPS, les synergies entre les drones et les leurres pourrait permettre à Lacroix de développer des suites d’autoprotection complètes et à haute valeur ajoutée, aussi bien pour vecteurs terrestres que navals et aériens, notamment grâce à des leurres dronisés redéployables et de longue autonomie. Affaire à suivre.