Exercice Yellow Guardian : construire l’interopérabilité entre unités de reconnaissance et de renseignement
Environ 600 militaires et véhicules belges, français, luxembourgeois et néerlandais sont à pied d’oeuvre depuis ce lundi dans le sud-est de la Belgique. Le double objectif de cet exercice baptisé « Yellow Guardian » ? Réaliser une mission de reconnaissance au contact tout en renforçant l’interopérabilité et le partage de connaissances entre unités de renseignement alliées.
Après un temps de préparation, l’essentiel de ce contingent conduit par les chasseurs à cheval belges a entamé sa progression au travers du massif ardennais. En trois jours, 350 à 400 spécialistes du renseignement auront parcouru une centaine de kilomètres pour parvenir au plus près de la première ligne ennemie. Leur mission principale ? Récolter de l’information sur la force adverse présente dans la zone et sur la praticabilité d’un terrain ardennais capricieux. Un travail essentiel d’observation pour permettre aux analystes du bataillon de générer un renseignement exploitable au profit, dans ce scénario, de la brigade.
Exercice multinational, Yellow Guardian repose pour moitié sur des détachements en provenance de pays alliés. Ce sont tout d’abord des éléments français du 1er régiment de spahis, du 61e régiment d’artillerie, du 2e régiment de hussards et du 54e régiment de transmissions. Voisin et partenaire régulier, le Grand-Duché de Luxembourg a envoyé un escadron au complet. Un peloton du 42e escadron de reconnaissance de la 13 brigade légère est venu des Pays-Bas pour compléter le dispositif. Face à eux, un adversaire « intelligent, flexible et très mobile » simulé par un escadron belge.
« C’est une première depuis longtemps », souligne le chef de corps du bataillon de Chasseurs à Cheval, le lieutenant-colonel BEM Jean-François Verheust. Traditionnellement proche du 1er RS, il l’a aussi été avec l’ex-commandement du renseignement (COM RENS). L’avènement de son successeur, le commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR), permet d’étendre un lien centré sur l’analyse vers des capteurs inexistants dans l’arsenal belge. C’est le cas de systèmes de guerre électronique propres au 54e RT, par exemple, qui permettront de caractériser l’empreinte électromagnétique de la force amie, de relever les éventuels écueils et erreurs et de contribuer à disparaitre des radars.
Organiser un exercice comme Yellow Guardian allait de soi, « parce que cela fait plusieurs années que nous n’avons plus eu l’occasion de nous entraîner ensemble dans un contexte qui a quelque peu changé ces dernières années », rappelle le LCL Verheust. De fait, les missions de maintien de la paix en théâtre sahélien ont laissé place aux opérations de réassurance sur flanc oriental de l’Europe, avec tout ce que la résurgence d’un adversaire à parité comporte comme menaces nouvelles ou à redécouvrir.
Il devenait impératif pour ceux qui sont « vos yeux et vos oreilles sur le champ de bataille » de travailler les métiers spécifiques dans un environnement plus transparent donc moins permissif. Sans doute moins prégnante auparavant, la discrétion redevient la norme. « Avant, on disait souvent que, quand une force de reconnaissance tire, c’est qu’elle a raté son objectif principal », rappelle le LCL Verheust. Pour des troupes légères dotées d’armement tout aussi légers, se dissimuler est donc la meilleure option pour éviter tout contact direct avec un ennemi souvent plus « musclé » et le désengagement dare-dare qu’il nécessiterait.
« Nous allons tester différents procédés tactiques. Les Français ne travaillent pas comme les Luxembourgeois et ne travaillent pas comme nous. Cela permettra de voir comme nous pouvons intégrer tout cela étant donné que, de plus en plus, nous travaillons dans un contexte multinational », observe le LCL Verheust. Les challenges ne manquent pas, des liaisons entre systèmes d’information nationaux aux différences entre capteurs et processus d’analyse de l’information. « Les senseurs que les Français amènent sont différents des nôtres, cela ajoute un peu de complexité ». Et le spectre s’étend à des sujets qui regagnent en substance, dont celui d’un volet logistique assuré par la Belgique. Le temps des retours d’expérience viendra, mais le commandant des chasseurs se veut confiant : « Nous verrons vers quoi cela évolue, mais je crois qu’il y a de belles choses à faire ensemble ».
Yellow Guardian intervient sur fond de transformation pour les chasseurs à cheval. S’il n’est pas le premier concerné par le partenariat franco-belge « Capacité Motorisée » (CaMo), sa structure, son matériel et ses savoir-faire seront partiellement adaptés pour renforcer l’interopérabilité avec l’armée de Terre. Le rapprochement concerne l’ensemble du bataillon mais à des degrés variables afin de permettre au bataillon de continuer à oeuvrer tant en appui de la brigade motorisée que du régiment des opérations spéciales (SORegt).
L’effort principal relève de la transformation de l’escadron Alpha en escadron de renseignement au contact (ERC). Une bascule dans laquelle les liens construits avec le 1er RS s’avèrent précieux « car ils ont des capacités que nous devons développer ici en Belgique ». Pour l’instant, il s’agit de faire comme les Spahis mais à partir d’équipements différents, à l’image des blindés légers Falcon perçus en remplacement des véhicules 6×6 Pandur. La perspective d’un contact plus « musclé » demande par ailleurs de revoir l’armement des pelotons, notamment par l’ajout d’une arme antichar débarquée.
Demain, les chasseurs à cheval entreront eux aussi dans la bulle SCORPION par l’entremise du système d’information associé (SICS), mais pas uniquement. Véhicule de transition, le Falcon doit à terme s’effacer au profit d’un véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) développé en franco-belge. Les autres escadrons conserveront le Dingo et le Pandur rénové. Si rien n’est aujourd’hui prévu pour remplacer ce dernier, un virage vers le Serval ne serait pas exclu pour renouveler une partie du parc. De fait, plusieurs versions potentiellement utiles à cette unité spécialisée se profilent à l’horizon, à l’instar du Serval SA2R (surveillance, appui, renseignement et reconnaissance). Voire, si le budget le permet, sa variante de guerre électronique.
Crédits image : Jérémy Smolders – Bataillon de Chasseurs à Cheval