Eurosatory 2024 : le DT46, ou comment l’armée de Terre accélère sur le déploiement de l’innovation

Eurosatory 2024 : le DT46, ou comment l’armée de Terre accélère sur le déploiement de l’innovation

par – Fprces opérations Blog – publié le

Le drone DT46 devrait bientôt atterrir dans les régiments d’artillerie de l’armée de Terre. Pour l’instant en phase d’évaluation, cette solution conçue par Delair vient répondre à un besoin immédiat des forces. Elle symbolise aussi une volonté d’accélérer sur la captation et le déploiement de l’innovation au profit des forces. 

Un nouveau « chasseur » pour les artilleurs

L’oeil affûté l’aura sans doute remarqué : un drone DT46 de Delair trônait cette semaine sur le stand du ministère des Armées au salon Eurosatory. Cette présence n’est en rien due au hasard, car cette solution dévoilée il y a deux ans est sur le point de rejoindre l’éventail de systèmes en service dans les régiments de l’armée de Terre. Deux systèmes à deux vecteurs, deux stations sol et une antenne ont été livrés à la Section technique de l’armée de Terre (STAT) afin qu’elle puisse vérifier la pertinence, les concepts d’emploi et autres « grandes idées ». « Nous sommes fiers de proposer un drone développé sur fonds propres pour les évaluations de l’armée de Terre et pour d’autres clients étrangers. Quelque part, c’est la meilleure des récompenses », commente le droniste toulousain. 

La phase d’évaluation tactique (EVTA) est désormais achevée, remise d’un rapport concluant à la clef. À partir de la rentrée, la STAT orientera son effort vers la vérification des performances. Il s’agira alors de pousser le drone dans ses retranchements tout en identifiant des problématiques plus terre à terre mais essentielles de maintenance et de logistique. L’enjeu sera de livrer les conclusions finales dès cet automne, jalon préliminaire à d’éventuelles livraisons au profit des forces à compter de 2025.

La question des acquisitions n’est pas du ressort de la STAT, mais « le but est bien de transformer l’essai et de passer à l’échelle », explique le lieutenant-colonel Renault, chef de groupe drones au sein de la STAT. De fait, le DT46 se révèle être « un drone très prometteur », complète l’un de ses collègues. Repéré peu de temps après son apparition, le DT46 a pour particularité de pouvoir décoller et atterrir soit verticalement, soit de manière classique au moyen d’une rampe. Il est en effet doté de deux bras à deux rotors verticaux que l’opérateur peut monter ou démonter à loisir et qui permettront ce passage au mode « VTOL ». Son allonge atteint les 80 à 100 km, son autonomie les 5 à 6 heures en version voilure fixe tout en étant ramenée à environ 3h30 en cas de décollage et d’atterrissage vertical. Il embarque une boule optronique produite par un fournisseur français déjà mobilisé pour des démonstrations fructueuses conduites en Ukraine. Là-bas et ailleurs, « les retours opérationnels sont positifs », pointe Delair.

Autre point fort, le DT46 est certifié STANAG 4609, ce standard otanien qui combine le flux vidéo et les métadonnées issues des paramètres des capteurs embarqués et des résultats d’algorithmes. Un standard qui permettra de connecter le drone à une bulle aéroterrestre de plus en plus chargée en garantissant sa compatibilité avec le système de conduite des feux ATLAS et le système d’information du combat SCORPION (SICS). Il bénéficie, enfin, de la nouvelle station sol DRAKO (Drone Remote Access Command & Control for Operations) dévoilée à l’occasion d’Eurosatory et fournie à la STAT. Agnostique, son logiciel permet d’opérer en parallèle une dizaine de drones et de munitions téléopérées de différents types et constructeurs. Pratique pour anticiper l’intégration d’autres références dans une trame décidément loin d’être figée.

Crédits image : Delair

Compléter sans s’interdire d’accélérer

Situé un cran au dessus du SMDR dans le portfolio de l’armée de Terre, le DT46 armera en priorité les batteries d’acquisition et de surveillance (BAS) des régiments d’artillerie. Complément plutôt que remplaçant, il leur offrira une meilleure allonge, une meilleure autonomie et des capteurs plus récents. Surtout, sa capacité VTOL apporte de la souplesse d’emploi au chef tactique, qui peut maintenant s’affranchir du terrain pour aller chasser ses cibles plus longtemps et plus loin dans la profondeur. Chaque BAS serait à terme dotée de SMDR et de DT46. À l’artilleur de choisir en fonction de la nature du terrain et de sa mission.

L’acquisition envisagée passera par le vecteur contractuel récemment mis en place par la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé). Novateur, ce contrat-cadre notifié à Thales, Delair, EOS Technologie et Survey Copter permet aux forces et à d’autres acteurs étatiques d’acquérir des drones de contact certifiés et disponibles sur étagère. Il a déjà servi pour acheter les deux systèmes confiés à la STAT.

Souverain et « déjà bien déverminé », le DT46 est surtout disponible immédiatement. Rapide sans pour autant relever de l’urgence opération, la démarche engagée par l’armée de Terre préfigure un changement de posture défendu ce mercredi au salon Eurosatory par son chef d’état-major, le général Pierre Schill. Accéléré par le conflit russo-ukrainien, le cycle d’évolution du drone s’est contracté au point de se compter en semaines ou en mois et non plus en années. Face à « un monde du bouillonnement de l’innovation », il s’agit de trouver un nouvel équilibre entre les programmes structurants et de long terme et l’innovation rapide et agile. « Demain, dans deux ans ou trois ans, comment capter les équipements de demain ? », questionnait le CEMAT. L’une des réponses tient sans doute dans l’exemple du DT46, symbolique de cette logique de déploiement en lots successifs mentionnée par le général Schill. 

De fait, les rythmes de développement et les délais de livraison ne plus en adéquation avec un monde toujours plus instable et le spectre d’un engagement majeur. Il faut donc « se réaligner » pour disposer du bon équipement au bon moment. Le secteur des drones se renouvelant tous les deux ans, sa vitesse n’est plus en adéquation avec des programmes qui duraient jusqu’alors de cinq à six ans. Entre l’expression de besoin et la prise en main, le système est déjà obsolète. « Nous allons donc très vite. Nous sommes totalement dans le changement de phase que souhaite l’armée de Terre avec sa volonté d’innovation », note le lieutenant-colonel Renault. 

Et la réflexion ne s’arrête pas au seul volet matériel. Pour gagner davantage en réactivité et en souplesse et garantir la continuité de la réflexion du besoin jusqu’à la transmission dans les forces, la STAT a choisi d’intégrer des artilleurs dans l’équipe de marque chargée de l’évaluation du DT46. Bénéficier dès maintenant de la formation industrielle et de l’expérience d’autopilotage, c’est en effet constituer ce socle de connaissances avec lequel ils repartiront en régiment pour être plus rapidement opérationnels. 

« Le CEMAT ne veut pas que l’on s’interdise des choses », résume le lieutenant-colonel Renault. Message reçu cinq sur cinq. « On se rend compte qu’il nous faut autre chose. Cet autre chose, c’est le DT46. Demain, ce sera peut-être encore un autre système ». Une fois l’essai transformé, la STAT retournera à son travail de veille technologique, un avant-goût au lancement potentiel d’un nouveau cycle de captation pour des besoins encore non identifiés. Avec, qui sait, un nouvel ajout dans une trame appelée à se densifier avec l’arrivée du système de drone tactique léger (SDTL), autre effort pour lequel le document unique de besoin est maintenant « en courte finale ».

Le nombre de chars Leclerc modernisés va-t-il être encore réduit ?

Le nombre de chars Leclerc modernisés va-t-il être encore réduit ?

https://www.opex360.com/2024/06/20/le-nombre-de-chars-leclerc-modernises-va-t-il-etre-encore-reduit/


En outre, le texte indique également que des « travaux de rénovation et de pérennisation du char Leclerc seront complétés par ceux portant sur un démonstrateur de char, dans le cadre plus global du système de combat terrestre du futur » [ou MGCS].

Pour rappel, s’inscrivant dans le cadre du programme SCORPION [Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation], la modernisation du char Leclerc consiste à le doter des capacités nécessaires pour le combat collaboratif, ce qui passe par l’intégration du Système d’information du combat SCORPION [SICS] et celle de la radio CONTACT. Il s’agit aussi de renforcer sa protection contre les mines et d’améliorer sa conduite de tir. Enfin, il recevra un tourelleau téléopéré de 7,62 mm, de nouveaux capteurs optroniques et un viseur PASEO.

Pour le moment, la Direction générale de l’armement [DGA] a commandé 100 Leclerc XLR en deux temps, avec un premier contrat portant sur les 50 premières unités notifié à KNDS France [ex-Nexter] en juin 2021, suivi d’un second, confirmé en janvier 2022. Le premier char « rénovés » a été remis à l’armée de Terre en novembre dernier. Depuis, 19 autres ont suivi, à en croire le dossier de presse [.pdf] diffusé par le ministère des Armées à l’occasion de l’édition 2024 du salon de l’armement aéroterrestre EuroSatory.

Mais ce document recèle une surprise. « Conformément à la Loi de programmation militaire 2024-2030, 130 chars Leclerc seront rénovés d’ici la fin 2030 et quarante autres le seront fin 2035 », y lit-on. Sauf que la LPM en question donne d’autres chiffres et si l’on se fie à ceux donnés de ce document, il en manque 30… Erreur de transcription ou changement dans les plans initiaux de l’armée de Terre ?

Par ailleurs, le dossier de presse précise également que les « dix premières collections de kit de surprotection ventrale contre les mines et les engins explosifs improvisés et de kit de surprotection latérale contre les roquettes [anti RPG] ont été livrées mi-avril [soit un taux d’équipement prévu à 50 %] ».

En attendant, KNDS France a dévoilé, comme annoncé, le Leclerc Évolution [ou EVO] lors du salon EuroSatory. Ce char est doté d’une tourelle armée du canon ASCALON [Autoloaded and SCALable Outperforming guN], pouvant tirer des obus de 120 ou de 140 mm, d’un tourelleau ARX30, d’un viseur PASEO couplé à une mitrailleuse de 7,62 mm, d’un système de protection active Trophy et d’une capacité à mettre en œuvre des munitions téléopérées.

 

Quant à sa motorisation, elle repose sur le groupe motopropulseur MT883 KA-500 de l’allemand MTU, qui équipe le Leclerc « tropicalisé » utilisé par les forces émiriennes. Un avis budgétaire publié en octobre dernier recommandait justement d’intégrer ce dernier sur les Leclerc de l’armée de Terre afin de pouvoir les maintenir en service jusqu’en 2040.

Selon BFMTV, ce « nouveau Leclerc sera opérationnel en 2030 » et KNDS France aurait des discussions avec « plusieurs pays ». En outre, les actuels Leclerc « pourraient même être modernisés pour se transformer en modèle Évolution ».

La DGA sélectionne le système de contrôle aérien mobile de Collins pour l’Armée de Terre

La DGA sélectionne le système de contrôle aérien mobile de Collins pour l’Armée de Terre

Avec cette signature, l’Armée de terre française disposera bientôt d’un système moderne capable de guider des avions et hélicoptères vers une piste improvisée ou encore un aéroport aux installations détruites. En plus d’être un système moderne, il peut être aérotransporté vers le dit aéroport à l’aide d’un seul avion de transport tactique C-130 ou A400M.


Ce 17 juin, à l’occasion du salon Eurosatory 2024, la Direction Générale de l’Armement a annoncé avoir sélectionné Collins Aerospace, filiale de RTX, pour fournir des tours de contrôle mobiles. Dénommé Air Traffic Navigation Integration and Coordination System (ATNAVICS), ce système se concentre uniquement sur deux véhicules, à savoir HMMWV (Humvee) équipé de plusieurs capteurs et un HUMMWV de commandement et de contrôle. Le premier emporte trois capteurs placés sur une palette :

  1. Un radar de surveillance (en bande S) d’une portée de 111 kilomètres (60 miles nautiques), une altitude de 9,1 kilomètres (soit 30 000 pieds) et avec une couverture à 360° (rotation toutes les 5 secondes). Ce dernier permet d’avoir une situation générale de l’espace aérien.
  2. Un radar secondaire IFF (en bande L), placé au-dessus de l’antenne du radar de surveillance. Il dispose des mêmes capacités que l’antenne de surveillance.
  3. Un radar d’approche de précision (en bande X). Une fois place, il est situé à l’arrière du véhicule et est fixe (15° d’azimut et -1 à 8° d’élévation). Sa portée effective est de 18,5 kilomètres (10 miles nautiques). Après la détection, l’identification amie, ce dernier radar permet de guider les appareils lors de leur approche sur la piste, ou du moins, sur la zone d’atterrissage avancée.
Le Humvee de détection du système ATNAVICS avec ses radars déployés.
Le Humvee de détection du système ATNAVICS avec ses radars déployés. © RTX

L’autre Humvee permet de rassembler en un seul endroit les différentes données détectées par le véhicule radar. Elles permettent alors à deux opérateurs de gérer la zone aérienne environnante. Les deux véhicules ne doivent pas être spécifiquement l’un à côté de l’autre : ils peuvent être éloignés de 975 mètres (max).

À noter que l’énergie nécessaire à l’utilisation des systèmes emportés sur les véhicules est directement transportée par ces mêmes véhicules. Ceux-ci tirent chacun une remorque équipée d’un groupe électrogène. Le tout, véhicules et remorques, rentre dans un seul avion de transport tactique C-130 Hercules ou A400M Atlas. Cette capacité de projection aérienne était centrale dans le développement de l’ATNAVICS car ce système doit permettre de créer un aéroport a peu près n’importe où : dans le cas d’une crise humanitaire ou d’opérations militaires, un aéroport aux infrastructures détruites ou même une simple prairie pourra recevoir des avions en toute sécurité grâce aux instructions précises venues du sol.

L’US Air Force, le Corps des Marines et l’US Army disposent tous de ce type de « tour de contrôle » mobile tactique (54 systèmes produits). Au sein de l’USMC, l’ATNAVICS a permis la mise à la retraite du Marine Air Traffic Control and Landing Systems (MATCALS). En France, il est plus que probable que les jours sont comptés pour le Système Polyvalent d’Atterrissage de Recueil de Télécommunication et d’Identification de l’Armée de Terre (SPARTIATE).

Poste de commandement de l'ATNAVICS de l'USMC déployé durant un exercice (17 juillet 2017).
Poste de commandement de l’ATNAVICS de l’USMC déployé durant un exercice (17 juillet 2017). © USMC

Veloce 330, une munition téléopérée pour aller au-delà de Larinae

Veloce 330, une munition téléopérée pour aller au-delà de Larinae

– Forces opérations Blog – publié le

Une nouvelle munition téléopérée a pris les airs en France. Baptisée « Véloce 330 », cette MTO de moyenne portée conçue par EOS Technologie est l’une des deux solutions retenues pour l’appel à projet Larinae, mais pas seulement. 

Une MTO véloce

« Il fallait quelque chose d’innovant ». Quelques mots suffisent au patron d’EOS Technologie, Jean-Marc Zuliani, pour résumer l’enjeu de l’appel à projet Larinae lancé en mai 2022 par l’Agence de l’innovation de défense (AID) et la Direction générale de l’armement (DGA). Lauréat, le trio formé avec KNDS France pour la charge militaire et TRAAK pour la navigation sans GPS est notifié en juin 2023 d’un contrat de développement. Conformément au calendrier imposé, le droniste bordelais dévoile la MTO Veloce 330 moins d’un an plus tard. 

« Désormais, l’utilisation de la MTO est devenue incontournable », observe Jean-Marc Zuliani. Les armées françaises en étant dépourvues, il s’agit donc d’aller vite. Les deux solutions retenues pour Larinae n’ayant que 18 mois pour parvenir au stade du démonstrateur apte à une première présentation étatique. « Il nous aura fallu moins de cinq mois en partant d’une feuille blanche pour arriver à des vols satisfaisants », indique le directeur général d’EOS. 

Le Veloce 330 vole depuis plus de deux mois. Inédite, sa forme relève davantage du fuselage autoporteur que de l’aile volante. « Cela veut dire que nous avons la finesse d’un planeur mais la capacité d’emport d’un avion », relève Jean-Marc Zuliani. De quoi permettre d’aller très vite et très loin. Et véloce, cette MTO l’est sans aucun doute. Avec des pointes de 400 à 500 km/h, elle peut théoriquement neutraliser un véhicule blindé lourd à 100-120 km de distance en moins de 30 minutes. Pour cela, elle emporte une charge génératrice de noyau dont la quantité d’explosif s’apparente à celle d’une munition d’artillerie de 155 mm et dont la conception s’inspire de l’obus de précision Bonus Mk II. Bref, « c’est un vrai missile low-cost ». 

Sa vélocité, cette munition la doit en grande partie à la micro-turbine fournie par ALM Meca. Entre cet usinaire de précision basé à Strasbourg et EOS, les similitudes sont nombreuses. Derrière une taille similaire et un esprit entrepreneurial audacieux, leurs patrons partagent la passion de l’aéromodélisme. Plutôt que de continuer à aller chercher des solutions en Chine, celui d’ALM Méca a choisi de mettre à profit 30 années d’expérience dans l’usinage de précision pour fabriquer des turbines plus puissantes et plus frugales mais à coût mesuré.

Reste la question de la furtivité. Si elle est moins discrète que ses pairs à hélices, le Veloce 330 compense le bruit par la vitesse. À plus de 400 km/h, toute esquive semble en effet impossible pour un blindé de plusieurs dizaines de tonnes. « Quand tu l’entends, c’est déjà trop tard », expliquait un militaire ukrainien au patron d’EOS. Difficile, pour ne pas dire impossible, tant pour l’oeil humain que pour les systèmes de défense anti-aérienne de verrouiller à temps cette MTO capable de manoeuvrer à basse altitude. 

Concluants, les essais permettent de progresser à grands dans la dronisation de la MTO, jalon intermédiaire vers une démonstration étatique programmée pour septembre prochain. L’aboutissement interviendra au printemps 2025, date butoir pour démontrer une MTO dotée de sa charge militaire. Un jalon qui pourrait être avancé à décembre, certains acteurs poussant à accélérer « parce que la demande internationale est encore plus pressante que la demande française ». 

Voler au-delà de Larinae

S’il aura permis à la BITD française de mettre le pied à l’étrier, le projet Larinae se limite au développement d’un démonstrateur et n’inclut donc pas de passage à l’échelle. Et si le segment courte portée du projet Colibri fait l’objet d’un appel d’offres à l’issue imminente, celui de Larinae devra encore attendre pour être traduit en acquisition. Ce devra l’être un jour, car l’armée de Terre compte bien se doter de ce type de MTO pour armer ses régiments d’artillerie « à l’horizon 2028 » selon son chef d’état-major, le général Pierre Schill. 

Bien qu’au coeur de Larinae, le Veloce 330 dépasse d’emblée ce seul cadre. Jean-Marc Zuliani est un adepte de la stratégie dite « Océan bleu », ce concept incitant à créer une nouvelle demande dans un espace encore inconnu plutôt qu’à améliorer ou copier l’ « Océan rouge » des solutions existantes. Plutôt que de se battre avec les mêmes produits que la concurrence, EOS « essaie d’être à côté » pour mieux capter les opportunités d’un marché émergent. 

Le pari comprend sa part de risques, mais EOS ne manque pas d’idées pour les atténuer. En parallèle à l’équipe de Larinae, EOS a rejoint l’écosystème de PME et de start-ups construit depuis l’an dernier par Thales. Baptisée « Drone Warfare », l’initiative fédère les savoir-faire de plateformistes et d’équipementiers français reconnus pour répondre collectivement mais avec agilité à l’évolution rapide du besoin dans le segment des drones de contact. Quand certains dronistes privilégient la maîtrise de l’ensemble du système, EOS a choisi de se concentrer sur le vecteur. Pour creuser son propre sillon, il mise sur un Veloce 330 modulaire et agnostique tant sur ses charges utiles que sur sa propulsion, et répond par là au souhait ministériel de déboucher sur des MTO qui ne soient pas dépendantes d’un seul acteur.

Tout en conservant sa structure en matériaux composites, le Veloce 330 pourra ainsi accueillir non seulement la tête militaire produite par KNDS France, mais aussi celles en provenance de Thales et, « pourquoi pas de MBDA » relevant de technologies différentes et générant des effets différents. Réciprocité oblige, la logique s’étend au second groupement retenu pour Larinae, dont la solution MUTANT est en mesure d’accueillir la tête de KNDS. EOS fera aussi varier les motorisations. L’ajout d’une propulsion électrique et de bras spécifiques pour un décollage vertical (VTOL) étendra le domaine d’emploi, le Veloce devenant un drone capable de faire de l’observation. « On peut aussi remplacer la turbine par une motorisation à essence plus classique, pour disposer cette fois d’une très grande élongation et aller dans des profondeurs de 500 à 600 km ». 

EOS voit un peu plus loin. De ses échanges avec les forces ukrainiennes, celui-ci en retire deux constats : « GNSS is dead, data link is dead ». La question n’est donc plus de savoir si la munition sera brouillée mais de trouver le moyen de poursuivre la mission malgré le brouillage. Larinae permet donc d’explorer d’autres voies, dont celle d’une intelligence artificielle capable de reconnaître le terrain, de confirmer la cible et d’éventuellement annuler la mission. Quelques-uns y pensent déjà, à l’instar de Thales et de sa solution VisioLoc Air. 

À l’instar de sa MTO, EOS souhaite aller vite. Aller vite pour développer, tester, réaliser la preuve de concept dans les forces et, in fine, encourager le raccourcissement d’un cycle qui prendrait en temps normal de cinq à huit ans quand, aujourd’hui, les belligérants sur le front russo-ukrainien ou dans la bande de Gaza déploient une nouvelle idée en cinq à huit semaines. Aux opérateurs, maintenant, de laisser sa chance au produit. « Faites l’acquisition de petites quantités. Testez-les et rendez-vous compte d’à quel point cela change tout », lance le patron d’EOS. À bon entendeur…

Crédits image : EOS Technologie

Le Japon se joint à la France et à l’Allemagne pour développer un canon électromagnétique

Le Japon se joint à la France et à l’Allemagne pour développer un canon électromagnétique

https://www.opex360.com/2024/06/01/le-japon-se-joint-a-la-france-et-a-lallemagne-pour-developper-un-canon-electromagnetique/


Le principe d’une telle arme consiste à faire circuler entre deux rails conducteurs un courant très intense, associé à un champ magnétique. Grâce à la force de Laplace, un projectile conducteur placé entre ces deux rails subit alors une forte accélération, au point d’atteindre une vitesse de Mach 5 et de parcourir une distance d’environ 200 km.

Cependant, si cela semble facile en théorie, il en va tout autrement en pratique car la mise au point d’un tel canon suppose de relever plusieurs défis technologiques [contraintes mécaniques, matériaux, sources d’énergie, etc.]. L’US Navy a lancé des travaux pour se doter d’une arme électromagnétique dès le début des années 2000. Seulement, faute de crédits suffisants, son projet tourne au ralenti.

En attendant, il est suffisamment avancé pour intéresser le ministère japonais de la Défense, dont l’Agence dédiée aux acquisitions, à la technologie et à logistique [ATLA] développe un canon électromagnétique depuis 2016. En effet, la semaine passée, il a été rapporté qu’un responsable de cette structure avait été envoyé auprès de l’Office of naval Research [ONR] afin de bénéficier de son expérience en la matière.

« Il y a beaucoup à apprendre car beaucoup d’argent a été investi dans la recherche et de nombreux prototypes ont été réalisés », a ainsi justifié un haut responsable de l’ATLA, dans le pages du quotidien The Japan Times.

Cela étant, le Japon s’intéresse également aux travaux menés en Europe, en particulier par l’Institut de recherches franco-allemand de Saint-Louis [ISL], qui fut retenu en 2020 pour coordonner le projet PILUM [Projectiles for Increased Long-range effects Using ElectroMagnetic railgun], dans le cadre du Programme de recherches Action préparatoire sur la recherche en matière de défense [PADR] de l’Union européenne [UE].

En effet, le 30 mai, l’ISL a indiqué que les ministères japonais, français et allemand de la Défense venaient de signer un accord de type TOR [termes de référence] « ouvrant la voie à une coopération » sur la technologie des armes électromagnétiques.

« Les installations de canon électromagnétique à rails de l’ISL sont uniques en Europe », explique l’institut franco-allemand. Celui-ci dispose de « plusieurs démonstrateurs en laboratoire », dont le canon NGL-60 [New Generation Launcher], un lanceur de calibre 60 mm capable de tirer des projectiles de l’ordre du kilogramme, et le canon RAFIRA [RApid FIre RAilgun], un lanceur de calibre 25 mm pouvant tirer des salves de projectiles de petit calibre à des cadences de tir extrêmement élevées ».

De son côté, l’an passé, l’ATLA a effectué, pour la première fois au monde [en théorie, du moins, car on ignore l’état d’avancement des projets chinois dans ce domaine, ndlr] un essai de « tir avec canon électromagnétique » depuis un navire de la Force maritime d’autodéfense japonaise. A priori, cette arme afficherait une puissance d’au moins 5 mégajoules, ce qui est suffisant pour tirer des projectiles d’un calibre de 40 mm [pour 320 grammes] à la vitesse de 2230 m/s [soit Mach 6,5].

À noter par ailleurs que les armes électromagnétiques ne constituent pas le seul centre d’intérêt du Japon en Europe étant donné que celui-ci a récemment obtenu le statut d’observateur au sein de l’EuroDrone, le programme de drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] européen.

Top départ pour le renouvellement des systèmes de franchissement de l’armée de Terre

Top départ pour le renouvellement des systèmes de franchissement de l’armée de Terre

par – Forces opérations Blog – publié le

Un second essai concluant pour SYFRALL ? Une douzaine d’années après un premier appel d’offres infructueux, le ministère des Armées relance officiellement la compétition pour le renouvellement des moyens de franchissement de coupures humides de l’armée de Terre. 

Après la demande d’information émise en 2021, place à la mise en concurrence en bonne et due forme. Son objet ? Le développement et la fourniture d’au maximum une vingtaine de systèmes de franchissement léger lourd (SYFRALL). Conduit par la Direction générale de l’armement, cet appel d’offres européen débouchera sur un marché composé d’une tranche ferme et de tranches optionnelles. 

Destiné à remplacer les engins de franchissement de l’avant et ponts flottants motorisés, un système SYFRALL sera composé de portières de classe MLC 40R et MLC 85C/100R et des ponts de classe MLC 85C/100R, le tout embarqué sur camion porteur protégé ou non. De quoi permettre à toute la gamme de véhicules SCORPION ou à un char Leclerc rénové de traverser rivières, lacs et autres fleuves. Tous les régiments du génie en seront dotés, à l’image d’un 3e régiment du génie au sein duquel sera créée une section de franchissement.

Le ministère des Armées semble cette fois déterminé à matérialiser des réflexions lancées il y a deux décennies. Entre la DI et le lancement de la procédure d’acquisition, de l’eau a coulé sous les ponts. Non seulement les systèmes en service ont près de 40 années de service au compteur, mais le conflit russo-ukrainien aura aussi mis en lumière l’urgence de renforcer les moyens d’appui à la mobilité, axe d’effort parmi d’autres identifiés par le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, dans un document publié l’an dernier. 

Depuis, une nouvelle loi de programmation a été adoptée pour la période 2024-2030. Un document grâce auquel SYFRALL a maintenant un cap : huit portières et 300 mètres de pont devraient être en service en 2030, une capacité portée à 2500 m à l’horizon 2035. Conduite selon une logique incrémentale, l’opération bénéficiera cette année d’une première ligne de 37 M€ en autorisations d’engagement. De quoi assurer le lancement en réalisation et notifier la commande des têtes de série. 

De source industrielle, les concepteurs de l’EFA et du PFM, CEFA et CNIM Systèmes Industriels, auraient décidé de combiner les forces pour mieux se positionner face à l’éventuelle concurrence française et étrangère. Un duo renforcé par Soframe et dont le pilier CSI planche depuis quelques années sur un PFM de nouvelle génération. 

Crédits image : cellule communication/6e RG

La France et l’Allemagne ont l’intention de nouer une coopération en matière de « frappes à longue portée »

La France et l’Allemagne ont l’intention de nouer une coopération en matière de « frappes à longue portée »

https://www.opex360.com/2024/05/30/la-france-et-lallemagne-ont-lintention-de-nouer-une-cooperation-en-matiere-de-frappes-a-longue-portee/


Parmi les arguments qu’ils ont avancés, les deux parlementaires ont notamment cité l’abandon ou la suspension de trois des cinq programmes majeurs lancés en 2017 par le président Macron et la chancelière Merkel. « Le programme de futur avion de patrouille maritime [MAWS] a été de facto abandonné à la suite de l’acquisition par l’Allemagne de cinq P-8A Poseidon auprès de Boeing. Les Allemands se sont également retirés du programme de modernisation de l’hélicoptère Tigre au standard 3. Enfin, le programme d’artillerie du futur « Common Indirect Fire System » [CIFS] a été repoussé à une date indéterminée », ont-ils détaillé.

Effectivement, le CIFS, qui prévoit le renouvellement des capacités en matière d’artillerie, ne se concrétisera pas avant 2045. Mais cela n’empêche nullement les industriels français et allemands de mener des travaux dans le cadre de projets financés par la Commission européenne, à savoir FIRES [Future Indirect fiRes European Solutions] et E-COLORSS [European COmmon LOng Range indirect Fire Support System], le second visant à « préparer une solution européenne » pour un nouveau lance-roquettes multiple.

Cela étant, le renouvellement des capacités terrestres de frappes dans la profondeur, qui reposent actuellement sur le LRU [Lance-roquettes unitaire] pour l’armée de Terre et le MARS II pour la Heer, est déjà engagé, la France et l’Allemagne suivant chacune leur propre voie.

Ainsi, la Direction générale de l’armement [DGA] a indiqué qu’elle lancerait un « partenariat d’innovation » afin de développer une capacité de « Frappe Longue Portée » et d’acquérir « au moins 13 » systèmes avant 2030. Pour ce projet, Safran s’est associé à MBDA tandis que Thales en a fait autant avec ArianeGroup. L’enjeu est de permettre à l’armée de Terre de frapper une cible située à 150 / 500 km de distance.

Côté allemand, d’après des documents évoqués en janvier par le Bundestag, il serait question d’une commande de systèmes EuroPULS, proposés par un tandem formé par KNDS Allemagne [ex-Krauss Maffei Wegmann] et Elbit Systems. En outre, MBDA Deutschland a développé le Joint Fire Support Missile [JFS-M], affichant une portée supérieure à 300 km et pouvant être mis en réseau.

À l’issue du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, qui a conclu la visite d’État que vient de faire le président Macron en Allemagne, l’Élysée a publié un déclaration commune selon laquelle Paris et Berlin ont affirmé leur volonté de « renforcer la sécurité européenne et, plus largement, euro-atlantique, notamment grâce à des capacités de défense européenne solides et crédibles ».

Aussi, poursuit le texte, « la France et l’Allemagne continueront à contribuer aux discussions sur le développement de l’industrie de défense européenne, à combler leurs lacunes stratégiques et à réduire leur dépendances technologiques et industrielles ». À ce titre, les deux pays ont annoncé qu’ils engageraient, « avec leurs partenaires », une « coopération générale et inclusive à long terme dans le domaine des frappes à longue portée », ce qui « suppose de renforcer la base industrielle et de défense européenne pour améliorer leurs capacités militaires ».

Ayant pourtant l’habitude de se faire l’interprète des intentions présidentielles, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, n’a guère été plus précis sur cette coopération « dans le domaine des frappes à longue portée ».

Cela étant, celle-ci avait été évoquée par Boris Pistorius, son homologue allemand, lors d’une conférence de presse commune donnée en mars dernier au sujet du Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System].

En effet, il avait indiqué avoir reçu un mandat pour faire « progresser le développement de missiles pour des frappes à longue portée ». Seulement, sollicité par le site spécialisé Hartpunkt pour avoir plus de précision, le ministère allemand de la Défense s’était refusé à faire le moindre commentaire.

Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont également rappelé « le rôle essentiel de la dissuasion nucléaire dans la sécurité de l’Europe et de l’Otan ainsi que le rôle dissuasif des forces nucléaires stratégiques indépendantes françaises et leur contribution importante à la sécurité globale de l’Alliance »… Enfin, il est aussi question « d’intégrer la brigade franco-allemande dans les plans de l’Otan ».

Renseignement : Le français Preligens dévoile une nouvelle solution d’IA pour l’imagerie satellitaire radar

Renseignement : Le français Preligens dévoile une nouvelle solution d’IA pour l’imagerie satellitaire radar

https://www.opex360.com/2024/05/07/renseignement-le-francais-preligens-devoile-une-nouvelle-solution-dia-pour-limagerie-satellitaire-radar/


En 2022, la Direction générale de l’armement [DGA] notifia à Preligens un contrat-cadre d’une valeur maximale de 240 millions d’euros sur sept ans, au titre du programme TORNADE [Traitement Optique et Radar par Neurones Artificiels via Détecteur], mené au profit de la DRM ainsi qu’à celui d’autres unités « tournées vers les opérations », comme le Commandement des opérations spéciales [COS] et le Commandement de la cyberdéfense [COMCYBER].

On aurait pu penser que l’avenir financier de l’entreprise allait être assuré. Seulement, selon le quotidien Les Échos [édition du 18 mars], le ministère des Armées n’a pas reconduit deux « contrats clés » dans l’imagerie radar et optique, « faute de moyens ou d’intérêt d’emploi ». Or, ils représentaient près de la moitié du chiffre d’affaires de Preligens. Afin de disposer des moyens nécessaires à son développement [et à sa pérennité], cette « pépite technologique » s’est mise en quête d’un repreneur, qui pourrait être Safran [Thales s’est mis en retrait et il est exclu de recourir à un investisseur non européen].

En attendant, Preligens continue à élargir sa gamme de solutions afin de trouver de nouveaux clients. Ainsi, ce 7 mai, l’entreprise a annoncé le lancement de « nouveaux détecteurs d’intelligence artificielle optimisés pour détecter et classer tout objet d’intérêt militaire sur imagerie satellite SAR [Synthetic Aperture Radar] ».

Et d’ajouter : « Ces détecteurs innovants combinent le savoir-faire de pointe de Preligens en matière d’analyse d’images optiques à de nouvelles capacités d’analyse SAR. Est ainsi redéfini l’état de l’art du traitement multispectral par IA pour la communauté de la défense et du renseignement ».

Combinée aux satellites de reconnaissance optique, comme ceux de la constellation française CSO, cette capacité permettra d’assurer une couverture permanente des sites intéressant le renseignement militaire, les engins en orbite dotés d’un radar à synthèse d’ouverture [RSO] collectant des données quelles que soient les conditions météorologiques.

« Nos clients, qui apprécient déjà les performances de nos détecteurs en opération, ont exprimé le besoin de capacités complémentaires de surveillance par toutes conditions météorologiques 24h sur 24, qu’offre l’imagerie SAR. Nous savons que les images optiques sont plus intuitives, elles sont aussi utilisées comme référence par les analystes, nous avons donc décidé d’aborder l’analyse SAR en combinant, de manière innovante, les informations contenues dans les images optiques et de SAR », a expliqué Jean-Yves Courtois, le PDG de Preligens.

« Cette annonce souligne notre volonté de repousser les limites de l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle géospatiale et notre engagement à offrir à nos clients les solutions les plus performantes qui correspondent à leurs besoins », a-t-il ajouté.

Pour mettre au point cette nouvelle solution, Preligens a noué un partenariat avec la société Capella, ce qui lui a permis d’accéder à un important volume d’images SAR de haute qualité. Cela lui ainsi permis de développer un « détecteur d’aéronefs » ayant « déjà démontré d’excellentes performances », a-t-elle indiqué. « D’ici la fin de l’année, sera également engagé le développement d’un détecteur de navires », a-t-elle précisé.

Justement, dans le domaine naval, plus précisément dans celui de la guerre sous-marine, Preligens a d’autres projets en cours, comme celui consistant à analyser les signaux acoustiques grâce à l’IA.

Au moment de la création de l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de Défense [AMIAD], le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait évoqué des « premiers essais en matière d’IA appliquée à l’acoustique sous-marine […] bouleversants ».

A PROPOS DU MGCS (EPISODE…..)

A PROPOS DU MGCS (EPISODE…..)

par Blablachars – publié le 6 mai 2024

https://blablachars.blogspot.com/2024/05/a-propos-du-mgcs-episode.html


Vendredi dernier, les ministres concernés ont signé l’accord d’engagement de la phase 1A du programme MGCS. Cette « véritable étape » selon Boris Pistorius dans le développement de cet engin qui ne sera pas « le char du futur, mais le futur du char » selon Sébastien Lecornu a entrainé la publication de nombreux commentaires et vues d’artiste,  qui ont permis à l’imagination de chacun de se faire une idée de la « gueule » ce futur système de systèmes. L’accord de vendredi a également livré de nombreuses informations sur ce programme. Fidèle à ses habitudes, c’est après quelques jours de réflexion que Blablachars vous livre aujourd’hui ses commentaires sur le sujet, ajoutant ce nouveau post aux nombreuses publications du blog complétement blindé consacrées à cet engin.

Cet accord succède à une longue série de rencontres, de réunions et d’étapes décisives qui ont émaillé la vie de ce programme depuis son lancement en 2017. A cette occasion, la rhétorique employée de part et d’autre du Rhin a été quelque peu différente. Pour Sébastien Lecornu, c’est donc « le futur du char » que les deux pays veulent construire ensemble, précisant que « les Américains n’ont toujours pas commencé à réfléchir » au successeur de leur char Abrams, oubliant au passage le développement de l’Abrams X ou du M1E3, dont la mise en service précédera certainement celle du futur engin franco-allemand. Autre victime de la parole ministérielle, le T-14 avec lequel les Russes « ont essuyé des échecs » qui, en dépit de ses réelles difficultés représente une synthèse intéressante des avancées en matière de char, pour qui veut bien le considérer de façon objective, c’est à dire indépendamment de l’action des forces armées russes en Ukraine. Du côté allemand, le ton employé par Boris Pistorius est quelque peu différent, rappelant que le document signé devra passer par le comité des Finances du Bundestag et que « ce projet dépend du soutien des parlementaires« , comme tous les projets d’un montant supérieur à 25 millions, avant de rassurer son auditoire en précisant qu’il n’avait « aucun doute » sur le fait qu’il sera approuvé. Pour le ministre allemand, « il reste un long chemin à parcourir avant la mise en oeuvre, mais une étape importante a maintenant été franchie » même s’il reconnait qu’elle a été « précédée de plusieurs mois de négociations. » La différence de ton entre les deux ministres résume à elle seule la différence d’appréciation entre les deux partenaires et le futur du programme. Du côté français, on insiste sur le caractère disruptif et novateur du futur engin qui devra renvoyer dans les méandres des bureaux d’étude ses concurrents potentiels. Du côté allemand, le côté technologique est occulté au profit de l’aspect politique du programme, soumis à une indispensable approbation parlementaire. 

La signature de l’accord franco-allemand le 26 avril dernier

A côté de cette différence de commentaires, l’accord de vendredi nous apprend également que le ménage franco-allemand commencé à deux, puis élargi à trois est désormais un quatuor avec l’arrivée annoncée de Thales. La participation du géant français de la défense au programme MGCS avait déjà été évoquée il y a un an, à l’occasion des négociations sur la mise en place de la MILSA (MGCS Industrial Lead System Architecture). Pour cette étape la firme française présentait une double candidature, l’une sous son propre nom et l’autre au sein de la société TNS Mars créée en 2007 pour le programme Scorpion et au sein de laquelle on retrouvait Thales, Nexter et Safran. L’annonce de la prochaine étape du programme par le DGA (Délégué Général pour l’Armement) qui devrait intervenir dans les prochains mois nous apprend la création d’une structure chargée de conduire les activités industrielles. Si on connait la constitution de cette future entité baptisée « Project Company » qui doit réunir KNDS France et Allemagne, Rheinmetall et Thales SIX GTS, la création de cette société laisse en suspens de nombreuses interrogations relatives à la part des industriels concernés dans la réalisation des huit piliers et de l’élargissement éventuel du programme à un pays supplémentaire. Ce dernier point a d’ailleurs été évoqué par Boris Pistorius qui a indiqué que l’ouverture de MGCS à d’autres partenaires européens pourrait intervenir « sans doute plus tôt que prévu« , et « [qu’] il faut aller chercher d’autres partenaires« . On peut faire confiance à Berlin dont le leadership sur le programme a été officiellement reconnu, pour admettre dans ce projet des partenaires ad hoc, de préférence utilisateurs actuels ou futurs du Leopard et clients potentiels du futur engin, fidèle à la logique commerciale dans laquelle le MGCS doit s’inscrire. En dépit de ces interrogations, l’arrivée d’un quatrième partenaire français reste une bonne nouvelle et donne à ce projet un aspect plus équilibré, au moins sur le papier.  

Les huit piliers du programme MGCS

La communication qui a suivi la signature du MoU (Memorandum of Understanding) vendredi a permis de découvrir les huit piliers de ce programme et leur répartition entre les deux pays. Outre, le sursis accordé au règlement de l’épineuse question de de la fonction feu, la répartition présentée permet de constater que ce partage, mathématiquement équilibré recèle une importante dissymétrie dans la répartition. On s’aperçoit que les Allemands se sont appropriés deux des trois fonctions au coeur de la conception d’un char, à a savoir la mobilité et la protection, la troisième étant la fonction feu. Tous les chars sont le résultat d’un arbitrage entre ces trois fonctions effectué par les bureaux d’étude en fonction des demandes des militaires. Cette « attribution » à l’Allemagne de deux des trois fonctions essentielles du futur char n’augure rien de bon pour les arbitrages futurs, dans lesquels la partie allemande aura la primauté et pourrait ainsi imposer sa vision de la fonction feu.

RH-130 / 52 de Rheinmetall

Concernant cette dernière, il serait ici trop long de se lancer dans un comparatif entre les deux solutions proposées, Il suffit juste de se replonger dans l’histoire, pour (re)découvrir que le dernier projet de char franco-allemand avait échoué sur la question de la fonction feu, et plus précisément celle du canon. Dans ce projet initié à partir en 1956, les deux pays avaient chacun une solution, à savoir le canon de 105mm Cn-105-F1 pour la France et le canon L7 britannique pour l’Allemagne. A l’automne 1963, des évaluations placées sous la présidence  d’un colonel de l’armée blindée italienne se déroulent pour la partie tactique sur le camp de Mailly et à Bourges et Satory pour le volet technique. Le résultat de ces évaluations est résumé par le directeur de la Section technique de l’armée : « Si la supériorité du char AMX 30 a été nette et incontestable sur le plan de l’armement, il convient d’être plus prudent sur le plan du châssis, le char allemand ayant fait preuve de qualités de mobilité au moins égales à celles de son concurrent français ». En dépit de ce résultat, les Allemands accordent d’importants financements au développement du Standardpanzer (futur Leopard 1) armé du canon L7 et enterrent de facto le projet franco-allemand ! Cet éclairage « historique » doit amener à envisager avec beaucoup de prudence et de circonspection les futurs essais comparatifs annoncés pour l’armement principal du MGCS. 

Le canon Ascalon de KNDS France

Dans ce domaine, les premiers « coups » portés au canon français l’ont été par l’Office fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr [BAAINBw]  pour qui « le canon de 120 millimètres qui a la cote aujourd’hui n’a plus aucun potentiel de croissance« . Cet argument est exactement le même que celui présenté par Rheinmetall lors de la présentation du canon de 130mm en 2016 et repris lors de la dernière édition du salon Eurosatory, à l’occasion de la présentation du KF-51. L’organisme allemand souligne également la nécessité de  » trouver une arme puissante pour donner à des projectiles plus lourds une vitesse initiale plus élevée » reprenant sans les mentionner les arguments de la firme de Düsseldorf selon laquelle  une augmentation de calibre de 8% représente une augmentation de 50% des performances. La future compétition entre le Rh-130 allemand et l’Ascalon français pourrait être en outre être impactée par la très probable arrivée d’une ultime version du Leopard 2, évidemment équipée du canon de 130mm. Le développement de cette dernière déclinaison du best-seller allemand permettrait de combler le vide séparant le Leopard 2A8 de la mise en service du MGCS, dont les premiers exemplaires de série devraient apparaitre en 2045, soit dans une vingtaine d’années. Le développement de ce « char intermédiaire » permettrait également de démontrer les possibilités d’intégration du canon de 130mm sur les engins existants, pourrait entrainer une « généralisation » de ce calibre dans les armées européennes. Précédée par une commande de la Bundeswehr, elle permettrait d’inscrire cet engin et son canon dans le paysage blindé européen et faciliter la commercialisation du MGCS. Les seules interrogations subsistant autour de ce futur char résident dans la répartition des tâches entre les deux industriels allemands. En effet, s’il est quasiment certain que ce futur Leopard sera équipé d’une tourelle Rheinmetall, l’origine de son châssis reste plus incertaine. Pour celui-ci deux équipements sont envisageables : celui du Leopard 2 (propriété de KNDS Allemagne) et celui du Buffalo ARV (Armoured Recovery Vehicle) sur lequel Rheinmetall possède les droits de propriété intellectuelle et qui devrait servir de base au KF-51 EVOEn dépit du recul de l’échéance, le choix de l’armement principal du MGCS risque bien d’être un sujet de discorde entre les deux partenaires, à moins que l’un des deux ne capitule pour sauver le projet ! 

KF-51 EVO

Toutes ces informations relatives à « ce futur du char » ont eu le mérite de remettre (brièvement) cet engin et sono évolution sur le devant de la scène. Quelque soit l’avenir de ce programme, il est désormais urgent pour la France de réintroduire le char dans le débat et la pensée militaire. Au moment où la France s’engage de plus plus fortement dans le programme MGCS, il serait hautement souhaitable de recréer les conditions favorables à l’émergence d’une véritable réflexion « pluridisciplinaire » sur la chose blindée, qui puisse permettre à notre pays de se doter d’un « char employable » selon les termes de Marc Chassillan. L’urgence à faire émerger une telle structure est à la hauteur des défis qui se posent à notre armée et des investissement que la France se prépare à consentir pour le développement du MGCS. Celui-ci impose une véritable modernisation du Leclerc, rendue indispensable par le calendrier du programme franco-allemand et le retard que le char français est en train de prendre, malgré ses qualités fondamentales et ses performances initiales. La mise sur pied d’une telle structure répondrait également aux voeux du CEMAT pour qui ce « processus à l’œuvre derrière tout projet capacitaire : celui d’une maturation […] où ce temps consacré à préparer le projet est un gage de stabilité et de réussite, […] à l’abri du tempo et du fracas médiatique » sans oublier les rigidités culturelles qui ont empêché l’émergence de toute réflexion depuis plusieurs décennies.

L’État commande des prestations à longs délais d’approvisionnements pour le futur PA-NG

L’État commande des prestations à longs délais d’approvisionnements pour le futur PA-NG

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 30 avril 2024

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Comme l’avait annoncé le ministre des Armées dans un récent post sur X (voir ci-dessus), Naval Group et TechnicAtome ont été notifiés, le 26 avril par la Direction générale de l’armement (DGA) et le CEA, du premier marché dit « pré-DLR » du porte-avions de nouvelle génération (PA-NG).

Ce marché permet d’engager les premiers travaux de réalisation des chaufferies nucléaires, qui se dérouleront de 2024 à 2029. Le marché dit de « pré-DLR » (DLR : décision de lancement en réalisation) démarre en parallèle des études d’avant-projet en cours, et concerne les développements et les fabrications à long délais des chaufferies nucléaires, en amont de la décision de lancement en réalisation du PA-NG.

Deux sites de Naval Group seront particulièrement concernés par ces activités :
Cherbourg pour la réalisation des enceintes de confinement, 
Nantes-Indret pour la réalisation des capacités principales des chaufferies.

En parallèle, TechnicAtome accueillera sur le site de Cadarache les premiers prototypes d’équipements des deux chaufferies nucléaires K22. Les infrastructures industrielles et les moyens de production seront modernisés pour répondre aux enjeux industriels de ce programme.

Par ailleurs, les Chantiers de l’Atlantique (Saint-Nazaire) ont aussi été notifiés d’une commande pour les prestations à longs délais d’approvisionnements du PA-Ng. Cette commande permettra l’adaptation de l’outil industriel nazairien en vue de la phase de construction. 

Selon le ministère des Armées, « cette commande de 600 millions d’euros mobilisera largement l’industrie nationale et irriguera un vaste tissu industriel de sous-traitants de la filière nucléaire. Les travaux d’Avant-projet détaillé (APD), lancés en avril 2023, se poursuivent et conduiront au lancement de la construction du porte-avions de nouvelle génération prévu entre fin 2025 et début 2026.«